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Fugue du petit duc

Dacien_de_chenot
Jerh

- Merci Maitre ! Pouvez-vous trouvez un endroit pour étendre cette couverture ? Cela nous fera un toit, un abri pour la nuit. Précaire mais bon...

Il lui tendit une lourde couverture en peau de vache, avec des clous et un marteau.

- Je vais installer mademoiselle Justine et m'occuper des chevaux !

Il monta la tente rapidement, en homme habitué à faire ce genre de tâche puis il s'occupa des chevaux, il les étrilla, leur donna à manger et les mit à l'abri sous un grand arbre feuillus, au moins les feuilles atténueraient la pluie.
Il espérait que Justine saurait ce servir du réchaud et qu'elle leur ferait une bonne tisane. Il y lui avait laissé les fontes qui avaient les provisions.
Il mourait d'envie de se changer de mettre des vêtements secs mais pour dormir dans la boue cela ne servait à rien de se changer.
Soupirant il revient à la tente où il retrouva Justine et Haironthe.
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Dacien_de_chenot
Justine

La jeune femme s'activait, le petit feu ne donnait guère de chaleur mais était suffisant pour préparer une tisane chaude et revigorante afin de passer la nuit. Elle récupéra quelques cendres incandescentes qu'elle disposa dans le double fond du réchaud en fer émaillé puis remplit la petite casserole d'eau. Quand elle commença à frémir, elle y jeta les herbes, puis le temps que la tisane infuse, elle sortit trois timbales de laiton dans lesquelles elle versa une bonne dose de miel. Elle s'avouait intérieurement que le sénéchal était un homme prévoyant. Et prévenant ... Ses yeux se posèrent sur lui alors qu'il finissait de monter la petite tente et un sentiment de culpabilité l'envahit soudain.

Lorsqu'il revint vers elle, Justine se dépêcha d'attraper le manche de la casserole mais le relâcha aussitot, une chaleur vive lui brula le bout des doigts. Elle maugréa malgré elle puis attrapa le devant de sa jupe pour soulever la casserole et filtrer la tisane dans chaque timbale.

Allons messires, il nous faut nous réchauffer et nous reposer afin de reprendre la route au plus vite ... Tenez !

Justine leur tendit à chacun une tasse et esquissa un sourire lorsque les doigts froids de Jerh frôlèrent les siens, bien réchauffés grâce à son activité.

Ils dormirent cinq ou six bonnes heures, plus que necessaire, mais le ciel était toujours couvert et la nuit avait mis du temps à s'éteindre au profit du jour. Au moins, la pluie avait cessé, c'était une bonne chose.

Justine sortit de la petite tente, s'ébroua et défroissa ses vêtements avant de s'enrouler de nouveau dans la couverture que Jerh lui avait donné, puis dans sa cape. Les deux hommes étaient déjà debout, ils rangeaient le campement ephemere pour repartir, seule la tente était encore à plier. Ils avaient du la laisser dormir, elle se sentit de nouveau comme un poids pour eux. Son sommeil avait été peuplé d'étranges rêves où le sénéchal prenait tantôt une allure d'ange, tantôt une allure de diable, et avaient laissé la jeune femme assez perplexe sur leur signification.

Quelques minutes plus tard, installée de nouveau contre le sénéchal, ils reprenaient leur course folle vers la ville de Dié.
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Le.couillu
- Bon tu marches ?

Le Couillu avait reçu 1000 bons écus pour ce contrat. C'était une somme plus que rondelette mais il savait que s'il était pris il serait bon pour le supplice de la roue après avoir reçu la question et le morpion étant noble, il ne pouvait compter sur le retentum d'indulgence.
Voleur, escroc, violeur, receleur, tortionnaire, félon, traitre... on pouvait lui reprocher à peu près tous les crimes, oui mais voilà... s'il avait déjà tué de ses mains lors de rixes jamais encore il n'avait tué sur contrat et répugnait à le faire. Pourtant, n'ayant pu résister à l'attrait de ces 1000 écus, il devait maintenant se débrouiller pour trouver quelqu'un qu'un meurtre, fut-ce celui d'un gamin, n'effrayait pas.
Et cet homme, c'était coligny.

- Trois cent écus, pour une menuaille de 8 ans ! C'est bien payé.

Ce traine-potence n'allait pas finasser quand même ! Il ignorait quel était le montant du marché et n'allait pas cracher sur trois cent écus, lui donner davantage, foutredieu ! ça lui serrait la tripaille.
Le regard chafouin ne quittait pas Coligny. S'il aimait l'argent, le Couillu restait sur ses gardes, Coligny lui faisait froid dans le dos. Jamais une expression n'animait son visage, pas même au moment où sa dague vous transperçait le cœur ou tranchait votre carotide.

