JustineQuand le début est une fin, et la fin un recommencement.Comment résumer une vie ? La jeune fille qui franchit les grilles du domaine, dont le pas crisse sur les gravillons, a déjà plus voyagé qu'elle ne l'aurait jamais imaginé étant enfant. De sa Corse natale qu'elle a fui, aux confins du proche orient, en passant par les paysages merveilleux découverts au fil du long voyage sur le navire ducal, non rien ne la prédestinait à une telle aventure.
Lorsque les jumeaux sont nés, elle n'était encore elle-même qu'une enfant, ou presque. Elle les a vus grandir, elle les a accompagnés partout où ils avaient besoin d'aller, et puis leurs parents ont décidé que leur éducation se devait d'être là où se trouvaient leurs racines.
Justine a suivi. Le plus difficile a surement été de quitter sa sur, Simona, mais l'age faisant, l'ainée a réussi à construire sa vie, la cadette doit en faire autant. Et pour ce faire, habiter dans un domaine aussi luxueux donne quelques avantages.
Depuis deux jours, elle était partie avec Yollande, une femme à la forte personnalité qui travaillait pour la famille ducale et qui lui plaisait bien. Daphnée n'avait pas manqué de se porter volontaire pour une nouvelle promenade. Et la petite troupe de femmes s'était dirigée vers un autre domaine de la famille afin de faire la liste des inventaires avant l'hiver.
Elles en avaient longuement discuté la veille au soir, lors du diner. Finalement, Yollande avait opté pour un départ tardif, sur la nuit, car le mauvais temps s'annonçant, il valait mieux être de retour à Luserne avant la première chute de neige.
A peine avait-elle posé un pied dans le château, son manteau à peine jeté nonchalamment sur un fauteuil du hall, que Justine se précipitait dans l'escalier qui menait à l'étage des chambres. Elle n'aimait pas être séparée des jumeaux. Si souvent elle avait regretté de ne pas avoir vu grandir ses petits frères et surs ...
La porte s'entrouvrit sans bruit et la jeune fille se faufila dans l'entrebâillement. La pièce était plongée dans la pénombre de la nuit, l'aube était à peine levée sous la grisaille du ciel de novembre. Elle s'approcha tel un chat, s'appuya d'une main sur le lit et s'arrêta surprise ...
Dacien ? La main chercha à tâtons sur la couverture mais le lit lui paru vide.
Dacien, mon petit chevalier, tu te caches ? L'angoisse commençait à la prendre à la gorge et elle se releva pour aller tirer les tentures d'un grand mouvement sec. Son regard se posa sur le lit, interdite, elle n'arrivait pas à formuler ce qu'elle voyait ... ou plutôt ce qu'elle ne voyait pas. Dacien avait disparu !
Non ! Non, non ! Il n'a pas disparu, il n'est tout simplement pas dans son lit. Son regard fit un tour d'horizon de la pièce, elle ouvrit les portes de l'armoire, regarda même en dessous du lit au cas où le garnement lui jouerait un tour. Mais rien ... Jusqu'à ce que ses yeux se posent sur l'oreiller où d'habitude la petite tête brune dormait paisiblement.
Qu'est ce que c'est que ca ? ...Une lettre ... Une lettre d'enfant ... Parti ? Mais comment ca parti ? Et où ? Grands dieux ! Mais comment pourrait-il avoir la moindre idée d'où se trouve ses parents ? !!!
Fluette !!!!!!! FLUETTE !!!!!!!!! Bon sang ! La vieille intendante avait fait plus que son temps, elle finirait certainement ses jours au cur du domaine, mais voila, visiblement elle était trop âgée pour surveiller un enfant plein de vie comme Dacien.
Justine poussa encore un cri ou deux, histoire de reveiller tout le château et se précipita dans l'escalier où elle trouva Yollande, alertée par le vacarme.
Dacien est parti ! Il s'est sauvé ! Il faut aller voir aux écuries si il a pris son poney ... Il faut ... Qu'est ce que nous allons faire ?La question était devait-on prévenir les parents ? Essayer de le retrouver avant pour éviter trop de blâmes ? Chercher un responsable de la situation ? Malheureusement elles étaient toutes plus ou moins responsables, de ne pas avoir vu que l'enfant avait grandi, que son caractère s'affirmait et qu'il prendrait des initiatives.
Je vais écrire à Messire Haironthe ... Il faut qu'il revienne d'urgence, lui seul peut nous aider ... Justine était anxieuse. Daphnée s'était réfugiée dans ses bras, les larmes aux yeux, les liens entre les jumeaux avaient toujours été forts et la séparation lui causait une peine immense. La jeune fille lui caressait les cheveux dans l'illusion un peu vaine d'apaiser son chagrin.
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