Matpel dormait encore paisiblement lorsque les problèmes ont commencé :
Debout bordel !
Hmm, la voix de la cheffe, à n'en pas douter. Tiré de sa torpeur, Il ouvrit un il. Le jour se levait à peine. Le vacarme se fit de plus en plus pressant. Matpel releva péniblement la tête pour observer toute cette agitation et en déterminer les causes. Il avait bien du mal à reprendre ses esprit, Morphée s'accrochait à lui plus fort encore qu'une domestique de la Rabatelière. Il eut une véritable décharge d'adrénaline quand la Chouchoucheffe vint le saisir par la manche pour le conduire au bout du campement.
Je tinterdis de foutre un pied de lautre côté mais tu vas te dessaper et vite fait mon ptit Mat et magne toi le fondement parce quon na pas la journée. Et puis tu fais des grands signes, en plus comme tes roux, on te voit de loin et dans la nuit.
De l'autre coté, la Kertagne, ça vous gagne. Ca, c'est bon, c'est compris. Mais pour le reste ... Mat se sentit obligé de protester. Avec la vigueur mentale d'un Sphincter Virulent qui vient de lire l'intégralité du Livre des Vertus d'une traite, il lança :
Non mais ... je suis pas roux. 'tain, arrêtez avec ça.
Il soupira et tacha de récapituler ses instructions. Alors : Kertagne, pas foutre un pied. Dans l'immédiat c'est bon, on verrait plus tard. Se dessaper vite fait... Houlà. C'est pas tous les jours qu'on lui demande ça. En dehors de la Rabat'. Et aucune baignoire en vue. Les grands signes ... comme t'es roux ... Oh. Elles m'ont pris pour une lanterne. HAN, ça va se payer. Mais d'un autre coté, si ça marchait ? Un réflexe : protester. Si ça marche pas : s'indigner. Ca laissera toujours du temps pour réfléchir parce que là, c'est l'épaisse brume.
Non et puis, je ne peux pas me dessaper, ça va à l'encontre des règles de bonne conduite des Nobles... Cornecul, je ne suis plus noble ... pffffffffff.
Protestation infructueuse, place à l'indignation.
HAAAAAAAAAAAAAAN ! Non mais ...
Non, là ça fait vraiment trop la pleureuse, ça va pas être possible. Matpel se cassait lui même les oreilles.
Pffffffffff
Bon, ça commençait à se voir qu'il n'avait pas d'argument sur le moment. Il jeta un regard vers l'horizon, puis se retourna vers la ChouCheffe, qui fit mine d'égorger le chaton.
Pffff, occis donc ce futur dévoreur de poules.
Bon. Matpel ne connaissait que deux façons de se mettre le service trois pièces au vent en public. Le mode péteux : genre c'est l'ultime humiliation "J'veux pas mais chuis ben obligé" et le mode flegmatique, fier de soi. Pas de quoi se torturer une demi-journée, bien sûr qu'il avait déjà choisi son camp.
Dernière idée avant le drame :
* Si je le fais, je vais en entendre parler pendant des années. A coup de *HAAAAAN tu t'es dessapé devant tout le monde, mais quelle humiliation, tu jettes le déshonneur sur trois générations d'Aubeterre et gnagnagna etc.*. En même temps, on n'a pas de descendant... Et si je ne le fais pas, ça va être *HAAAAAN si tu m'aimais vraiment, tu aurais tout tenté pour me retrouver et au lieu de ça, Mossieur fait sa mijaurée alors qu'en plus tout le monde t'a déjà vu à poil chez Papapair, t'es plus à ça près et gnagnagna*. Donc dans les deux cas, c'est foutu d'avance.*
Matpel prit une grande bouffée d'air frais et se tourna vers l'horizon. Le regard déterminé, gonflé à bloc, il jeta son bouclier négligemment sur le coté.
Cornecul, on n'a pas fait toute cette route et traversé tous ces continents pour rien. Pas question.
Oui, il exagérait un peu, mais sur le moment ça le motivait.
Il détacha la sangle de son épée et la sortit de son fourreau. Il empoigna fermement son arme d'une main et laissa tomber l'étui à terre de l'autre.
Font chier ces kertons.
Il planta vigoureusement son épée dans le sol, coté Kertagne. Ultime provocation envers les tortionnaires de son épouse et un peu à destination de la ChouCheffe, parce que bon, fallait quand même dire que Matpel avait pris l'habitude de donner les ordres, pas d'y obéir.
Pis quel con cet Anatole. C'est de sa faute tout ça. Je me demande bien ce que font mes poules.
Le temps de défaire quelques nuds et déboutonner ce qui restait, et le haut fut à terre.
Fianchtre. Ca caille.
Le temps était venu de faire un peu le malin. Voire le beau. Avoir passé la majeure partie de sa carrière dans l'armée comportait quand même quelques avantages. Regard de braise et sourire provocateur affichés, Matpel se retourna en direction de l'assistance en délassant ses braies.
La ChouCheffe, qui se semblait pas vouloir décolérer, La Goupille, Boudiné, Le Doc Emu, Mamamair * HAAAAAAAAAAAAAAN ! FOUTRECOUILLE ! ALERTE ROUGE ! *
Matpel fut foudroyé par le regard insondable de sa Belle Mère, qui ne manquait rien à la scène. Son élan fut brisé net et il fut rétrogradé instantanément en mode péteux.
Cornecul, comment n'y ai-je pas pensé !?? Mamamair !!!
Flegme disloqué, vaporisé, oublié, libéré, délivré.
* Penser. Vite. Trop tard pour reculer. Hé merde. *
Sans pouvoir se résoudre à prendre son temps mais bien décidé à aller jusqu'au bout (c'est le cas de le dire), Matpel écourta son spectacle en se débarrassant de ses braies et se tourna vers l'horizon en maudissant la Kertagne, Les Limousins, les Nobles, les soldats, les Périgourdins, les femmes, les hommes aussi, même les poules tiens.