Il n'avait pu obtenir que peu d'informations de la puterelle.

- Écoute, le morpion est seul en ville. Ce croquefredouille s'est carapaté de chez lui. Ses vieux font la guerre chez les sauvages d'Alexandrie. On n'a pas besoin d'en savoir davantage. Alors ? T'en dis quoi ?

S'il ne voulait pas se retrouver dans la merdaille, il devait convaincre Coligny. Et peut être, crachouiller quelques écus de plus...
Coligny.
- J'ai tué un paquet de monde mais jamais un gamin. Ce sera 500 et pas une pièce de moins.

Le type face à lui était influençable tant qu'il pensait faire une bonne affaire. Coligny prenait donc des pincettes pour marchander. Mais il savait que la ruine devant lui céderait. Il crevait de peur et pas à cause du tueur. Il ne voulait pas finir sur la roue, c'était dire l'importance de ce gamin.


- Donne moi son nom et pose tes pièces avant de disparaître de ma vue. Ce sera fait cette nuit.

Le_Couillu lui donna l'endroit où il trouvera sa future victime. Pas de gardes, pas de soldats, que des moines et un curé. Une promenade de santé pour Coligny qui se leva avec nonchalance, jetant une pièce sur le comptoir avant de sortir de la taverne.

Quelques pas dans la nuit, sous une pluie qui ne cessait pas de tomber depuis plusieurs jours. Il tournait dans les rues, sans but précis, uniquement pour s'assurer qu'il n'était pas suivi. Une fois certain que personne ne l'avait repérer, il prit la direction des écuries et récupéra sa monture. Il irait l'attacher derrière la cure pour une fuite plus rapide.

Il frappa lourdement à la porte qui s'ouvrit rapidement et se mit à tousser en se tenant au chambranle, prenant soin de cacher son visage avec son foulard, toussant fortement pour faire reculer le moine.


- Par Aristote, prions que ce ne soit pas une épidémie.

Il se retourna une fraction de seconde et termina inconscient, enfermé dans un placard. Il ne fallut que peu de temps à Coligny pour trouver la chambre du gamin. Une faible lumière passait sous la porte. Une bougie pour le rassurer parce que l'oreille collée contre le bois laissant entendre qu'il était seul. Le tueur entra doucement, sans le moindre bruit. Allongé sous une couverture, un drap blanc dépassant par le haut, un enfant. Son visage brillait de sueur ; la fièvre. Il posa une main sur le manche de sa lame et la retira de son fourreau. Un coup sec et l'enfant ne sentirait rien. Il ne fallait pas le regarder. Il lui rappelait Corentin. Il avait son âge quand.... non ! Il ne devait pas penser à cela et surtout tourner le regard.

Il ferma les yeux, prêt à frapper, quand un petit gémissement les lui fit ouvrir. Le gamin délirait. Coligny pesta et rangea sa lame.


- Tu as une sacré chance, sale mioche, mais pas encore sorti d'affaire....

Il l'enroula dans la couverture et se précipita à l'extérieur avec son colis.

- On fera ça en forêt. Personne ne retrouvera ton corps et je serais loin avant que quiconque ne comprenne ce qui a pu se passer.

Il plaça le petit devant lui, le serrant contre son torse, et talonna sa monture pour s'éloigner le plus possible de la ville, jusqu'à une grotte qu'il avait repérée et dans laquelle il s'engouffra, trempé jusqu'aux os. Il déposa son paquet sur le sol le temps de s'occuper de sa monture et de faire un petit feu pour se réchauffer les os. Il se posa sur ses talons et fixa le mioche au visage couleur de navet tant il était blanc.

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Quand il tremble, c'est de froid
Dacien_de_chenot
Dacien



Il a bien entendu la porte s'ouvrir mais qu'importe au final, le petit duc est au-delà de la fatigue.
Vient-on lui prodiguer quelques soins ? Tenter de lui faire avaler un peu de soupe ? Sa tête est lourde et son corps rompu. Il n'a que le courage d'un gémissement pour signifier qu'il n'est pas mort. Mais voilà qu'on le soulève et que sans ménagement on le roule dans une couverture qui lui interdit le moindre mouvement. Un vent de panique monte alors du fond de son ventre : lui qui ne supporte pas d'être bordé, ou entravé de quelconque manière. Mais l'épuisement a raison de sa volonté à se débattre, et sa tête retombe.
Contre sa joue il sent la rugosité du cuir, son odeur aussi. Curieusement cette odeur le rassure.
Pourquoi l'emporte t'on ? Il n'a pas reconnu la voix caverneuse.
Il n'a plus la force pour le mensonge n°11 : Mon escorte est en ville.
Il sent le froid signe qu'on le transporte en un autre lieu. Il grelotte et finit par se recroqueviller contre la poitrine qui lui offre refuge, abandonnant toute résistance ; fataliste à ce qui pourrait désormais lui arriver.

