Floriantis [Bretagne, Saint Brieuc, début novembre]
La feuille que le vent emporte ne cesse son voyage que lorsquune accalmie le lui permet. Elle se pose doucement sur quelque objet quelle trouve ou sur le sol, après avoir virevolté en tourbillonant en une folle danse, comme ces farandoles endiablées qui laissent fuser les rires des jeunes gens qui se tiennent la main, et attend un autre souffle dair pour senvoler aussitôt vers une destination inconnue.
Quelle sera sa destination maintenant ? le Très Haut labandonnait il une fois de plus pour le laisser hésitant et doutant ? Fallait il être puissant pour avoir le droit de vivre et de respirer ?
La mer qui frappait les rochers dessinait ses bouquets décume quelle propulsait vers le ciel et la côte, faisant entendre son chant colérique tandis que le vent balayait les rochers et la lande, l'obligeant par instant à fermer légèrement les yeux. La capuche de sa cape rabattue laissait à peine entrevoir son visage et le gris de ses pupilles qui fixaient la danse des vagues alors que le jour déclinait, ses bras étaient repliés autour de ses genoux protégés par des braies de toile épaisse, sur lesquels il avait posé son menton.
Il aimait ce coin de terre où le vent fouettait le visage, où les embruns vous assaillaient et où lair avait un parfum et une fraicheur qui vous redonnaient du courage. Ce rocher plat qui dominait la petite falaise à laquelle il accédait par une sente non loin de sa bâtisse, était son refuge. Il ny avait rien devant, juste les rochers à quelques dizaines de pas en contrebas, un peu de sable mêlé de cailloux sur la plage de la crique, et la mer et puis tout là bas cette ligne qui semblait séparer le ciel de la terre. Le bout du monde comme il disait en riant. Quy avait il là bas tout au fond ?
Un jour il aurait un bateau, comme ceux quil voyait sur le port, et il partirait explorer le bout du monde.
Si dhabitude un léger sourire éclairait son visage lorsquil était ici, aujourdhui nulle lueur ne dansait dans son regard si ce nétait celle du ciel et des nuages qui sy reflétait. Ses pensées bouillonnaient dans sa tête.
Il avait quelques missives à faire, et repensait aux dernières reçues, notamment celle de son amie Marypole. Etrange rencontre que la leur, comme pour Secate d'ailleurs, en octobre de lannée passée, lorsque ses pas lavaient emmené au milieu des batailles alors quil cherchait sa rouquine aujourdhui disparue. Il rêvait de devenir chevalier et sauver les plus faibles, alors il avait intégré les Trente, un bel exploit dont il était fier lui le petit blondinet du royaume de France. Mais les rêves avaient parfois un goût déphémère.
Aujourdhui, tout ça lui paraissait tellement dérisoire. Il croyait, il donnait tout ce quil avait, il mettait son cur et sa passion dans la moindre chose quil accomplissait avec honneur et loyauté, et il était déçu encore.
Il ôta le gant de cuir de sa main droite et la glissa à son cou pour sortir le médaillon qui ne le quittait pas depuis la mort de Lali. Le même que le sien. Cette lettre K lobsédait.
Pourquoi cette lettre sil sappelait Blainville ? sa sur lui avait dit que cétait leur nom. Aujourdhui elle nétait plus, il était orphelin et il navait pas trouvé les réponses à ses questions depuis quil avait quitté ceux qui lavaient élevé en Alençon.
Et puis il y avait cette discussion qu'ils avaient eu Secate et lui, et ces étranges coincidences sur leur passé. Demain ils devaient se voir pour en parler encore et déjà il était impatient.
Ses prunelles se portèrent au loin avant qu'il ne se relève pour prendre la direction de chez lui. Les nuits tombaient de plus en plus tôt et il avait des missive à faire, dont une réponse à quelqu'un qu'il respectait depuis des mois qu'il la connaissait.
