.mahaut.
Assise en taverne, les yeux dans le vague, la main sur un verre plein, la brune réfléchissait. Ne riez pas. C'était sérieux cette fois. Elle avait volontairement écarté de son esprit quelques idées le temps de retrouver Lynette, de retrouver une tenue digne de ce nom, d'aller voir un médicastre, de se péter la tronche en taverne et même de voyager mais là, il fallait s'y coller.
Un roux. Nu.
Bon. Vu comme ça, ça demandait pas des masses de réflexion, certes. Mais quand même. Parce qu'il avait de vagues airs de...'fin non, hein, mais quand même.
Elle soupira un coup et avala d'un trait son verre d'eau de vie.
- Anatole !
Le tavernier leva les yeux vers la salle puis vers elle.
- Vous attendez quelqu'un ?
- Raaaaaaah ! Saleté de limousin ! Il est jamais là quand il faut !
- Ha ça, les limousins... J'vous ressers ?
- Volontiers ! Je dis toujours que jamais 15 sans 16 de toute façon...
Elle trinqua dans le vide et refixa la fenêtre.
- Z'auriez du papier et une plume ?
- Ben j'devrais vous trouver ça.
- Vous écrivez bien, vous ?
- Ben... j'sais écrire "bière".
- Ah ! Bravo ! Si vous savez écrire bière vous savez tout écrire !
- Heu... non...
- Mais si mais si ! Allons allons, vous n'allez pas faire fuir votre seule cliente quand même ! Soyez commerçant !
- C'est vrai que vous buvez pas mal...
- Voilààààà ! Bon, installez-vous, je dicte et vous écrivez. C'est pas dur vous verrez.
- C'est long ?
- Noooooooooooon... Une bafouille de rien du tout !
Après quelques verres (et une assiette de pâté en croûte), la brune hocha la tête, satisfaite. Le tavernier se tenait le poignet mais le courrier était lesté au pied d'un pigeon. Destinataire : le roux tout nu. Le pigeon trouverait forcément.
Bon, Machin, concentrez-vous, j'ai un courrier à écrire et je suis trop sobre pour le faire. Si si, j'vous assure. Anatole a disparu, il faut donc que ça tombe sur quelqu'un. Notez bien tout ce que je vais dire. Appliquez-vous, mettez des pleins et des déliés. Non. Ca c'est un pâté, ce n'est pas un délié. On ne me la fait pas. Concentrez-vous, Machin.
C'est bon ? Alors...
Mettez "Messire". C'est bien, messire, non ? C'est neutre. Oui enfin je sais bien que c'est masculin, Machin, mais là ça tombe bien c'est à un masculin qu'on écrit. Je le sais, je l'ai vu. Non, Machin, je n'appelle pas "Messire" tous les hommes que j'ai vu à poil. Je vous signale que je n'étais pas toute seule à le voir ainsi. Je fais ce que je veux de mes voyages, ça ne vous regarde pas. Non, ce n'était pas du naturisme, concentrez-vous je vous dis.
Messire, donc.
Oui ben calmez-vous, je cherche quoi dire... Si j'avais mis "Mon Roudoudou du ciel étoilé !" ou "Où se cache mon argent ?" ça aurait été plus facile à écrire, mais là je dois rester neutre. Pas Helvète, non. Enfin j'aime bien me faire des tresses mais les chèvres, merci bien. D'ailleurs... Non, je m'égare. Messire.
Je ne sais comment... J'ai cru voir... Oui enfin non, j'ai vu beaucoup de choses mais quand même... ça pourrait le vexer. Bon, on s'en fiche parce que c'est pas lui mais quand même. J'ai besoin d'un autre verre. Pff.
Messire. Oui ben messire trois fois, z'avez qu'à raturer proprement !
Je ne sais pas comment vous avez fini dans ce champ à agiter les bras avec si peu de conviction, décidant de faire prendre l'air à vos... jambes. Non, Machin, non, ne riez pas, je suis une pure jeune fille. Resservez-moi d'abord. Poursuivons. Le fait est que vous avez manifestement été mis sur mon chemin pour me faire tomber dans un piège. Grossier, le piège, d'ailleurs. Non, Machin, non, ne pouffez pas. Je ne sais quel but poursuivent ceux qui ont décidé de vous déguiser en mon défunt mari mais on ne m'y prend pas. Ah, vous saisissez, Machin ? Ce type veut se faire passer pour mon défunt Roudoudou. J'ai entendu le "pas étonnant qu'il soit mort". Tss. Donc cet homme a été grimé, enfin, non, mis à poil, de façon à ce que je le prenne pour Roudoudou. Non, j'ai pas vérifié. Non, j'étais loin. Pis de toute façon... Bon pis ça vous regarde pas, voilà.