Lorsqu'il reprend conscience de ce qui l'entoure, le grand froid l'a quitté. Il sent la chaleur des flammes sur son visages et ça le rassure. Pour un peu il se sentirait bien, si ce n'était sa gorge en feu et ses poumons douloureux à chaque respiration profonde. Pour échapper à cette douleur, il respire à petits coups, comme pourrait le faire un jeune chiot. Il s'essaie à soulever les paupières mais ne reconnait pas l'endroit où il se trouve. Une cave peut être ?
Un homme l'observe qu'il ne connait pas plus. Ou est-ce une ombre venue de ses cauchemars ?

- Qui es-tu...


Il ne reconnait pas sa propre voix, et s'étonne de sa chaleur et de sa gravité. Est-ce lui qui a parlé ?
Il pose ses sinoples sombres sur l'inconnu et tente en vain de se soulever sur un coude avant de retomber lourdement. Sa tête tourne. Et un constat s'impose..

- J'ai soif.

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Coligny.
L'habitude de vivre dehors, Coligny avait entreposé du bois au sec ce qui lui permit de s'enflammer en une jolie flambée. Il avait aussi appris à faire un feu sans fumée ce après pas mal d'essais.

Le petit Duc dormait toujours. Il retira sa veste trempée, son foulard et son chapeau pour les faire sécher comme il déroula son prisonnier pour le mettre dans une couverture sèche et le rapprocher du feu. Puis il entreprit de sortir quelques vivres pour se restaurer. Il mâchonnait un bout de lard séché lorsque l'enfant se mit à remuer, tentant vraisemblablement d'ouvrir les paupières qui se refermaient pour finalement s'entre ouvrir. Ses yeux étaient noirs comme le charbon et ne mit pas longtemps à tomber sur lui après un tour rapide des lieux. Le tueur esquissa un sourire en coin en le voyant essayer de se mettre sur un coude et ne faire que retomber sur la terre caillouteuse.

Le gamin avait la voix enrouée et respirait comme un malade. A le voir si petit et si fragile, à la merci de la dague qu'il portait à la ceinture, Coligny retrouvait son âge véritable. Quinze ans. Il se sentait jeune soudain en voyant le regard vif de ce mioche et se demandait si lui aussi avait été aussi innocent.

- Mon nom n'a aucune importance, fit il en attrapant la gourde.

Il lui souleva la tête en le fixant dans les yeux et porta son attention sur ses lèvres pour le faire boire sans renverser l'eau.


- Et toi, petit Duc, qui es tu ? Je me demande pourquoi on veut t'éliminer alors qu'il suffirait de te laisser mourir de ta maladie ? Un frère qui veut se débarrasser d'un éventuel héritier ? Une mère dont tu es le bâtard et veut le cacher à son époux ? Ou alors, tu es déformé et tu fais peser la honte sur ta famille ?

Il posa une main sur son front pour constater que la fièvre était encore là puis lui donna de nouveau de l'eau. Sans attendre de réponses il fouilla dans ses fontes et en sortit une potion pour la lui faire boire.

- Cela ne te soignera pas, mais te fera tomber la fièvre.


Il recula pour retourner de l'autre côté du feu, mâchonnant de nouveau son morceau de lard et remuer le feu avec un long bâton. Puis il reporta son regard d'acier sur l'enfant.

- De ta réponse dépendra si j'honorerais mon contrat ou pas.
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Quand il tremble, c'est de froid
Dacien_de_chenot
Dacien



La voix lui sembla jeune mais le timbre neutre pouvait tromper son ouïe. Difficile de donner un âge à l'ombre. Le jeune garçon, conservait les réflexes appris de longues dates et essayait d'emmagasiner le plus d'indices possible afin de déjouer les plans de son ravisseur car le doute n'était plus permis, l'ombre avait été sans détours.
Une fois de plus la peur noua son ventre. L'incompréhension se devina sur le jeune visage. Il avait passé toute sa vie au milieu de gens bienveillants, soucieux de son bien être, et découvrir qu'on voulait le voir mort faisait s'effondrer jusqu'à ses convictions les plus profondes.

