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[RP] Un défi plus qu’une vengeance

Donatien_alphonse
Le sursaut est léger, trop faible lorsqu'il sent se poser sur ses épaules, une nouvelle couche qui vient alors le protéger de la pluie bien que présentement, ce n'est pour tout avouer pas ce qui le dérange le plus. Au fond de lui il le sait, Kelel est présente, elle a donc répondu à sa missive par sa venue en ce lieu de duel achevé.
Il ne voit rien ou presque, ses yeux sont à demi-clos et ses oreilles bourdonnent sans cesse, jamais il n'aura été dans un état aussi pitoyable, même après des jours passés à se remplir le gosier de boisson. La présence à ses côtés met un certain temps tout de même à venir le pêcher pour le forcer à se redresser sur ses pattes et quand elle s'exprime enfin à lui, il perçoit la voix de la bougre.
Cette simple pensée pourrait le faire sourire si seulement il n'avait pas la trogne en vrac et cette douleur qui persiste et qui pourtant, l'empêche de brailler afin d'exprimer ce que physiquement il ressent. Elle lui parle mais pour lui il ne s'agit là que de sons, rien n'est vraiment concret pour lui mais... qu'elle ne s'arrête jamais de lui parler, surtout jamais !

Et c'est au pied d'un arbre que notre tatoué nouvellement balafré se retrouve le cul à terre, mains posées au sol et de nouveau, la gueule ouverte et ces mêmes filets de sang aux joues. "Serre les dents..." C'est tout ce qu'il perçoit distinctement et il s'exécute bien que de nouveau, la douleur se réveiller mais ce n'est rien face à ce qui l'attend.
Le feu, ça lui arrache la trogne, de l'alcool, ça n'en fait aucun doute et ses dents serrées ne parviennent pas à retenir d'épais postillons de bave et de sang qui s'échappent de sa bouche. Hormis quelques grognements, il ne peut crier, à croire que la punition infligée est bien plus forte qu'un simple aspect physique.
Boire, le Rat Crevé, il y songe et ses pensées le confortent dans l'idée que s'il s'accroche à la vie et si avant tout la bougre daigne le soigner correctement... par ailleurs espérons que ses mains soient propres ! Alors il pourra un jour espérer retrouver les siens en cette taverne des miracles qu'il affectionne tant.

Enfin, l'alcool s'est arrêté et c'est une toute autre sensation de chaleur qui vient recouvrir ses joues. Une cape visiblement... et c'est qu'elle en vient à lui demander de continuer à se taire. C'est n'est pas la première mais cette fois-ci, les circonstances sont différentes. Et non, le bougre ne bougera pas d'un poil, il n'en a plus la force seul et pour l'heure, c'est qu'il pourrait piquer un somme. Mais tous le savent, ce n'est pourtant pas le genre de somme d'où l'on revient.
Kelel est soignée, attentive, le geste ne semble pas nouveau pour elle, Donatien ignore tout de ce qu'elle fait mais il ne bouge pas. Sa bouche s'est entrouverte à nouveau mais les plaies sont propres et bientôt, les saignements auront diminué. Pourtant ce n'est là pas suffisant, tous deux le savent.

Et de nouveau, le voici debout sur ses jambes quelque peu branlantes... (donc oui là Donatien est vraiment pas au top du top, c'est exaspérant !) Tous deux ils s'avancent vers la gitane encore au sol. Non, elle ne doit pas l'achever, pour l'heure, Axelle est gagnante mais ce n'est que partie remise... il serait mal connaître Donatien que de penser que tout ceci resterait sans conséquence. Mais chaque chose en son temps.
Quelque chose à dire à son attention... qu'elle le regarde si elle le peut et qu'elle constate ce sourire qui désormais, n'aura de cesse de la suivre, il l'espère. Mais le sang est craché à ses pieds et déjà, Kelel lui porte assistance avant de repartir.

