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[RP] A l'intérieur de l'église : Le confessional

Kronembourg



C'est fou ce qu'on peut arriver à faire à l'intérieur d'une église avec quatre planches de bois. Enfin cinq, si on comptait bien. Six si on voulait être à couvert. Et sept si on ne voulait pas se retrouver les pieds par terre.

Toujours est-il qu'un confessionnal venait d'ouvrir ses portes en la chapelle Saint Gabriel de Cahors et que l'évènement n'était pas anodin. Non. Pour son inauguration, Soeur Ceriera avait fait le déplacement spécialement jusqu'à Cahors en vue d'alléger sa conscience et notre bon évêque se demandait quelles horreurs il allait pouvoir entendre à cette occasion. Lui qui se délectait du moindre potin allait en prendre pour son grade, du moins c'est ce qu'il espérait. Si l'expérience se révélait concluante, il rouvrirait ce confessionnal chaque mercredi à la disposition des paroissiens de Cahors. Ainsi, il pourrait se baigner les pieds tout en venant en aide à la population une fois par semaine. Quoi de mieux pour retrouver le sourire ?
Ainsi, c'est dans un confort tout relatif de son côté du clapier qu'il envoya un mot à sa consoeur désespérée - Du moins c'est ce qu'il imaginait - Tout en baignant ses deux grands panards dans la chaleur d'un petit baquet.



Ce message s'adresse à vous, joueurs derrières leurs écrans. Quelques petites règles concernant la confession :

Le but de ce topic est de créer du RP.
Le joueur qui poste sa confession sait qu'elle sera lue par n'importe quel autre joueur inscrit sur le forum, ce qui laisse une possibilité de lecture à un très grand nombre de joueurs.
Or, si les joueurs peut sans aucun problème lire les confessions pour se distraire, il va de soi que vos personnages ne peuvent sous aucun prétexte se prétendre au courant de ce qui s'est dit, la confession s'étant réalisée sous le secret clérical, secret qui ne sera sauf avis contraire jamais brisé par Kronembourg.

Je précise également qu'en dehors de la confession avec Ceriera, mon personnage est glissé de son côté du confessionnal, et donc ne saura jamais QUI est venu se confesser à lui, sauf bien sûr si votre perso décide de le lui indiquer, que ce soit nominativement ou par des détails choisis. Pour ouvrir le jeu, vous pouvez même l'induire en erreur ^^

Sur ce assez causé, jouons !

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Ceriera
C'est avec précaution que Cerièra avait demandé à ce Frère du diocèse d'à-côté de l'entendre en confession : pas tout à fait à l'aise, d'abord car c'était pour elle une grande première, et ensuite parce qu'elle le connaissait peu, finalement, le duc-évêque. Mais c'était la raison du «pourquoi lui». Les mois passant elle devenait trop proche de son archevêque Asphodelle, trop amies pour qu'elle puisse lui dire ce qu'elle avait sur le cœur. C'est paradoxal ? Peut-être… elle l'avait également déjà beaucoup sollicitée dernièrement. À chacun sa croix donc, et la «croix-Cerièra» allait aujourd'hui à Kro.

C'était l'heure pour elle du grand ménage : elle l'avait fait dans ses affaires, ce qui pourrait paraître prosaïque, mais c'était symbolique. Elle essayait aussi de faire le tri dans ses émotions, et ce moment viendrait sans doute l'aider à se libérer. Se libérer de «lui», de feu son blond, et de ce qu'elle ne se pardonnait pas. Si Dieu pouvait la pardonner, peut-être le pourrait-elle ?

Une note reçue : le confessionnal venait donc d'être monté à la hâte. L'endroit lui était bizarre à la diaconnesse, qui se serait tout aussi bien ouverte à lui autour d'une bière, ou assis dans l'herbe dans un pré environnant Cahors. C'est dire si elle n'était pas encore rompue aux coutumes cléricales… il ne faut pas d'étonner que ce soit une «itinérante», impossible de la mettre en boîte !

Elle s'assit donc, un peu dubitative de se retrouver dans cette drôle de cage, et entama doucement :


Me voilà donc. Je… heu… vais vous demander de me guider parce que… c'est la première fois que je mets les pieds dans un confessionnel. Sans baquet pour elle, elle aimait trop ses jolies poulaines neuves, elle les gardait aux pieds. C'est peut-être la première chose à confesser ? Dans un petit sourire amusé, qu'il ne verrait pas, mais le ton y était. Cette distance ne la mettait pas à l'aise. C'est bizarre de ne pas vous voir. Des «confessions» elle en avait entendues, certaines terribles, mais les yeux dans les yeux. J'ai l'impression de parler à une planche. C'était vrai.
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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Kronembourg
“Une bonne confession vaut mieux qu'une mauvaise excuse. "
Jean Hamon / Lettre à un ami




Les chairs se ramollissaient lentement, mais il fallait encore attendre que l'eau de la bassine fasse son oeuvre. Peut-être aurait-il dû la faire chauffer un peu plus. Peut-être n'aurait-il pas dû la bénir si vite.
Toujours est-il que l'évêque barbu pataugeait un peu maladroitement dans sa partie du clapier, le regard perplexe, lorsqu'il entendit sa visiteuse arriver. Il comprit vite qu'il s'agissait de celle qu'il attendait.
Il comprit vite également qu'elle n'était pas très à l'aise.