On voulait sa mort ? Mais qui diantre ?... Et comment un homme avait pu l'enlever à Dié alors que nul ne savait qu'il s'y trouvait ?
Autant de questions auxquelles il n'avait pas de réponse et qu'il était encore trop faible pour tenter de résoudre. L'instinct de conservation lui fit toutefois chercher près de lui de quoi défendre chèrement sa peau mais sa main ne rencontra qu'une misérable pierre. Un instant il la caressa du bout des doigts, cherchant la face la plus tranchante qu'il coinça dans son poing refermé avant de glisser le tout sous la couverture à l'abri des regards de l'Ombre. Arme dérisoire entre les mains d'un enfant mais il avait perdu sa dague Immitis forgée par les soins du meilleur forgeron savoyard. Sa dague et...
Flamme !!! Où était Flamme ? Son cœur se mit à battre à tout rompre dans sa poitrine et une larme s'accrocha à l'un de ses cils. Noonnnn pas maintenant ! Concentre toi !

Il avala une longue goulée d'eau à la gourde que lui offrit l'Ombre. Curieusement ses gestes paraissaient presque tendres si ses mots étaient rudes. Ses lèvres craquelées sous l'effet de la fièvre étaient douloureuses mais l'eau fraiche lui fit du bien.

- Mon nom est Dacien de Chenot...

Et bravache il poursuivit plus rudement :

- Mais que t'importe mon nom puisque tu vas me tuer. Et pourquoi me soigner avant de faire ton office ?

Avait-il inconsciemment senti une faille chez l'Ombre ? Une brèche par laquelle il devait s'engouffrer s'il voulait sortir vif de cette aventure.
Aussi ne répondit-il pas tout de suite aux raisons qui l'avaient conduit à être un mort en sursis.

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Coligny.
Le petit mioche ne s'en laissait pas compter. C'est qu'il était fils de Duc et à ne pas s'y tromper il prenait Coligny de haut et évitait de répondre à ses questions. Il était sans doute si hautain que plus personne ne le supportait et préférait encore le voir mort. Il faillit rire à cette idée. Mais dans son fond intérieur, il admirait cette canaille qui cherchait à lui tenir tête alors qu'il été condamné.

- Tu te la joues bravache mais tu as la trouille petit Duc. Soit, je ne saurais pas pourquoi je dois te tuer, mais je m'en fiche. J'ai été payé d'avance. Ne me reste plus qu'à faire mon office comme tu dis si bien, Dacien de Chenot, répondit il en se levant et lui faisant une révérence.

Il ignorait peut-être pourquoi quelqu'un voulait sa mort en fin de compte. Ce n'était qu'un mioche et ne devait pas être au fait de ce que certains concoctaient dans sa famille. Coligny flairait un coup bien meilleur que de tuer ce petit duc. Il pouvait trouver les instigateurs de ce contrat et les faire chanter. Cela lui rapporterait une belle somme. Il pourrait aussi demander une rançon pour rendre le gamin. Quelqu'un devait bien avoir à faire de sa vie.

- Je ne suis pas pressé de te tuer. Avec un peu de chance la maladie t'emportera sans que j'ai besoin de t'égorger. Et ma potion ne te soignera pas. Je te l'ai dis. Mais fera seulement baisser ta fièvre. Ta voie et ta respiration me disent que t'es mal en point petit.

Il se mit à tâter nerveusement ses habits encore mouillés. Ce sale gosse l'exaspérait à ne pas lui répondre. Col n'avait pas l'habitude de parler avec les gens. Il s'énerva et houspilla la pluie, cause de tous ses malheurs à l'entendre et jeta quelques bonnes bûches dans le feu.


- Et puis toi, tu ferais mieux de dormir. Si je te laisse en vie, faudrait pas que cette garce de maladie t'emporte.

Il attrapa une corde et lui ligota les mains dans le dos et les pieds avant de le recouvrir de la couverture.


- N'essaye pas de t'échapper, je te retrouverais. Je vais en ville pour en apprendre un peu plus sur toi le petit Duc et te trouver des habits. La nuisette des moines va pas te réchauffer et si on doit bouger, faut que tu passes inaperçu. Tu devais bien avoir un baluchon ?
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Quand il tremble, c'est de froid
Dacien_de_chenot
Dacien



Bien sûr qu'il avait peur. Mais jamais il ne l'avouerait à son ravisseur. Insidieuse cette peur prenait le visage de la raison et nouait son ventre jusqu'à lui donner envie de vomir.
Il était bien jeune mais il avait déjà côtoyé la mort dans toute son horreur et ce qu'elle a de plus définitif. La peur en devenait sagesse.