Tout le long durant, Donatien se laissera guider, sa confiance envers la bougre est intacte, parfaite...
Axelle
Les narines empêtrées par l'odeur de l'humus et la bouche pâteuse du goût métallique de son sang, l'oreille pourtant ne faiblissait pas. Un pas approchait. Froissant l'herbe détrempée. Trop léger et fluide pour être celui de Donatien. Une femme, peut-être. Le traître. Ainsi donc ne respectait-il pas les règles qu'il avait lui-même établies ? Ainsi donc était-ce un guet-apens ? À quoi d'autre finalement devait-elle s'attendre de la part de cet homme ? Pourtant la déception glissa le long de ses veines. Mais au Diable les désillusions. Une de plus, une de moins, la gitane avait appris à ne plus les compter. Sauf que même seule et épuisée, rien ne serait offert en cette nuit. Le poing manouche se serra furtivement sur le manche d'ébène de son couteau, et lentement, imperceptiblement, la lame pivota dans sa paume tatouée. L'alarme du fer glissant dans son fourreau ricocha dans le crâne brun. Pourtant la Casas ne broncha pas malgré le froid de sa lame irradiait à présent le bout de ses doigts comme une nouvelle promesse.

Approche. Approche encore, qui que tu sois. Je n'ai peut-être plus la force de danser, mais crois-moi, j'ai celle de te tuer. Si ton roi sourit à jamais, je te ferrai loucher de ma lame planté à même ton front.

La respiration tzigane était âprement contenue contre l'herbe glacée, pourtant chaque muscle tendu était prêt à faire volte face dans l'éclair de son couteau fendant l'air d'un sifflement si caractéristique. Mais le pas sembla hésiter, pour finalement reculer. Des éclats voix et autres grognements troublèrent le clapotis de la pluie incapable délayer la concentration manouche. Et les pas revinrent, hérissant l'échine manouche d'un frisson assassin enflant le goût métallique planant à ses lèvres.

Nul cliquetis de fer ne résonna, mais une voix féminine enveloppa la clairière d'accents provocants. Contre l'herbe, une virgule blanche fendit le visage brun et tuméfié. La première leçon de tous combattants, de quelque bord qu'il soit, était fort simple. Ne jamais sous estimer son adversaire. Ne jamais se croire vainqueur avant d'avoir bougé un orteil. Leçon que la femme derrière elle semblait ne jamais avoir apprise.

Pauvre Donatien. Je ne donne pas cher de ta peau avec un tel garde du corps, et encore moins cher de la sienne.


Mais somme toute, une fois l'arrogance craché, les pas s'éloignèrent définitivement. Les doigts bruns sur la lame se dégourdirent et l'essoufflement agita le corps gitan sans plus de retenue. Combien de temps resta-t-elle ainsi à courir après son souffle ? La Casas n'en avait aucune idée et ne s'en souciait pas, laissant la pluie la laver de la violence de cette nuit. Pourquoi en étaient-ils arrivés là ? Elle ne savait plus vraiment, mais une chose était à présent certaine. Qu'ils le veuillent ou non, l’existence du Roi de Pouilleux et du Prévôt de Paris étaient liées. Lentement, elle se redressa, mais son crane semblait éclater à chaque mouvement. Un pas, deux. Difficiles, grelottant d'un froid tétanisant ses entrailles. Et elle retomba. Finalement, l'herbe était douce et ses yeux se fermaient d'épuisement.

Ce soir, elle avait bu à la santé du Sans Nom. Amen.

