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[RP] Marche ou crève.

Flore_
C'était fou le nombre d'urgences que Flore pouvait traiter dans ce bordel depuis son arrivée. Et évidemment, comme souvent, l'on venait la quérir alors que, pleine de concentration, elle observait de près des graines de scutellaria pour les mettre de côté en cas de soin et de maux de tête. Les graines au creux de sa main, la brune sursauta lorsque les coups à l'huis furent donnés et évita de justesse une chute desdites graines quand la porte s'ouvrit avec fracas. Un regard noir accueillit Angellus à qui elle ne décrocha pas un mot, rituel plutôt habituel chez celle qui était plutôt considérée comme une taiseuse qu'autre chose. Plutôt sanglant, c'était le terme qu'il avait employé... Flore se munit donc de linges, de diverses fioles et d'eau vinaigrée qui lui permettrait de nettoyer les plaies et d'onguents, de bourses en cuir où se trouvaient de nombreuses plantes séchées et emboîta le pas au jeune homme qui la précédait, non sans attraper une des soubrettes au passage dans un couloir pour lui intimer de lui amener de l'eau bouillante pour ses soins. Arrivée dans la chambre d'Adryan, qu'elle reconnut forcément malgré sa figure pas mal amochée, elle avisa aussi Dacien avec qui elle échangea un bref regard, avant de se positionner aux côtés du blessé. Avec des gestes mesurés, Flore souleva tout d'abord les paupières d'Adryan pour vérifier ses yeux, puis descendit petit à petit, tâtant dans un premier temps délicatement la nuque pour vérifier qu'aucune vertèbre n'était touchée, repérant silencieusement chaque bleu, chaque contusion, chaque entaille qu'il faudrait soigner. Au « alors ? » de Dacien, Flore ne pipa d'abord mot, trop concentrée qu'elle était à s'occuper de cet homme se trouvant dans un état critique. Se saisissant d'une paire de ciseaux, elle se débarrassa dans un premier temps de la chemise pour découvrir les ecchymoses recouvrant le torse, les côtes et la taille. Le plus délicat restait la palpation des organes internes. Quelques fois cela ne se voyait pas de l'extérieur, mais des coups portés au niveau du ventre pouvaient provoquer des hémorragies internes et des lésions graves au foie, ou encore à la rate. Sous les doigts habiles du médecin, le peau d'Adryan se tendait, et le regard de Flore s'accrochait à son visage pour essayer de capter une quelconque douleur qui se lirait sur ce dernier. A première vue, il n'y avait pas de blessures internes, et elle poussa un soupir inconscient de soulagement. Les lèvres pincées, Flore ne montrait rien de ce qui l'habitait, et relevant la tête, elle avisa Dacien quelques secondes avant de replonger dans son ouvrage.

Alors... alors il est diablement amoché, il va lui falloir du temps pour s'en remettre, mais je pense qu'il va s'en sortir. Du moins je pourrai plus me prononcer une fois que je l'aurai soigné.

Après avoir fait couler de l'eau vinaigrée dans un récipient et s’être nettoyé les mains avec de la cendre trouvée dans la cheminée, Flore se saisit de l'un des linges fraîchement repassés pour nettoyer les plaies dans un premier temps, le trempant dans l'eau vinaigrée pour le passer sur les nombreuses blessures et contusions qui parsemaient le corps d'Adryan. Bientôt, il lui faudrait s'occuper du bas du corps, car la vue de la forme de sa jambe sous le tissu de ses braies, cela ne présageait rien de bon, mais dans un premier temps, après avoir bien nettoyé les blessures les plus graves et profondes, il lui fallait les recoudre. Pour les autres blessures plus légères, elle appliquerait un cataplasme de consoude. Mais plus tard, plus tard... La soubrette lui ayant enfin amené de l'eau chaude, Flore prépara une lotion chaude de camomille pour parfaire la désinfection des plaies. Chacune fut passée au peigne fin, le corps d'Adryan ballotté avec douceur sous ses mains expertes pour ne pas en louper une seule. Puis enfin, la jeune femme s'empara d'un fil de lin double ciré avec de la soie et d'une aiguille à suture triangulaire, qui pénétrerait mieux la peau qu'une aiguille classique. Serrant les dents, sentant le regard des hommes présents dans la pièce sur son dos, de petites gouttes de transpiration commençaient à perler sur son front. Doucement, chaque plaie fut recousue, Flore ayant pris soin d'enlever la chair qui risquait de s'infecter et de partir en purulence au bout de quelques jours.