Soyez la bienvenue dans cette cage à lapins nommée " Confessionnal ", ma soeur. Voyez-vous, d'ordinaire il est plus évident pour un paroissien de se confier loin du regard de celui qui l'écoute, ceci pour une raison toute simple : L'expression de notre visage peut parfois trahir malgré nous une émotion ou un sentiment qui couperait l'élan de celui qui s'exprime, se croyant jugé alors même qu'il n'a ps terminé une phrase.

Il marqua un temps de silence.

Si vous le préférez, nous pouvons sortir de ces planches et nous asseoir sur un banc, tout simplement, à l'intérieur de l'église. L'essentiel pour moi consiste à ce que vous soyez à votre aise. Je ne suis pas très attaché au protocole.

** Flic Floc Flic Floc **

Oui, naturellement, ce serait beaucoup moins simple pour lui de faire trempette en douce comme il l'espérait. Mais il s'agissait de son bien-être à elle et pour y parvenir, il serait bien prêt à quelques concessions.
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Ceriera
Toujours un peu nerveuse, Cerièra se détendait petit à petit que l'évêque lui parlait et… surtout à la possibilité que ça ait lieu ailleurs.

Je pense que vous en avez suffisamment entendu dans votre carrière pour ne pas risquer de «couper mon élan». Et si j'avais peur de vos réactions je ne vous aurais pas sollicité. Ou elle serait allée en anonyme dans le moindre confessionnal romain, histoire de les faire bosser un peu, mais pour elle la chose avait davantage de sens ici.
Mais merci, en effet je préfèrerais que nous sortions. J'ai passé plus de deux ans au couvent, et depuis, je suis un peu claustrophobe. Même quand je dois me retirer du monde aujourd'hui, je préfère bivouaquer dans les collines pour méditer seule, mais rien de sombre et de clos, j'ai du mal à le supporter.
Et puis… ce serait une discussion un peu comme entre amis, voyez, même si je ne pourrais pas l'avoir avec des amis. Les plus proches que j'ai me sont trop attachés, ils me diraient «ne te reproche rien Cerièra», et ça ne m'aiderait pas. Ce serait bienveillant, mais pas objectif.
*Ne serais-tu pas en train de délayer ?* Voilà qui lui ressemblait bien, à la brune : bavasser, tout pour retarder le plus possible l'entrée en matière. Mais après tout, elle était bien venue là pour s'exprimer, il lui faudrait bien prendre son courage à son cou. Hum…
Elle se leva donc pour écarter le rideau quand elle entendit le «flic floc».


C'est quoi ce bruit d'eau : y'a-t-il des fuites dans l'église ? C'est que si la neige fond, il ne faudrait pas que ça nous fasse une pataugeoire !
Comment pourrait-elle imaginer que c'était l'heure du bain de pieds de Monseigneur ? Même si a priori l'idée ne la choquerait pas, la rassurerait même peut-être : s'il y a plus farfelu qu'elle…
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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Kronembourg
Mince. Le bruit du flic floc était parvenu jusqu'aux oreilles de son interlocutrice. Il releva lentement, très lentement les pieds de la bassine ... avec juste un bruit d'égouttement pour le trahir une dernière fois ... Puis il se dit que foutu pour foutu, ou plutôt pris les pieds dans le bac, autant s'en justifier le moins bêtement possible.

C'est que ma vie religieuse a commencé il y a fort longtemps chez les Cisterciens. A l'époque, il était entendu que l'hygiène des pieds était au centre de nos préoccupations : Nous chantions pieds nus pour que nos voix rejoignent le ciel un peu plus vite, nous nous lavions les pieds avant d'entrer dans chaque salle, et c'est bien sûr le pied aux fesses qui marquait nos punitions. Entre autres bien des détails toujours attachés aux pieds.

Il jugea utile de préciser.

Par contre, le pied de nez était interdit. Tout comme prendre notre pied ! Mais nous avions le droit de tout prendre au pied de la lettre. Depuis, quelques derniers réflexes me sont restés. Celui de me laver les pieds durant une confession en fait partie. Mais sortons d'ici, si vous le préférez.

Le temps pour lui seulement de renfiler bas et bottes, afin d'avoir l'air un peu plus convenable. Quelques grincements de planche plus tard, il put offrir un visage avenant à sa visiteuse. Tout l'église était à eux, nul visiteur ne viendrait les interrompre. Il lui indiqua un banc où ils pourraient s'asseoir si elle le préférait.

Dites-moi ce qui ronge votre conscience et parlez sans crainte. Voulez-vous un verre de vin pour vous y aider ?
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Ceriera
Un sourire amusé de la brune lorsqu'elle comprit de quoi il était question avec ce bruit d'eau. Qu'ils étaient bizarres ces cisterciens ! Le temps de le laisser sortir pour, le constatant en bottes, le rassurer :
Vous auriez pu garder le baquet, ça ne m'aurait pas dérangée vous savez.

