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[RP]Au fil des jours, détours épistolaires

Aphykit
Il n'avait fallu qu'une intervention d'une armée languedocienne, dirigée par un nobliau local et le groupe avait été brisé en deux. De coups d'épées, les languedociens avaient brisé le projet. C'est le coeur triste que la demi-troupe s'était remise en route. Elle avait longé la Méditerranée, pour arriver dans la truculente Barcelone.
Venelles sombres, enchevêtrement de ruelles, culs de sac, elle explorait la capitale de Catalunya en quête d'aventures. Le plus souvent, elle s'installait dans la "Posada Del Hombre Verde" et rêvait.
Parfois, un gamin lui apportait des messages des autorités locales, parfois, elle avait le bonheur de recevoir des nouvelles de France. C'est avec un sourire et force piécettes qu'elle accueillit le gamin, cet après-midi-là.
Le sceau sur le vélin, elle le reconnut immédiatement, des nouvelles de Griotte ! Zantet l'avait avertie qu'il avait croisé la jolie brune à Nîmes. Elle se hâta de décacheter la missive.
Un sourire lointain étira ses lèvres, les yeux balayaient les mots, les pensées se bousculaient à toute vitesse, la laissant pantoise.

Elle héla le tavernier, commanda une cerveza fresca * et relut plus posément les mots.



Citation:

    Mon ti caillou,

    Quelle tristesse de ne pas te savoir en Languedoc, lors de ma visite.

    J'ai pu voir le ti rouquin, ne t'inquiète pas je serais gentille.
    Mouais ! Ca m'arrive... parfois...

    Comment te portes tu ?
    Il parait que tu es en Espagne, fait bien attention à toy surtout.
    As tu des nouvelles de ti oiseau ? Moy rien depuis une bonne année, il faut dire que je commence à être bien soucieuse.

    Que te dire de plus...
    Que nos discussions me manquent..
    Mes jumelles t'embrassent fort, reviens nous vite.

    Bien amicalement,
    Griotte.





Elle ne put contenir quelques larmes qui roulèrent, silencieuses, sur ses joues. Ti oiseau... elle n'avait plus eu la moindre nouvelle depuis... elle ne savait plus exactement. Trop longtemps, c'était certain. Elle n'avait pas oublié les soirées, les autorités périgourdines en furie, leurs extravagances, la cathédrale où elle avait croisé le Roy de l'époque, le jour de son élection.
Que ces temps semblaient lointains, ils étaient maintenant entourés de brumes, les contours en étaient devenus flous, presque indécis.
Et pourtant, de ces temps, elle gardait le goût de la vie, la conscience que tout était possible.
Elle avait retrouvé à Montpellier, bon nombres de ces êtres qui sont les jalons d'une vie. Piliers qui la soutiennent.
Elle sortit une fiole d'encre violette, le nécessaire à écriture que lui avait offert Kharn, disposa un vélin sur le bois sombre de la table et trempa la plume dans l'encre violette.



Citation:
Ma Griotte,

Te lire fut délicats comme le plus fin des mets. Je suis de plus en plus attachée à toutes ces histoires qui furent notre vie.
Des nouvelles de Ti Oiseau, je n'en ai pas eues depuis si longtemps que mon inquiétude ne cesse de croitre, si tant est qu'elle puisse croître encore.
Tu n'as pas idée de combien il me manque. Nous nous amusions tellement ensemble.
Enfin, je suis ravie que tu tiennes compagnie au p'tit rouquin.
Ne le malmène pas trop, c'est la première fois que nous nous trouvons si éloignés l'un de l'autre... Nos projets marins en subissent les conséquences.

Barcelone est une ville accueillante, je commence à m'y plaire.
D'ici quelques jours, nous prendrons la route du Béarn pour récupérer quelques affaires.
J'aurais tellement aimé te croiser, mais je reste optimiste, les routes s'entremêlent toujours. Ce n'est que partie remise.

N'hésite pas à profiter des étuves, on a préféré voyager léger et le matériel est resté en Languedoc. Je suis certaine que Zantet sera ravi de t'en faire profiter.

Avec toute mon amitié,

Aphy... plus que jamais des chemins.



* une bière fraîche

_________________

Merci à JD Lou Audrea
Aphykit
[Barcelona, La Possada del Hombre Verde]

Le ciel était gris, une fine et froide pluie mouillait le pavé et le rendait glissant. Pour elle, aujourd'hui, il n'y aurait point de promenades solitaires le long de la plage, point de grimpette en haut de ce curieux mont Tibidabo. Les souvenirs venaient hanter ses nuits. Une fois encore !
Le matin, elle s'éveillait la tête lourde, déjà lasse, mais elle refusait de retourner se coucher dans la paillasse pourtant confortable de l'auberge. La veille, elle avait croisé un voyageur qu'elle avait rencontré au préalable en Auvergne, une discussion animée, des projets... et l'organisation d'une escorte jusqu'en Béarn pour les deux voyageurs de Guyenne. Tout cela avait une conséquence : retarder le départ.
Elle n'était pas certaine que ce ne soit pas une bonne chose, elle n'avait aucune envie de retourner en Béarn, de voir les benêts, les cupides, les avides de pouvoir danser leur monotone ritournelle. Cette page-là, elle était bel et bien tournée : ils pourraient s'enorgueillir, une fois encore d'avoir tué toute opposition à leur avide et minable quête de pouvoir. Ils pourraient poursuivre leur petit jeu de chaises musicales et se refiler le trône entre eux... et dire que c'était le reproche qui était fait à leur adversaire.

Elle s'installa près de la cheminée, étendit sa cape pour la faire sécher, se perdit quelques minutes dans la contemplation du foyer qui dispensait une douce chaleur... elle soupira à nouveau. L'aubergiste lui proposa une portion de ragoûts de haricots avec ces délicieuses saucisses rouges et légèrement piquantes. Elle sourit et commanda aussi un gobelet de vin.

Alors qu'elle dégustait et se délectait du mets raffiné, elle remarqua le gamin qui lui apportait souvent les messages ces derniers jours. D'ailleurs, il lui sembla qu'il se dirigeait vers elle, de son pas sautillant.
L'allure du gamin, sa maigreur lui suggéra de l'inviter à partager sa pitance. Et puis, il était tellement plus agréable de ne pas manger seule ! Le gamin était drôle, provocant, persifleur, parfois naïf. Elle prit plaisir à ce repas, bien plus qu'elle ne l'aurait imaginé en s'attablant tout à l'heure.
Quelques pièces en échange de la missive, et le gamin repartit dans les rues.
Elle décacheta l'enveloppe, reconnut l'écriture de sa soeurette, Nikki. Rongée par la culpabilité suite à l'incident languedocien, elle imaginait qu'ils lui en voulaient tous terriblement. C'étaient sans doute ses pitreries et provocations en place publique qui avaient généré ce massacre. Un jour, il faudrait qu'elle apprenne à fermer sa grande gueule... mais hélas, ce jour-là, elle mourait... elle en avait bien peur.