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Kheldar
Arriver après la bataille n'était pas dans ses habitudes. Il aurait hurlé de frustration il a quelques années de cela. Mais aujourd'hui les enjeux étaient tout autre. Le gamin remplissait sa mission, appâté par les écus du colosse autant qu'effrayé par son regard acier. Eddard n'aurait pas hésité une seconde en cas de refus. Il avait changé, certes mais pas au point de ne plus être impitoyable. La pitié et la confiance pouvaient conduire à la mort. Une hésitation pouvait faire basculer une existence lorsque l'on vivait de son arme. Parfois il essuyait les remontrances de celle qu'il espérait sauver aujourd'hui, pour excès de brutalité. Lui ne voyait là qu'un moyen de prévenir toute tentative de retournement de situation en mettant efficacement hors de combat. L'étique voulait que l'on ne batte pas un adversaire au sol, lui voyait la dague qu'un homme encore en état de se battre pouvait lancer sur des officiers trop confiants.

La gitane avait peut être été trop confiante ce soir, attirée par cet homme que lui n'avait considéré que comme une intervention comme les autres, ignorant la vérité même encore maintenant.


Le gamin devenait nerveux. Songeait il à fuir? Là encore pas d'hésitation de la part de l'ancien mercenaire qui posa la main sur sa frêle épaule tandis que l'autre tirait un poignard qu'il glissa dans son dos. Même à cet instant précis il entendait la voix qui lui sommerait de ne pas s'en prendre à un enfant pour parvenir à ses fins, mais il n'en avait cure.

Continue d'avancer.

Et ils avancèrent, pas à pas. Un fragile bambin blême de peur et un colosse aux sombres atours. Jamais duo ne fut plus mal assorti.

Ils y étaient presque Eddard pouvait le sentir à travers l'enfant qui dissimulait de plus en plus difficilement sa crainte. Peut être pensait il que le colosse allait l'abattre une fois mission remplit. Il lui fallait le rassurer.


Tu gagneras tes écus et la vie sauve si tu remplis ton office... continue de marcher, et lorsque nous serons à moins de cent pas, tu pourras partir, en marchant toujours pour ne pas signaler notre position.

D'une voix tremblotante, l'enfant lui répondit.


Nous y sommes... en désignant une scène aux contours flous que le colosse, même en plissant les yeux, peinait à identifier.

Il donna à l'enfant son dû qui écarquillant les yeux avant de déserter d'un pas rapide après qu'Eddard l'ait poussé. A lui de jouer seul à présent. A lui d'observer et d'intervenir, bien que dans son for intérieur il se doutait déjà être arrivé après la bataille. Le poignard fut rengainé, et l'épée tirée sans qu'il ne ralentisse sa course. Un corps sur le sol herbeux de la clairière où ils étaient rendus. Un corps frêle, inerte.
A nouveau le coeur du colosse manqua un battement.


Axelle...


C'est dans des moments comme celui là où il fallait conserver son sang froid pour être efficace. Avant de s'agenouiller auprès de la moribonde, il tourna sur lui même pour tenter de discerner d'autres silhouettes. Rien ni personne, il était vraiment arrivé après la bataille.

Petite idiote, fit il entre ses dents en posant son regard acier sur le corps de la gitane. Il n'était pas médicastre, et le peu qu'il savait s'était cautériser et recoudre à la dure. pas question d'user de ses maigres compétences en ces lieux. Les bâtiments "civilisés" étaient bien trop, loin, il lui fallait atteindre la première auberge avec son fardeau dans les bras pour l'installer convenablement, en sécurité, avec de l'eau et des draps en guise de bandage en attendant qu'il fasse venir un homme compétent.

Rengainant son arme, le colosse souleva avec d'infinies précautions le corps de la gitane entre ses bras massifs, pour aggraver le moins possible son état qui ne manquerait pas de se détériorer avec le temps et surtout avec le transport peu adapté.
Axelle... tenez bon.
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Axelle
Sur le tapis miteux de l'herbe piétinée, d'autres pas approchaient, mais la gitane ne les entendait pas. Du moins ne voulait plus les entendre. Au diable si finalement elle se faisait embrocher là, tant même le regard d'Antoine et l'odeur du cou potelé d'Arnoul ne parvenaient plus à se frayer un chemin dans le froid qui l'enlaçait sauvagement. Ses mains et ses bras étaient si engourdies qu'on les lui aurait tranchés à coups de hache qu'elle n'aurait rien senti. Son visage n'était qu'un marasme douloureux où le sang cognait trop fort. Froid poignant qui cependant avait le don de réduire au silence la brûlure de l'entaille franche à son bras.

