Eldearde
"The great thing about winter flowers is they look alive when they're long gone"*
- - Alors, qu'en pensez-vous ?
- Et bien, sans être une experte en couture, habillement et autres...trucs, je crois que c'est un poil trop petit monsieur Simon.
- - Vous croyez ? Je trouve pourtant que ce modèle ravissant souligne avec grande élégance la beauté de vos...formes. Mais si vous y tenez, je vais vous dénicher quelque chose de plus...ample.
- Nous vous en saurions gré. Moi et mes..."formes".
Kierkegaard, désormais en tête à tête avec ce reflet désobligeant qui se trouve être le sien, se perd un instant en ce qui pourrait sembler une contemplation narcissique quand il ne s'agit en vérité que d'une observation minutieuse se soldant par un jugement sans appel : cette grande perche aux quinquets bleutés et ridiculement grands, au minois taillé à la serpe posé sur cet espèce de long cou blanc, à l'épiderme lactescent, presque livide, n'avait pour elle que la terrible joliesse de cet abdomen gonflé et plein de vie.
La porte-parole en titre du Conseil récemment élu n'avait pu se résoudre à écarter pour le temps du mandat les aléas d'une vie privée en pleine désintégration. Aussi, à l'issue d'une nuit fatale qui avait vu mourir toutes les belles certitude de son cur amoureux, avait-elle pris la route dans la plus grande précipitation, délaissant un Tour Comtal à peine inauguré avec pour seul et unique dessein de creuser la distance réelle ou fantasmée entre Tulle et ses pieds, entre Ses mains et sa peau, entre un présent trop douloureux et un avenir trop incertain. Limoges était fidèle à elle même, telle qu'elle l'avait laissée quelques semaines plus tôt dans un soupir de soulagement : les souvenirs d'une Marie disparue encombraient les places et les rues ; les fantômes du passé, se mariant à la bise glacée, sifflaient sous les toitures mornes et nues. Pour tromper l'ennui, et surtout le chagrin, Kierkegaard s'était résolue à reconstituer, si ce n'était le duo railleur et tapageur de deux guignols fiancés, du moins une garde-robe adaptée à la douce présence de ce corps étranger...et encombrant. D'un pas rapide, tête enfoncée dans son madras rubicond, elle avait laissé derrière elle l'enseigne de la cousine bien-aimée qui autrefois habillait sa fine silhouette de tendron, pour pousser la porte de "Chez M. Simon". Grave erreur.
Il était temps d'ôter cette horreur étriquée, juste bonne à vêtir une asperge anorexique, et ce, si possible, avant de mourir étouffée entre deux morceaux de tissu à peine assez cher pour torcher le cul du Roy. Eldearde se tortille, se trémousse, s'agite, se déhanche, délivre son bassin, puis sa bedaine, se dandine encore, gigote derechef, jusqu'à ce qu'un craquement de mauvais augure déchire -littéralement- le silence sépulcral de la boutique. La brunette se fige, jupons et chemise à l'air, bras levés et tordus en quelques angles improbables, prisonniers des mailles de cette horrible étoffe criarde, à l'instar de la trogne en l'instant fort agacée d'une Eldearde désormais aveugle.
- - Hm. Monsieur Simon ? Foutrecul. Monsieur Simon, vous êtes là ?
Et merde.
*Traduction : "Ce que les fleurs d'hiver ont de remarquable c'est qu'elles semblent vivantes quand elles ne sont plus depuis longtemps".
Winter flowers - Martha Tilston
Mea culpa, la malédiction du titre pourri a encore frappé.
Edit : Vilaines fôtes. Beurk.
Winter flowers - Martha Tilston
Mea culpa, la malédiction du titre pourri a encore frappé.
Edit : Vilaines fôtes. Beurk.
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