[Un peu plus tard, une bâtisse]
La plume s'arrêta et le blondinet relut une dernière fois.
Citation:Monseigneur,
Je sais que vous allez sourire, mais pour moi vous serez toujours Monseigneur Asphodelle.
Je viens à nouveau prendre de vos nouvelles et vous remercie également de votre réponse et de ces choses gentilles à mon égard que vous avez couchées sur le vélin.
Je suis comme je suis et j'essaie d'aller toujours vers le mieux, mais j'ai tant de choses à apprendre encore.
J'espère qu'après ces mois et ces mois de travail, vous trouvez enfin le moment de vous reposer.
Vous savez que vous pouvez compter sur moi et mon soutien et qu'il vous suffira de me faire appeler pour que je vienne vous rejoindre si quelques projets faisaient leur chemin en votre esprit qui je le sais, sommeille rarement.
Je vous demande une seule chose, de prendre soins de vous.
Avec tout mon respect.
Floriantis
L'emplumé s'envola en direction de celle qui sans doute le lendemain trouverait sa réponse attachée à la patte du volatile._________________
Carmen_esmee. Carmen accompagne Asphodelle jusqu'à ses appartements, elle l'aide à remplir le baquet, elle veille à la bonne température... Et laisse sa patiente se dévêtir et plonger dans son bain.
La femme médecin inspecte les appartements de la dame, tout y est bien rangé, elle attrape un tabouret et le peigne d'Asphodelle... Elle vient s'asseoir à la tête de celle ci.
Elle peigne doucement les cheveux d'Asphodelle,
Des tâches importantes ? Non mes élèves se font un peu discrets en ce moment, de plus Monseigneur Belphegore peut aisément me remplacer auprès d'eux si il le faut.
Elle ne peut s'empêcher de regarder les cicatrices de la Dame, elle qui la pensait de haute noblesse et femme du Très Haut... Elle ne manquera pas de la questionner à son tour, subtilement comme toujours...
En attendant, elle répond aux questions qu'on lui pose poliment.
J'ai de nombreuse maisons, mais je n'en occupe aucune vraiment...
Elle rit doucement... elle repose le peigne sur ses genoux et fait face à la Dame, saisissant l'éponge, elle vient lui frotter doucement les épaules
Je vis au couvent lescurien dans mon ancienne cellule de séminariste.. Au Château de Cournon en Auvergne, chez mes cousins Toggenburg de Marigny..
Elle réfléchit un instant, J'ai eu une boulangerie à Treguier aussi, une mauvaise idée que j'ai eu.. Encore.. Mais je l'ai revendu il y'a peu.. Que dire d'autre eh bien.. J'ai des terres que j'ai hérité de ma famille maternelle, mais c'est encore trop douloureux de s'y rendre pour y vivre... J'y passe donc quand bon me semble... Donc je crois que ma maison, c'est la roulotte que je partage avec mon fiancé.
Carmen rit franchement, amusée de ce que penserai sa famille de cela...Et vous Dame, où viviez vous avant de venir ici ?
Elle repasse à la tête de la Dame, et vient nettoyer son dos, elle ose ainsi une autre question plus ou moins subtile...
Est ce la bas que vous avez reçu ces souvenirs marquants ?
Carmen.. Aussi subtil qu'un coup d'épée...
Asphodelle, comment une femme qui porte le nom d'une fleur peut être autant marqué par le fer.. Quelle peine envahie cette femme ? La perte d'un être cher... L'amour ? Les deux à la fois ?
Elle connait se regard... Vide et las, elle l'a eut il y'a un peu moins de deux ans.. Son coeur de femme-enfant avait souffert de la disparition d'un être aimé... Elle ne savait pas comment aborder le sujet avec Asphodelle, peut-être après tout qu'elle se trompait complètement ?
Elle posa donc une dernière question pour enrober la première, si celle ci fut trop directe..
Avez vous de la famille dans le royaume où ailleurs ?