- Tu as reçu de l'argent pour me tuer ? Sais-tu que ma famille est riche et puissante ? Sans doute l'une des plus riches de Savoie.

Si l’appât du gain avait motivé l'Ombre, la partie n'était peut être pas perdue car il n'aurait pu envisager que le contrat ait été perpétré par l'un des membres de sa famille.
Il devait donc le convaincre, qu'il aurait bien plus à gagner en le ramenant auprès des siens qu'en lui tranchant la gorge. Un instant il hésita. En dire davantage serait peut être en dire trop. Pourtant, l'attitude nerveuse de l'Ombre l’incita à poursuivre.

- Je suis l'ainé de la fratrie et pas plus déformé que.... toi. J'ignore qui veut ma mort et pourquoi. Mais ce que je sais, c'est que ma mère serait prête à te payer grassement si tu me ramenais chez moi.


Parler l'épuisait. Il sentait une torpeur envahir son corps. Bercé par les craquements du bois qui se fendait sous la morsure du feu, il tentait pourtant de résister à l'appel du sommeil.

- Oui je crois que je vais dormir un peu...

Les paupières retombent. Le petit corps rompu par la peur, la fatigue et la fièvre s'abandonne au sommeil protestant à peine lorsqu'il est ficelé. S'enfuir ? L'idée un instant s'insinue dans les méandres de son cerveau et s'y égare tout aussi vite. Il est quasiment nu et la pluie tombe drue, de plus, il ignore où il se trouve et il n'a plus de monture.

- Flamme... Mon cheval.... à l'auberge... Ramène moi Flamme... s'il te plait.


Il a épuisé ses dernières forces dans cette prière.
Entravé par les liens, il roule sur lui-même, proposant son dos à la vision de l'Ombre. La position lui offre un confort tout relatif et diminue la pression dans ses épaules.
Dans son poing serré, il n'a pas lâché la pierre...

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Coligny.
Le chérubin était bien sure de lui malgré la situation. S'il disait vrai sur sa famille ? Coligny ne pouvait pas rejeter l'éventualité de se faire beaucoup d'argent. Par contre, il n'aimait pas rompre un contrat et garder l'argent pour lui. Il risquait de ne plus trouver de travail s'il ne respectait plus ses clients, même ceux du genre du Couillu. Celui-là ferait vite savoir qu'il n'était pas digne de confiance.

- Et grassement payé, répondit il au gamin pour qu'il n'est pas trop d'espoir de se faire libérer. Je vais me renseigner sur ta famille, petit de Chenot. Et je déciderais après ce que je ferais de toi.

Il le remua un peu en riant :


- C'est vrai que tu n'as pas l'air déformé. Mais tu dois être une vraie tête de bois et ta garde bien lamentable pour un fils de grande famille. Même pas à surveiller la cure. Avec une telle incompétence, je suis sure qu'ils te cherchent même pas.


Le mioche finit par fermer les paupières et à balbutier que sa monture était à l'auberge. Le tueur se rendit donc là en premier. Le feu tiendrait quelques heures. Il avait donc le temps de revenir avant que sa prise ne meurt de froid. D'ailleurs le petit dormait déjà et semblait paisible ainsi.

Au grand galop, Coligny ralentit sa monture à l'approche de la ville. Pourtant, il ne se sentait pas en danger. Il n'avait pas croisé l'ombre d'un garde. Ce gamin était bien seul en fin de compte et l'écurie bien vide le lui confirma. Un poney et deux chevaux étaient dans les box. Rien ne laissait croire qu'il y avait plus de fréquentations dans la journée.


- Alors, c'est toi Flamme, petit poney, chuchota t'il en lui caressant la croupe.

Sur sa croupe, un sac était attaché, que Coligny fouilla pour y trouver quelques affaires et une petite bourse bien maigre. Il emporta l'animal jusqu'à sa monture qui attendait à derrière une grande rangée d'arbre. Il était temps de retrouver Le-Couillu. Et vu la somme qu'il avait empochée, il devait être à la boire dans une taverne mal famée.

Patient, il attendit qu'il sorte, un peu éméché, et lui tomba dessus dans un coin sombre. Une main sur la gorge, il le souleva de terre, l'oeil noir et les dents serrées.


- T'aurais pas essayé de me rouler, espèce de saligaud. Le mioche vaut plus que 500 pièces d'or. Tu croyais que j'allais pas me renseigner ? Alors je veux savoir qui t'a payé et combien tu as vraiment touché. J'vais pas faire tout le boulot alors que toi tu gardes la belle part sans prendre aucun risque.