Non, il fallait cette fois bien plus que l'imagination pour extirper la gitane du sommeil béant dans lequel elle s'avançait à pas menus. Il fallait une voix, sortant d'une gorge bien réelle et chaude de réalité. Et ce fut celle d'Eddard qui l'invita à rejoindre le bord de l'éveil.

Tirée d'un linceul glacé et boueux comme l'aurait fait une main aussi invisible que précautionneuse jouant avec une poupée désarticulée, le réconfort d'un giron chaud et sécurisant était à cet instant plus précieux que tout. Aussi rompant avec la réserve qu'elle s'imposait à poser avec ses hommes, glissa-t-elle ses bras autour du cou du colosse. À cet instant, il n'y avait plus de chef, plus de prévôté de Paris, plus d'ordre ou de hiérarchie, mais juste un homme qui avec le temps, le voulant ou non, enrobait chacun de ses gestes d'amitié et de confiance. Elle avait été idiote. Elle le savait. Et pourtant, il avait su, Dieu seul savait encore comment, la retrouver.

Nez enfoui dans les sombres atours, comme pour rassurer le colosse, la voix plus enrouée encore que d'ordinaire railla en sourdine.
M'engueulez pas avant d'savoir qu'il a morflé plus qu'moi et qu'il l'oubliera jamais.
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Kheldar
Quelques gestes, une voix faiblarde. Elle avait encore la force de parler, et même de lancer un simulacre de bravade. De quoi rassurer le colosse et apaiser quelque peu les battements de son coeur. Le sang froid bon sang... Il n'était plus un amateur et il avait souffert bien des pertes irréparables, mais l'amitié était une chose rare et précieuse, voisine de l'amour qu'il n'offrait que trop peu. Avant de s'élancer au trot dans une longue course contre la montre, il prit le temps de lui répondre.

N'ayez craintes, je ne vous engueulerais que lorsque vous aurez la force de me répondre...

Et la course s'engagea. Eddard était fort, très fort, mais son fardeau, même léger, monopolisait ses bras, sapant son équilibre, rendant son souffle irrégulier. Et les bâtiments semblaient encore si loin dans l'obscurité. A plusieurs reprise il buta sur une pierre ou une irrégularité dans le sol herbeux, et se rétabli d’extrême justesse. Cela ne l'aidait pas à retrouver son souffle. Au bout quelques centaines de pas, il était déjà en nage. Et lorsque ce nombre doubla, il refit la connaissance avec un sentiment qu'il n'avait pas côtoyé depuis plus d'une décennie. La panique. La peur panique. La peur de s'écrouler d'épuisement avant d'avoir atteint les premiers bâtiments, la peur d'échouer, tout puissant qu'il était. Les enjeux étaient tels à ses yeux qu'il fut prit d'un vertige. Ses poumons le brûlaient, ses muscles tendus réclamant un trop lourd tribut.
Il tituba sur quelques mètres, le souffle chaotique, inquiétant, et posa un genou à terre, au bord de l'épuisement. Le corps d'Axelle menaça lui échappa avant qu'il ne rétablisse son emprise.

Et la course reprit... et les larmes qui coulaient sur les joues d'Eddard se mêlaient à la sueur qui perlait sur son visage. Des larmes de rage mêlées à un sentiment d'impuissance. Il luttait pour ne pas s'écrouler sur ce qu'il tenait dans ses bras.