Elle s'assit sur le banc proposé… en tailleur. Elle n'est jamais bien à l'aise sur un siège dans la position assise attendue. Et si l'attitude était à la décontraction, ça n'était pas un mal… la suite serait moins insouciante. Au verre de vin offert elle répondit :
Volontiers… je crains d'être un peu longue, le vin aidera votre patience également.
Voilà qui s'appelle une sage précaution. Et puis il est bien bon le vin de Cahors.

Par où commencer ? Alexandre. Ce qui me ronge… un reliquat de culpabilité.

Et en matière de culpabilité, elle savait avoir trouvé un sacré interlocuteur ! Mais sans doute l'aiderait-il à ce ménage dans ses culpabilités, dans ses sentiments brouillons. *Allez, vas-y…*
Une grande inspiration, une gorgée de Cahors, et puis deux, pour se donner un peu de courage et planter le décor. Il y a des choses qu'il savait déjà, ayant connu le défunt et assisté à ses funérailles, d'autres qu'elle préciserait. Toujours un souci d'exactitude… nécessaire ou pas ? Peu importe, il fallait que ça sorte. Une troisième gorgée, avant de porter son regard sur son interlocuteur.


Le décès d'Alexandre m'a laissée anéantie, et assaillie de questions qui, sans réponses, auraient sans doute eu raison de ma foi. Et… comment dire ? Je suis une rationnelle, j'ai besoin de comprendre, j'ai besoin que les choses aient du sens.
Je me suis demandée pourquoi il m'avait été ravi, si nous étions puni, et pour quoi ? Je ne connais que très peu son passé, vous en savez davantage que moi certainement : je l'ai toujours soupçonné d'être moins sérieux que moi sur certaines choses.
Inutile de préciser, il saurait à quoi elle faisait allusion. Quoi qu'il en soit, il a toujours respecté mes vues, alors je ne comprenais pas de quoi Dieu pouvait bien nous punir pour me priver ainsi de lui.
Là-dessus, Asphodelle m'a donné des réponses. Elle a su s'adapter à moi, et me dire ce qu'il fallait. C'est moi qui avais du mal à entendre
. Un petit sourire… Idem pour le «ne pleure pas si tu m'aimes», il m'a révoltée sur le coup, je ne le comprends que maintenant. Même s'il m'arrive de le pleurer encore, évidemment. Comme à chaque fois qu'elle pense trop fort à lui, ou parle de lui trop longtemps. Sa besace était sur ses genoux, si besoin de mouchoir, sa brodeuse estropiée d'amie serait là pour elle.
J'ai donc pu innocenter le Très-Haut, et pleurer Alexandre sans pour autant perdre la foi. Ç'aurait été ennuyeux pour débuter comme diaconesse, n'est-ce pas ? Un petit rire de dérision, dernière touche de légèreté avant la suite.

Mais… il… y a quelque chose par contre que je ne me pardonne pas. J'ignore si Dieu peut me le pardonner, mais moi je m'en veux encore. *Comment lui amener ça ?* Je… pour ça… il faut que je vous explique les conditions de son décès, même si je l'ai déjà un peu fait lors des funérailles, en lisant un extrait de sa lettre.
Nous avions hâte de voyager tous les deux, lui encore plus que moi, et j'espérais de ce voyage qu'il nous fasse prendre du recul sur une question qui nous avait contrariée. Accessible comme il était de caractère, j'en avais oublié notre différence de condition, et lui aussi. Quand le sujet nous est revenu au visage, nous avons réalisé que ça finirait par poser problème, et… lui étant encore à ce moment-là un divorcé en convalescence, dirons-nous, il était contrarié à la question du mariage. Car évidemment, c'est le seul problème que sa noblesse posait vraiment, mais…
un sourire gêné… comme vous l'avez compris je me suis toujours résolue à rester sérieuse jusqu'au mariage alors tôt ou tard, selon notre capacité à nous contenir la question se serait posée. Les joues rosirent… Oui, «notre» capacité, car évidemment je n'étais pas exempte de désir pour lui. La vertu, ça n'est facile que lorsqu'on n'est pas tenté. Elle se reprit pour amener la suite : Moi je ne voulais pas que toutes ces questions de mariage, noblesse… prématurées de surcroit, ne gâchent le joli bonheur qui naissait entre nous, alors je lui ai dit «laissons les tracas de côté, partons». J'espérais que dans l'enthousiasme du voyage nous nous retrouverions. Naïve la brune… tout ne se résout pas à grand coups de «allez viens je t'emmène au vent» dans la vie.