Terminant son ouvrage avec des cataplasmes de farine d'orge, le docteur de l'Aphrodite s'apprêtait à attaquer maintenant les jambes. Se penchant au-dessus de ces dernières alors même qu'Armand et Alphonse venaient de les rejoindre à leur tour, Flore ne s'attendait pas à une réaction aussi vive du blessé. Elle entendit tout d'abord son chuchotement, sans vraiment y prêter attention, mais les quelques mots susurrés restèrent tout de même, inconsciemment, gravés dans son esprit. Mais quand le corps d'Adryan rua sur sa couche, Flore eut un mouvement de recul. Son regard passa alors de Dacien, à Angellus, à Armand, à Alphonse, pour refaire le chemin en sens inverse en quelques secondes avant de se poser à nouveau sur Armand, qui était finalement celui qu'elle commençait à connaître le mieux au sein du bordel, même si souvent, il n'y avait que lui qui lui faisait la conversation quand ils se croisaient.


Il va falloir que quelqu'un fasse attention à ce qu'il ne se relève pas aussi brusquement, d'autant que je pense que sa jambe a subi quelques dommages et que je risque de lui faire mal...
Armand


Experte, Flore soigne l’ami. Il regarde ses mains blanches aller et venir, ses doigts prendre pour ensuite soigner et suturer les plaies. En la voyant faire, il se fit la remarque qu’avoir une telle femme plus ou moins proche de soit pouvait être potentiellement très intéressant.

Les soins avaient commencé lorsque le chat fit son apparition et malgré les quelques mots qu’il déposa glacialement dans l’air échaudé de la chambrée, Armand ne bougea pas d’un poil. Il était hors de question qu’il laissât ainsi Adryan sans ami proche. Après tout, des liens entre le castillon et les autres membres de l’Aphrodite lui étaient encore inconnus. Même s’il se doutait que depuis le temps, des amitiés, des amours ou encore des rancœurs avaient pu exister, une chose était sûre, Armand était un ami et il se devait de rester à ses côtés, noblesse d’âme oblige.

Le murmure d’Adryan parvint à ses oreilles. Les poings se serrèrent, les lèvres se crispèrent en ligne blanche. Ainsi donc il était question de Jules de Grateloup… Devait-il montrer qu’il connaissait de nom l’homme en question ? Qu’il pouvait se renseigner et le trouver… Ou devait-il garder cela secret et rendre justice de son propre chef ? Ses pensées ne divaguèrent pas longtemps, il observa du coin de l’œil le comptable s’échapper, ne sachant qu’en penser : insensibilité ou envie de vengeance… avant que ses noisettes ne fixent les pupilles du médecin et que sa tête acquiesce doucement.

Il s’approche alors du corps, s’agenouille et maintient Adryan du mieux qu’il peut afin que Flore puisse agir. Le maintenir sur sa couche même si la douleur est mordante. Armand avait déjà vu des moribonds se redresser vivement alors que l’on enlevait une flèche ou qu’on leur redressait un membre, la douleur a une puissance incommensurable sur l’esprit et le corps des Hommes.

Alors que la jolie Flore fait ce qu’elle devait faire, l’homme de main fit son apparition annonçant que le chat les appelait. Qu’avait en tête le comptable ? Il ne pourrait le savoir qu’une fois la confrontation commencée.