Enfin une bâtisse. Petite, pittoresque. Un taudis. Mais dans son état, il ne pouvait aller plus loin. Il voyait bien au loin d'autres bâtiments plus massifs, mais il était au bout de ses forces, et il ne pouvait imposer à la gitane ce périple. Tombant à genoux dans la boue, il déposa Axelle sur le sol et s'approcha de la porte en titubant tel un ivrogne. Il ne s’embarrassa pas de frapper, et lorsqu'il constata que la porte était fermée à clef, il prit son élan. Le bois était usé et la porte semblait bien frêle. Elle fut lamentablement projetée en arrière lorsque le colosse la percuta de plein fouet et s'écroula sur le sol. Après s'être relevé péniblement, il courra jusqu'à la gitane, imposant à nouveau à ses bras massif son transport jusqu'au lit de paille sur laquelle il la déposa.

Il n'était pas temps de se reposer. Il avait du pain sur la planche et une garde à assurer.


Merde il n'y a rien dans cette bicoque délabrée!

Âpre constat. L'occupant n'était pas un riche propriétaire.
Il perdit une minute à retourner la baraque constituée d'une seule pièce avant de se rabattre sur ses propres vêtements pour constituer les bandages de fortune. Le tonneau devant la maison était remplit d'eau de pluie. En poussant un grognement de bûcheron, il le traîna jusqu'à l'intérieur pour y nettoyer les bandages. Se reposer. Non, c'est trop tôt. Elle saigne comme un porc et dans sa course il n'a pas eu le temps de s'assurer qu'ils n'étaient pas suivit. Si l'homme était plus amoché qu'Axelle, il n'était pas reparti par ses propres moyens, il n'était pas seul.

La cape de l'ancien mercenaire fut largement amputée et plusieurs bandages de fortune furent découpés au poignard. Il se fichait pas mal de la pudeur, dans les cas extrêmes comme dans le quotidien, il fit toutefois attention à ce que la pudeur de la farouche manouche ne soit pas trop malmenée. Le visage était salement touché lui aussi, il le nettoya aussi bien que lui permettait l'obscurité et ses compétences plongea les linges nimbés de vermeil dans le tonneau pour les en défaire.


Il n'y avait plus rien à faire, à part la veiller en se planquant. La porte fut plus ou moins remise en place, et lorsqu'enfin la pression retomba, le colosse s'écroula au chevet d'Axelle. Il était épuisé, lui qui était arrivé après la bataille, pour jouer les croques morts et ramasser un corps meurtrit pour le convoyer jusqu'en ces lieux.

Vous me le paierez d'être partie sans moi...

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Axelle
À peine les quelques mots égarés à leurs bouches que les mirettes noires se refermèrent, épuisées, alors que les mains brunes se serrèrent plus fort à l'encolure du colosse. Ça bringuebalait. Ça tanguait. Ça oscillait. Dans une demie conscience, la gitane entendait le souffle saccadé d'Eddard et plongeait son museau plus profondément encore dans l'habit sombre, furieuse contre elle-même d'imposer ce périple éreintant à l'ancien mercenaire. Elle tentait de bouger, cherchant inutilement à se faire plus légère, comme si serrer les fesses avait la moindre chance de faciliter l'âpre course. Peut-être simplement que de se brûler les muscles d'un effort parodiant l'aide lui assurait-il meilleure conscience d'avoir foutu le colosse dans ce bourbier en cherchant à ne pas être juste fardeau.

Être dépendante, elle détestait, et Eddard avait beau se maquiller de plus en plus des traits de l'ami, elle supportait avec difficulté d'être ainsi tributaire de ses pas allongés. Fragile et impuissante entre ses bras massifs, sa colère contre elle-même enflait en cadence avec sa reconnaissance. Au fond d'elle-même, la gitane le savait. Jamais elle aurait pu se relever seule. Trop de fatigue. Trop de froid. Trop de lassitude. En cet instant, Eddard lui sauvait la vie et elle en était pleinement consciente. Alors, elle s'accrochait à lui, repoussait les douleurs diffuses et l'endormissement qui menaçait et bandait son corps tout entier, dans un effort inutile quand il trébuchait, suait et défonçait pour elle.