Il lui lança un oeil mauvais et un sourire sardonique :


- Si je suis pris, je me souviendrais de ton nom. Je crèverais peut-être sous la roue, mais toi aussi. Alors parle maintenant...

Il le relâcha et posa une main sur sa lame pour lui faire comprendre de ne pas jouer au plus malin.
Elektra.
Justine

Ils avaient mis longtemps pour atteindre Die, beaucoup trop longtemps. De nouveau, une pluie fine et désagréable s'insinuait à travers leurs vêtements. Justine les retardait, c'était indéniable. Et puis, elle était fatiguée, lasse, épuisée par ce froid et ces journées passées sur un cheval. Tout cela n'était pas dans ses habitudes et elle sentait bien qu'elle tomberait malade si elle continuait ainsi.

L'auberge qui les avait accueillis était de bonne qualité. Bonne nourriture, bon feu et surement bon lit. Justine avait dormi une bonne partie de l'après-midi, tandis que les deux hommes étaient partis ratisser la ville et tous les bâtiments qu'ils pouvaient pour retrouver son petit chevalier. Malgré l'inquiétude et l'attente, Morphée l'avait tirée profondément dans ses bras, dans un sommeil lourd et peuplé de mauvais rêves.

Le soir, le Maitre et le Sénéchal étaient revenus à l'auberge, harassés et bredouilles, aucune trace de l'enfant, de plus les gens se terraient chez eux à cause de la pluie lancinante et il n'y avait pas grand monde à interroger. Après un léger conciliabule au diner, ils avaient décidé de reprendre la route. De pousser par Montélimar et rejoindre Arles. Si l'enfant comptait rejoindre ses parents, nul doute que son intelligence et sa logique le pousseraient vers la mer.

Justine avait alors pris la parole. Surmontant sa timidité face aux deux hommes, elle leur avait démontré A+B que sa présence était une gêne, plus encore, une entrave aux recherches. Sa fatigue les retarderait, encore trois ou quatre jours de chevauchée lui semblaient impossible physiquement et sans nul doute tomberait elle malade bien avant, en foret provençale, où le vent et la pluie seraient leurs compagnons de route.

Ils avaient été plutôt réticents. Le plus jeune était à la limite de s'emporter, de renoncer contre toute attente aux recherches, tandis que le plus âgé tentait de peser le pour et le contre de la situation. Finalement, la tempérance de la jeune femme finit par les convaincre de la justesse de son raisonnement. Ainsi, elle les attendrait ici, à Die, exactement dans cette auberge. Ils lui laissaient suffisamment d'argent pour qu'à leur retour elle soit toujours là.

Un peu avant l'aube, ils avaient quitté Die. Les yeux grands ouverts dans l'obscurité, les pensées de Justine tournaient douloureusement dans sa tête, alors que le bruit des sabots s'éloignait progressivement dans la rue.

"Ou es tu mon petit chevalier ? Ou es tu ? Entends moi et dis moi où tu es !"

Prière vaine et O combien désespérée d'une gouvernante qui avait failli à sa tache. Celle qui avait vu grandir les petits de Chenot, avait laissé s'abattre le malheur sur la famille.
Le.couillu
Un prince ! Il avait commencé par se payer des nippes princières. Voilà comment notre Couillu estimait les sapes clinquantes devant lesquelles il n'avait su résister. Cela avait amputé son budget d'une centaine d'écus mais le jeu en valait la chandelle. Son pécule fondait pourtant comme neige au soleil après un passage en taverne des plus arrosés et quelques parties de dés où il avait eu à faire à plus roublard que lui. Une ribaude avait aussi contribué à alléger sa bourse en vidant ses bourses. Et s'il s'en était trouvé soulagé d'une autre centaine d'écus.
Et donc, en ce soir, ne lui restait plus que quelques deniers sur les cinq cent écus qu'il avait pu soustraire des exigences de Coligny.


- A la r'voyure gente compagnie.

Un rôt sonore ponctua le salut lorsqu'il poussa la porte du "Coq Hardi", la taverne où il avait loué une chambrée pour quelques jours. N'ayant plus assez d'argent pour en payer la note, il ne lui restait plus qu'à se fondre sur le marché et d'espérer y couper quelques bourses. Qui se méfierait d'un prince ? Il comptait sur sa nouvelle apparence pour endormir les péquins.

Soulevé, plaqué contre un mur à demi étranglé, il ne vit pas venir le vent mauvais mais fut terrifié par ce qu'il vit dans le regard de Coligny.

- Doucement garçon ! La malepeste soit sur toi ! Je t'ai dit tout ce que je savais.