Le Grand Machin soit loué, j'ai la tête sur les épaules et du vin à la main, et j'ai su rester digne devant la supercherie. Je sais fort bien que vous n'êtes pas lui. Il n'était pas roux, déjà. Il était beaucoup plus vénitien. Du Sud, comme disent les bretons. Vénitien du sud. Certes, vous lui ressemblez fort, mais une épouse aimante et bon, comment on dit déjà ? "et prise", voilà, j'étais très prise à l'époque, une épouse aimante et très prise ne s'y trompe pas. Roudoudou étoilé est mort, voyez-vous. Resservez-moi. Il est mort dans un monastère, hurlant son amour pour moi. Enfin j'imagine. J'étais pas là. Il est mort il y a déjà fort longtemps, emportant en même temps ma joie de vivre. Et ses 3000 écus. Ce qui revient au même. Si par miracle Aristote avait décidé de le laisser revenir, je sais fort bien qu'il serait revenu auréolé de gloire divine et pas dans un camp de vikings du sud en goguette, amateurs de sacrifices humains. Voyez, Machin, que c'est pas si sympa, le naturisme. Qu'on ne pratique pas. Bon. Mon verre est vide, resservez.
Or donc vous n'êtes pas lui. N'est-ce pas ? Non mais je cherche à le piéger, là, Machin, c'est stratégique. Il était très fort en stratégie, il saura se débrouiller. Si c'est lui. Non mais je sais que c'est pas lui mais c'est au cas où ! Vous n'y comprenez rien. Poursuivons. Et puisque vous n'êtes pas lui, vous n'avez nulle réaction en lisant que j'ai perdu vos titres. N'est-ce pas ? Parce que j'étais chez les nonnes, Machin, je suis distraite mais quand même ! Bon, donc, comme vous le prenez bien, vous sourirez également en apprenant que je suis officiellement morte en Bretagne, cédant tout mon argent à Anatole. OUI MAIS J'ETAIS SOBRE ! Et j'avais bu de l'eau. Ainsi donc je ne suis plus que Dame de Nabinaud, et encore, si papapair n'a pas décidé de me déshériter. Ah, et je suis pauvre, aussi. Ah, et malade. Enfin je l'ai été, Lynette m'a fait soigner mais quand même. Donc comme vous n'en avez rien à faire, ce n'est pas grave, n'est-ce pas ? Sans parler des poules, qui ont disparu. HAN ! Mes poules... Passez-moi une autre bouteille.
Et si par hasard vous clamez toujours être lui, si, si, je vois bien que vous êtes du genre à clamer, il va falloir que vous le prouviez. Vous ne m'aurez pas comme ça. Si vous êtes Roudoudou, vous devez bien connaître un moyen de me le prouver officiellement. Je vous fais confiance. Même si vous étiez un peu mou dans vos mouvements de bras.
Dans l'attente de lire vos protestations,
bien éthyliquement,
Mahaut. Enfin non Pas-Mahaut, je dois préserver mon anonymat. La vache, ça donne soif de dicter, donnez-moi à boire !
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Un roux. Nu.
Bon. Vu comme ça, ça demandait pas des masses de réflexion, certes. Mais quand même. Parce qu'il avait de vagues airs de...'fin non, hein, mais quand même.
Elle soupira un coup et avala d'un trait son verre d'eau de vie.
- Anatole !
Le tavernier leva les yeux vers la salle puis vers elle.
- Vous attendez quelqu'un ?
- Raaaaaaah ! Saleté de limousin ! Il est jamais là quand il faut !
- Ha ça, les limousins... J'vous ressers ?
- Volontiers ! Je dis toujours que jamais 15 sans 16 de toute façon...
Elle trinqua dans le vide et refixa la fenêtre.
- Z'auriez du papier et une plume ?
- Ben j'devrais vous trouver ça.
- Vous écrivez bien, vous ?
- Ben... j'sais écrire "bière".
- Ah ! Bravo ! Si vous savez écrire bière vous savez tout écrire !
- Heu... non...
- Mais si mais si ! Allons allons, vous n'allez pas faire fuir votre seule cliente quand même ! Soyez commerçant !
- C'est vrai que vous buvez pas mal...
- Voilààààà ! Bon, installez-vous, je dicte et vous écrivez. C'est pas dur vous verrez.
- C'est long ?
- Noooooooooooon... Une bafouille de rien du tout !
Après quelques verres (et une assiette de pâté en croûte), la brune hocha la tête, satisfaite. Le tavernier se tenait le poignet mais le courrier était lesté au pied d'un pigeon. Destinataire : le roux tout nu. Le pigeon trouverait forcément.
Bon, Machin, concentrez-vous, j'ai un courrier à écrire et je suis trop sobre pour le faire. Si si, j'vous assure. Anatole a disparu, il faut donc que ça tombe sur quelqu'un. Notez bien tout ce que je vais dire. Appliquez-vous, mettez des pleins et des déliés. Non. Ca c'est un pâté, ce n'est pas un délié. On ne me la fait pas. Concentrez-vous, Machin.
C'est bon ? Alors...
Mettez "Messire". C'est bien, messire, non ? C'est neutre. Oui enfin je sais bien que c'est masculin, Machin, mais là ça tombe bien c'est à un masculin qu'on écrit. Je le sais, je l'ai vu. Non, Machin, je n'appelle pas "Messire" tous les hommes que j'ai vu à poil. Je vous signale que je n'étais pas toute seule à le voir ainsi. Je fais ce que je veux de mes voyages, ça ne vous regarde pas. Non, ce n'était pas du naturisme, concentrez-vous je vous dis.