J’arrive. Dès que dame Flore n’aura plus besoin de moi…

Une fois que l’aide d’Armand n’était plus essentielle, et après avoir promis à Flore de l’aider à veiller sur le malade s’il le fallait, Armand descendit quatre à quatre l’escalier avant d’ouvrir à la volée la porte du comptable.
Une fois n’était pas coutume, il ne prenait pas de pincettes pour pénétrer dans le bureau. S’il avait contenu sa rage dans la chambre, il n’en était plus de même en ce lieu. Ses noisettes s’étaient assombries en un marron glacial. Il s’approcha du bureau et claqua ses deux paumes dessus. N’osant regarder autour de lui, les yeux fixant le dessus du bureau il prononça froidement, sans hausser le ton :


Dites moi qu’on va faire payer cet enfoiré…
--Dacien2
"Réponds bordel réponds…"Quand ses tripes se tortillaient d’elles-mêmes alors qu’il passait son regard sur ce corps presque inerte de vie, élégamment plein de mort. Les secondes s’égrainaient tout bonnement dans ce sablier qui avait l’air aussi grand que le Monde où ils vivaient tous. Il n’était jamais facile de rester sans ne rien faire mais, cette fois, il était encore plus difficile de bouger, ne serait-ce que le petit doigt pour oser donner un coup de main au Docteur. Dacien préféra la laisser faire quand, la porte de la chambre s’ouvrit laissant un homme rentrer dans toute sa splendeur colérique. Elle s’atténua sa colère lorsque ses ambres rencontrèrent le corps allongé sur le lit du Nobliau. Ce sentiment que les deux hommes se connaissaient d’avant, dans un passé qui leur était commun, revenait. Comme la première fois où il les avait vu discuter ensemble avant que Adryan ne s’éclipse pour la énième fois. Les premiers mots surgirent après avoir croiser furtivement son regard. Le minois renfermé, le vert froid. Le ton passablement ébranlé.

Tu n’entendras aucune grâce….

Seule façon de dire que la mort avait sonné. Et de l’entendre annoncer qu’il ferait n’importe quoi pourvu que le Nobliau soit sauvé. Dacien lu dans l’ambre la supplication de le sauver coûte que coûte. Il la lu ayant la même à cet instant alors qu’il attendait encore, les tripes serrées, la réponse de Flore. Un regard furtif en la voyant découper la chemise pour poser ses mains sur son torse. Ustensile indispensable afin de connaitre les premières plaies, les premières blessures, si la gravité était ou n’était pas. Et le premier constat retentit. Dacien n’entendit seulement qu’il allait s’en sortir. Les seules paroles qui arrivèrent tant bien que mal dans ses écoutilles. Replié sur lui-même. Impossible de bouger alors qu’elle s’affairait à soigner le corps inerte. Elle ne tremblait pas. Sa concentration était à son paroxysme et Dacien ne souhaitait en rien déranger le silence qui s’imposait de lui-même. Et pourtant…..Il fut interrompu ce silence.

Alphonse. L’Arrogant lança seulement un œil vers lui. Il l’écouta rentrer. Ecouter oui. Il ne faisait que cela depuis leur arrivée dans cette piaule. Comment faire autrement quand vous aviez l’impression d’avoir une partie de vous sur ce lit. Il n’y prêta guère attention à ce moment-là à cet homme qui le méprisait au plus haut point. Le dénigrement. Voilà ce qu’il en était. Il ne restait plus rien. Il n’y avait plus rien. Dacien l’avait usé jusqu’à plus soif. Seulement la source n’était pas tari. Et si seulement il pouvait lui exprimer, un jour, juste une minute ce qu’il avait sur le cœur, ce qui pouvait le ronger au plus haut point, peut-être arriverait-il à extirper un œil, un regard envers lui. Pourtant, rien aujourd’hui ne présageait cela. Non, pas aujourd’hui. Pas en voyant et en fixant le Castillon. Le fixant au point d’avoir l’impression que ses lèvres venaient de remuer Un soupçon, un instant. L’espoir qui terrassait tout, qui vous faisait voir des folies parfois. Ce ne fut que quand le son de sa voix émergea brièvement pour déclarer un nom qu’il comprit que ce n’était point un mirage, un oasis d’espoir. Le nom n’arrivait pas jusqu’à ses oreilles. Trop loin. Simplement le chuchotis que sa voix exprimait.
Il les regarda tous, enfermé dans sa bulle, pour ne pas exploser. Cela serait déconvenue. L’Arrogant, avec le temps, avait appris à se maitriser. Peut-être était-ce le fait de ne vouloir causer de tord à personne. Plus personne. Plus maintenant. Plus jamais.

