Dacien_de_chenot
Ils furent réveillés au point du jour, excités par la journée qui, ils en avaient l'intime certitude, serait riche en découvertes. Toutefois, rien ne leur semblait plus essentiel que la tendresse qu'ils s'échangeaient chaque jour dés le premier regard, aussi restèrent-ils encore un long moment enlacés avant de se lever pour partager un hâtif repas.
Après en avoir rapidement discuté, ils estimèrent préférable de ne pas démonter immédiatement leur campement dans le cas où ils devraient rester sur place un jour de plus, puis se mirent en marche afin d'inspecter les alentours jusqu'à parvenir à une clairière où se dressait un calvaire de pierre et une petite chapelle nichée sous la protection de vénérables sapins.
Le Ténébreux sourit lorsqu'Elektra releva le nom que portait la chapelle et, en effet, comment ne pas y lire un signe prometteur.
La minuscule bâtisse ne comportait qu'une petite ouverture hormis la porte aussi, bien qu'en plein jour, elle était plongée dans une pénombre reposante qui, de l'avis du lorrain, n'allait toutefois pas faciliter leurs recherches. Munis d'un flambeau chacun, l'un à dextre, l'autre à senestre, ils entreprirent une exploration minutieuse des lieux. Les murs de pierres claires n'étaient réchauffés d'aucun tableau, ni tenture et s'il y en avait eu un jour, ils avaient depuis longtemps disparus. Le long des deux murs, à environ une aune du sol, courait un banc de pierre, et, tout au fond, face à la porte d'entrée et éclairé par l'unique fenêtre en ogive, un autel de bois vermoulu résistait encore aux outrages du temps. Malgré l'exploration attentive qu'il menait, il ne voyait rien qui put les mettre sur la piste de la vouivre jusqu'à ce qu'il entendit Elektra s'exclamer. Il s'approcha alors de ce qui semblait avoir attiré l'attention de sa fiancée et lut de concert :
*Du rocher du roi des serpents trouve le trésor, mais n'en prend que l'or qui ouvrira la porte de la foi.*
Le Ténébreux fronça les sourcils en proie à une intense réflexion.
- Il semblerait en effet que cette énigme soit liée à nos recherches. A n'en pas douter, le roi des serpents est une métaphore pour désigner notre wiwre.
Tout excité d'être à nouveau relancés dans leur recherche et certain qu'ils étaient non seulement sur la bonne piste mais sans doute tout prêts d'atteindre le but de leur quête, il déposa un baiser sur les lèvres de sa belle avant de poursuivre son analyse.
- Le rocher... là aussi cela semble assez clair, il va nous falloir trouver un rocher ou un promontoire qui s'apparente de près ou de loin à la vouivre. Peut être une vouivre y est gravée... nous comprendrons lorsque nous serons devant le bon rocher.
Il ne doutait nullement de leur capacité à déchiffrer un à un mystères et énigmes qui barraient leur chemin car, si individuellement ils étaient loin d'être bêtes, réunis leurs capacités semblaient prendre une tournure exponentielle. Il ne revint pas sur le terme de trésor, suffisamment clair à ses yeux pour qu'il passe rapidement afin de s'interroger plus longuement sur la seconde partie de la phrase.
- N'en prend que l'or... l'or n'est peut être là aussi qu'une métaphore, poursuivit-il en souriant et en glissant sa main dans les boucles blondes de sa compagne, n'est ce pas pour moi le plus précieux des trésors ?
- J'avoue que la fin me laisse perplexe. L'or qui ouvrira la porte de la foi... Une clef d'or peut être ? qui ouvrirait mais quoi diantre !!!
Il restait perplexe.
- Il y avait un livre saint dont j'ai oublié le nom et qui parlait des croisés qui avaient ouvert les portes de la foi en Phénicie, ces terres lointaines par delà les mers non loin de Tamerlan... Ce pourrait-il qu'il y ait un lien ? Cela me semble bien improbable...
Il sortit un bout de charbon taillé et un vélin de sa besace et recopia minutieusement la phrase sybilline avant de quitter la chapelle.
- Sortons, amour, je ne pense pas que nous en apprenions davantage icelieu.
