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[RP] Mare Tranquillitatis

Enjoy
    *

    Des nuages ténébreux se rassasient au goulot de cheminées étriquées crachant de suie. Le miroitement de cette mer d'opacité subsiste et s'agite au gré de virevoltes rougeoyantes de quelques escarbilles. Des rangées entières de bicoques aux façades décrépites se serrent les unes contre les autres se couchant parfois sur leurs congénères et ne tenant que par des croisillons ou des poutres de soutien. Les bases des murs particulièrement entamées pataugent au sein d'un mélange de boue, de vomissures, de fèces et parfois même de fluides corporels. Le silence ne s'accordant que de rares pauses le tintamarre perpétuel couvre les cris d'un pauvre erre ravalant son extrait de naissance ou encore d'une candide ne dévoilant ses charmes que sous la contrainte d'une férocité inhumaine. Y règne une sensation dérangeante, une terre des interdits où les ombres hostiles happent les esprits les plus faibles. Diverses strates de la lie de la société y sévissent, besognant telles des ribaudes affamées et s'en évadant pour la plupart à l'orée du crépuscule. Ici seuls ceux appartenant à la plus haute caste y séjournent et imposent leur volonté malfaisante.

    Tandis que la nuit tentaculaire dévore Paris, les fenêtres, semblables à des meurtrières, se parent de lumière. Des silhouettes dansantes se dévoilent à la lueur d'une bougie, les âtres tortionnaires infligent leurs courroux aux brasiers agonisants qui se réveilleront tels des phœnix ressuscités et où les senteurs de mets fumés se mêlent aux effluves habituels de la cité. L'endroit se voudrait presque hôte affable en cette heure si tardive si les bruits inquiétants devenaient enfin aphasiques. Parmi l'agitation ensommeillée une imposante bâtisse insuffle le contraste. La demeure délabrée d'une Corleone glissant dangereusement vers le seuil d'une existence gangrenée où chaque décision n'a été qu'une marche de plus vers le vice. Un chemin sans issue duquel l'asphyxie longanime guette, attrape à la gorge et ôte le dernier soupir avec une telle ferveur qu'on la croirait religion.

    Réanimant les flammes paresseuses à l'aide d'un vieux tisonnier, son regard sombre s'y égare un long moment avant que ses paupières se closent. L'inconscient tisse habilement des histoires à ses rêveries leur conférant un aspect réaliste bien que fantasmé. Evidemment de nombreux faciès d'outre-tombe s'incrustent et s'imbriquent au décor sans forcément y tenir un rôle particulier. D'innombrables tourments prédominent éternellement au sein de ses cogitations qu'elles soient éveillées ou non. Et lorsque la lionne s'apaise légèrement, ses songes la châtient en se muant en cauchemars. Jamais. Jamais elle ne trouvera le repos. Seule la mort le pourra. Elle pourrait en finir seulement ceux de son sang ne périssent pas de cette façon. Ils y préfèrent la violence des combats puisque du premier jour jusqu'à son antagoniste, ils consument la mèche par les deux bouts. Aucun n'ira rejoindre paisiblement sa couche en sachant l'aube orpheline de leur présence.

    Une rémige à la barbe aux quatre vents se contorsionne, s'ébroue parfois d'une encre de piètre qualité et s'use de nouveau au contact d'un vélin neuf. Une attention toute particulière est portée aux courbes des lettres, les mots même si peu nombreux se délient avec la gracieuseté d'un ruban de soie. Les lippes transalpines se meuvent formant à l'occasion un léger rictus trahissant sa concentration. Sa destinataire tenait une place privilégiée et si le mors des déclarations servaient souvent, stoppant net tout épanchement, toute marque d'affection physique, l'implicite s'arrogeait la puissance caractéristique des non-dits. Cette missive se conférait une valeur aussi inestimable qu'un trésor. La quiétude de l'instant ne saurait être violée car ses conséquences seraient désastreuses. Mais, bien souvent les phrases s'estompaient avant de noircir la page comme si l'inspiration volatile s'efforcer de s'évader de sa cage à la moindre opportunité et ne reviendrait jamais y nicher de nouveau.

