--Dacien.dechenot
Qu'on se le dise, si d'autres se satisfaisaient de quelques heures de sommeil : Dacien aimait dormir, et, s'il se couchait fort tard, il se levait de même pour peu qu'il en ait le loisir, surtout l'hiver où il jouissait en s'éveillant de savoir qu'il pouvait se rendormir dans la tiédeur de ses draps. Un seul mot pour qualifier cet instant : béatitude !
Et justement, ce matin-là était l'un de ceux où il pouvait jouir en toute quiétude d'une paresseuse grasse matinée d'autant qu'il régnait une qualité de silence tout particulière bien qu'une lueur passant à travers l'huis de la fenêtre le conforta dans l'idée que le jour était déjà levé.
Il enfouit la tête dans l'oreiller et se laissa emporter par une douce somnolence.
Splaaachhh !!!!
- Mummmm...
Il enfouit sa tête plus profondément encore tout en émettant un grognement.
Splaaachhhh !!!! Il neiiiiiige ! Venez !
A n'en pas douter c'est bien à lui que la voix s'adressait... hélas !
Il ouvrit un il torve et grimaça tout en attrapant sa chemise.
- Par la malepeste ! Oze !
Il ouvrit la fenêtre et poussa l'huis lançant à Oze un regard courroucé.
- Il neige... il neige.... Elle ne va pas fondre avant midi !
Certes, il se souvenait avoir promis à Oze la plus mémorable des batailles de neige mais il n'avait pas précisé qu'elle devrait avoir lieu à l'aube !
Il lui indiqua l'Abreuvoir.
- Vous ne voudriez pas commander deux solides petits déjeuners avant ?
--Dacien.dechenot
Un quart d'heure ? C'était juste le temps qu'il lui fallait le matin pour faire le tour de sa chambre à la recherche de ses vêtements ça !
Il avait une fâcheuse tendance à commencer l'effeuillage sitôt la porte de la chambre refermée.
Invariablement il dénouait son ceinturon et déposait soigneusement Necat sur la commode. Le tabard se retrouvait lancé sur le dos de la chaise près de l'entrée, les bottes valdinguaient au petit bonheur la chance, la chemise manquait le plus souvent le dossier et se retrouvait à pendouiller sur l'assise d'un siège, les braies étaient abandonnées à même le sol et enjambées.
En général à ce moment là il se trouvait pile poil au bord du lit sur lequel il se laissait alors tomber dans le plus simple appareil.
Refaire au matin le trajet en sens inverse présentait plus de difficultés pour retrouver chaque élément de l'équipement égarés aux 4 coins de la chambre.
Il referma la fenêtre en soupirant. Inutile escompter prendre un bain ce matin !
Il se vêtit à la hâte. L'une de ses bottes avait passé la nuit sous le lit et il dut se mettre à 4 pattes pour récupérer l'insoumise.
Il prit ses gants de cuir et noua une écharpe à son cou tout en dévalant l'escalier.
- J'arrive, j'arrive... rho !!!
Il faisait bon dans la pièce commune de l'Abreuvoir Moussant. Eglantina, la propriétaire ne lésinait ni sur le bois ni sur les victuailles pour satisfaire ses clients, en témoignait le petit déjeuner qui l'attendait.
- Bonjour Oze. Je viens de trouver le poste idéal auquel vous pouvez prétendre à l'ODL !
Et la laissant dans l'expectative, tout en se frottant les mains de satisfaction, il se servit un grand bol de lait chaud largement sucré au miel et une rôtie qu'il couvrit généreusement de beurre frais.
- Ainsi donc vous auriez la prétention de me coller le séant dans la neige....
Il mordit la tartine à pleines dents et continua la bouche pleine :
- Vous feriez mieux de manger pour prendre des forces et d'aller vous vêtir plus chaudement.... Vous serez transformée en bonhomme de neige avant d'avoir eu le temps de lancer la moindre offensive !
--Dacien.dechenot
Il profite de sa surprise pour avaler une bouchée. Oh il n'aura guère le temps de plus avant qu'elle ne reparte à l'assaut !