Un triste soupir… Et ça n'est pas ce qui s'est passé. Alexandre était taciturne, taiseux, et lorsque nous étions à Bordeaux, il n'est pas sorti une seule fois ! Alors qu'elle… le vin de là-bas, qu'est-ce qu'elle y avait goûté ! J'étais peinée qu'il ne profite pas du voyage, ça m'empêchait d'en profiter aussi, alors je lui ai proposé de rentrer, pour mieux repartir plus tard. Je ne savais pas ce qu'il avait, il me cachait son état, comme vous l'avez appris aux funérailles : il se savait condamné.
Donc nous rentrions, et sur le chemin du retour, je l'ai perdu une première fois en route. Je ne m'en suis pas inquiétée, ça n'était pas la première fois… qu'est-ce qu'il pouvait être distrait en voyage !
Et qu'est-ce que ça avait pu l'agacer, la brune, qui aime que l'organisation en voyage soit «carrée» ! Je suis allée le retrouver, puis nous avons continué… jusqu'à ce que je le perde une deuxième fois ! Lasse de ces contretemps, avec deux tonneaux de bière de Sainte-Illinda à ramener à Foix, des amis à retrouver… je n'ai pas fait demi-tour et j'ai continué ma route, pensant qu'il me rejoindrait plus tard.

Le visage devint grave. C'est le lendemain de mon arrivée à Foix que j'ai appris… Elle marqua une pause. On y arrivait, au cœur du sujet. Les larmes lui montaient aux yeux et c'est la gorge nouée qu'elle peinait à prononcer la suite :
Je n'étais pas là pour lui. J'aurais dû être avec lui, pour l'accompagner dans son départ, pour qu'il ait mes yeux dans les siens, mes lèvres sur les siennes avant de partir.
Et les larmes coulaient, sans les retenir cette fois, le contexte étant plus intime et moins solennel que lors des funérailles. Et aujourd'hui elle s'en fichait pas mal d'être ou de rester jolie. Elle attrapa le mouchoir d'Antoynette : que son amie serait désolée de savoir qu'il lui restait des larmes ! Et c'est précisément la raison pour laquelle elle préférait évoquer tout cela en confession plutôt que devant ses proches amis. Le temps d'essuyer ses yeux désormais rougis, pour les ramener vers ceux de l'évêque :
Je l'ai laissé mourir seul. Il est mort seul à cause de mon impatience. Et ça, je ne me le pardonne pas.
La tête dans les mains. Je ne me le pardonne pas.
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Kronembourg
Il y eut d'abord les quelques verres de vin, bus à la suite les uns des autres, pour que son interlocutrice trouve le courage de s'exprimer. Contrairement à elle, ainsi qu'à bon nombre de gens d'église, l'évêque détestait le vin. Surtout le rouge. Il s'autorisa néanmoins de l'accompagner au rythme du troisième verre car il lui semblait nécessaire d'apporter sa part au partage.
Elle lui faisait confiance, assez du moins pour se confier à lui sur une page douloureuse de sa vie, il lui paraissait nécessaire en retour de créer un lien, même invisible, avec elle en retour. Ce lien serait donc l'alcool.


Vous savez, lorsqu'il est question d'amour et de mariage, la noblesse ne constitue pas un obstacle en soi pour le peu que la question soit sérieusement étudiée. Différents duchés comme la Guyenne, le Limousin et peut-être même le Rouergue si ma mémoire est bonne, mettent à la disposition de leurs sujets des fiefs que l'on dit " vénaux " , moyennant une certaine somme d'argent. Alexakis ayant longtemps habité la Guyenne n'était probablement pas sans le savoir. Aussi je pense qu'au delà de la noblesse nécessaire à résoudre la question du mariage, c'est le mariage en lui-même qui posait problème.

J'ignore depuis combien de temps Alexakis et vous étiez tombés amoureux lorsque la notion du mariage fut abordée, mais je sais que l'idée de s'unir devant Dieu nécessite souvent du temps, beaucoup de temps pour mûrir dans l'esprit d'un homme. Ce qui est vrai pour un homme en temps normal l'était sûrement davantage pour Alexakis qui, comme vous me l'avez mentionné, sortait d'un divorce pour le moins houleux. Cet élément est loin d'être anodin, croyez-moi, je parle d'expérience. Si j'étais très épris de ma première épouse lorsque nous nous sommes unis, notre séparation fut tellement explosive et dégradante que j'étais résolu à ne plus jamais me remarier. Il a fallu en quelque sorte que ma seconde épouse m'apprivoise et cela a nécessité du temps. Beaucoup de tergiversations et pourtant, nous étions très amoureux l'un de l'autre.


Ceci étant dit, il laissa retomber involontairement un moment de silence. Il n'était pas sans savoir lui-même combien la séparation de Alex et de Anna avait fait du foin. De mémoire, avait même envoyé un billet rapide au jeune homme pour lui témoigner son soutien.
Mais comme la soeur Ceriera semblait prise d'émotion et de culpabilité, il reprit.


