Sofja
- ... cest essayer.
René Barjavel (LEnchanteur)
- [En Limousin]
Cela faisait quelques jours que l'ainée des Jagellon s'était rendue en Limousin suite à une invitation au bal des Ozera. Les festivités étaient du passé maintenant et le retour en Bourgogne imminent. Mais avant le départ, Sofja souhaitait retrouver un lieu qui lui était cher en cette saison. Une rivière non loin de son Domaine en direction de Ventadour. C'était la saison de la pêche et enfant, elle y accompagnait son défunt père. Ce dernier lui avait prit l'art de la pêche : digne moyen doccupation dun homme libre qui développe la perspicacité et incite à la méditation, aimait il dire.
La veille, elle avait retourné le grenier à la recherche de la malle de son père. Enfin, elle tomba sur sa ligne à main. Une baguette lisse de saule, percée dans le sens de la longueur, dont le scion est formé d'une tige de noisetier. La ligne était constituée de crin de cheval teints ou pendait un hameçon fabriqué avec une aiguille en acier de section carré.
Sofja n'avait eu besoin d'acheter dappât, son géniteur avait un secret qui fonctionnait jusqu'à présent très bien. Il enveloppait lhameçon de laine écarlate à laquelle ils attachent deux plumes de coq couleur de cire.
Malheureusement son fils était malade depuis le retour du bal. Son futur époux et sa demoiselle de compagnie avaient préféré se reposer avant le départ. Sofja était donc partie toute seule. Ainsi, elle serait au calme pour pêcher en "compagnie" de son père, comme au bon vieux temps.
Parlons justement du temps, il était parfait pour une partie de pêche. Les poissons se nourrissent activement à l'approche de l'hiver. De plus, le soleil était doux et l'eau fraiche. Que pêcherait elle aujourd'hui ? Le capito à la chair molle, aux arêtes serrées ; la truite au dos étoilé de gouttes de pourpre ; le redo, poisson sans arêtes ; l'ombre rapide ; le barbeau ; le saumon à la chair pourpre et dont la panse est remplie de graisse ; la lotte marquée de points noirs entourés d'un cercle jaunâtre, grasse jusqu'au milieu du corps et maigre ensuite jusqu'à la queue ; la perche ; le brochet, hôte des étangs et qui se tient dans les herbes et la vase ; la verte tanche ; l'ablette, facile à pêcher ; l'alose ; la truite saumonée ; le goujon au corps trés gras et l'énorme silure.
Après une bonne heure à galoper à travers les champs, Sofja s'engouffra dans une petite forêt pour rejoindre le cours d'eau. Non loin de là, elle aperçut une silhouette d'un homme qui semblait plonger dans une toute autre occupation. Elle s'installa confortablement, posant un panier pour accueillir sa pêche et un filet au cas ou si le poisson lui glissait entre les doigts. Elle avait revêtu sa tenue de chasse : des brais longues et épaisses, une chemise en lin et un gilet en laine. Et surtout des poulaines en cuir montant jusqu'à ses cuisses. L'essentiel si elle ne voulait attraper la mort.
Concentrée, elle adopta la technique dite du mort manié. A cet instant, elle fit un bon dans le passé. Son premier cour de pêche.
- -Jette maintenant ton appât, ce beau goujon fera bien l'affaire, au delà de ces herbes, et laisse- le descendre jusqu'au fond ; fais- le remonter jusqu'à qu'il soit près de la surface de l'eau; laisse- le descendre encore ...fais- le remonter; tire un peu à droite et à gauche; laisse- le descendre de nouveau... fais- le remonter doucement...retire toi un peu en arrière, et fais approcher l'appât du bord.
Lexcitation était retombée et à sa moue défaite son père avait rigolé.
- -Rien a mordu?
Ne perd pas patience... jette l'appât plus loin et recommence à le faire remonter et descendre.
_________________