Messire, donc.
Oui ben calmez-vous, je cherche quoi dire... Si j'avais mis "Mon Roudoudou du ciel étoilé !" ou "Où se cache mon argent ?" ça aurait été plus facile à écrire, mais là je dois rester neutre. Pas Helvète, non. Enfin j'aime bien me faire des tresses mais les chèvres, merci bien. D'ailleurs... Non, je m'égare. Messire.
Je ne sais comment... J'ai cru voir... Oui enfin non, j'ai vu beaucoup de choses mais quand même... ça pourrait le vexer. Bon, on s'en fiche parce que c'est pas lui mais quand même. J'ai besoin d'un autre verre. Pff.
Messire. Oui ben messire trois fois, z'avez qu'à raturer proprement !
Je ne sais pas comment vous avez fini dans ce champ à agiter les bras avec si peu de conviction, décidant de faire prendre l'air à vos... jambes. Non, Machin, non, ne riez pas, je suis une pure jeune fille. Resservez-moi d'abord. Poursuivons. Le fait est que vous avez manifestement été mis sur mon chemin pour me faire tomber dans un piège. Grossier, le piège, d'ailleurs. Non, Machin, non, ne pouffez pas. Je ne sais quel but poursuivent ceux qui ont décidé de vous déguiser en mon défunt mari mais on ne m'y prend pas. Ah, vous saisissez, Machin ? Ce type veut se faire passer pour mon défunt Roudoudou. J'ai entendu le "pas étonnant qu'il soit mort". Tss. Donc cet homme a été grimé, enfin, non, mis à poil, de façon à ce que je le prenne pour Roudoudou. Non, j'ai pas vérifié. Non, j'étais loin. Pis de toute façon... Bon pis ça vous regarde pas, voilà.
Le Grand Machin soit loué, j'ai la tête sur les épaules et du vin à la main, et j'ai su rester digne devant la supercherie. Je sais fort bien que vous n'êtes pas lui. Il n'était pas roux, déjà. Il était beaucoup plus vénitien. Du Sud, comme disent les bretons. Vénitien du sud. Certes, vous lui ressemblez fort, mais une épouse aimante et bon, comment on dit déjà ? "et prise", voilà, j'étais très prise à l'époque, une épouse aimante et très prise ne s'y trompe pas. Roudoudou étoilé est mort, voyez-vous. Resservez-moi. Il est mort dans un monastère, hurlant son amour pour moi. Enfin j'imagine. J'étais pas là. Il est mort il y a déjà fort longtemps, emportant en même temps ma joie de vivre. Et ses 3000 écus. Ce qui revient au même. Si par miracle Aristote avait décidé de le laisser revenir, je sais fort bien qu'il serait revenu auréolé de gloire divine et pas dans un camp de vikings du sud en goguette, amateurs de sacrifices humains. Voyez, Machin, que c'est pas si sympa, le naturisme. Qu'on ne pratique pas. Bon. Mon verre est vide, resservez.
Or donc vous n'êtes pas lui. N'est-ce pas ? Non mais je cherche à le piéger, là, Machin, c'est stratégique. Il était très fort en stratégie, il saura se débrouiller. Si c'est lui. Non mais je sais que c'est pas lui mais c'est au cas où ! Vous n'y comprenez rien. Poursuivons. Et puisque vous n'êtes pas lui, vous n'avez nulle réaction en lisant que j'ai perdu vos titres. N'est-ce pas ? Parce que j'étais chez les nonnes, Machin, je suis distraite mais quand même ! Bon, donc, comme vous le prenez bien, vous sourirez également en apprenant que je suis officiellement morte en Bretagne, cédant tout mon argent à Anatole. OUI MAIS J'ETAIS SOBRE ! Et j'avais bu de l'eau. Ainsi donc je ne suis plus que Dame de Nabinaud, et encore, si papapair n'a pas décidé de me déshériter. Ah, et je suis pauvre, aussi. Ah, et malade. Enfin je l'ai été, Lynette m'a fait soigner mais quand même. Donc comme vous n'en avez rien à faire, ce n'est pas grave, n'est-ce pas ? Sans parler des poules, qui ont disparu. HAN ! Mes poules... Passez-moi une autre bouteille.
Et si par hasard vous clamez toujours être lui, si, si, je vois bien que vous êtes du genre à clamer, il va falloir que vous le prouviez. Vous ne m'aurez pas comme ça. Si vous êtes Roudoudou, vous devez bien connaître un moyen de me le prouver officiellement. Je vous fais confiance. Même si vous étiez un peu mou dans vos mouvements de bras.
Dans l'attente de lire vos protestations,
bien éthyliquement,
Mahaut. Enfin non Pas-Mahaut, je dois préserver mon anonymat. La vache, ça donne soif de dicter, donnez-moi à boire !
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