Jenifaelr
- Cette nuit, une drôle de sensation pris la jeune femme. Elle se réveilla en sursaut, la respiration rapide, saccadée, le ventre en miette, le cerveau affolé et la gorge trop mal en point pour parler. Le cur rate un battement, lorsqu'elle pose la main sur la poitrine et retient sa respiration un instant. Elle porte ensuite cette main à son cou et l'enserre un bref instant. Pour arrêter l'angoisse, il lui serait tellement simple de refermer les doigts agiles sur le cou abîmé pour faire cesser le souffle, pour arracher la peau, la chaire et faire couler le sang, avant de sentir la vie la quitter. La jeune femme laisse tomber la main sur elle, avant de ramener ses jambes contre sa poitrine. Dans cette chambre d'auberge, elle se sent seule et pourtant dans l'alcôve non loin, dorment à poings fermés ses enfants, ses trésors, son existence même. Ces trois jeunes êtres pour qui elle se maintient en vie, sans qu'elle ne parvienne à définir tout à fait pourquoi, ou comment. Faiblement, elle laisse échapper un gémissement et un autre suit, avant d'éclater silencieusement en sanglot. Elle tombe sur le côté, en position ftal pendant que ses sanglots s'étouffent sur le drap tout en le trempant, sur ses joues roulant les perles salées de l'angoisse. Son corps se secoue alors qu'elle tente de rester silencieuse, alors qu'elle tente de ne pas réveiller les enfants. Puis la voix de l'Italienne résonne doucement, très doucement, comme un murmure, comme une incantation malfaisante.
"- Déteste-toi. Tu es idiote. Tu es stupide, que fais-tu encore en vie ? N'essaye pas d'être sympathique, n'essaye pas de mentir, tu n'es rien. Tu n'es rien d'autre qu'un déchet incapable d'élever ses enfants. Un déchet incapable de quoique ce soit. Quant à été la dernière fois que tu as éprouvé un véritable sentiment ? Quand ? Un sentiment, est-ce que tu en ressens au moins ? "
La chose se poursuit, pendant que la jeune femme se sent sombrer et mourir lentement, pendant qu'elle sanglote, ses mains sont venues autour de son cou, elle veut de nouveau mettre fin à sa souffrance, de nouveau arracher les chaires pour ne plus respirer.
"- C'est lâche, c'est trop lâche, tu dois rester en vie et souffrir. "
Elle se le répète, encore et encore, l'histoire dure une dizaine de minutes avant que les larmes ne cessent de lui brûler les yeux, de les lui rougir et de troubler sa vision. Tout s'embrouille dans sa tête, elle a la gorge sèche d'avoir autant pleuré, la gorge qui brûle, elle se sent en feu, des sueurs lui viennent, désormais, c'est comme si toute l'eau contenue dans son corps voulais s'échapper et c'est une chaleur torride qui vient lui donner des sueurs, elle se tiens toujours la gorge, comme si la tenir lui permettrais d'étancher sa soif, comme si cela lui permettrais d'aller mieux. Elle se redresse enfin et sa voix faiblarde, cassée se fait entendre.
"- Pourquoi je dois souffrir ? Pourquoi c'est toujours moi que l'ont choisie pour cela ? Lorsque je mens, je souffre, lorsque je dis la vérité, je souffre, que j'aime ou non, l'on me fait souffrir, que je soit hors d'une situation ou non l'on me le reproche et j'en souffre, bon sang, mais que doit-je faire ? "
Le vide lui répond par un silence dans cette nuit noire. Elle se découvre et s'assoit, son pied touche le sol, la peau au contact de celui-ci se hérisse de millions de petites boules de chaire, tant c'est froid, cela lui déclenche également une petite série de spasmes permettant à son corps de se tempérer. Désormais, son dos est humide et glacé et elle claque des dents. Les pieds parviennent jusqu'au coffre de la chambre, qu'elle ouvre doucement, elle en sort une tunique, celle qu'elle porte normalement durant la journée, avec sa chemise et ses braies. Elle retire alors son chainse humide et collant pour se retrouver nue, un nouveau frisson la prends, un frisson qui devient un spasme de nouveau, elle abandonne le tissu clair sur place, à ses pieds et referme le coffre. La Florentine retourne alors voir le lit et tâte là où ses larmes se sont écrasées, le tissu est humide également et paraît presque poisseux là où se trouvait son corps. Alors doucement, elle retire le drap et le ramène sur un côté du lit, là où elle ne dormait pas, elle s'y enroule à l'intérieur avant de tirer la couverture par-dessus.