    Lassée par sa penne inexpressive l'italienne déserta sa mise au profit d'un baquet d'eau chaude et vaporeuse. Humant les fragrances d'essence de rose avec délectation tandis qu'elles finirent leur ascension en embrassant le plafond. Alors que Corleone enchaînait les périodes de disette, son corps pouvait enfin se revigorer auprès d'un confort tout relatif. Puisque la toiture parsemée de trous fuitait allègrement, les courants d'air claquaient les portes intérieures malgré la lourdeur de ces dernières et la poussière ainsi que les toiles de ces artistes d'arachnides envahissaient pratiquement tout l'espace vital. L'ex-meneuse n'y séjournait désormais qu'épisodiquement et cela faisait bien des mois que son acariâtreté n'était pas venue hanter les ruelles infâmes du quartier. Âme errante en quête de contrats, le Clan et ses survivants paraissaient si loin. Un hier révolu, les cendres d'une gloire étiolée. La sienne. Et elle apprenait tant bien que mal à élaguer sa fierté afin que les bourgeons de sa vanité ne fleurissent plus même lorsque cela en sera la saison. Un mouvement de sa main forma des ridules au sein de son bain et happée une nouvelle fois par le calme hypnotique, ses yeux clignèrent avant que Morphée ne la porte entre ses bras.


Mare Tranquillitatis : Mer de la tranquillité.

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Niallan


Le nez enfoncé dans mon col, je maugrée contre moi et ma stupidité sans bornes. Sans déconner, quelle idée de quitter mon sud natal pour cette ville à la mords-moi-le-nœud ?
L'idée, en réalité, m'était venue il y a quelques jours. Je m'étais pris à repenser à Fleur et à notre mariage pour le moins bancal. On avait eu de bons moments, de rares périodes de bonheur qui n'éclipsaient en rien le reste. J'étais loin d'avoir été à la hauteur, je l'avais trompée. Plusieurs fois, tout comme je lui avais menti. Mais elle aussi, elle m'avait trompé et menti. Le pire restant quand même de m'avoir pris mon gosse. Je savais ce qu'elle comptait en faire : le transformer en machine à tuer à l'image de tous les Corleone. Et cette engeance, parlons-en justement. Si j'avais du respect pour la défunte matriarche, j'étais loin de porter les autres dans mon cœur. Le peu de temps que j'avais passé avec eux m'avait suffi à les détester tous, je les méprisais. C'est d'ailleurs en grande partie pour ça que j'avais fait capoter le mariage entre Alaynna et un Corleone. Mon nouveau plan pour m'attirer des ennuis était un peu plus tordu, c'était...

Eh, mon mignon !

Je tourne à peine la tête pour aviser la donzelle qui m'a interpellé et esquisse un maigre sourire. Ouais, non, ça le fera pas. Et même si ça avait pu le faire, j'ai pas le temps. C'est donc après avoir secoué négativement la tête que je tourne les talons.
Et puis je me souviens du temps où j'étais courtisan, plonge la main dans ma bourse et la ressors presque aussitôt. J'aurais pu lui donner quelques écus, je venais de récupérer un joli pactole mais c'était pas dans mon optique de faire la charité. J'avais pitié de certains miséreux, bien sûr, mais chacun sa merde.
Persuadé qu'une bonne action avortée reste une bonne action, je reprends ma route direction la petite maison dans la prairie. A moins que ce ne soit direction la baraque qui fout la trouille d'Enjoy Corleone.

A la vérité, c'est en arrivant devant la ci-avant citée maison -navré de vous décevoir mais nous ne rencontrerons pas les Ingalls dans la baraque qui flanque les jetons-, que j'ai commencé à me demander si j'étais suicidaire ou tout simplement con.
Même si je reste persuadé que je poursuis un noble but, la façon de l'atteindre me laisse perplexe. Je veux tout simplement récupérer mon gamin avant que sa famille ne lui donnent des cours sur « comment buter papa ? ». Je me suis renseigné sur l'endroit où vit Enjoy Corleone, selon moi encore cheffe de clan et je prévois tout simplement qu'elle me rende mon enfant. Si possible sans violence. Sauf qu'en arrivant devant son chez-elle, j'ai commencé à me dire qu'une nana vivant dans un endroit comme ça n'allait certainement pas me proposer une bonne bière pour discuter de la façon dont elle me rendrait mon fils. En fait, je me suis même dit qu'elle allait m'émasculer sitôt mon arrivée et afficher son trophée sur une pique à l'entrée de sa baraque.