Elle se servit une nouveau gobelet de vin et commença à lire.


Citation:


‘Jour, p’tite sœur

Je viens prendre quelques nouvelles… De notre côté c’est assez peu remuant, si l’on excepte les armées et leurs dégâts collatéraux, qui s’affrontent tous les trois jours.

Bref… La vie s’écoule… Lentement, mais elle s’écoule. Aldyr s’est non-présenté aux élections, la blessure de Zantet se referme, et je m’inquiète pour Jack et Steam que je n’ai toujours pas vus.

Allez-vous finalement faire cette caraque dont on avait parlé ? Si besoin de pelotes supplémentaires ou autres matériaux, je peux demander au maire de Nîmes, pour un politique il ne se contente pas de s’assoir dans son joli fauteuil. Enfin voilà, si je peux me rendre utile en attendant l’autorisation de bouger, ce sera avec plaisir.

Prenez soin les uns les autres de votre côté aussi.

Je t’embrasse bien fort

Nikki



Nikki et sa sensibilité, sa fougueuse fragilité masquée par ses pétillantes remarques... lui arrachèrent quelques larmes solitaires. Elle sourit, relut la missive. Ses amis restés en Languedoc se serraient les coudes et se découvraient. C'était finalement de bon augure pour l'avenir. Aucun ne semblait renoncer à leurs projets, des liens se tissaient entre les baroudeurs sur mesure. Zantet et Nikki lui manquaient, la furie la prenait parfois, elle aurait bien volontiers botté l'arrière-train du Castelreng, le petit minable incapable de faire la part des choses et de respecter les engagements de la comtesse intérimaire. Un jour viendrait où ils pourraient se venger, d'une manière ou d'une autre.

Geste rituel, mille fois répétés, elle sortit son attirail et commença à laisser glisser sa plume sur le vélin. Le pli cacheté, elle le rangea dans sa besace et se promit de le faire porter en Languedoc, dans les plus brefs délais.

_________________

Merci à JD Lou Audrea
Nikkita
[Nîmes, extra muros]


Un vent froid courait sur la campagne languedocienne, balayant les relents humides de la fin d’un hiver pas comme les autres. Séparations, retrouvailles, destructions, découvertes, s’enchaînaient depuis le début de cette toute jeune année, à en perdre le souffle. Vengeance d’une précédente bien morne, où la stagnation ne s’était dédie que pour culminer en petits ronds dans l’eau ?

Les pieds fermement replantés sur la terre, Nikkita avait le mal de mer. Ou plutôt le mal de la mer. Une année à Montpellier à regarder les mâts se balancer, à se promener nez en l’air sur le port, à rêver de voiles claquant au vent et d’embruns comme une pluie d’été sur le visage, ou bien à s’échapper hors du temps sur une coque immobile, posée entre terre et mer, dans cette étroite bande entre deux mondes où il suffit d’un pas pour que tout bascule. Une année pour préparer un envol, même si elle n’en savait alors rien.

Janvier s’était écoulé dans un brouillard. L’aube de Février s’était levée sur de drôles de retrouvailles, échouées tremblantes et glacées entre deux rochers battus par les vagues, se reconnaissant sans oser y croire. Elle, sa p’tite sœur, compagne de lointaines aventures qui avaient marqué leur vie, elle qu’elle retrouvait, toujours au détour d’un hasard, de loin en loin, avant de poursuivre chacune leur route sans pour autant s’oublier. Mais pas cette fois-ci. Ensemble, elles avaient rejeté la gangue de froid. Les chemins les attendaient…

Nîmes, escale. L’envol de leur groupe s’était heurté aux Ténèbres, pour revenir brisé dans cette ville où un lointain parfum de cassoulet chatouillait encore agréablement les narines. Entre deux pansages, la vagabonde retrouvait son coin de muret envahi de lézards, à l’extérieur de la ville, là où au-delà des champs le regard pouvait porter au loin. L’ailleurs était inaccessible. Restait la patience, dont elle mesurait le temps à travers les dégradés arc-en-ciel de ses côtes, d’une respiration mesurée.

Pot d’onguent à la main, elle avait à peine entrepris d’étaler la substance sur les côtés du sternum, que le petit bonhomme dégingandé qui servait de messager local se pointait entre deux oliviers. Rabattant vivement les pans de sa chemise, Nikkita ouvrit à peine la bouche pour le renvoyer vertement d’où il venait, avant de se raviser en apercevant la missive pendant au bout de son bras. Cachant sa gêne, elle se contenta d’un bref
*m’ci bien…* , captant son regard pour qu’il ne la voie pas essuyer sa main sur les pierres sèches, avant de se saisir avidement du pli.


Citation:
Hola pequena hermana !

Voilà de quoi te faire partager un morceau de notre quotidien. Enfin, depuis quelques jours, j'accueille les nouveaux habitants de Barcelone et les initie à l'agriculture et la prière entre autre. Nous sommes enfin tous regroupés à Barcelone, retardataires inclus.
Nous travaillons pas mal, j'étudie. L'université ici est plutôt accueillante, et j'arrive parfois à me glisser dans les salles de cours.

Je suis ravie d'apprendre que vos blessures vont mieux, et que lentement elle se referme. Finalement les blessures physiques font bien moins mal que celles de l'âme. L'absence de nouvelles de la part de Steam m'inquiète un peu. J'espère qu'elle n'a pas perdu foi en l'avenir et en l'aventure.

J'ai obtenu un rendez-vous avec le Sieur Sabi qui est responsable des affaires maritimes ici et nous pourrions lancer assez vite le chantier, en fait, sitôt terminé celui en cours. Ils peuvent construire jusqu'à des caraques de guerre.

J'ai croisé tout à l'heure une dame charmante qui a aussi soulevé un problème... où amarrer le rafiot. Il faudra aussi y songer. Elle est française et me disait s'être installée depuis longtemps en Catalogne et que la vie y était plutôt paisible.

Enfin, voilà... pas grand chose au fond pour pimenter la vie.