Le Flamand ne resta pas avec eux. L’incompréhension pendant une seconde puis de se dire que le Nobliau avait exprimé ce qu’il redoutait quand Esmée était chargé de suivre Adryan pour savoir ce qui en découlait de ses absences répétées. Les indices avaient proliféré dans l’esprit de Alphonse. Pour sûr. La mine noire, les yeux vides, ou pleins d’il ne savait quoi. Même pas l’once d’un regard quand l’estomac se compressait encore.
Un soubresaut du corps inerte vint couper court à toute pensée. Flore demanda de l’aide. Dacien regarda les deux hommes. Incapable de bouger. Incapable de lever le petit doigt pour prêter mains fortes. Défait. Sûrement plus qu’il ne pouvait le penser à les observer se déplacer vers la couche et de se positionner afin de maintenir Adryan pour mieux le soigner. En retrait. En retrait encore.

Le silence se fendait par les gémissements de douleur du Nobliau. Il restait immobile, stoïque presque et pourtant. Tout son intérieur se métamorphosait en une espèce de fournaise se décuplant seconde après seconde, cherchant à se calmer mais chaque son de voix venait rechercher la chaleur nauséabonde de devoir passer au-dessus de cet état d’immobilité. Dacien s’avança doucement, l’air intrigué ou plutôt peureux de devoir découvrir les blessures. Il aurait préféré être à sa place. Il l’aurait échangé volontiers. Et la blessure de son bras ne lui provoquait aucune douleur. Il s’avança encore et d’être auprès de cette couche devant ce corps. Il les regarda tous, concentrés et lui en train de se demander s’il devait maintenir Adryan. Passer au-dessus de cette peur. Tendre ses mains pour accrocher ses bras et de le plaquer à même le lit pour éviter qu’il ne se relève. Et ses verts qui dévisageaient son visage flétri par la douleur. Douloureux de le voir ainsi. Douloureux de ne pouvoir rien soulager. Douloureux tout court. "Ca va aller…..Ca va aller….."Se répétait-il. Et le temps paraissait une éternité. Mais, il tint bon. Jusqu’au bout.
Hubert était arrivé entre deux. Le Comptable demandait à les voir. Tous trois. Qu’avait-il pour les quémander. Cela lui paraissait bizarre, sombre, mystérieux. La vengeance l’aveuglait au point de lui laisser la défaillance de le voir pénétrer dans son bureau?

Il se pointa. Derrière Armand. Le laisser devant et de se faufiler dans l’antre du Comptable en sourdine, près du mur, s’appuyant dessus, restant de marbre, froid et presque désintéressé de ce qu’il allait dire. Dacien ne savait quoi penser. Prit entre deux feux. Que faire….Seulement, ce lien qu’il attribuait à cette famille bancale était certainement plus fort que tout. L’effort de l’entendre parce qu’il était le Patron pour l’heure, parce qu’il était comme un Père et parce que, malgré le mépris qu’il lui offrait en pâture, Dacien le considérait encore des siens. Aucun mot ne sortit. Restant plongé dans ce maigre ressenti d’espoir qui tentait de se décupler, l’Arrogant attendait les quelques mots de Alphonse avant de quitter la pièce comme il était entré, dans un silence implacable et de guetter le réveil du Nobliau.