Dés que Coligny daigna le lâcher, il remit un peu d'ordre dans sa vêture, histoire de gagner un peu de temps pour reprendre contenance. Il ne parvenait pas à comprendre où voulait en arriver ce foutu assassin et commençait à regretter amèrement son choix.
Avouer les mille écus ? Il hésitait et choisit d'éluder la question passant à l'offensive qui lui donnerait peut être l'avantage.


- Je te croyais loin... Tu as rempli ta part du contrat ? Le petit est trépassé ?


Il n'avait eu à faire qu'à des intermédiaires, cette puterelle l'avait fourré dans une drôle d'histoire qui le dépassait.
Coligny.
Un poing dans le ventre fut la réponse de Coligny qui souleva de nouveau Le-Couillu, par les épaules cette fois.

- Je vois que tu pètes dans la soie, Mon Seigneur.... fait il en riant. Tu as dû être grassement payé mortecouille. Qui a donc dépensé autant d'écus pour tuer un mioche à moitié mort ? La question est simple....

Il lui donna un bon coup de genou dans les bourses et le plaqua au sol.


- Tu vas prendre comme jamais Le-Couillu si tu ne me conduis pas au payeur.


Col voulait éliminer tous ceux qui avaient voulu la mort du gamin. S'il voulait toucher une rançon, il ne fallait plus un seul témoin pour dire qu'il avait un contrat sur la tête du petit Duc. Il serait le seul à savoir. Mais s'il le ramenait chez lui, il se tairait. Du moins l'espérait il. Au pire, il pourrait dire qu'il divaguait à cause de la fièvre. Il trouvait son plan simple, même un peu trop. Avec les nobles, tout était tordu et ils avaient des questions compliquées. Il lui fallait donc être simple dans ses démarches. C'était la première fois qu'il tombait sur une affaire pareille et il s'il n'avait pas autant manqué de fond, il aurait refusé. Tuer un gamin. Facile à dire, plus difficile à faire. Il avait beau ne pas avoir de coeur, il avait une petite tête sympathique. Quel andouille finalement. Il aurait mieux fait de lui mettre le drap sur le visage et de le planter tout de suite.

Il se concentra de nouveau sur celui qui se tordait par terre cherchant son souffle et lui donna quelques gifles et sortit sa botte secrète.


- T'es pas malin Le-Couillu, avec tes beaux habits et ta façon de montrer tes écus tout neufs, il me suffira d'un mot pour que tous pensent que tu es l'auteur de ce meurtre. Je te donne encore une chance de me répondre, après... et lui colle sa lame sous le cou... je te saigne comme un goret.
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Quand il tremble, c'est de froid
Le.couillu
Le premier coup qu'il n'attendait pas lui coupa le souffle. Sitôt le bref étonnement passé la douleur partagea son corps par la moitié. Le bougre ne faisait pas semblant, sans rire il en tenait un sacré grain.
Il entendit craquer le satin et v'là 100 écus en guenille ! Il croyait quoi le flanquin ? Qu'il allait bosser pour des prunes ?
Il grinça des dents lorsque Coligny le souleva jusqu'à planter ses charbons dans ses mirettes avant de lui briser l'entrejambe. Une douleur irradia tout son corps et un goût de vomi envahit sa bouche. Il leva la main pour signifier qu'il allait parler. Encore fallait-il que le quidam lui laisse retrouver la parole perdue non loin de ses bijoux de famille. Il allait pisser le sang pour sûr ! Et c'est pas les deux baffes qui l'aident à récupérer, pas plus que la lame glaciale qui caresse sa jugulaire.

- J'connaissais pas la puterelle qui m'a foutu dans ces embrouilles. J'sais juste qu'elle trafique près de l'hospice. Elle est pas du genre à prendre de risque si tu vois c'que j'veux dire..