Si je soulève ce point, c'est rapport à l'enchaînement des évènements qui a suivi. Vous êtes donc partis en voyage et Alexakis s'est fait taciturne. Dans votre esprit, ce mutisme était peut-être dû à cette question non résolue du mariage. Et même si vous en avez compris plus tard la véritable cause, il n'en est pas moins vrai qu'au moment où Alexakis a cessé de vous suivre sur les routes, vous ignoriez complètement le fait qu'il était malade et condamné. A mille lieux de cette pensée vous étiez, et peut-être même le pensiez-vous de mauvaise volonté à l'époque, puisqu'il ne profitait pas du voyage et ne sortait pas. Avec cette notion de souci du mariage en filigrane dans votre relation, tout portait à croire dans votre esprit que Alexakis n'apportait plus sa part à la bonne entente de votre couple. Peut-être même vous êtes vous dit passé un certain temps, selon un réflexe bien humain : " Eh bien s'il boude, je vais le laisser bouder dans son coin. "

A présent, posez-vous la question : « Serais-je allée le rechercher une seconde fois en chemin si j'avais su qu'il était mourant ? » Nous savons tous les deux que oui, vous l'auriez fait, sans hésiter, et même dix fois auriez-vous rebroussé chemin pour lui si nécessaire, pour le peu que vous ayez eu cette information capitale en tête.

Dès lors, vous ne pouvez pas vous reprocher le fait que Alexakis soit mort seul, car cette solitude faisait partie de son choix. En choisissant de ne pas vous faire connaître son état, que ce soit pour vous protéger ou même simplement par pudeur, il a pris la décision en son âme et conscience de s'isoler de vous. En n'envoyant pas un coursier vers vous la seconde fois où il s'est perdu en chemin pour vous demander de revenir vers lui le chercher, il a pris la décision en son âme et conscience de s'isoler de vous.
Vous n'y pouviez rien. Vous ne pouviez pas deviner ce qu'il refusait de vous dire.


Il tenta d'éclairer les larmes de la diaconesse d'un sourire.

Vous ne l'avez pas laissé mourir seul, ma soeur. Alexakis, s'il n'a pas choisi le moment précis de sa mort, en avait néanmoins déjà déterminé les conditions. Parmi ces conditions, il y avait celle que vous ne le regardiez pas mourir. Ceci était bien un choix de sa part et tout laisse à supposer que par ce choix, il souhaitait que vous conserviez de lui l'image d'un homme vif, rieur, travailleur, vivant. Voyez plutôt ceci comme un choix d'Amour.
Vous n'avez rien à vous pardonner. Alexakis était un homme de foi, nul doute que son âme a rejoint le paradis solaire. Nul doute également qu'il n'aurait pas souhaité que vous culpabilisiez, vous, en conséquence de ses choix à lui.


Une main amicale fut posée sur son épaule et il se prit une nouvelle gorgée.
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Ceriera
Elle avait tout sorti d'un bloc de la première de ses culpabilités, la la diaconesse, et c'est naturellement qu'elle écouta l'évêque lui dérouler ses impressions sans l'interrompre, à part peut-être en se mouchant de temps en temps dans le joli mouchoir brodé par son amie. Elle se resservit un peu de vin, les trois belles goulées précédentes ayant vidé son godet. Peut-être finirait-elle à moitié saoule, et alors ? Si c'était la première fois…
Tout ce qui venait d'être dit faisait sens, et jamais elle n'avait envisagé les choses ainsi, malgré ce que lui avait dit le bond dans sa dernière lettre, écrite alors que ses forces le quittaient. Son choix à lui. Elle laissa cette évidence s'imprimer dans sa caboche, en silence, un moment.
Elle préciserait quelques choses qui avaient été évoquées, dans un demi-sourire de demi-soulagée.


Je ne l'ai jamais pressé vous savez, j'étais même étonnée d'atterrir si vite dans ses bras. Il répétait tellement vouloir rester seul que je m'étais résolue à l'idée de l'attendre de nombreux mois de plus. Un petit rire… connaissant ma patience ! Enfin… c’était lui que j'aimais, je n'avais pas le choix.
Je ne lui aurais jamais évoqué le mariage si le sujet ne nous était pas arrivé dessus par une tierce personne. Elle pensait bien faire, mais ne nous a pas rendu service. C'était beaucoup trop tôt. Et bizarrement, j'avais la foi. La foi que tout ceci serait, si je laissait le temps aux choses de peu à peu devenir réalité. Je ne ressentais pas le besoin d'aborder le sujet, j'en étais encore à m'étonner qu'il veuille bien de moi.
Un timide sourire à ces propos, sincère : douter d'elle-même, c'est sa came.

Être seul. Un choix d'amour. Plusieurs petits hochements de tête. Il me l'a écrit pourtant qu'il voulait m'épargner ça, mais je n'avais pas fait ce lien. Il savait certainement que je serais revenue sur mes pas oui. Un sourire à l'évêque, un sourire ému car c'est au blond qu'elle pensait à cet instant, c'était tout à fait lui. Vous le connaissez, ou au moins, vous le cernez bien.
Je sais qu'il m'a aimée sur la fin, oui, et je m'accroche à cette idée, elle me réconforte. Je me demande ce qu'il pouvait bien me trouver, parce que je ne vois pas bien ce que je pouvais lui apporter, à part un cœur constant…

… trop, même.
Un long soupir, suivi d'une gorgée de vin. Au point de me reprocher qu'il se laisse émouvoir aujourd'hui.