Alphonse_tabouret
Les velours s’appropriaient de nouveau consciencieusement chaque ligne des évènements relatés par la jeune Corleone ces dernières semaines, recoupant avec ses annotations personnelles et ce nom échoué aux lèvres abimées du Parasite, ce qui lui avait alors échappé dans la chronologie d’évènements allant bien au-delà de ce qu’il aurait pu imaginer.
L’entrée fracassante d’Armand fut simplement ignorée, Chat ayant d’autres préoccupations à l’instant que l’impolitesse nerveuse de ses employés et ne releva le regard vers lui que lorsque celui-ci parla enfin, pour entrapercevoir la silhouette de Dacien, immobile, fantôme dont le visage portait les accents blafards de l’inquiétude, appuyée en retrait, à laquelle il s’adressa d’abord, concis à l’extrême pour ne point exciter les plaies fiévreuses qu’avaient façonné l’Arrogant en le trahissant.


Merci d’avoir veillé sur Esmée, fit il avant de distinguer l’homme de main par la porte entrouverte et de s’adresser à lui avec la sobriété des instants les plus décisionnaires.
Graisse les pattes, ordonna-t-il en lui lançant une bourse pleine dont le cliquetis s’évapora sitôt la main atteinte, ... prends ce qu’il faut chez l’herboriste et fournit les plus dépendants, frappe si besoin est, jusqu’au sang, mais je veux savoir où se trouve Grateloup avant la tombée de la nuit, conclut-il sinistrement au fil d’une mâchoire qui ne s’autorisa aucune crispation devant l’auditoire
Le bruit des pas fut la seule réponse audible et bientôt, alors que pendant une grappe de minutes, le vacarme des armes avait résonné dans la Maison Basse, ce fut le silence qui cueillit les trois hommes désormais seuls. De l’histoire que le liait au Parasite, Alphonse n’avait jamais soufflé le moindre mot, nourri par ce contentement cruel de disposer seul d’un moyen de pousser le Castillon à l’exaspération et formé au respect des silences consentis sans être demandés, lié depuis si longtemps au nobliau par la chair et la fatalité, que se mêlaient sans se dissocier, la sécurité et la nausée de l’avoir à ses côtés.


On ne chasse pas les fantômes, répondit-il enfin à l’attention d’Armand , navré tout autant qu’exaspéré par l’impuissance à laquelle les confrontait cette quasi mise à mort dont l’inattendu ne valait que par leur manque de perspicacité.
Il y a deux ans, commença-t-il en s’adressant aux courtisans, ... les St Flavien étaient porteurs d’une dette conséquente auprès d’un créancier nommé Grateloup.
Ainsi commençait l’histoire, soigneusement tissée d’un voile d’opacité pour ne point trahir le moribond dont l’âme se balançait aux gouffres du silence, retenu par les doigts effilés d’une médicastre. La suite fut sobrement égrainée, relatant la soirée où il avait vu la chevalière au doigt du cadet Grateloup et l’avait rachetée, omettant, le prix à payer pour faire changer de main le gage pécuniaire d’Adryan auprès de son créancier, pour amener les oreilles attentives au seuil de cette soirée fatale où l’orgueil des deux hommes avait achevé d’entrelacer leurs destins.
Lorsque l’Aphrodite a fourni à Adryan de quoi résorber cette dette, cette chevalière est devenue le l’enjeu d’un marché énonçant, selon sa volonté, qu’elle ne serait rendue que lorsque l’intégralité de la somme prêtée serait intégralement remboursée…
Un sourire amer s’empara de ses traits quelques instants avant de poursuivre sur cette nuit étouffante où le Castillon s’était présenté à son poste, la mort de son débiteur encore palpitante à ses mains gantées, et lui-même blessé, tant et si bien qu’il avait fallu là aussi, appeler à l’aide pour lui prodiguer les soins les plus urgents.
Le front s’assombrit, quand la colère sourde dédiée entièrement à cet insupportable nobliau retrouvait les plis habituels de ses volutes, mis au pied du mur par son entêtement imbécile à ne résoudre les choses que par lui-même quand il en était à ce point incapable.