Je t'embrasse bien fort, les autres se joignent à moi,

Aphy



Elle manqua rire aux premiers mots, portant par réflexe sa main aux côtes pour s’empêcher de le faire. Aphy entre agriculture et prière ? Une foule d’images lui vint en tête, qu’elle dut se concentrer pour écarter, et ne pas céder à cet amusement qui lui déchirerait la poitrine. Levant le visage, elle porta son regard sur une haie de peupliers barrant l’horizon, avant de poursuivre sa lecture, les yeux se couvrant parfois d’un voile qu’elle chassait en secouant la tête, forçant ses lèvres dans un léger sourire. La méthode avait du bon. En reposant la lettre à ses côtés, elle était en Catalogne, insouciance retrouvée. Attrapant de la main droite la lanière de sa besace, la vagabonde l’accrocha sans cérémonie à son épaule, quittant son muret solitaire pour reprendre le chemin de la ville, et s’installer confortablement dans les odeurs mélangées de bière et de cassoulet, pour poursuivre cette correspondance.

Cerise
    Nîmes, en Languedoc ...


Un séjour qui aurait pu devenir si monotone sans cette rencontre surprenante en taverne Nîmoise, un ti rouquin, un brin amoché... Voilà bien longtemps que la brune n'avait pas vu le ti rouquin. Cela remontait à un séjour en Auvergne, où la belle Aphykit était de passage avec quelques amis à elle. La brune était toujours si ravie de voir son ti caillou, une amitié, une vrai comme il en existe plus.. - quatre longue années déjà.. - La brune avait pu ainsy connaitre le ti Zantet, un sacré numéro que Griotte aimait de suite taquiner, il avait une si belle répartie, que la brune s'en donnait à coeur joie à chaque fois.

Donc cette rencontre à Nîmes tombait parfaitement avec leur séjour en Languedoc, de quoi s'occuper, bien s'amuser et toussa. Seule déception c'était l'absence de son ti caillou, Aphykit.
Après quelques jours, très agréable à Nîmes il était temps de prendre la route.



    Béziers, en Languedoc ...


Une lettre, une réponse, fut livrée à la Comtesse, c'était le ti caillou, une grande envie de hurler sa joie, de sauter partout, mais elle n'en fit rien. Elle en fit lecture prestement, avec le sourire aux lèvres. Bien bien, elle la rangea de côté un instant.
La brune qui venait d'arriver à Béziers, ne tenait plus en place, elle allait enfin faire sa surprise à sa cousyne et un ami, elle n'osait imaginer leur frimousse ahurie en voyant Griotte face à eux. Un moment mémorable... Elle avait commencé par visiter le village, la mer et les tavernes. C'est autour d'une bonne bière, au calme de tout, qu'elle entreprit sa réponse à sa belle Aphy.


Citation:

    Mon ti caillou,

    Quel plaisir de te lire, d'avoir de tes nouvelles, ce que tu me manques, si tu savais...

    Il faudra que je te parle du ti oiseau, cela m'a peiné, mais je préfère te le dire de vive voix..
    Mais comme toy, je m'inquiète malgré tout.

    Le ti rouquin m'a proposé un bain aux étuves et le pôôvre il est bien emmerdé avec son bras, mais tu me connais, je ne vais pas me gêner pour l'embêter, un ti peu, promis. Je ne suis pas suicidaire non plus et subir tes foudres.
    J'ai aussi rencontré ta soeur, quelle charmante personne Nikkita, tu es bien chanceuse de l'avoir à tes côtés.
    Je me doute que cette séparation avec eux, ne doit pas être agréable, soit forte ma belle.

    Je ne connais Barcelone que de nom, et j'en ai entendu que du bien. Ramène moy un ti souvenir !
    Tu rentres quand ? Car si pas trop loin, je peux t'attendre.
    J'aurais tant aimer te voir, si tu savais... même si comme tu dis ce n'est que partie remise...

    Avec toute mon amitié,
    Griotte.





Une tite relecture, elle plia, scella la lettre avant de l'accrocher à son pigeon. Léger soupir de tristesse avant de le laisser s'envoler. Elle prit sa chope dans l'une de ses mains, toute pensive aux vieux souvenirs si merveilleux avec son amie...
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Aphykit
La joyeuse bande était sur le point de quitter Barcelone, avec en poche des réponses du chef des chantiers navals. L'homme avait confirmé que le construction de tous types de navires étaient possibles et que la Catalogne pouvait en fournir. Elle était d'humeur plutôt maussade et s'enfonçait petit à petit dans une étrange torpeur. Avant de reprendre la route, elle fit un dernier tour à l'auberge qui lui avait servi de toit pendant ces quelques journées. Sitôt s'était-elle installée à sa table favorite, que le gamin fit son apparition. Un petit sourire narquois au coin des lèvres, elle l'invita une nouvelle fois à partager son repas. A croire que le messager l'épiait pour se faire offrir le repas. Une pratique qu'elle appréciait.
Elle passa commande et se saisit des missives en attente.
Elle reconnut l'écriture de sa soeurette sur la première, elle la décacheta prestement et en commença la lecture.



Citation:


‘Jour, p’tite sœur


Grâce à toi, je connais enfin au moins trois mots d’espagnol. Je serai bientôt prête à aller faire un saut en Catalogne, bien que je doute avoir souvent l’occasion de placer « pequena hermana » dans une conversation avec les autochtones. En fin peu importe, j’en ai appris un quatrième ici à Nîmes. Esperanza. J’aime cette sonorité, j’espère ne pas l’oublier.

Les derniers jours ont été plutôt animés, mais maintenant le calme revient sur la ville. Je crois que j’ai fini par creuser un chemin entre les diverses tavernes et le muret où je regarde le temps passer.

Voilà pour les nouvelles d’ici, j’ai peu vu Zantet ces derniers jours, son épaule m’inquiète un peu. Aldyr a été non-élu suite à sa non-présentation, mais je ne peux guère en donner plus de nouvelles, l’ayant non-vu depuis plusieurs jours.

Qu’en est-il de votre côté ? Restez-vous un peu plus sur Barcelone, ou allez-vous reprendre la route ? Le projet caraque avance-t-il ? Eclaire-moi aussi sur ton initiation aux cultures et à la prière, j’avoue que tu m’as plongée entre perplexité et fou rire.

Je t’embrasse bien fort, tu pourras faire une distribution aux autres aussi

Nikki



Le sourire généré par la lecture du début de la missive mourut sur ses lèvres, son regard se perdit dans la contemplation du gobelet posé face à elle. Les mots restaient légers, mais elle y devinait la pesanteur du quotidien, la tristesse générée par la monotonie, par les entraves. Sa soeurette, à l'instar de Zantet semblait souffrir de cette immobilisation forcée. Le moral ne semblait pas au beau fixe, bien loin s'en fallait. Elle s'en voulait et culpabilisait énormément d'être partie, de les avoir laissés affronter seuls la routine, elle savait aussi qu'elle n'aurait pas eu la force de résister à l'ambiance languedocienne et à la guerre des chefs qui s'y déroulait.
Elle soupira, releva le nez vers le gamin, lui servit un gobelet de vin, marmonna un très vague :


Tiens, profite... nous reprenons la route tout à l'heure.