Parce qu'elle avait bien une deuxième culpabilité qui traînait, la brune. Entre ça et la peur de souffrir à nouveau, ces sentiments qui naissaient chez elle la déboussolaient complètement.
Un soupir… elle hésitait à en parler. Elle laissa passer un silence pour réfléchir : après tout elle était venue ici pour vider son sac, et étant donné qu'elle y avait fait allusion à l'instant, ne pas développer serait mettre l'évêque dans la position désagréable d'avoir à lui tirer les vers du nez. Ce serait indélicat. Que fait-on quand on a le courage d'un crabe ébouillanté ? On fuit, ou… on fonce de manière à ne plus avoir le choix.


Un… un homme. *Voilà, c'est posé. Impossible de te défiler maintenant* Se sentant rougir, elle se demanda si en fait, la cage grillagée n'avait pas du bon. Non, ça n'aurait pas été pareil. Le vin, le geste réconfortant… elle préférait.

Un penchant, une inclination, pour un homme. Jusqu'il y a peu je ne voulais pas me l'avouer, c'est en discutant avec un ami que j'ai réalisé… que… enfin, je pensais lui écrire innocemment… Un petit sourire timide. Je le connais peu mais… il me fait vraiment l'effet d'être une belle personne, quelqu'un de délicat. Et de gentil. Il a pris soin de mon corbeau quand il lui livrait une missive, peu de gens passent outre la mauvaise réputation de l'animal. Un esprit indépendant donc. Et puis, le peu que je le vois il est toujours souriant, calme… un beau tempérament, qui me plaît moi qui suis un peu dispersée, un peu fofolle. Un petit rire.
Je… je ne sais pas ce qu'il représente au juste pour moi. Peut-être me distrait-il juste de ma peine, parce que… depuis que je pense à lui, les jours où je pleure Alexandre se font de plus en plus rares. Dans ce cas ce ne serait pas bien de me tourner vers lui, il mérite mieux que ça.
Un soupir… Ceci dit, ça n'est certainement pas réciproque, et c'est sans doute mieux ainsi, pour lui. Et puis… la voilà la culpabilité, qui se lit progressivement sur son visage : … j'ai l'impression d'insulter la mémoire d'Alexandre, de lui être infidèle. Jusqu'ici il restait souverain de mon cœur, faire de la place à quelqu'un d'autre, ça voudrait dire le découronner. Vous savez vous-même à quel point c'est difficile à concevoir, n'est-ce pas ?

Une taverne. Voilà ce qu'il aurait fallu pour cette confession. La taverne des cœurs paumés…

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Kronembourg
A son tour, il écouta le déroulement des paroles de la diaconesse. Il prenait le temps de peser chaque mot, en bon maniaque même de la façon dont ils étaient prononcés, transmis. Et nota ainsi à deux reprises que son interlocutrice paraissait étonnée du fait que l'on puisse l'aimer. Il sourit. L'Amour est tellement inexplicable, en dehors des causes et des définitions, du rationnel parfois.

Ma foi je ne vais pas vous mentir, je pense avoir assez peu connu Alexakis en réalité. Plus que ça je pense l'avoir mal jugé à différentes reprises, peut-être même mal guidé lorsqu'il décida de suivre la voie de l'église. A l'époque de sa vie active en Guyenne, il avait besoin de beaucoup d'attentions. Il voulait tout connaître tout de suite ; l'armée, la politique, l'église, la prévôté, il m'est arrivé de lui reprocher son manque de concentration et sa difficulté à tenir ses engagements sur le long terme. Sa vie aurait peut-être été différente si j'avais pris le temps de lui donner assez confiance en lui pour qu'il puisse animer cette église, ici autour de nous, un peu plus longtemps que quelques semaines.
D'une façon générale à l'époque, je trouvais qu'il manquait de fantaisie. Mais je sais aussi qu'il avait parfois quelques traits de génie. Il pouvait se montrer épatant d'initiatives.

Pour ce qui est de l'homme qui semble vous attirer ...


Il s'envoya une gorgée de vin, les mots de la jeune femme trouvant un écho retentissant en lui. Les sentiments qui la rongeaient, il les connaissait bien.

... Je vous conseillerais de ne pas le ranger trop vite dans une petite case. Alexandre fut un grand amour pour vous, il l'est probablement encore, votre coeur n'a certainement pas encore fait son deuil de lui. Et cela est normal, puisqu'il a énormément compté.
Néanmoins, vous êtes encore très jeune. Un jour, et c'est peut-être déjà le cas avec l'homme que vous m'évoquez, quelqu'un d'autre saura trouver les mots et les attitudes qui vous parleront assez pour que vous éprouviez des sentiments très fort à son égard. A cet homme, vous devrez trouver une place non pas en découronnant Alexandre, mais en lui délivrant son espace propre, à lui, dans votre coeur. Un homme n'en remplace jamais un autre, il occupe une surface différente un peu comme s'il était un ajout dans votre chemin de vie, et non quelqu'un qui chasserait en quelque sorte l'homme précédent.
Je comprends votre sentiment de culpabilité. Mais sans doute pourrez-vous l'atténuer en vous montrant honnête avec l'homme qui vous plaît aujourd'hui. Peut-être en effet que celui-ci vous distrait juste de votre peine. Le temps vous aidera à déterminer si votre relation doit prendre une tournure plus sérieuse, ou s'arrêter là.

