Nahysse_algedor
Coeur du Marais
Elle avait quitté le chateau abandonné de famille, comme l'on laisserait derrière soi l'enveloppe dépouillée de vie. Un monceau de pierres vide et la nourrice qui la cherchera. Elle a vu sa mère emportée comme une prisonnière.Avec ses blessures et elle est restée dans la pièce silencieuse.
Se sentant si inutile, si insignifiante, presque transparente, reléguée à sa condition d'enfant qui n'acquèrera le droit à l'importance...Qu'une fois devenue grande. Les pas se sont enfuis dans le corridor, plantée dans le lit parental, avec le coeur en friche, regardant son père qui n'a pas eu un geste pour empecher ça et avec dans la gorge tant de questions restées lettres mortes, brisées à l'ecueil de ce monde des adultes et dont les portes se refusent. Comme elle regardait par la fenêtre la voiture s'eloigner, ne comprenant pas, baignant dans cette incompréhension où il est question de Roy, de crime.Gardant sur sa joue cette douce chaleur d'un baiser maternel, une empreinte devenue le seul lien tangible.
La soirée s'est passée immuable entre cajolages de servantes, bol de soupe, le lait chaud et le coucher, la chambre trop grande pour elle, ses ombres sur les murs, animées des griffes qui dansent dehors, juste des branches qui une fois venue la nuit...et le plancher qui grince. Nahysse comme souvent a trouvé refuge sous son lit, avec son poupée pour pas que le monstre puisse la manger ou l'emporter...Comme sa mère qui n'est pas venue la border.
Elle a découvert pour la première fois l'effroyable sentiment de manque, d'abandon et de solitude et a pensé pour s'empecher de pleurer, c'est l'occupation phare de son existence, sevrée d'echanges elle se forge son univers à elle, s'invente des lendemains. Le vieux palefrenier venu réchauffer ses os au foyer de la grande cuisine. Il lui a raconté le Marais, à l'habitude les légendes du pays, ce qu'on peut découvrir dans les brumes, tout ces contes qui forgent l'histoire d'une région.
Alors Nahysse minuscule dans l'aube nouvelle a quitté la maison, pour aller découvrir cet endroit magique. Personne n'a fait attention à la silhouette qui s'eloignait, le pas vif, décidé comme l'enfant qui dans son jeu s'en part à la guerre. Elle a trouvé le vieil homme et son canot, a payé son passage d'une belle tranche de lard. Il n'a dit mot se contentant de rabattre la capuche sur ses cheveux en lui disant en patois qu'elle risquait de prendre froid. Elle entend si souvent les grands parler, imprégnée et témoin de leurs conversations. Elle apprend donc l'oreille avide.
C'etait beau, blanc, gelé et vert parfois dans une trouée profonde d'eau, silencieux, elle a sauté sur l'autre berge s'enfuyant en riant; criant qu'elle allait retrouver sa mère quand le canotier a voulu savoir s'il devait attendre et de quel village ou hameau elle venait, qu'il ne fallait pas tarder trop, la nuit venant tôt. Elle l'a entendu ronchonner sur les marmots galopins et sur les parents...
Et elle a disparu dans la brume de cette humidité, bien décidée à disparaître pour de bon, pleine de rèves, emmitouflée dans sa capeline toute douce dedans et lustrée dehors pour pas que la pluie transperce.
Une enfant du pays venue s'inventer un avenir, croiser le fer avec les esprits mauvais qui hantent ces marais, voir une fée de l'hiver qi sait qi elle a de la chance.
Mais au plus profond, c'est une petite fille de cinq ans désemparée venue faire la guerre à l'ennui profond qui pare son existence.
Moi ze sais que c'etait pas le roi, même que le roi il fait des écus avec sa tête. Ze l'ai vu sur la piece que le curé il donne quand je travaille dans l'église, il a la tête en or le roi!! C'etait pas lui sinon je l'aurai vu briller sa tête dans la nuit. Les grands c'est que des menteurs...
Déjà posée dans cette clairière, laissant son monologue, sa vision des choses, ses déductions propre à son âge, elle s'imagine un décor, de cette buée blanche qui s'echappe elle est devenue Nahysse dragonne, soufflant son souffle de glace. Avec son baton, elle découpe le brouillard, cherchant ce qu'il abrite. Peut être ce qu'elle cherche...
Le vieux palefrenier l'a dit...
Dans les marais Poitevins qui peut savoir ce que les brumes cachent et laissent à découvrir...Pour le moment, une voix claire, flutée, grimpée sur l'un des nombreux rochers, haranguant son armée là en bas.
Je suis Nahysse la Dragonne, regardez comme je souffle la fumée.
Elle expire longuement le flot de l'eau vaporeuse sans savoir combien c'est mauvais pour elle et sa fragile complexion. Les joues roses, l'oeil pétillant.
Gare à toi le montre des chemins ou des marais, z'ai plus peur.
Regarde! Encore un peu je crache le feu sur toi et je fais fondre l'hiver!
A l'attaque! Je veux ma Maman!
Quelques oiseaux sédentaires s'offusquent de cette agitation venu troubler le feutré de la neige mais demeurant invisibles.
La bataille fait rage coulant de l'imagination fertile d'une gamine habituée à jouer seule.