C'est avec une petite pensée pour mes attributs que je commence l'escalade de la demeure Corleone jusqu'à choper le rebord de la fenêtre qui me faisait de l’œil. Et c'est avec la plus grande prudence que je me hisse à l'intérieur de la maison. Je flippe tellement que j'ai des sueurs froides : si elle m'attrape maintenant, je suis foutu. Quand je bute sur un objet quelconque, je frise la syncope.
Et puis je la sens. Cette odeur de bain. Qui dit bain dit à poil et qui dit à poil dit pas d'armes. Retenant l'envie de faire la danse du bonheur, je m'infiltre dans la pièce pour découvrir une Corleone dans un baquet d'eau chaude.

Et là, je suis censé faire quoi ? Elle roupille. ELLE ROUPILLE. Alors que moi, Niallan, je viens de m'infiltrer chez elle et que je suis à deux doigts de la tuer. De la tuer. Oui, alors là, d'un coup, toute confiance en mon plan s'évanouit. Je ne suis pas un assassin. Certes, j'ai déjà tué mais pour me défendre. J'ai tué un mec qui avait fait du mal à Lexi et un autre qui avait tenté de m'émasculer. C'est tout. J'ai jamais tué pour rien. Et je me refuse à devenir ce genre de type, de ceux qui tuent pour le plaisir de voir couler le sang. Enjoy n'a jamais essayé de me faire du mal, sûrement même qu'elle n'arriverait plus à replacer ma tronche.
Étouffant un grognement, je rejoins le bureau et m'assois sans le moindre bruit dans la chaise, couteau toujours en main. J'allais regretter de ne pas l'avoir utilisé pour trancher la gorge de la Corleone, je le sentais. Mais j'étais pas un assassin.
J'allais attendre qu'elle se réveille et ensuite j'aviserai. En priant pour qu'à la fin de la journée je sois toujours en possession de toutes les parties de mon corps. Et tout en priant, je tire sur ma pipe bourrée d'opium.
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Bannière réalisée par le JD Pepin_lavergne, dict. le génie.
Enjoy
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    Les vapeurs langoureuses caressent tendrement les arêtes de la jale, les choyant de ses doigts aériens. Parfois un courant d'air froid disperse cette foule impalpable et met un terme à leur danse nuptiale. Alors les couples maudits se lovent parmi les hauteurs et, après un ultime baiser, enfouissent leur idylle éphémère en franchissant les interstices du plafond. La surface de l'eau, quant à elle, demeure impassible figeant ses ondées de crainte de déranger l'italienne. Et se contente d'écouter les battements réguliers de son pouls, seul soubresaut pour ce liquide ayant décidé de rester de marbre. Tous les éléments semblent s'accorder qu'il ne serait point de bon aloi de réveiller l'animale au sein de sa propre tanière. A croire qu’eux-mêmes espéraient secrètement qu'elle rende son âme à qui de droit comme on dépose un vêtement usé sur une patère. Tandis que les bruits fredonnent leurs partitions, craquements de la charpente, sifflements à travers les étroits couloirs et autres habitués du lieu, répètent ainsi en sourdine. Rien ne brise ce silence cortège des instants démunis. Rien, pas même l'énergumène venant de violer une à une toutes les strates de la logique sombrant allègrement, à l'instar de Dante, étape après étape au fin fond des enfers.

    La prévôté n'ose pas non plus franchir la frontière imaginaire que deux ruelles sordides ont établi à la mesure d'une réputation macabre et de relents de pisse. Alors que lui s'abrutissait le bulbe en inspirant des bouffées d'opium, peut être était-ce là, la raison de sa déraison consœur de sa probable oraison à venir. Puisqu'en étant assis sur la chaise d'une esclave du crime, il venait d'assombrir son propre avenir. Encore fallait-il que la menace s'extirpe de sa torpeur, et c'est ce qu'elle fit. Lentement, ses paupières mirent au monde des prunelles noires comme le charbon, rehaussés par des sourcils fins d'une couleur égale, l'ensemble se dissimulant derrière les zébrures de mèches de jais. Loin d'être encore alerte et pleinement consciente de ce qui se tramait, l'unique chose ayant trahi la présence de l'intrus provenait des empyreumes de sa pipe. Bien que légèrement nauséeuse, Corleone reprit possession de sa conscience torturée et eut pour premier réflexe de croiser ses bras sur sa poitrine quand bien même son corps tout entier était immergé. Après des jours à écumer les chemins, son bain n'avait rien de translucide malgré sa coquetterie et ses penchants pour le luxe. Bien qu'à son grand désarroi ce dernier n'était plus à l'ordre du jour.