Et somme toute, au bout d'un temps qui lui parut ne jamais vouloir finir, le simple fait que la pluie arrête de ruisseler sur son visage et ses jambes, de glisser sournoisement le long de ses bras, fut un luxe qui lui sembla bien plus agréable que le sirop des pêches glissant dans sa gorge. La paille même, accueillant son corps las était plus doux que les draps de soie. Elle grelottait encore, mais s'en moquait quand avec soin, Eddard effaçait la boue de gestes attentifs. Et malgré l'agitation du Lieutenant à ses côtés, elle s'endormit furtivement, plongeant au cœur d'un sommeil agité ou les songes à demi délirants s’entremêlaient à la réalité des sons qui l’enveloppaient comme un cocon ouateux et fantaisiste. Le battant de bois remis en place se faisait porte écarlate des plus beaux châteaux d’orient, ciselé par un mage patient qui, à chaque entaille, insufflait dans les veines du bois rouge, ses ancestraux pouvoirs magiques. Alors le bois prenait vie, tour à tour souriant ou grimaçant. Tour à tour menaçant ou bienveillant alors qu'il arrondissait sa bouche noueuse pour tenter de parler.

Et il parla enfin. Et il avait la voix d'Eddard.


« Vous me le paierez d'être partie sans moi... »


Les paupières gonflées s'ouvrirent avec mal, laissant à peine un regard plein de fièvre aller et venir sur le plafond parcouru de poutres de la masure. Il cherchait, fouillait dans l’entrebâillement de ses cils, et finit enfin par trouver ce qu'il cherchait. La manouche s'agita en découvrant le visage ravagé d’inquiétude et de fatigue d'Eddard. Une flambée déchira aussitôt son visage et le tambourinement entre ses tempes s'éveilla, comme si les poings de Donatien n'en finissaient pas de s'écraser sur elle. Alors aussitôt, elle se calma et regagna le confort relatif de l'immobilité, se contentant d'observer la carcasse du sauveur par la fente violette de ses paupières. Les lèvres craquèrent doucement alors qu'elle recherchait sa voix endormie tout au fond de sa gorge.


Je suis désolée...


Elle aurait voulu trouver autre chose à dire, se défendre peut-être. Le rassurer sûrement. Mais confrontée à son indescriptible bêtise, rien d'autre ne venait et l'agacement colossal était à ce point légitime qu'elle attendait qu'il s'abatte sur elle en une nouvelle giboulée qui pourtant, serait toujours plus douce que celle qui détrempait encore l'herbe dehors.
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Kheldar
La nuit fut longue, mais quelque peu réparatrice, au moins pour le colosse qui couvait la gitane d'un regard protecteur. Il ne savait si celle ci avait connu le même sommeil réparateur, mais il avait tout fait pour. Sa cape avait été largement amputée à force de nettoyer puis changer les bandages, mais c'était un faible tribut à payer.

Axelle, l'aube ne tardera pas à pointer, je préfère vous ramener au Chatelet tant qu'il fait sombre plutôt qu'aux yeux de tous. N'infligeons pas cela à notre uniforme.

Sa voix était sèche, malgré la pointe d'inquiétude qu'une oreille avertie pouvait discerner. Le signe ne trompait pas personne, il était temps de vider son sac.

Mais qu'est ce qui vous est passé par la tête? Si La Bosse n'était pas venue me trouver, demain nous n'aurions même pas su où lancer les recherches après nous être alarmés de votre absence. A six ou sept pour quadriller toutes les rues de Paris, et même avec tout ce que l'on compte comme connaissances, indicateurs ou autre il nous aurait fallut plusieurs jours avant de retrouver votre cadavre!

Il n'avait pas crié, mais sa voix était aussi dure que l'acier de son regard.

Avez vous à ce point confiance en vos talents pour vous présenter seule face à un homme , de nuit à l'écart des habitations? Si vous aviez une querelle à vider, vous auriez pu m'emmener, je vous aurais laissé vous taillader un peu avant d'intervenir pour éviter toute cette merde!

