Johanara
"Jamais Ambroise n'oublie, Toujours Ambroise se venge."
Extrait du Recueil des petites fables et autres proverbes Ambroisiens.
La vindicte semblait à son acmé dans le palpitant florissant d'escobarderies de la pourtant si délicate et si bienveillante Johanara Bérénice d'Ambroise.
Mais ils jouaient l'un avec l'autre, l'un contre l'autre, l'un malgré l'autre depuis tellement longtemps.
Son cousin Nathan l'avait quelques années auparavant livré en pâture à la famille Montbazon-Navailles. C'était son tour à présent de connaître les affres des épousailles de convenance. La Sublime se repaissait à l'avance de cette liberté qu'il lui avait arraché et qu'elle étranglerait à son tour de sa main de matriarche courroucée.
La pernicieuse Almodie Jacquemine de Pince-Alouette, exilée en Armagnac pour mauvais traitements sur la progéniture adorée de la biche aux yeux verts de mer, ne fut que trop heureuse de remettre son museau sournois dans la fange et le rubis des affaires familiales.
La vieille tante comprit bien vite qu'en aidant Johanara à remarier l'Apollon déchu, sa place dans La Familia lui serait rendue.
Alors on éplucha les registres, on chercha la vache à lait. On la voulait étrangère, titrée, et fertile. Qu'elle donna à l'éphèbe assez d'enfançons pour faire taire les rumeurs ignobles qui couraient à son encontre.
Il se murmurait parfois que Nathan aimait à se donner à de jolis garçons. Sa cousine le savait friand d'Euzen mais elle ne s'en offusquait guère, ayant reconnu à leurs relations tumultueuses et à leurs illades tendancieuses quelque chose de divin propre au Grand Amour.
Néanmoins elle se souciait de sa réputation et n'aurait aucunement souffert qu'on puisse distribuer à son adoré, quolibets et homélies.
On trouva une triple vicomtesse que la rouquine connaissait de nom et de réputation. La grande dame avait une fille de l'âge de Johanara, soit de quelques années l'aînée de Nathan.
Cassandre au doux prénom funeste...L'aruspice mortuaire...L'oiseau de mauvais augure. Johanara aima ce penchant mythologique qui irait tel un gant à l'Ambroise suicidaire.
Quelques missives mielleuses, quelques laquais mandatés pour aller courtiser Rosa de Leffe d'Harlegnan, lui porter des présents, des fleurs et la promesse d'un avenir luxuriant pour sa duchesse de fille.
Le jour de la rencontre, la berrichonne avait transformé le manoir de famille en véritable petit Castel fleuri de milles et une roses blanches ou d'énormes lys tigrés. Tout embaumait, des mignardises exquises étaient portées par d'adorables valets aux boucles flaves et aux tenues d'un rose glacé.
La mère avait trainé la fille sous un prétexte fallacieux. Quant à Nathan, c'est Almodie qui lui avait donné l'ordre de se ramener, convoquant machiavélique, la fameuse et tant redoutée CLAUSE 36.
Johanara les accueillit, vêtue d'une robe indécemment élégante et sophistiquée, d'un tulle ocre et mordoré qui affinait la taille avant de s'évaporer sur les courbes affriolantes des hanches. Sa crinière de flammes en passe de devenir la 8 ième merveille du monde, abondait sur le minois de Madone. La beauté de Johanara laissait présager le meilleur quant aux dispositions physiques du mari.
Bienvenu! Entrez mes dames! Un coktail?
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