Le grouillot se délecta du vin, manifesta sa déception de les voir partir, mais fit contre mauvaise fortune bon coeur, et recommanda une ration de ragoût au tavernier. Décidément, il ne perdait jamais le Nord. Il lui manquerait, finalement, lui et sa fraîcheur, ses quelques mots, toujours réconfortant.
Elle rerprit la missive, étouffa un rire... la non présentation d'Aldyr... elle imaginait surtout la tête de la prévôte omnisciente qui usait de sorcellerie pour lire les pensées des uns et des autres... enfin ce mal rongeait les prévôtés de France et de Navarre. Rien de bien spécial au Languedoc.

Une seconde missive, de sa prévôte préférée, elle sourit durant la lecture, eut une pensée amicale pour le pauvre Zantet qui avait dû réconforter la voyageuse. Il faudrait qu'elle se renseigne sur le sort subi par son pauvre compagnon. Et pourquoi pas, même envisager une douce vengeance... à sa manière. Des idées, elle n'en manquait pas... il faudrait les concrétiser.
Elle nota dans un coin de sa mémoire : penser à un cadeau pour Griotte.

Une troisième missive l'attendait... le sceau qu'elle distingua la troubla au plus haut point, son coeur se serra étrangement, une ombre sembla envahir l'auberge, recouvrir les âmes. C'est d'une main tremblante qu'elle décacheta le pli, la gorge nouée par l'angoisse. Certes, elle avait écrit au Padre, quelques jours auparavant et n'avait aucune raison de se sentir si mal, pourtant, il est des impressions que l'on maîtrise avec grande difficultés. Elle secoua la tête, comme pour chasser les terribles pressentiments qui l'assaillaient.



Citation:
Ma chère Aphy,

Ce courrier de ta main vient adoucir les maux qui sont les miens de leur baume amical. Je suis depuis quelques temps alité et souffrant. Je ne quitte plus guère le lit si ce n'est pour célébrer mes deux offices règlementaires et je sens que je n'aurais bientôt plus cette force. Nous avons bien reçu tes présents mais la fête de mariage me semble si loin désormais et je n'en garde nulle trace, comme si déjà mes souvenirs s'évaporaient. Je te remercie donc avec la honte de mon retard mais Zantet et toi savez mon goût pour le bon vin et la bonne chère.

Quant à vos projets, je ne saurai que vous inciter à éviter les conflits mais je sais que cela vous sera difficile car votre coeur vous conduit là où l'aventure se trouve. La part de mon âme de troubadour ne vous comprend que trop. Et surtout, vous restez ensemble et constituez un foyer. C'est cela qui vous rendra heureux. Je crains de n'avoir pas cette chance avec Vyrgule et je suis malheureux d'être un si piètre mari. Au final, je ne serai jamais parvenu à accomplir quoique ce soit de beau en matière sentimentale. Peut-être est-ce ma punition pour n'avoir pas suivi les chemins de l'Eglise? Je pense que je le découvrirai bientôt de la bouche même de Notre Créateur.

Prends soin de toi surtout, ma chère amie et reste fidèle à toi moi-même. C'est ainsi que tu es la plus belle.

Amitiés éternelles

Padre


Les mots, les maux... le ton de la missive lui coupèrent l'appétit. Chose rare, elle repoussa son écuelle, et relut la lettre. Le gamin posa sur elle un regard à la fois amical et inquiet, elle ne put qu'esquisser un vague hochement de tête, lorsqu'il lui demanda de ses nouvelles. Elle n'avait pas les mots pour exprimer ce qu'elle pensait. Elle se leva à la hâte, paya le repas et remit à plus tard, la rédaction des réponses. Elle avait quelques bagages à arrimer aux charrettes et surtout une longue promenade solitaire, au bord de la mer en furie. Elle espérait avoir la force d'y retrouver la sérénité.
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Merci à JD Lou Audrea
Nikkita
[Une pomme pour trois pommes]



Juchée en équilibre sur une longue échelle, Nikkita avait posé un pied au croisement de deux branches épaisses, pesant sur sa cuisse pour aller chercher la pomme qui la narguait, ronde, brillante et tentante, là, juste hors de portée de son bras étiré à son maximum. Il ne manquait plus que quelques pouces pour qu’elle soit sienne… La vagabonde lâcha un léger grognement en prenant une périlleuse impulsion de l’autre jambe, l’échelle vacillant dans le mouvement. Le risque fut payant, le fruit glissait doucement sous ses doigts refermés, elle tira un coup sec afin de le détacher, les yeux fixés sur l’objet de sa convoitise. Mais c’était trop demander à l’échelle, qui se déroba sous ses pieds, lui laissant à peine le temps de fourrer le fruit entre ses dents avant de s’agripper aux branches de son bras valide.

Les poulaines glissaient sur le tronc pourtant rugueux, l’écorce s’incrustait dans sa paume, ses dents se serraient, refusant de lâcher prise… Un simple regard vers le sol la convainquit rapidement qu’il ne servait à rien de survivre à une armée, si c’était pour s’écraser bêtement au pied d’un pommier. Un coup de reins désespéré lui permit de reprendre souffle dans le maigre abri des deux branches aux extrémités chargées de fruits, pendant que ses côtes hurlaient en protestation.

Le dos calé, elle porta son regard sur l’échelle gisant au sol, haussant légèrement l’épaule tout en détachant un large morceau dont l’acidité vint chatouiller ses papilles. Il serait bien temps plus tard, de voir comment elle se sortirait de cette situation… Retournant sur le présent, elle fouilla la sacoche pour en sortir la missive reçue le matin même, inspirant doucement pour apprivoiser la douleur. D’un demi-sourire, elle se plongea enfin dans la lecture autant attendue, que reportée.


Citation:
Pequena Hermana,

J'ai tardé à te répondre, mais l'organisation d'une escorte s'est avérée plus complexe que prévu... nous avons eu quelques déboires avec Ybi qui s'est à nouveau perdu en chemin. Le pauvre va finir par nous détester. Enfin, tout cela est à présent réparé, c'est une bonne chose.
Nous sommes sur Lerida, une charmante cité de Catalunya.
C'est là que j'ai connu Kharn... il y a quelques années maintenant. Nous devions nous y retrouver mais il me semble qu'il aide son ancienne province.
La croisée des chemins et des destins ne sera pas pour cette fois. Bonne chose ou pas, je n'en sais strictement rien du tout. C'est ainsi !

