Sfizio.
[Halle de Genève - Non loin des débats publiques sur l'exil ou l'avoyer]
En ces jours de fin novembre 1463, le soleil peinait à éclairer de sa splendide la halle genèvoise. Les badauds passaient, ça et là, emmitouflés dans leur manteaux d'hiver et tout pressés qu'ils étaient de rejoindre leur foyer. La douce rumeur qui habituellement traversait la ville enorgueillie de tous les murmures genèvois s'était tue. A la place, c'était le souffle aigu d'un vent frais venu des Pitons de Salève qui résonnait dans la ville. En cette heure, il était ainsi difficile pour un quelconque saltimbanque de gagner son pain quotidien. Pour autant, rien ne désespérait l'ami Sfizio. Ni le temps si frais, ni le manque évident de spectateurs. Il saurait s'accommoder des deux. Il saurait renverser la réalité, la changer selon son bon vouloir. Rendre le froid hivernal chaleureux et les rues délaissées bondées de monde était chose plutôt aisée pour tel magicien.
Plop ! C'était le bruit d'une bouteille de rouge achetée plus tôt qu'il déboucha. Voilà pour le premier tour de magie : Une longue rasade et la morsure du froid disparut ! Quant à l'autre tour, il nécessitait peut-être plus de matériel. Un matériel qu'il avait mis un peu de temps à installer mais qui était maintenant fin prêt. Il s'agissait d'une petite estrade faite d'un bois léger. Une sorte de scène assez simplette sur laquelle reposait deux chaises, une tablée. Sur cette tablée, plusieurs objets étaient disposés. Rien d'anormal. Un panier avec quelques fruits. Deux verres et cette fameuse bouteille de rouge. Et enfin, juste à côté de la bouteille de rouge triomphante traînait une panoplie de couteaux. Ceux-ci étaient tous identiques. Assez longs, fins, effilés, et un manche noir orné de quelques liserés rouge et or. Bien qu'un peu longs, ils étaient fait pour être lancés. La seule particularité notable dans ces couteaux était un étrange anneau de la taille d'une pièce de monnaie qui finissait le manche.
L'homme se pare du dernier de ses outils de travail. Un masque étrange. Usé par le temps. Un masque double. Un masque simple. Symétrique. Fait de blanc et de noir. Il représentait une ambivalence, une dualité. L'homme souffle une prière inaudible et serre le masque derrière son visage. Il saisit enfin un des couteaux posés là.
Pour appuyer ses mots, il lance ce couteau tenu en l'air. Avance de deux pas et s'installe promptement sur la chaise pour le rattraper au vol. Une pirouette qu'il exécute malheureusement avec un léger temps de retard et qui fiche le couteau profondément dans le bois de la table qui lui fait face. L'homme éclate de rire sous son masque et s'empare du couteau pour couper un des fruits du panier.
Il lance encore son couteau en l'air à ces derniers mots. Et le rattrape. Cette fois-ci. Le discours est repété. Il continue ses jongleries. S'échauffant. Attendant que plus de monde ne s'attroupe.
En ces jours de fin novembre 1463, le soleil peinait à éclairer de sa splendide la halle genèvoise. Les badauds passaient, ça et là, emmitouflés dans leur manteaux d'hiver et tout pressés qu'ils étaient de rejoindre leur foyer. La douce rumeur qui habituellement traversait la ville enorgueillie de tous les murmures genèvois s'était tue. A la place, c'était le souffle aigu d'un vent frais venu des Pitons de Salève qui résonnait dans la ville. En cette heure, il était ainsi difficile pour un quelconque saltimbanque de gagner son pain quotidien. Pour autant, rien ne désespérait l'ami Sfizio. Ni le temps si frais, ni le manque évident de spectateurs. Il saurait s'accommoder des deux. Il saurait renverser la réalité, la changer selon son bon vouloir. Rendre le froid hivernal chaleureux et les rues délaissées bondées de monde était chose plutôt aisée pour tel magicien.
Plop ! C'était le bruit d'une bouteille de rouge achetée plus tôt qu'il déboucha. Voilà pour le premier tour de magie : Une longue rasade et la morsure du froid disparut ! Quant à l'autre tour, il nécessitait peut-être plus de matériel. Un matériel qu'il avait mis un peu de temps à installer mais qui était maintenant fin prêt. Il s'agissait d'une petite estrade faite d'un bois léger. Une sorte de scène assez simplette sur laquelle reposait deux chaises, une tablée. Sur cette tablée, plusieurs objets étaient disposés. Rien d'anormal. Un panier avec quelques fruits. Deux verres et cette fameuse bouteille de rouge. Et enfin, juste à côté de la bouteille de rouge triomphante traînait une panoplie de couteaux. Ceux-ci étaient tous identiques. Assez longs, fins, effilés, et un manche noir orné de quelques liserés rouge et or. Bien qu'un peu longs, ils étaient fait pour être lancés. La seule particularité notable dans ces couteaux était un étrange anneau de la taille d'une pièce de monnaie qui finissait le manche.
- Oyez ! Oyez !
Amis braves et amis lâches !
Oyez ! Oyez !
L'homme se pare du dernier de ses outils de travail. Un masque étrange. Usé par le temps. Un masque double. Un masque simple. Symétrique. Fait de blanc et de noir. Il représentait une ambivalence, une dualité. L'homme souffle une prière inaudible et serre le masque derrière son visage. Il saisit enfin un des couteaux posés là.
- Venez jouer ! Venez observer ! Venez parier ! Venez risquer !
Admirez donc, le jongleur de couteaux ! Admirez le jouer ! Venez donc en lancer vous aussi si vous en avez le courage !
Pour appuyer ses mots, il lance ce couteau tenu en l'air. Avance de deux pas et s'installe promptement sur la chaise pour le rattraper au vol. Une pirouette qu'il exécute malheureusement avec un léger temps de retard et qui fiche le couteau profondément dans le bois de la table qui lui fait face. L'homme éclate de rire sous son masque et s'empare du couteau pour couper un des fruits du panier.
- Vais-je finir ce spectacle en un seul morceau !?
Les paris sont ouverts !
Il lance encore son couteau en l'air à ces derniers mots. Et le rattrape. Cette fois-ci. Le discours est repété. Il continue ses jongleries. S'échauffant. Attendant que plus de monde ne s'attroupe.