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Elle avait quitté le chateau abandonné de famille, comme l'on laisserait derrière soi l'enveloppe dépouillée de vie. Un monceau de pierres vide et la nourrice qui la cherchera. Elle a vu sa mère emportée comme une prisonnière.Avec ses blessures et elle est restée dans la pièce silencieuse.
Se sentant si inutile, si insignifiante, presque transparente, reléguée à sa condition d'enfant qui n'acquèrera le droit à l'importance...Qu'une fois devenue grande. Les pas se sont enfuis dans le corridor, plantée dans le lit parental, avec le coeur en friche, regardant son père qui n'a pas eu un geste pour empecher ça et avec dans la gorge tant de questions restées lettres mortes, brisées à l'ecueil de ce monde des adultes et dont les portes se refusent. Comme elle regardait par la fenêtre la voiture s'eloigner, ne comprenant pas, baignant dans cette incompréhension où il est question de Roy, de crime.Gardant sur sa joue cette douce chaleur d'un baiser maternel, une empreinte devenue le seul lien tangible.
La soirée s'est passée immuable entre cajolages de servantes, bol de soupe, le lait chaud et le coucher, la chambre trop grande pour elle, ses ombres sur les murs, animées des griffes qui dansent dehors, juste des branches qui une fois venue la nuit...et le plancher qui grince. Nahysse comme souvent a trouvé refuge sous son lit, avec son poupée pour pas que le monstre puisse la manger ou l'emporter...Comme sa mère qui n'est pas venue la border.
Elle a découvert pour la première fois l'effroyable sentiment de manque, d'abandon et de solitude et a pensé pour s'empecher de pleurer, c'est l'occupation phare de son existence, sevrée d'echanges elle se forge son univers à elle, s'invente des lendemains. Le vieux palefrenier venu réchauffer ses os au foyer de la grande cuisine. Il lui a raconté le Marais, à l'habitude les légendes du pays, ce qu'on peut découvrir dans les brumes, tout ces contes qui forgent l'histoire d'une région.
Alors Nahysse minuscule dans l'aube nouvelle a quitté la maison, pour aller découvrir cet endroit magique. Personne n'a fait attention à la silhouette qui s'eloignait, le pas vif, décidé comme l'enfant qui dans son jeu s'en part à la guerre. Elle a trouvé le vieil homme et son canot, a payé son passage d'une belle tranche de lard. Il n'a dit mot se contentant de rabattre la capuche sur ses cheveux en lui disant en patois qu'elle risquait de prendre froid. Elle entend si souvent les grands parler, imprégnée et témoin de leurs conversations. Elle apprend donc l'oreille avide.
C'etait beau, blanc, gelé et vert parfois dans une trouée profonde d'eau, silencieux, elle a sauté sur l'autre berge s'enfuyant en riant; criant qu'elle allait retrouver sa mère quand le canotier a voulu savoir s'il devait attendre et de quel village ou hameau elle venait, qu'il ne fallait pas tarder trop, la nuit venant tôt. Elle l'a entendu ronchonner sur les marmots galopins et sur les parents...
Et elle a disparu dans la brume de cette humidité, bien décidée à disparaître pour de bon, pleine de rèves, emmitouflée dans sa capeline toute douce dedans et lustrée dehors pour pas que la pluie transperce.
Une enfant du pays venue s'inventer un avenir, croiser le fer avec les esprits mauvais qui hantent ces marais, voir une fée de l'hiver qi sait qi elle a de la chance.
Mais au plus profond, c'est une petite fille de cinq ans désemparée venue faire la guerre à l'ennui profond qui pare son existence.
Moi ze sais que c'etait pas le roi, même que le roi il fait des écus avec sa tête. Ze l'ai vu sur la piece que le curé il donne quand je travaille dans l'église, il a la tête en or le roi!! C'etait pas lui sinon je l'aurai vu briller sa tête dans la nuit. Les grands c'est que des menteurs...
Déjà posée dans cette clairière, laissant son monologue, sa vision des choses, ses déductions propre à son âge, elle s'imagine un décor, de cette buée blanche qui s'echappe elle est devenue Nahysse dragonne, soufflant son souffle de glace. Avec son baton, elle découpe le brouillard, cherchant ce qu'il abrite. Peut être ce qu'elle cherche...
Le vieux palefrenier l'a dit...
Dans les marais Poitevins qui peut savoir ce que les brumes cachent et laissent à découvrir...Pour le moment, une voix claire, flutée, grimpée sur l'un des nombreux rochers, haranguant son armée là en bas.
Je suis Nahysse la Dragonne, regardez comme je souffle la fumée.
Elle expire longuement le flot de l'eau vaporeuse sans savoir combien c'est mauvais pour elle et sa fragile complexion. Les joues roses, l'oeil pétillant.
Gare à toi le montre des chemins ou des marais, z'ai plus peur.
Regarde! Encore un peu je crache le feu sur toi et je fais fondre l'hiver!
A l'attaque! Je veux ma Maman!
Quelques oiseaux sédentaires s'offusquent de cette agitation venu troubler le feutré de la neige mais demeurant invisibles.
La bataille fait rage coulant de l'imagination fertile d'une gamine habituée à jouer seule.
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