Tu m'interrogeais sur mes nouvelles fonctions en matière de culture et de prières.... j'ai l'impression d'avoir guidé quelques brebis sur le chemin, non pas de la rédemption, mais vers l'achat d'un champ. Me voilà donc prédicatrice de l'assiduité épiscopale...
Et puis, un pauvre agriculteur novice est entré en taverne, il ne comprenait pas pourquoi son champ n'était pas semé... j'ai dû l'escorter jusqu'à son lopin, pour finalement comprendre que la semence était de piètre qualité. Le tout a nécessité une pratique assidu de l'ibère... je suis donc prête pour les futures négociations.

Les nouvelles distrayantes que tu m'apportes de Nîmes m'ont malgré tout inquiétée... j'ai cru deviner un profond ennui dans tes mots. L'absence d'Aldyr semble te préoccuper...
Zantet aussi, semble un peu en peine... Drôle de période ! Si je peux vous aider d'une manière quelconque, n'hésite pas à me le faire savoir.

N'oubliez pas de prendre soin de vous, de vous épauler.

A très vite, hermanita ! Mille baisers

Aphy



Le regard s’égarant à la lecture de la première partie, Nikkita écarta un instant la lettre de son champ de vision, la laissant pendre au bout de son bras droit, pensive. Lerida… Cette destination pourtant inconnue sonnait à ses oreilles, en écho d’une conversation avec Aphy. Derrière les mots, derrière cette écriture régulière, derrière ce « c’est ainsi », combien de maîtrise, combien d’acceptation, combien de renoncements ? Forçant sa poitrine douloureuse dans une inspiration plus large, elle ramena le vélin devant ses yeux, poursuivant la lecture.

Ecorchant un sourire sur ses lèvres… Prédicatrice de l’assiduité épiscopale… Tout à fait ça, oui… Sa p’tite sœur toute de noir vêtue, désignant d’un doigt péremptoire le droit chemin aux brebis égarées… Nikkita croqua la pomme jusqu’au trognon, s’attardant sur l’image, le nez plissé pour retenir un rire. Mais le goût lui en disparut, cependant que le trognon chutait à terre, lâché par des doigts soudain sans force, et que la missive prenait fin sur une note plus personnelle, la déchirant doucement.

La vagabonde leva des yeux secs et brûlants vers le ciel, s’y perdant un long moment.
Dure, dure, Nikkita… Redeviens dure… La notion de durée et celle de dureté se mélangèrent, des images d’un fossé où elle s’était réveillée seule, bien des années auparavant, dépouillée de tout, de tous… Enfile ton masque à plume… L’instant, l’instant seul avait de l’importance…

L’instant, et ce lien qui les unissait, par-delà le temps, par-delà les chemins. Par-delà cette distance…
Dure, Nikkita…
Aphykit
[Lourdes, plongée en eaux troubles... ]

Le campement avait été installé dans la forêt, elle n'avait pas vraiment envie de se plier aux civilités de rigueur. Ermite, elle l'était presque depuis des semaines. Elle ne voyait ses camarades qu'au moment du départ. Le calme régnait sur la troupe, il y a quelques semaines encore, c'était une joyeuse bande qui déferlait sur les villes.
Lérida avait été passée, et rien... L'ours n'était pas sortie de sa grotte, enfin de son armée. Le temps passait, le temps effaçait, mais jamais il ne guérissait vraiment, quoi qu'on en dise. Elle l'avait pourtant affirmé à Bartho, lors d'une étrange conversation. Elle avait menti...
Elle ressortit la missive de Nikkita... se cala contre une souche, pas trop loin du foyer qui crépitait joyeusement. Elle prit quelques minutes pour la relire et deviner entre les lignes les états d'âme de sa soeurette, des blessés. Rien n'était vraiment aisé dans l'exercice. Nikki se livrait peu, ou pas, gardait pour elle, doutes et craintes, tristesse et hésitations.
C'est bien pour cela qu'elle l'admirait tant, qu'elle avait confiance en elle. Jamais fléchir...

Citation:

‘Jour, p’tite sœur

Les chemins font parfois de drôles de détours. J’espère que tu as pu goûter quand même un peu de douceur à Lerida. Tu m’avais parlé de cette cité, je n’en ai pas oublié le nom. Mais cessez donc de perdre Ybi ! As-tu pensé à semer des cailloux colorés sur sa route pour qu’il retrouve son chemin ? J’ai dernièrement testé la méthode pour un égaré qui m’a fait le plaisir d’une visite. Ca fonctionne, il a retrouvé son chemin semble-t-il…

Tu pratiques assidûment l’ibère… Nous pratiquons assidûment la bière. Les finalités n’en sont pas les mêmes, mais je suis certaine qu’il y a beaucoup à apprendre dans ces deux enseignements. Toujours est-il que pendant que leurs propriétaires respectifs se soignaient sur Montpellier, nous avons éclusé les tavernes jusqu’à vider leurs fûts les uns après les autres. Nous, c’est, sans tenir compte de l’ordre du temps car c’est une entreprise de longue haleine, Zantet et moi évidemment, qui nous épaulons tout en nous noyant respectivement, l’égaré de passage qui a repris le bon chemin d’un pas zigzaguant, et puis Cerise et sa joyeuse escorte, avec laquelle le mot modération a été balancé très loin au-dessus de l’épaule en quelques soirées épiques.
D’ailleurs, je suis devenue une caille. Faudra que je te raconte ça plus longuement.

L’ennui est là bien sûr, mais pas pour les mêmes raisons. Imagine une vagabonde en cage, au moment où ses ailes se redéployaient enfin… Je ne vais pas m’appesantir dessus, après tout Nîmes est un village qui a beaucoup de charme, nous aurions pu bien plus mal tomber. Et puis les blessés sont revenus, Sou me soigne à coup de cassoulet, je sors parfois mes jolis crocs contre les fâcheux de tout poil, et il m’est même arrivé de faire brouter son bouquet de roses à un clampin trop empressé. La vie, quoi…

Pour ce qui est d’Aldyr, j’en ai fait (enfin ?) mon deuil en choisissant de quitter Arles pour vous suivre à Montpellier. A présent, si une chose devait me préoccuper, ce serait sa présence, plus que son absence, qui elle, fait maintenant partie de l’ordre des choses.