Il marqua une courte pause.

A ce que je comprends, vous ne lui avez pas encore parlé de vos sentiments ?
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Ceriera
Elle sourit au portrait que l'évêque lui faisait d'Alexandre : pour quelqu'un qui disait l'avoir peu connu, il le dépeignait de façon plus fidèle que bon nombre de ceux qui l'avaient côtoyé les derniers temps. Il faut dire que le blond n'était pas facile à cerner, et Cerièra avait eu le privilège de le connaître un peu moins mal que la moyenne.

Ne vous faites pas le reproche de l'avoir mal guidé, il était assez difficile à suivre dans ses enthousiasmes, et peu patient en effet. La combinaison des deux a parfois pu être mal interprétée…
Un petit rire y repensant : … notamment à la chancellerie où il est passé pour autoritaire alors qu'il avait une vision propre et voulait la voir mise en œuvre. S'il avait eu davantage de temps pour cela… Encore une pointe de regret dans les yeux.

Je ne savais pas que son service avait été si court, malgré tout il s'est toujours réclamé de notre Église à la suite. Asphodelle en doutait étant donné qu'il avait obtenu une dérogation pour être marié par Rome et qu'il s'était consacré à la politique ensuite, mais non, nous ne l'avions pas perdu en chemin. C'est pourquoi j'ai voulu ces funérailles pour lui, selon sa foi. Quitte à enquiquiner tout le monde au passage, vous compris !
Un petit rire… avant d'enchaîner à son tour sur le délicat sujet de… la transition, superposition, cohabitation ? Perdue, la brune, on vous a dit…

– A ce que je comprends, vous ne lui avez pas encore parlé de vos sentiments ?

La grande timide qu'elle est rougit à cette simple idée. Non, évidemment que non, c'est beaucoup trop tôt, nous nous connaissons si peu. Je n'oserais pas…
Nous correspondons un peu depuis quelques temps… enfin, depuis une bêtise de ma part.
Une maladresse, qu'elle justifie rapidement d'un geste de main balayant le sujet… Une histoire de métaphysique et d'alcool, que je vous passe. Du grand Cerièra, en vrai. Avec des bulles. Mais c'est guère tout. Il me répond, certes, mais… et c'est ce qui me fait dire que ça n'est certainement pas réciproque : il est gentil. Il me répond certainement uniquement par gentillesse. Un long soupir…

Alors me déclarer à lui… je… je devrais vraiment le faire pour être honnête comme vous dites ?
*Pitié !* Je devrais plutôt attendre de savoir où j'en suis non ? Vous me dites vous que les deux peuvent avoir leur place, et je vous crois, je vous entends, mais… même s'il me redonne le sourire, pour l'instant, j'aurais l'impression de manquer de respect aux deux. Elle n'est pas tout à fait sortie des ronces, non. Après tout, une semaine plus tôt, elle fleurissait la tombe du blond pour l'anniversaire qu'il ne fêterait pas. Elle revint à son distillateur de mirabelle, encore un peu confuse entre les deux hommes, ramenant son regard vers le barbu : Si… si jamais je me décide, à l'avenir, dois-je lui parler d'Alexandre ? C'est ça qui est plus honnête, non ?
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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
Kronembourg
Il hocha la tête en écoutant les propos qui lui remémoraient Alexandre. Il était vrai que cet épisode de la dérogation, très mal perçue à l'époque par la quasi totalité de son entourage, il l'avait presque oublié. Toutefois, ce ne fut pas ce qui retint son attention.

Impression m'est donnée, ma soeur, que vous manquez énormément de confiance en vous. Depuis tout à l'heure, je vous prête une oreille attentive et je perçois beaucoup d'incertitudes en vos propos.
Au sujet de Alexandre, vous me dites : " Je me demande ce qu'il pouvait me trouver " , " Je ne vois pas bien ce que je pouvais lui apporter " , " J'en étais encore à m'étonner qu'il veuille bien de moi " .

Et puis au sujet de cet homme qui vous trouble, vous semblez convaincue que ce dernier correspond avec vous uniquement par gentillesse, comme s'il était impossible que vous puissiez l'intéresser d'un point de vue intellectuel, humain ou même éventuellement sentimental. Bien entendu, je suppose moi aussi qu'une forme de gentillesse guide ses courriers. Mais je pense que vous sous-estimez les bienfaits que vous pouvez apporter à votre entourage et notamment à un compagnon. Certes je ne vous connais que peu, et je connais encore moins ce qui compose votre passé et votre histoire, mais je peux vous dire d'emblée que vous possédez quelques qualités comme le panache, la franchise, la fantaisie, la soif d'apprendre et la bienveillance, qui sont autant de petits trésors auxquels un homme peut s'attacher.