Non il doit se résoudre à faire l'impasse sur un petit déjeuner paresseux : elle ne le lâchera pas !
Il aime pourtant le silence des petits matins et la braise qui couve prête à s'embraser sous la cendre apaisante.
Mais le feu follet l'amuse et le tire de sa torpeur matinale.
- Clairon !
Ainsi donc la guerre est ouverte ! Il a tiré sa première bordée. A n'en pas douter elle sera suivie de représailles et l'honneur sera lavé dans la neige.
- Clairon est un poste que je crois vacant et où vous feriez merveille à souffler dans votre corne. N'auriez-vous pas rejoint l'Ordre que j'aurais pensé à un autre instrument...
Et il se met à jouer d'une flute imaginaire
- Pipeau !
Il sait que plus il la titille et plus la bataille fera rage. Mais elle a réveillé le dragon... Seule la victoire sera belle.
- Et dites-moi...
Il fourre un bout de jambon dans sa bouche et le mastique consciencieusement avant de poursuivre :
- Vous êtes venue seule ou votre bande vous attend dehors ?
Il la toise afin de bien lui faire comprendre que c'est une nouvelle pique envoyée. Il résiste à l'envie de rire grandissante quand elle lui promet "la misère", fait mine de s'étirer, repus.
- Mummm après un solide petit déjeuner j'irais bien faire un petit somme digestif moi !
La rendre colère.
Ignorer son impatience.
Lui donner à penser qu'elle va affronter une couleuvre.
Lui faire sous-estimer l'adversaire quand il se sent cobra.
L'oeil s'est pourtant étréci et son corps soudain se détend lorsqu'il se lève manquant renverser sa chaise et qu'il rafle ses gants sur la table.
- Je ne voudrais pas vous faire attendre, Oze ! J'espère que vous avez encore faim pour un monceau de neige...
Et sans même vérifier qu'elle le suit, il quitte la chaleur de l'auberge, ramassant mine de rien la neige qui couvre la rambarde et la tasse entre ses mains pour façonner la première boule.
--Dacien.dechenot
Il aime le bruit de la neige qui se tasse sous ses bottes.
Il aime la qualité du silence feutré.
Il aime la douceur des paysages sans angles que la neige arrondit.
Elle l'a vu armé. Hum... Il balance sa boule sur la façade de l'auberge puis semble observer en professionnel.
- Je teste la neige MOA madame !
Et quand elle le dépasse il change de direction pour ne lui présenter que son dos. Retardant à loisir le moment de l'affrontement.
Mais sous la feinte nonchalance l'oreille est aux aguets.
Il entend le pas d'Oze dans son dos, puis au son de sa voix il repère ses déplacements.
Aucun mot de plus ne sortira de sa bouche : il écoute.
Il doit savoir où elle est. Très précisément.
Il se focalise sur les sons plus sur les mots. Qu'importe les provocations, c'est par les armes qu'il y répondra.
Endormir sa méfiance.
Il entend son rire quand une première boule s'écrase dans son dos.
- Hé !!!! Allons près du lac plutôt, nous y aurons davantage d'espace...
Et il accélère le pas.
Discrètement, raflant la neige à chaque support il renforce sa boule qui atteint maintenant la taille d'un beau melon. Il ne la tasse pas. Inutile de l'assommer au premier boulet ! Parfois il laisse pendre l'un de ses bras, puis l'autre, histoire que la donzelle le croit désarmé.
Il entend aussi ses arrêts au silence d'un pas, et la devine à préparer une attaque. Sans doute est-elle là, juste à quelques pas derrière lui, accroupie pour récupérer de la neige.
Ne pas se retourner surtout, ralentir juste un peu le pas et risquer un coup d'oeil .
Oui ! Elle est bien là...
D'un geste brusque et précis, par dessus son épaule, l'énorme missile s'envole vers l'impudente.
Alors, alors seulement, vif comme l'éclair, il se retourne et accélérant le pas afin de trouver l'abri d'un chêne séculier :
- Vous disiez ? Mou ?....
Rapidement il façonne une dizaine de boules qu'il pose au pied de l'arbre et s'écarte du tronc, prêt à armer un nouveau tir.