Voilà. L'angoisse est passée, elle peut tenter, maintenant de reprendre sa misérable vie de misérable personne, comme avant. C'est ainsi qu'elle est, c'est ainsi qu'elle se sent. Son corps est faible, son esprit en lambeaux et son cur devenu inexistant, glacial, froid, bien des personnes ne cesseront de lui dire que tout cela n'est pas définitif, mais elle le sent, ses muscles sont épuisés, son esprit ne veut plus suivre et ses sentiments ne veulent plus revivre, elle sait que jamais personne, oh non, jamais personne ne pourra combler ces choses, qu'aucun être ne peut guérir ses plaies ouvertes depuis longtemps et béantes depuis toujours, elle sait que celles-ci semblent perpétuellement misent à vif, recouvert de sel et refermer sur les gros-grains de sel. Des cristaux qui se dissolvent dans sa peau, des cristaux qui remontent jusqu'à ses yeux et s'écoulent ensuite sous la forme de larmes salées. Elle ferme les yeux, bien qu'elle ne voie aucune différence entre l'instant où ses paupières ont recouvert ses globes et l'instant où ceux-ci, pouvaient observer l'inquiétant noir lui faisant face, sur le mur. La blonde se tourna, puis retourna, il était désormais impossible pour elle de se retirer de l'esprit toutes ces paroles, qu'elle s'était dites. On la disait belle, mère indigne, chiante, dénudée de sentiments, stupides et d'une nullité sans nom au combat. La vérité était presque là. Belle, elle l'était pour ceux qui la voyaient sous ses beaux jours et qui trouvaient du charme dans les courbes et le corps musclé de la Vénitienne, si l'on acceptait que ses yeux bleu clair et ses cheveux blonds miellés soit de belles choses. Mère indigne, elle l'était, c'était certain, néanmoins, elle était également une mère dévouée, une louve prête à tout pour ses enfants, lorsqu'elle les garder près d'elle bien sûr. Chiante, elle l'était surement, il y avait de grande chances même, mais cela n'était le résultat que d'une enfance naïve bercée au milieu de champs de lavande, des vignobles ou encore sur les hauteurs d'une falaise, le faciès face à l'océan qui déposer ses embruns. Dénudée de sentiments, elle ne l'était pas, et même loin de là, ils étaient sa plus grande faiblesse, sa plus grande tare, son plus grand regret. Elle aurait aimé être comme ces êtres inexpressifs ou ayant trop vécu pour s'attacher, mais la jeune femme était d'un naturel naïf et attaché, si bien qu'elle parvînt à se prendre rapidement en affection pour beaucoup trop de gens, ce qui la blesser bien trop souvent. Quant à être stupide, elle l'était en effet. Intelligente lorsqu'il s'agissait de chiffre ou de gestion, mais d'une stupidité sans failles lorsqu'il fallait étudier les sciences humaines. Lorsque enfin, elle comprenait un code de la société, voilà qu'il changeait, voilà qu'il fallait le réapprendre sans cesse. Quant à sa nullité sans faille au combat, voilà une bien longue histoire, une histoire qui remontait à son enfance, une enfance naïve et rosée, mais dans laquelle on lui avait appris également à manier les armes, alors elle maniait la dague comme elle maniait les chiffres et la gestion des ressources. D'une main de maître, mais lorsqu'on manque d'entraînement pour l'un des deux, durant de longues années, alors il se peut que nos mains oublient. Les mains de la jeune femme avaient oublié donc.
C'est sur ces dernières pensées, elle tenta de se vider l'esprit de toutes les mauvaises choses qu'elle c'était énoncé et auxquelles elle avait pensé, pour tenter de dormir, comme une saucisse, enroulée dans une peau toute blanche.
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