Ah tiens, j’allais oublier, et ceci pour te laisser sur un fou rire en imaginant la scène. J’ai été expressément invitée au bal de printemps. Je crois que ce n’est pas la peine que je développe trop ? Donc, j’irai… à ma façon vagabonde.

Encore une fois, prenez soin les uns des autres de votre côté. Mes pensées sont avec vous.

Je t’embrasse, fort

Nikki


Que comprendre de tout ça ? Telle était la question qui la taraudait depuis des jours, qui avait retardé la réponse aussi. Quelques courriers reçus de Zantet l'inquiétaient au plus haut point. Elle culpabilisait d'être partie... mais savait que c'était nécessaire. Une question de vie ou de mort. Personne ne le comprendrait, elle serait jugée dure, cruelle, insensible... une fois encore. Néanmoins, elle n'avait pas vraiment d'autres choix. A moins que l'on ait toujours le choix et que les siens soient toujours les mauvais.
La fin de la missive était plutôt rassurante. L'idée du bal de printemps était tout simplement réjouissante, elle parvenait à imaginer le spectacle. Des images de robes, de pissenlits, de chausses vagabondes et solitaires s'affichaient dans sa tête.
Le monde n'allait pas si mal... Elle s'interrogeait un peu sur le cavalier potentiel, homme providentiel qui avait osé mettre à mal les convenances vagabondes.

Elle se leva, grimpa dans la charrette ouvrit la malle, en sortit son matériel d'écriture. Ce soir l'envie était présente. Les mots viendraient, elle le sentait.

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Merci à JD Lou Audrea
Nikkita
[Entre les lignes, hors les barreaux]


Le gringalet lui avait apporté la missive à l’issue de son premier jour de participation au tournoi. Colère et amertume matinales expulsées tout au long de cette journée dans les flèches concentrées sur les cibles, c’est d’une main apaisée qu’elle avait saisi le pli, souriant intérieurement en reconnaissant l’écriture.

Bifurquant hors des remparts, elle laissa sur la gauche son muret encore trop visible, pour couper à travers champs, se dirigeant vers le bois. Là elle le savait, auprès des quelques pierres grossières entourant un foyer rudimentaire, aucune âme ne viendrait la détacher intempestivement de sa lecture.

La route était longue, dans les lueurs d’une journée qui s’achève, mais nul endroit n’était plus approprié. En ce lieu, deux huîtres avaient réussi à s’entrouvrir pour un instant de sincérité. C’est ce fragment qu’elle revenait chercher, autant pour éclairer la lecture à venir que pour y répondre dans toute sa justesse, abandonnant derrière elle les souffrances d’une prison qui, pour dorée qu’elle soit, ne lui permettait toujours pas de déployer ses ailes.

Le bruit du cachet de cire brisé, le froissement du vélin déplié, furent seuls à rompre le silence. Et le lent glissement de son dos contre le tronc d’un chêne vert, tandis qu’elle penchait le visage pour lire, ligne à ligne, s’imprégnant autant des mots écrits, que de la pensée qui les dirigeait.


Citation:

Ma petite Soeurette,

Voilà des jours que je n'ai pas donné de nouvelles. Force m'est d'admettre qu'il ne s'est pas passé grand chose en Espagne et que notre arrivée en Béarn est tout aussi fade que le voyage. Nous n'avons cette fois perdu personne en route.
C'est depuis Pau que je t'écris. La ville est paraît-il, plus vivante du Béarn. Je n'y ai pas croisé grand monde. Enfin si, j'ai revu la gamine insaisissable, Susi, mais Zantet t'en parlera. Questionne-le.
J'imagine que pour les bien pensants, je suis une sorte de repoussoir aux bonnes moeurs et à la conversation plaisante.
Je m'en accommode fort bien au demeurant.
Nous avons déjà presque réuni le bois pour le mât. Ceci dit, la tâche est loin d'être terminée.

J'aurai payé cher pour te voir danser au milieu de ce bal de printemps... vêtue de tes plus beaux atours, les cheveux parsemés de jolis... pissenlits. Raconte-moi tout cela, décris cet audacieux partenaire qui a osé t'inviter...
Je m'inquiète aussi beaucoup pour Zantet, ses derniers courriers sont mornes, comme une plaine sous le manteau de glace de l'hiver. Veille sur lui, je t'en conjure... redonne-lui ce sourire qui lui va si bien.

Je vais retourner au bois, frapper les troncs, débiter les bûches est une occupation qui me sied à merveille. Comme si, dans la souffrance physique, l'effort, nous gagnions quelques secondes de paix de l'âme.

Chassons les tourments, je t'embrasse fort, ma soeurette. Vous nous manquez beaucoup

Aphy



Elle lut. Relut. Lut à nouveau, tandis que le soir tombait et que les lettres se mettaient à danser sous ses yeux. Etait-ce le lieu, était-ce la tonalité, était-ce un peu tout cela, ou bien d’autres choses encore… Une inquiétude, un apaisement, une sincérité… Quelques instants de paix de l’âme, un voile qui se déchirait, pour permettre aux tourments de s’enfuir…

La nuit était tombée, quand la vagabonde releva enfin le visage, les yeux clairs dans son opacité. Laissant son esprit voyager librement, elle souffla dans le silence avec un infime sourire :


Tiens bon, p’tite sœur… J’te l’ramènerai, l’beau sourire d’Zantet… C’que vous m’manquez, aussi…
Aphykit
[Descente aux enfers]

Béarn... Le mot suffisait à la rendre mélancolique. Ils y étaient depuis quelques jours et la contemplation de la déchéance lui faisait mal au coeur. On voyait partout le Prévôt qui serait bientôt comte, asséner mensonges, insultes.
La pensée unique régnait sur le Béarn, enfin dans ce cas-là, il s'agissait tout bonnement de l'absence totale de pensée. Elle dépérissait.
Heureusement qu'elle pouvait faire du pain, et s'occuper de ses moutons. L'arrivée d'un gamin avec une missive perturba sa sieste quotidienne. Elle le remercia et se mit à lire les nouvelles.

Nikki et sa verve... elle lui manquait, ils lui manquaient tous.


