Mai.
Précision : Tous mes RP sont TOUJOURS ouverts.
Mêlant la chrysoprase et son fauve incendie
Au saphir, où le ciel azuré s'irradie,
Et le sang des rubis aux pleurs du diamant,
Comme c'est votre joie, ô fragiles poupées !
Car vous avez toujours aimé naïvement
Les joujoux flamboyants et les têtes coupées.
Extrait de La Danseuse, Théodore de Banville.
Le calme, le silence, l'absence. Entre les herbes fraîches de la rosée matinale, une frêle silhouette se dessine dans le brouillard passager. Les pas sont légers, l'équilibre incertain. Tout l'ensemble vrille, s'arrondit sous l'effort, s'emmêle finalement de maladresse. Il s'agit d'être discrète, calme, certaine de ses mouvements, leste. Il s'agit de se déplacer sans un bruit, de toucher sans prévenir, de lutter sans traces. Il s'agit de danser avec le temps, l'allonger pour anticiper l'ennemi, le couper l'instant d'une ellipse chapardeuse. Il s'agit de leur ressembler à tous, et de s'en détacher aussi, au maximum.
L'enfant Corleone s'est assise, jambes croisées en tailleur. Une moue appliquée déforme le visage d'ordinaire rieur - moqueur - de l'aînée de Gabriele. Entre les doigts fins, une lame est astiquée, nettoyée au centimètre près, guettée par un regard inquisiteur. Sa dague. Peut-être était-ce la seule chose que l'on puisse qualifier de "propre" dans l'allure Maïesque. Le reste, c'est-à-dire les fripes usées qu'elle remettait chaque jour d'entraînement, était maculé de sueur et d'herbe, jusqu'à sa joue et l'épiderme tendre de son cou. La Bambina ne fait pas les choses à moitié : depuis deux heures, déjà, elle s'appliquait à déambuler en veillant à froisser le moins de feuilles possibles, réduisant peu à peu le crissement agaçant qu'elles induisaient, visant de la lame l'écorce arrachée d'un malheureux arbre croisé en chemin. Le cercle imaginaire, tracé dans son esprit, qui lui faisait office de cible, était tantôt touché, tantôt manqué. De temps à autres, un râle agacé s'échappait, signe d'une fatigue précoce des nerfs enfantins.
Perdre face aux autres était désagréable. Perdre face à elle-même, faillir devant l'idée qu'elle se faisait de ses capacités, c'était intolérable. Une fierté prématurée gonflait la petite poitrine plate, secouée par le souffle agacé. N'était-ce pas ainsi qu'on s'améliorait ? En s'agaçant sur chaque parcelle d'un végétal usé ? En plantant son couteau au sein d'une écorce fatiguée, avant que celui-ci ne soit fait d'une chaire réelle ? Maï ne sait ce qu'est la réalité des combats. Elle ne sait non plus comment les engager, les mener, les gagner. Pourtant, ce serait bientôt à elle de prendre les armes pour suivre les larges épaules qui l'entouraient quotidiennement. Serait-elle prête, l'instant venu, à volontairement choisir le mal sur le bien qu'elle a toujours connu jusqu'ici ? L'avait-elle en elle, cette ruse qu'on associait aux plus grands détrousseurs qu'elle admirait désormais ? Autant d'interrogations qui se bousculent dans un petit crâne, encore trop vide.
L'enfant Corleone se lève. Aujourd'hui, elle n'a pas envie de rire, pas envie de lâcher des mots acerbes pour contenter son désir d'emmerder le monde. Elle veut comprendre, cette fois, les rouages d'un métier qui lui parait inaccessible. Alors, l'air plus décidé que jamais, elle reprend les mêmes gestes, vise d'un même il une fine branche qu'elle compte bien toucher. Le couteau dérive une première fois.
Scheeeisse.
Nouvelle tentative. Les petits muscles se tendent, le dos se cambre légèrement, et dans un prolongement de son mouvement, la lame se plante enfin dans la cible. Un sourire victorieux découvre les dents incomplètes de la môme, qui retrouve fièrement son arme. Il ne lui restait plus qu'à reprendre, encore et toujours, jusqu'à ne plus manquer aucun essai, jusqu'à acquérir la précision qui comblera la faiblesse de ses membres. Jusqu'à pouvoir se mesurer à son père, jusqu'à pouvoir impressionner le Barbu, jusqu'à apprendre d'Arsène et de Nizam, jusqu'à faire naître la fierté dans le regard de Tigist. Et surtout, pour passer le temps.
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Avatar : EvaMariaToker
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