    Si beaucoup auraient été tentées de l'invectiver à s'en faire rompre les cordes vocales ou à hurler telles des vierges effarouchées, la lionne ne rugissait pas, ni n'étalait sa science populaire du juron bien gras. Son regard sombre se soudait à la trombine de son invité surprise jaugeant son éventuelle déception face au manque de réprimandes. Très vite les synapses piochèrent à grands coups dans les caves mnésiques afin de se le remettre. Sans succès. Peut être était-ce un assassin envoyé par un de ses innombrables ennemis, sans se l'avouer ils étaient légion. La hantise de perdre la vie de la sorte lui procura un frisson, ayant toujours eu une nette préférence pour un champ de bataille ou pour ravir un sang-bleu plutôt que d'être noyée durant sa toilette.

    Pour finalement mieux s'attarder sur la dégaine de son prétendu meurtrier, celui-ci ne ressemblerait en rien à un professionnel, en tout cas ses traits ne laissaient rien présagés de tels. Toutefois elle connaissait pertinemment l'adage, « l'habit ne fait pas le moine ». Sans plus attendre, au risque de le froisser, sa langue se délie formant une courte phrase accentué par un rictus narquois.


    Qui es-tu ?

    Pour le moment, il n'y avait pas grand chose à ajouter. Si ce n'est de jeter une œillade à ses frusques accrochées à un paravent, se trouvant à quelques pas, et d'élaborer un plan.


Niallan


L'entendre remuer m'arrache un sursaut. Heureusement que je ne me suis jamais lancé dans le mercenariat parce que je serai certainement mort d'une crise cardiaque au bout d'un mois de boulot. Mais vu la situation, c'est clairement pas le moment de réfléchir aux diverses carrières qui s'offrent à moi. Je dirai même que c'est plus le moment de réfléchir à une façon de rester en vie.

T'en fais pas, j'ai rien vu.

Lui montrer que je ne suis pas un affreux pervers est un bon début. Insuffisant cependant. En la voyant jeter un coup d’œil à ses fringues, j'imagine un instant les lui apporter et puis j'imagine un scénario qui n'est pas pour me ravir. L'italienne m'attrapant et me plantant un truc tranchant qu'elle a forcément apporté dans son bain. Non, décidément lui filer un coup de main n'est pas une bonne méthode.
Un atelier fumette abandonné et un raclement de gorge plus tard, je ne suis toujours pas plus avancé. En fait, j'ai pas de plan. Vraiment pas. Alors j'improvise.

Pour répondre à ta question, je suis Niallan. L'ex-mari de votre très probablement défunte empoisonneuse. Vous pouviez pas me blairer, surtout cette pé...tasse...performante Arsène. Tu me remets ?

Croisant les bras pour faire le type sûr de lui, je poursuis sans attendre sa réponse.

Je suis ici pour récupérer mon fils, Drago. Bien sûr, si vous le souhaitez, vous pourrez lui rendre visite de temps en temps. Même si je pense pas que les repas de famille fassent partie de vos centres d'intérêt. J'imagine que tu exigeras quelque chose en échange de mon fils alors...

Alors, quoi gros malin ? T'as quoi à leur offrir en échange ?
Pinçant les lèvres, je cherche une réponse. Certainement pas des thunes, parce qu'à mon avis c'est pas mes quelques trois cent écus qui pourraient faire pencher la balance. Mes services ? Alors que j'ai évalué mes chances de survie à un mois dans un boulot comme ça ? Pas franchement malin.
A la réflexion, j'aurais dû préparer une meilleure argumentation avant de me pointer dans la demeure de leur cheffe.
Nouveau regard aux frusques qu'elle observait plus tôt et je me lève pour les saisir.

...alors je te propose de te rendre ceci pour qu'on puisse en discuter. Mais pas d'entourloupe.

Je fouille les différents habits ainsi que le derrière du paravent afin de récupérer les éventuelles objets tranchant dont l'italienne pourrait se servir pour me trouer la couenne. Et puis je les lui tends, ses habits. En me disant que si ma tentative n'est pas totalement dénuée de bon sens, elle a toutes les allures d'un appel au meurtre.
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Enjoy
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    Après un soubresaut l'eau s'apaise de nouveau. Le babil des ridules s'estompe comme on houspille un enfant aux joues empourprées par l'envie de jouer. Un frisson l'accable, la figeant sur place tandis que les lèvres mutines de l'étranger libèrent des sons de leur cage. Puis les mots glissent telle une pluie torrentielle sur un plumage imperméable. Un instant l'intrus venait de ravir sa curiosité du plus profond des abysses, un autre il faisait reluire le bouclier de son indifférence. Puisque quelque part elle eut espéré qu'il s'agisse bel et bien d'un sicaire, venu faire le sale boulot. Bien que d'être retrouvée nue, gisant dans son bain grisonnant à l'image de la barbe d'un vieux sénile, ne l'enchantait toujours pas.