Ne lui déclarez rien, bien entendu, aussi longtemps que vous ne serez pas certaine de vos sentiments. A dire vrai je pensais que la question de Alexandre avait déjà été abordée avec cet homme auprès de qui vous correspondez et que de fil en aiguille, il en était devenu une sorte de confident. Mais si ce n'est pas le cas, alors n'hésitez pas à prendre votre temps sans pour autant fuir le sujet de Alex si celui-ci venait à être abordé. Accordez-vous aussi le droit d'ouvrir votre coeur et votre confiance, petit à petit. Éprouver des sentiments envers un homme ne fait pas de vous quelqu'un d'irrespectueux envers Alexandre, non, d'autant que je ne pense pas que Alexandre aurait souhaité vous voir le pleurer jusqu'à la fin de vos jours. Gardez-le plutôt dans votre coeur comme le souvenir d'un bel amour, voire même d'un grand amour. Nous devons tous réapprendre à vivre autrement lorsque nous perdons un être cher. Trouver un nouvel équilibre. La foi nous y aide mais aussi le temps autant que notre entourage. Vous êtes jeune, vous êtes intelligente, vous pouvez apporter énormément à un homme. Ceci uniquement si vous vous en accordez la chance, si vous vous en donnez le droit.


Un rien de tristesse traversa la face barbue de l'évêque. Pour sûr il pouvait comprendre ses craintes, ses réticences, ses doutes.
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Ceriera
S'il y a quelque chose à savoir sur Cerièra, c'est qu'elle est on ne peut plus nulle quand il s'agit de savoir recevoir les compliments. Certains de ses amis le savent bien et en usent – les perfides ! – ayant trouvé là un des leviers propres à la faire rougir quand ils veulent la taquiner. Elle ne rougit pourtant pas cette fois-ci, mais lui partagea le peut-être pourquoi de ce «manque de confiance».

C'est que j'ai si longtemps vécu dans la solitude, sans amis comme sans compagnon, sans entourage à vrai dire, que je m'étonne encore quand je constate que je peux compter pour quelqu'un. Quand de proches amis me disent «tu me manques», ça me panique davantage qu'autre chose. Je ne sais pas si je réponds bien à leur affection.
C'est assez nouveau pour moi d'être entourée, alors parfois les vieux réflexes reviennent, et j'ai l'impression de ne pas mériter ce qui m'arrive.
Elle esquissa un sourire. J'essaierai de me soigner.

Elle se rendit compte en l'écoutant, «je pensais que […] de fil en aiguille, il en était devenu une sorte de confident», que non, ils n'étaient pas si proches que ça, le «gentil prof» et elle, mais qu'elle n'en avait pas eu besoin pour penser à lui. Elle connaissait finalement peu de choses de lui, mais une intuition, ça ne s'explique pas vraiment…
La suite lui fit revenir quelques larmes aux yeux, et elle hocha la tête : évidemment elle gardait chaque instant avec Alexandre comme de précieux souvenirs. Comme son premier grand amour. Elle n'eut cependant plus besoin du mouchoir d'Antoynette : de l'émotion à tous ces mots, mais le «dramatique» était passé.


M'autoriser…

Elle resta un moment silencieuse, à laisser le mot se diffuser, faire son œuvre, en elle. Elle qui s'était imposé de ne pas regarder les hommes après le décès d'Alexandre, pour se laisser davantage de temps, se remettre en douceur… Sans doute est-ce pour cela qu'elle avait pensé, jusqu'il y a peu, lui écrire «en tout bien toute honneur». En plein déni, de peur de s'ouvrir à nouveau à un homme.
Mais voilà, elle était cuite la cerise : son cœur était allé plus vite que ce qu'elle aurait souhaité. Et son esprit était comme un clafoutis* de nouvelles questions.
L'avait-il perdue davantage, l'évêque ? Non, parce que des questions que l'on se pose valent certainement mieux que des reproches que l'on se fait. Inutile à ce stade de lui demander si Dieu pourrait estimer qu'elle est une mauvaise personne, tout ce que lui avait dit le barbu ne laissait pas grand doute sur ce qu'il pourrait lui répondre.
Il était temps pour elle de le libérer de ses épanchements sentimentaux, et de laisser reposer tout ce qui avait été dit.

Un sourire revint sur son visage alors qu'elle portait une main à sa besace. Pas pour le mouchoir, on l'a déjà dit… mais pour en sortir un ballotin. Les pâtes de fruits de mirabelle gentiment offertes par celui qui lui redonnait le sourire. Elle les dosait précautionneusement, les faisait durer, sachant que viendrait l'heure où elle n'en aurait plus. Mais à celui qui venait de lui accorder tant d'écoute, à celui qu'elle avait certainement perturbé en remuant chez lui des émotions qu'elle devinait délicates, elle en partagerait volontiers. Sa façon de le remercier pour ce moment.


Goûtez moi ça, il les fait lui-même.
Accompagné d'un large sourire. Attention, c'est liquide à l'intérieur ! Délicieusement liquide… Ne faites pas la même bêtise que moi : j'ai croqué dedans sans être prévenue, la première fois, et je m'en suis fichu de partout ! Un petit rire alors qu'elle lui tendait la ballotin ouvert.


* vient de l'occitan «clafir» = remplir. Un clafoutis, c'est une pâte pleine à ras-bord de… cerises pour les puristes. Un clafoutis aux pommes, c'est une hérésie. Au bûcher !
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Πίστις, ἐλπίς, ἀγάπη
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