Citation:
‘Jour, p’tite sœur

Là, je compatis sincèrement. Le Béarn… Ce n’est pas là-bas que tu trouveras oreille pour ta conversation. Je me demande même de façon plus large, s’il y reste encore quelque oreille pour quelque conversation que ce soit. Une poignée de coqs en girouette qui se hèlent de clocher à clocher peut-être ?
Mais qu’êtes-vous donc allés faire dans cette… dans ce Béarn ?
J’en viens même à me demander si notre sort n’est pas plus enviable, pour le coup.
Enfin, le bateau avance, bien qu’il ne flotte pas encore et n’est qu’à l’état de presque mât. J’imagine qu’au milieu de ce désert, voir ce projet se construire, même petit à petit, apporte quand même un élan, ou tout au moins une satisfaction. Et puis, vous ne perdez plus Ybi…

Pour ma part, je suis l’heureuse propriétaire d’une voile, depuis quelques jours. Sans pour autant, pouvoir les mettre encore.

Zantet est revenu de chez les moines, tout rayonnant. J’en étais presque jalouse, moi qui le couvais comme une poule sur son œuf en désespérant lui sortir quelques rires bien sincères… J’hésite à attribuer cela aux bienfaits de la méditation, ou au plaisir de s’en échapper. Quoi qu’il en soit… Je veille sur lui, autant qu’il m’est possible, p’tite sœur. Je ne peux pas te dire, ne t’inquiète pas… Ma présence ne reste que, ma présence.

Allez, une note plus gaie… Ce bal, qui semble t’intriguer. Ce cavalier potentiel, plus encore… Tu te doutes bien que rien ne pouvait être classique dans cette histoire. Donc, le maire m’a fortement conviée à venir, et Sou m’a traînée pour être sa cavalière. Oui, Souvenir. Elle a poussé le vice jusqu’à trouver sur la piste Esperanza, et décider d’une danse ensemble. J’ai donc eu l’insigne honneur, et l’expérience inoubliable, de danser entre Souvenir et Espérance… Jusqu’à ce que dans son entrain, l’Espérance me fiche un coup de coude dans les côtes. Mon arc-en-ciel en a repris des couleurs, pendant que j’en perdais. Une leçon à méditer ? Quoi qu’il en soit, avec ma jolie robe vagabonde et mon parfum fleur des champs, j’ai réussi à prendre la tangente entre un tonneau et quelques cochonnailles, déjà fortement entamés, surtout le tonneau, par Cerise et Anthy.

Tu débites des bûches… Je tire des flèches dans un tournoi, imaginant dans les cibles tout ce que je honnis. Gagnons-y cette paix de l’âme, ma p’tite sœur… Il n’est pas d’épreuve qui n’apporte ses leçons.

Je t’embrasse, tout aussi fort… Vous n’êtes pas si loin.

Nikkita


Les mots caressèrent ses pensées, adoucirent son exil. Mais l'envie n'était toujours pas présente... Les jours défilaient, sans relief. Elle profitait juste de Mémé, l'incroyable doyenne avait une énergie du tonnerre. Cela mettait du baume au coeur de la voir toujours prête à épouser les causes perdues, à soutenir les projets les plus fous. Elle rentra dans son atelier, nonchalante.

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Merci à JD Lou Audrea
Nikkita
[Clair obscur]


La nuit à la clairière avait été douce, loin du tumulte et des interrogations de la ville. Dans ce havre, la vagabonde retrouvait la justesse de sa nature, pour des instants privilégiés. Ici ses pensées n’étaient ni souillées, ni influées, ni tiraillées.

Certes elle se prenait à aimer Nîmes, aussi vivante que chaleureuse, originale que surprenante. Il n’en demeurait pas moins que son point d’équilibre ne pouvait se trouver ni enfermé dans des murs, ni entre des remparts. Assise, les jambes croisées en tailleur, coudes aux genoux et menton logé au creux de ses mains entrelacées, elle en retrouvait l’écho dans ce courrier dont le vélin légèrement chiffonné témoignait de nombreuses lectures.



Citation:
Bonsoir Soeurette,

Après une longue journée dominicale à contempler le néant je prends la plume pour quémander de tes nouvelles. Sache d'abord que tes mots m'ont permis d'imaginer ce bal... riche en surprises. Je suis malgré tout ravie de l'accueil qui vous est fait à Nîmes. Je t'assure que ce n'est pas la même chose partout. Il y aurait eu bien pire cité pour votre convalescence.
J'ai reçu quelques nouvelles de Zantet et il semble aller mieux, même si ses messages sont parfois laconiques. J'ai bien peur que l'idée de repasser par le Béarn ne l'effraie. Pire encore, je lui ai dit figurer sur la liste d'opposition pour les comtales. En douzième position, je te rassure. L'idée de voir les autres tue-l'envie régner m'a trop effrayée pour que je ne fasse pas une obligation de compléter la liste.
Ceci dit, je sirote du Jurançon auprès de mon amie Gilda, la doyenne du Béarn.

Nous contemplons l'horrible danse des arrivistes, sorciers.
Autrement après quelques jours à Lourdes et Pau pour couper du bois, nous sommes à Orthez pour écouler nos stocks et amasser des pelotes. Je ne suis pas très douée pour l'élevage, je n'ai rien d'une bergère... enfin, je n'imagine pas que cela t'étonne beaucoup.

Ne me dis pas que ta présence, reste ta présence, Zantet aurait pu tomber sur une gourde ou autre spécimen ennuyeux, Rose ou Louve ! Tu sais, quand je cogne sur les troncs, je fais comme toi, j'imagine que je suis en train de zigouiller tous les importuns, nuls et autres qui ont souillé la vision que j'avais du monde et des lendemains.

Nous vous attendons, je ne sais si nous aurons le temps d'aller à Barcelone avant que vous ne soyez complètement rétablis. Je te tiens au courant.

Je t'embrasse très fort,

Aphy



Aphy… P’tite sœur guerrière qui cherchait elle aussi sa paix, tout en menant ses combats… Une lutte de tous temps, et son impitoyable traque de toute faiblesse, sans rien s’épargner, ou si peu. Un léger sourire, d’une tendresse pudique, effleurait les lèvres de la vagabonde, à retrouver son feu, mais ses désillusions aussi, dans l’encre de ses mots couchés sur la feuille un peu froissée.

Et Zantet… Le regard de Nikkita se teinta de tristesse à sa mention. Elle avait beau le lire et le relire, sa présence ne restait malgré tout, que sa présence, dans toute son insuffisance. Elle adoucissait, elle soutenait, elle fouillait obstinément pour retrouver la source de son rire… Comment eût-elle suffi à la tâche, quand un tel gouffre s’ouvrait dans les yeux du blessé, que seuls des éclats échappés venaient ranimer de temps en temps...