    Au fur et à mesure de son court monologue, seul échange possible avec la taiseuse Corleone, son regard sombre peignait le portrait de ce dénommé Niallan. Très vite des bribes d'un vague souvenir refirent surface sans pouvoir prétendre que celui-ci fut impérissable. Des blonds, de ce genre là, il y en avait pléthore. A croire même que certaines donzelles engrossées jusqu'à l'œil priaient la lune, et s'entêtaient à les pondre. Toutefois loin d'être encore déliquescente, sa mémoire ramassa les morceaux de verres brisés et les accola un à un jusqu'à restaurer le vitrail de ce visage dispensable. Le sien se para d'un masque tout du long, même lorsqu'un mot tressaillit des chemins de la bienséance. Accorder l'audace à une syllabe d'agonir sa protégée revenait à commettre un crime de lèse-majesté. Ainsi pour la pérennité de la phrase, et de son propriétaire, la chute n'en fut que meilleure. D'autant plus lorsqu'il en vint finalement au but initial de sa visite.

    Ses fripes furent déposées avec un partage étonnant de témérité, de renonciation et de prudence. Mère de toutes les sûretés, paraît-il, sauf qu'elle n'a pas dû beaucoup choyer ce fils qui semblait en avoir le plus besoin. Après une ultime plainte de l'élément où Poséidon y nage tel un poisson, la Sicilienne s'arracha de cette étreinte réconfortante pour mieux se draper d'une pudicité qu'elle s'ignorait. En quelques pas sa silhouette s'évanouit derrière le paravent, le temps de dissimuler tout ce qui fait femme. Et de réapparaître encore dégoulinante et la chevelure trempée jusqu'à la racine. Naturellement ce fut les braises endormies du foyer qu'elle rejoignit rapidement et un tisonnier, objet dangereux pour qui sait s'en servir, pour piquer, attiser doucement des bûches qui répondirent avec la rancune de flammes enragées. La chaleur revint pianissimo enveloppant les acteurs de cette scène délectable. Délectable parce qu'elle ne possédait pas cet enfant tant convoité par un paternel absent, et soudainement rongé par le remord...

    ...est-ce cela Niallan ?
    Veux-tu essuyer ce pâle reflet sur ton miroir comme on repousse nonchalamment un insecte envahissant ? Les vapeurs montantes de ton opium ne danseront jamais au-delà de la sphère de tes pensées coupables, père démissionnaire. Et là, tu m'observes de tes yeux accrochés à la falaise de mes lèvres, prêt à tout pour entrevoir une quelconque réponse. La faiblesse de l'homme lorsque son contraire détient ce pouvoir que l'on croit enfançon de la force, alors qu'il n'est que savoir et séduction.

    Sa voix sommeilla encore dans son écrin feutré, laissant le suspens graviter autour de ces planètes recouvertes de défauts et de difformités de l'âme. Alors que ses doigts délaissèrent la tige en fer forgé, la lionne s'avança vers lui. Ses lippes se dessoudèrent enfin avec pour toute harpiste que sa langue d'harpie reléguée ici au rang de pie chantante attirée par la brillance d'une toison d'or, et ce qui pouvait en être extrait.


    Sì. Nous avons effectivement Drago.

    Propos mensongers pour mieux te posséder et te déposséder. Fruit de mon plaisir offert sur un plateau d'argent, distraction de mes heures chagrines et ennuyées. Tu ne seras rien de plus qu'une marionnette au bout de mes fils habiles au fouet de mon dictât volubile. Je ferai de toi mon esclave, ma poupée de chiffons alors avachi, froissé et usé jusqu'à la moelle, et moi flapie de te supporter, tu imploreras mon pardon. Mais...

    ...en vérité, avoues que du haut de ton insolence tu me priveras de ce menu plaisir.


    Seulement il est avec les miens, les retrouver ne sera pas mince affaire. Ils errent quelque part. Les nouvelles restent lettres mortes. Il se peut que cela prenne du temps avant que je ne retrouve leurs traces.

    Une proposition qu'il ne peut refuser claque dans l'air.

    Tu as parlé d'échange. D'ici là, tu serviras mes intérêts.

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