Tout naturellement son accent païs lui était revenu pour preuve qu'il ne jouait plus mais essayait de sauver sa misérable carcasse. Ce contrat dépassait ses compétences et il aurait dû passer la main, il le savait ; mais comment renoncer à mille écus quand tes braies laissent voir la raie de ton séant !
Sous la tignasse grasse la réflexion va bon train et il comprend que Coligny a parlé avec le mouflet et s'il lui a parlé c'est qu'il est pas mort, forcément. Alors le Couillu comprend qu'il est dans une sale merdaille. Il a extorqué mille écus pour un contrat qui n'a pas été honoré. Et ça.... c'est la mort lente assurée. Car s'il ignore le commanditaire de ce foutu contrat il sait que pour lâcher une telle somme il faut être à la tête d'une bonne fortune et qui dit fortune dit puissance.
Mortecouille de foutrecul d'bon dieu !!! La roue alors qu'il n'a rien fait ? L'injustice lui en fait oublier ses deux orphelines maltraitées. Et puis il est trop sensible pour supporter la question, le plomb fondu dans 'le zophage', les pinces rougies au feu qui arrachent les 'zongles'. Brrrr il en a froid dans le dos et en sue sa graisse déjà qu'il est pas épais....
Son seul salut, il le sait, viendra des prochains mots qu'il prononcera. Vrai qu'il a cru pouvoir gagner cinq cent écus en servant de simple intermédiaire mais qui a failli chopper la peste du soldat ?
LUI !
Il a donc risqué sa vie !
Qui est celui dont on connait le visage si l'affaire vire en eau de boudin ?
Encore LUI !

Et finalement dans une pensée rhétorique très personnelle, il en vient à croire qu'il a tout fait et que Coligny a eu la partie facile : un seul petit coup de dague sur le corps moribond d'un marmot ça va pas chercher bien loin... Fais du bien à un cochon, et il viendra chier sur ton perron. Malgré sa position des plus inconfortable, il lance un regard de reproche sur le tueur.

Oui mais s'il lui dit ça, il est mort. La trogne du ruffian qui le maintient au sol et fait battre son cœur de lièvre aussi vite que celui d'un avant-centre qui vient de traverser le terrain lors d'une finale de match de soule ne lui laisse aucun doute là-dessus.
Mieux vaut éviter de reparler d'argent. Et là : bingo ! L'idée lumineuse ! Le conduire à la gore pisseuse qui l'a foutu dans la merdaille et fausser compagnie à Coligny tandis qu'il s'occupera d'elle. Terminée pour lui la vie dans la grande ville. Demain, pour sûr, il rentre chez sa mère.

- Viens, si tu veux, j'te conduis.
Coligny.
Le souffle lui revenait. Coligny, d'une froide patience, fixait son visage tordu par la douleur de son entre jambe et lui laissait le temps d'être de nouveau capable de lui parler. Dans sa tête dégrisée, les idées s'alignaient dans le bon ordre et ses yeux reprenaient leur éclat d'un homme sobre et inquiet. Et il en avait des raisons pour l'être. Tout jouait contre lui. Coligny se demandait jusqu'à quel point il réalisait dans quel merdier il était. Assez dans tous les cas pour lui cracher ses premiers aveux.

- Une puterelle dis tu...

Et sa langue ne crachait plus de mensonges. Le tueur l'entendait à sa façon de parler et de le regarder. Fini le petit sourire et la bave qu'il lui lançait. Ce n'était donc plus le moment des intimidations. Il n'avait plus qu'à attendre qu'il finisse de parler et il obtint beaucoup mieux.

- On y va.

Coligny attrapa Le-Couillu par l'arrière des braies et le fit marcher près de lui, évitant les zones éclairées pour arriver à l'hospice. Il comptait bien que le couillon lui montre la puterelle en question. Et il le fit sans s'en faire conter. Le but n'était pas de déjouer le complot contre le petit Duc mais d'effacer toutes les traces qui le conduiraient à lui. La disparition des témoins était devenue indispensable.


- Tu as beaucoup de chance Le-Couillu. Je vais te débarrasser de la mort que tu traînes au séant. Fiche le camp d'ici et fais toi tout petit pendant très longtemps.


Sur ce coup, il allait devoir agir vite et fort. La puterelle n'était pas un petit garçon de huit ans. La femme se tenait sur le pas de la porte. Elle avait surement travaillé une grande partie de la nuit et s'apprêtait à rentrer chez elle. Il attendit qu'elle commence à s"éloigner de l'hospice pour la suivre à bonne distance. Il crut d'abord qu'elle habitait à l'extérieur de la ville mais que ne fut pas sa surprise de la voir retrouver une monture et un homme qui l'attendait. Les instigateurs du complot. Il devait agir maintenant et deux lames fendirent la nuit, transperçant les corps qui s'affalèrent sans vie. Col récupéra ses armes et enterra les corps avec tous les effets personnels des victimes. Il abandonna les chevaux dans une ferme encore endormie et s'empressa de retourner chercher le petit poney et sa monture. Il arriva à la grotte et déjà à l'horizon, les premières clartés du jour.

La lame qui venait d'ôter une vie, coupa les liens du petit Duc.


- Habille toi, on s'en va, dit il simplement en posant son sac devant lui. Regarde, j'ai récupéré ton poney.
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Quand il tremble, c'est de froid
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