Main dans la main, ils poursuivirent leur marche sur un chemin sinueux qui grimpait allégrement le long du Mont Beuvray, serpentant sous la frondaison d'épineux jusqu'à arriver au sommet qui s'ouvrit soudain dégagé leur offrant une vue imprenable et comme le couronnant, un rocher attendait. Celui de la vouivre, ils en étaient convaincus sans même se concerter.
- Creuser ?
Il lui lança un regard amusé.
- Vu la taille de ce rocher, si nous ne trouvons pas avant une indication de l'endroit approximatif de là où il faut creuser, je crains, mon ange que nous n'y passions jusqu'au 1er juillet !
C'était entre eux un jeu d'évoquer à tout bout de champ cette date qu'ils avaient retenu pour leur mariage.
- Essayons de contourner ce rocher. Peut-être trouverons-nous un indice en déblayant la neige.
La neige n'allait pas aider leur recherche d'autant qu'ils n'avaient prévu qu'une pioche comme tout outil. Ils allaient devoir faire avec les moyens du bord. Muni de sa dague, le Ténébreux coupa deux longues branches de sapin.
- Heureusement que la neige est fraiche, cela devrait nous suffire pour faire office de balais.
Il en tendit une à Elektra et entreprit de déblayer le blanc manteau. Ils mirent tant d'ardeur à la tâche, qu'il ne leur fallut que peu de temps pour venir à bout de la couche de neige. Parfois, par le plus malencontreux des hasards, une pelletée s'envolait vers Elektra qui aussitôt ripostait. Le jeu aurait pu mal se terminer s'ils n'avaient eu à cur d'avancer dans leur quête. Lorsque la neige fut enfin déblayée, ils entreprirent d'observer minutieusement le rocher et son pourtour. Une première observation ne donna rien de bien probant, nulle aspérité de la roche ne semblait renfermer de
secret, pourtant ils étaient certains de se trouver devant le bon rocher, le doute n'était pas permis, nul autre alentour ne correspondait à leur recherche. Non ! La réponse était forcément là, sous leurs yeux. Le Ténébreux grattait la mousse qui s'accrochait à la roche lorsque, sous ses doigts, il sentit une aspérité aux contours moins tranchants. Il souffla sur la pierre pour en dégager la terre laissée par la mousse et fronça les sourcils à la vue de ce qu'il avait sous les yeux.
- Amour ! Venez voir ça !
Ce qu'il lui montrait était une flèche maladroitement gravée dans la pierre et qui indiquait clairement une direction. L'embout pointait vers le sol et s'inclinait légèrement vers l'Ouest où le regard du Ténébreux vint se perdre. Il s'écarta du rocher et chercha au sol afin d'essayer de trouver une nouvelle indication quand soudain une pierre plate attira son regard. A demi recouverte de terre, elle aurait pu paraitre anodine à qui ne cherchait pas d'indice mais ce qui l'interpela fut que cette pierre de schiste ne pouvait se trouver là naturellement, il fallait y lire patte humaine. Intrigué, il vint chercher confirmation qu'Elektra avait fait la même analyse et tous deux s'accroupirent devant la pierre qu'il dégagea rapidement avant de la soulever. Rien dessous. Il allait falloir creuser cette fois. Le premier coup de pioche s'enfonça dans la terre durcie par le gel, il prenait toutefois de grandes précautions ne sachant pas ce qu'ils cherchaient et retenait ses coups. A un peu moins d'un pied de profondeur, il entendit un craquement et retira sa pioche pour finir de dégager à la main un petit coffre de bois.
Son état indiquait qu'il avait longtemps séjourné sous terre. Le retirant précautionneusement il le dépose près d'Elektra.
- A vous l'honneur mon ange.
Elle ouvrit le coffret et déroula le morceau de tissu décoloré qu'il contenait lorsqu'une clef dorée bien que ternie s'offrit à leurs yeux ébahis.
La tête de cette clef était un entrelacs d'arabesques représentant indubitablement un dragon. Le cur du Ténébreux fit un bond dans sa poitrine et une fois encore, sa compagne semblait aussi excitée que lui par cette nouvelle découverte.
- Que peut bien ouvrir cette clef à votre avis ? Et surtout.... où trouver ce qu'elle ouvre !
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