Carmen fini de lui laver le dos. Elle reprend le peigne, jusqu'à ce que la crinière de feu d'Asphodelle, soit domptée et rassemblée en une longue tresse soigneusement nouée par un ruban comme le lui appris sa cousine...
Carmen_esmee. Carmen rajoute de temps en temps un peu d'eau chaude dans le baquet et veille a ce que le feu dans la cheminée ne s'éteigne pas... Inutile que la dame soit malade...
La jeune fille ne cesse de l'écouter, décortiquant chaque phrase, espérant comprendre d'où vient cette tristesse qui affaiblie sa patiente. Elle s'aperçoit rapidement que Asphodelle a beaucoup voyagé, qu'elle a occupé de nombreuses fonctions à hautes responsabilités. Cette femme n'a jamais eu le temps de s'ennuyer semble t-il ?
Elle est assise près d'Asphodelle quand elle lui montre sa jambe, le médecin peut enfin voir et comprendre cette cicatrice.
Mais surtout le lieu... Bayeux ? Un siège ? Cela remontait surement à bien longtemps... Mais Carmen ne put retenir sa surprise... Elle aurait aimé lui poser mille question sur Bayeux à cet instant mais elle se tut, préférant garder le silence. La patiente se confiait, il ne fallait point l'interrompre et rester à laffût du n'importe quel petit fragment de réponse sur la cause de son état de santé.
Carmen sembla balayer "Bayeux" de ses pensées en posant son regard sur les autres cicatrices.. Des blessures banales pour la patiente.. point pour Carmen, elle en demandera plus en temps utile
Asphodelle parla de sa féminité, Carmen ne put s'empêcher de sourire...
Je vous comprends plus que vous ne le croirez jamais, je ne suis moi même qu'avec des braies...
Carmen se regarde dans cette robe, trop étroite et trop ample à la fois, cette dernière ne lui donne que l'allure d'une femme... certain signe ne trompe pas néanmoins, comme le bandage de sa poitrine qui parfois dépasse de son corset trahissant le mal être de sa naissance...
Toujours a fuir ce que je suis... A qui j'appartiens... Vous devez vous dire que j'ai tout ce que je souhaite, un travail qui me plait, un fiancé qui m'aime... Mais cela n'a pas toujours été ainsi...J'ai tant maltraité mon corps à vouloir être un homme a cause du bonheur que vous connaissez sans doute dêtre née dans le corps d'une femme, je me suis brûlée à vouloir obtenir ce qui est défendu, à fuir pour une vie qui m'est propre..
Il est triste de penser que nous appartenons toujours a quelqu'un que ce soit un père, un cousin, un frère, un fiancé ? Mais il y a aussi le reste, le couvent, les patients, les collègues... On appartient autant à nos responsabilité qu'aux êtres... Vous ne croyez pas ?
Peut-être était ce pour vous le moment de quitter tout cela, pour vous retrouver, à l'image que vous me donner de vous, nue, avec vos souvenirs du passé gravés à même votre peau. Puisse votre regard se projeter plus loin que cela... J'espère un jour vous y aider Asphodelle.
Carmen ne sait si elle a envie, ni le droit de parler des De La Serna... Après tout la devise de sa famille est la pour le lui rappeler...
"Courage et Sacrifices... Pour que le secret demeure..."
Huit mots pour résumer bien des horreurs... Mais le domaine n'a rien de secret, elle peut dévoiler cela, Cette femme a peut-être connu ses parents, peut-être aurait elle des choses a lui apprendre sur son passé ?
Peut-être que Finalement le Très Haut l'avait belle et bien guidée vers elle ?
Non ! Cela ne serait pas bien, Carmen est là pour aider Asphodelle est pas le contraire, dans d'autre temps elle lui posera ses questions...
C'est un modeste Manoir, A un jour et demi de marche de Compiègne
Quand Asphodelle fut débarassée des dernières poussières de son passé, Carmen l'attendait débout près du baquet, elle a posé un linge sur le sol et en tend un devant elle, l'invitant a sortir pour se sécher.