La vagabonde soupira en tendant la main vers sa besace pour en sortir son matériel d’écriture. Levant le regard sur cette clairière perdue où les yeuses bruissaient dans un vent léger, elle la détailla longuement, s’imprégnant de sa paix, de son parfum, de sa lumière, pour trouver les mots justes, avant de tremper résolument sa plume dans l’encre.
Aphykit
Elle avait lu, relu, re-relu la missive de Nikki et ce matin-là, à Jaca, elle laissait les émotions l'envahir, la submerger. Elle déambulait dans les rues de la ville aragonaise, sans réel objectif. Quelques tavernes avaient pignons sur rue, pourtant, à cette heure matinale, elle ne voulait que la solitude. Elle s'éloigna du centre, prit quelques chemins de traverse, franchit les murailles et c 'est au bord d'un cours d'eau, qu'elle s'installa, pour à nouveau dévorer les mots de sa soeurette.


Citation:
‘Jour, p’tite sœur


J’ai un peu tardé à te répondre… Au-delà du bal, voire même du tournoi, les évènements se bousculent, alors même que se rapproche l’heure de raccrocher le baluchon sur l’épaule.

Te lire adoucit toujours cet exil, comme j’espère, les nouvelles que je te donne te permettent de faire voyager ton esprit. Tu as retrouvée ton amie en Béarn, et je ne peux qu’imaginer combien cela doit éclairer tes journées. Bon, il y a le Jurançon aussi, et ce n’est pas moi qui te dirai de ne pas en abuser. Pauvres moutons ! Si tu es aussi piètre bergère que moi, et surtout après quelques godets, ils vont se retrouver traits et égorgés avant d’avoir compris que c’est à leur laine que tu en voulais.

Enfin, ne laisse quand même pas ce Béarn t’avaler… Depuis l’épisode de la Rose à la sauce béarnaise, je le vois comme un gouffre dans lequel s’engloutissent… sinon les meilleurs… du moins, les moins pires. Fuyez quand mât et voile seront prêts !

De mon côté, toute immobile que je sois, cela avance aussi. Je t’ai dit avoir une voile, très bientôt un mât m’attendra sur Montpellier. Et du bois pour la coque, à Castelnaudary, accompagné d’un bon repas. Et une revanche à prendre, à Montpellier encore…
Ceci pour le côté agréable… Je ne peux pas passer sous silence que je suis inquiète pour Zantet. J’essaie, autant que je peux ainsi que j’ai pu te le dire… Il s’éteint devant mes yeux. J’enrage, et je suis impuissante… Et cela m’enrage d’autant plus… Il faudrait bien quelques solides chênes pour épuiser cela. Les arbres du verger sont par trop frêles, et se défendent en tentant de m’assommer des quelques fruits qui ont résisté à l’hiver.

Ma sœur, p’tite sœur, j’aurais tant voulu te donner de bonnes nouvelles, et seulement t’annoncer que nous sommes presque sur le départ…

Je t’embrasse, bien fort

Nikki


Inquiète pour un Zantet qui dépérissait, et ce ne sont pas les quelques missives qu'ils échangeaient qui la rassuraient...
Inquiète pour une Nikki chez laquelle, elle sentait poindre un vent de rébellion...
Inquiète pour un Aldyr dont on n'évoquait plus l'ombre...
Inquiète pour ceci, pour cela...
Inquiète pour tout... Voilà qui n'était pas elle, et c'était peut-être ce qui réellement l'inquiétait à cette heure.

Adossée à un rocher, elle ferma les yeux, perdue dans une très vague introspection dont elle n'avait qu'une envie la voir cesser. Elle n'était pas de ceux qui s'écoutent trop, elle ne voulait pas être faible... Elle chassa tout d'un revers de la main, sortit l'écritoire, les fioles, les plumes et sa plume s'envola.

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Merci à JD Lou Audrea
Nikkita
[Qui dit route…]


Escale biterroise, le temps d’une danse immobile. La ville, qu’elle n’avait jusqu’alors que traversée, se trouvait pleine de charme. Charme d’un port, d’abord, auquel la vagabonde ne pouvait jamais résister. Charme de son calme ensuite. Biterrois enterrés, le voyageur pouvait se caler dans une taverne une journée entière sans n’être jamais dérangé par un autochtone incongru. Seule au soir venu, la mairesse venait saluer les passants tout en les gratifiant d’un cours sur le lancer de casseroles, démonstration à l’appui.

Autant dire que la vagabonde n’avait ressenti nul besoin d’aller se fourrer dans un buisson pour lire au calme la missive qu’un messager effarouché avait déposée entre ses mains, avant de s’enfuir au plus vite.


Citation:

Hola soeurette,

Je trouve enfin le temps de prendre la plume pour coucher quelques mots sur le vélin. J'espère qu'ils te parviendront avant que nous nous retrouvions à Barcelone, ce qui devrait se produire d'ici quelques jours.
Après quelques jours de vie politique intense : présence sur un stand sans programme en tant que colistière, à manger et boire... quelques visites de l'espionne béarnaise et ancienne comtesse, qui me snobe toujours, la rencontre de nouveaux venus en Béarn, nous avons repris la route. Tu demanderas à Zantet plus de précisions sur la Bergère... C'est du haut niveau en mièvrerie.

Qui dit route dit Libertad...
Qui dit route dit Envie...
Qui dit route dit Avenir...

Tout cela s'ébauche sous mes yeux avec le bateau qui se profile à l'horizon. Enfin, nous aurons encore du travail, mais, le projet avance, c'est bien là l'essentiel.
Dans quelques jours, nos routes se croiseront, cette fois-ci de manière volontaire, prévue et définie... presque une antithèse de nos vies jusque là. Mais, rompre la monotonie, c'est aussi parfois se plier à certaines règles. Il n'y aurait aucun intérêt à les transgresser autrement.

J'espère surtout que vous êtes sortis sans encombres du Languedoc, cette fois.

Je t'embrasse, prends soin de toi, soutiens Zantet,

Aphy



Un vague sourire errait sur ses lèvres à la lecture de cette lettre. Elle retrouvait le ton vif et décidé d’une p’tite sœur qui avait retrouvé l’envie. Et c’était bien le vœu qu’elle avait formé, en cette lointaine journée arlésienne, quand l’ébauche d’une nave et d’une caraque navigant côte à côte les avait faite sourire toutes deux. Du temps était passé depuis… Des évènements aussi… Bien des choses avaient changé, ou évolué. Mais Aphy rêvait à nouveau d’avenir…

Une boucle s’ouvrait, tendant vers demain. Un demain qui prenait une forme espérée pour l’une, imprévisible pour l’autre. Mais c’était aussi la forme de ce lien qui les unissait, insensible à la hauteur des montagnes, la profondeur des mers, l’abîme des obstacles.

Tout pouvait se transformer… L’essentiel subsistait.
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