La chevalière a disparu, quand rien d’autre ne manque acheva-il froidement, les laissant arriver aux mêmes conclusions que lui, repoussant les papiers jusque-là étudiés pour figer la profondeur d’un regard plein sur Armand.
Nous pourrons glaner quelques informations sans mal, mais l’accès à de plus hautes strates nous demanderait un temps d’organisation que nous n’avons pas. Armand…
La douleur de devoir demander quelque chose interrompit l’animal le temps d’un battement de cœur avant que la nécessité n’imprime à ses tempes l’élan suffisant à poursuivre sa phrase.
… vos origines vous ouvriront plus rapidement certaines portes. Vous pensez-vous capable de revenir avec des réponses d’ici vingt heures ?
_________________
--Adryan
[Le lendemain, vers 16h00]

La porte s’était refermée sur la longue silhouette du comptable dans un cliquetis que le silence avait avalé. Combien de temps le flamand avait-il attendu, adossé contre le mur blanc, pour distiller sa nouvelle comme un venin perfide ? Le Castillon n’en savait rien, et somme toute s’en contre fichait. Garder les yeux ouverts était difficile et douloureux tant ses paupières étaient gonflées. Mais cela n’avait guère d’importance. A peine sorti de ses délires comateux, le miraculé refusait de replonger déjà dans le sommeil. Le bruit était trop fort, les voix trop criardes, les visions trop réelles.

Le comptable avait parlé, expliquant que Tristan avait couru Paris, que les hommes d’Hubert avaient fait de même. Eventuellement en avait-il dit davantage. Peut-être même le Castillon, paumé dans son nuage aux odeurs piquantes jusqu’à lui donner la nausée, avait-il compris le laconique récit de travers. Mais le pourquoi du comment n’avait pas la moindre importance. Seule une phrase tournait dans sa tête comme une ronde infernale, se jouant de lui, encore… « Jules de Grateloup à quitté Paris. Nul ne sait où il est ».

L’infâme. L’abject. Jusqu’au bout, le Pape torturait. Refusant au Castillon le repos noir et silencieux auquel il aspirait dans un magistral pied de nez final. Grateloup s’évaporait, et Adryan restait là, seul, avec le mirage d’un enfant volé par une Vipère qui l’avait écharpé vif en disparaissant, elle aussi, dans un panache de fumée. Là, seul, prisonnier d’un bordel qui le nourrissait d’une main pour le vider de l’autre. Là, seul, coincé dans ce lit aux draps trop blancs, écrasé par les humiliations et les coups tus jours après jours pour protéger cette saleté aux yeux verts, Dacien qui pourtant jour après jour, expiait sa faute avec ferveur. Pour ménager cet ennemi trop intime pour ne pas en avoir le ventre retourné d’ire dès que son regard gris avait le malheur de se poser sur le sempiternel sourire malade d’Alphonse. Cacher tout pour un portier et une blondine qu’il ne connaissait pas, ou si peu. Pour une égyptienne qui n’était que voile et mirage. Pour le souvenir d’un môme aux yeux agrandis par les récits d’un ailleurs détruit. En aurait-il eu la force, qu’un rire cynique et angoissant aurait franchi le seuil de ses lèvres craquelées à cet état des lieux infect de son existence.

Sans le moindre doute, le châtiment le plus cruel que lui avait infligé le pape Grateloup était de l’avoir laissé en vie.

Avec une lenteur extrême, les doigts castillons tâtonnèrent jusqu’à buter contre le bois enserrant sa jambe droite. Trop épuisée, la tête brune capitula et roula sur le traversin, autorisant la haine et la colère à se diluer dans chacune de ses veines, dans chaque infime vaisseau pour en prendre possession comme un vers rongeant patiemment sa pomme, chassant l’espoir et l’amour d’une larme écrasante d’amertume au coin de son œil rouge.

Marche ou crève. Il ne restait qu’une chose qu’Adryan de saint Flavien, Duc de Castillon pourrait faire.

Boiter.
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