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Axelle
La sentence tombait, d'une voix égale, et certainement, la gitane aurait préféré que le colosse s'agite, s'énerve et même crie plutôt que ce ton glacé couvé par ces yeux de fer. Des engueulades, elle était habituée tant cela lui tombait régulièrement sur le coin de la figure. Il était vrai qu'elle-même n'avait pas sa langue dans sa poche dès lors qu'il s'agissait de dire bien haut le fond de sa pensée. Mais la colère froide d'Eddard la touchait bien plus qu'elle ne l'aurait voulu. Fallait-il donc que même lui, elle parvienne à le foutre en rogne ? Ses paupières étaient gonflées, refusant de s'ouvrir comme elle le voulait, sa bouche fendue la tirait. Elle avait honte. Honte d'être dans cet état devant lui. Honte de l'avoir, malgré elle, embarqué là-dedans. Pourtant, pour rien au monde, si cela avait été à refaire, elle n'aurait agi autrement.

Sa fierté démesurée aurait un jour sa peau, d'une façon ou d'une autre. Souvent le Prince la houspillait pour cette même raison, la couplant avec justesse à une susceptibilité exacerbée qui se multipliait avec l'indépendance farouche voire destructrice. Pourtant bien consciente de ses travers, elle était incapable de lutter contre. Comme si ces défauts était le seul rempart qu'elle était capable de dresser pour se protéger. Les quelques fois où elle les avait laissé de côté, le résultat avait pire encore. Donner le change, garder la tête haute, toujours, quoiqu'il arrive, même si chacune de ses épines l'égratignait elle-même bien plus qu'elle n’éraflait les autres. Dès qu'un danger la menaçait, elle tranchait dans le vif, tournait les talons sans plus regarder en arrière, coupait court aux relations, même les plus précieuses, et ne permettait aux larmes de couler que dans la solitude la plus complète. Refus de renvoyer d'elle une image fissurée de fragilité. Rejet de toute main tendue quand l'idée d'être redevable la fendait en deux.

Refus simplement de se livrer, telle qu'elle était, avec ses peines, ses faiblesses, ses blessures, sa fragilité et sa sensibilité à fleur de peau, quand ceux à qui elle avait offert cette parcelle d'elle l'avait piétinée sans remords, la décevant irrémédiablement les uns après les autres. Tous. Sauf un. Et ce n'était pas pour rien que d'une façon détournée, elle avait lié sa vie à lui.


Comment dans ce cas aurait-elle pu demander à Eddard de l'accompagner, bien au-delà de la loyauté d'une parole donnée ? C'était impossible. Pourtant, petit à petit, le colosse fendillait la carapace qu'elle s'appliquait à construire autour d'elle. Et elle le laissait faire, un peu plus chaque jour.


La voix d’Edgard semblait encore résonner entre les murs de la vieille bicoque. Pourtant, depuis de longues secondes le silence fracassait ses tympans. Lentement, elle remonta son regard abîmé vers lui, l'observant fixement, sans pourtant que son visage ne soit animé par autre chose que la douceur.


Engueulez-moi, non car j'ai été écervelée, mais car j'ai été lâche. Je pouvais le tuer et je ne l'ai pas fait. Rugissez, non pas car je suis trop sûre de moi, mais car j'ai été salement cruelle. J'aurai pu l'égorger rapidement, proprement, d'un seul coup de couteau.
La voix gitane semblait sortir du gouffre sans fond d'une autre bouche. Au lieu de ça, j'ai ouvert l'une de ses joues. Lentement. D'une lame rouillée. Puis à l’identique, je me suis appliquée à tailler la seconde joue. Hurlez Eddard. Parce que j'ai aimé ça, et si je dois aujourd'hui préserver l'uniforme, ce n'est pas de mes bleus, mais de ça. Et c'est ça qui m'a mise par terre, bien plus que lui.
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