Carmen_esmee. Carmen accueille la Dame dans ses bras, elle l'enveloppe du drap et vient lui frotter le dos.
Elle l'écoute, cette femme a raison sur toute la ligne...
Elle lui sourit, Vous avez raison pour la réciprocité de nos attaches.. Oui en effet..
Je.. Je suis désolée pour votre père.
Elle laisse la Dame finir de se sécher et va chercher sa chainse,
Enfilez cela, vous allez attraper froid..
La femme médecin prépare le lit de la dame. Elle ouvre les draps.
Puis vient glisser une pierre dans l'âtre, elle s'agenouille devant la cheminée..
Elle regarde la pierre absorber la chaleur comme le banc tantôt qui lui vola sa propre chaleur, les mots de la Dame résonne encore dans sa tête...
Elle espère que ces derniers lui seront utile comme argument face à son père qui ne tardera pas à lui rendre visite chez elle.
Ma famille est assez grande du côté de ma mère, je doute que vous les connaissiez mais peut-être qui sait.
J'ai des cousins Harispe, Toggenburg de Marigny, Lisaran, et ma mère est une de La Serna... Je ne sais si elle vit encore ou non.. Je sais juste qu'on la vue pour la dernière fois a Honfleur.
Ma marraine est Korydwen de Toggenburg Marigny, Baronne de Cournon dans le BA et Mon parrain est Normand, comme moi, il ne fait pas parti de ma famille à proprement parlé mais il fut comme un grand frère pour ma mère et un guide pour moi. Il s'agit de Keur de Thorigni et Baron d'Aunay.
Carmen attrape la pierre avec une pince en bois, puis vient la glisser sous les draps d'Asphodelle.
Et vous, vous reste il de la famille quelque part ?
Carmen_esmee. Carmen fut surprise d'apprendre que cette Dame avait habité où elle était née, de plus elle connaissait son Parrain ! Quelle joie !
Vous en parlez en bon terme, mais au passé ? Je comprends moi même je ne l'ai pas revu depuis mon baptême, c'est pour dire.
Le temps passe trop vite en effet, le royaume n'est pas grand et pourtant il est facile d'être suffisamment loin pour rompre des liens malgré soi.
Elle regarde la dame s'habiller pour la nuit, elle l'aide un peu et la regarde prendre place dans le lit, elle la borde rabattant sur elle les draps.
Votre famille semble bien grande, j'espère que vous avez su garder contact avec eux, il est si facile d'oublier que même si la famille est sienne pour toujours mais que les liens qui la constitue doivent être entretenus.
Carmen est en trait de plier les linges qui servirent à la dame pour se sécher afin de les porter à laver quand celle ci lui fait un aveux des plus... Comment dire ? surprenant sur la santé de sa mère ?
La jeune fille ne sait pas quoi répondre à cela, elle ne peut qu'approuver sans doute.. Elle incline la tête en venant s'asseoir au pied du lit.
Votre mère doit surement vous manquer autant que la mienne me manque.. Ne pas savoir ce qu'elle est devenu est une vrai torture... mais à votre place je serai certainement inquiète.
Je repense à ce que vous avez dis, au fait d'être mal née... Cela ne doit pas vous arrêter, je suis une vulgaire bâtarde moi aussi.. Comme vous !
Carmen rit doucement,
Mais cela ne nous a pas empêché de grandir et de vivre jusqu'à aujourd'hui n'est ce pas ? Ne nous arrêtons pas à cela, Asphodelle
Bien il vous faut dormir maintenant, je vais m'installer dans la pièce à côté si vous voulez bien.
Demain nous irons nous balader toutes les deux si vous voulez bien, je ne tiens pas a ce que votre teint reste si pâle ! La saison n'est pas propice au soleil, mais l'air frais du Rocher ne pourra vous faire que du bien.
Carmen se redresse, elle offre un dernier sourire à Asphodelle.