Gabriele.
La veille, j'ai reçu ce courrier.
Un courrier dont j'ai immédiatement reconnu l'écriture.
Celle de ma cousine, la fille de Rodrielle, Azurine. Depuis des semaines je n'avais plus eu de nouvelles d'elle, et il fallait bien dire que je m'étais inquiété. Mes cousines ont cette manie, disparaître parfois, sans crier gare, sans qu'aucun signe avant-coureur ne le laisse envisager. Ça valait bien sûr pour Az', mais je savais Fleur tout à fait semblable, je savais qu'un jour, elle pourrait disparaître des jours, des semaines, voire des mois. Ces absences ne réussissaient qu'à me serrer le cur, puisque dans le Clan, personne ne pouvait se vanter d'être aussi proche de moi que mes trois cousines : mes deux protégées et celle qui était devenue par la force des choses mon « Enseignante » et bien plus encore, car on ne pouvait pas lui attribuer qu'un seul rôle, bien loin de là.
La période n'étant pas propice à mon épanouissement personnel, bien loin de là, je ne cherche qu'à me rendre utile au Clan. Utile aux miens, puisque j'ai semble-t-il perdu ceux pour qui mon cur battait jusque là : Ma femme et mon fils. Ne reste que le sang, mon sang, que je chéris au plus haut point et dans lequel je me plonge à corps perdu pour oublier la déchéance de mes sentiments qui ne ressemblent qu'à un sempiternel tremblement de terre, tantôt éclairé par l'espoir de le voir s'apaiser, avant de retomber dans les ténèbres d'un manque que je n'arrive pas à combler.
L'annonce de la maladie de ma cousine n'a fait faire qu'un tour à mon sang. Immédiatement je lui ai répondu, lui demandant de me lister les symptômes, ce qu'on avait pu lui prescrire jusque là, et m'indiquer l'endroit où elle se trouvait, afin que je puisse la rejoindre. La détresse que j'ai pu percevoir entre les lignes de ce courrier m'a glacé les veines. Elle a peur de mourir, elle n'arrive pas à sortir d'un gouffre de tristesse qui semble vouloir l'attirer toujours plus profondément. Je ne suis pas Dieu. Je ne suis certainement pas le médecin le plus qualifié qui soit, mais je suis certain que le meilleur remède pour elle serait la présence des siens, c'est d'ailleurs précisément pour cette raison que j'avais accepté sans trop rechigner que Lili m'accompagne à son chevet, même si je ne savais pas exactement dans quel état elle se trouvait alors.
Aujourd'hui, la réponse m'est parvenue, et j'ai récupéré dans mes réserves de plantes et d'huiles essentielles tout ce qui pourrait sans aucun doute m'être utile pour pouvoir annihiler les dernières traces de maladie dans le corps de ma cousine, afin de lui rendre sa vigueur passée. Réveillant la petite Etoile d'un baiser sur la tempe nous avions passé la nuit ensemble -, je m'assis à côté d'elle le temps qu'elle émerge tout à fait avant de lui annoncer :
« - Je sais où est Azurine, nous allons aller la retrouver maintenant, si tu veux bien...Elle va mieux mais a encore de la fièvre, je vais remédier à ça. Elle m'a demandé comment tu vas, et elle a dit que nous lui manquions...Te voir lui fera très plaisir. »
Je me suis redressé pour sortir de la tente et lui laisser le temps de se préparer, faisant les cent pas dans le campement, impatient d'aller la retrouver. Azurine me rappelle tellement Rodrielle que chaque moment en sa compagnie est comme une renaissance de la Matriarche à mes côtés. Dieu sait qu'elle me manque chaque jour, et que je pense à elle chaque fois que mon regard se pose sur le reflet du miroir, qui renvoie l'hommage gravé à même ma peau.
Portant une main à ma tempe, je grimace. La migraine semble ne plus vouloir me quitter. J'ai beau essayer de l'apaiser par les plantes, les tisanes ou les inhalations que me préparent Gaia, rien n'y fait, elle s'est même accentuée depuis le départ de mon épouse et de mon fils. Où peuvent-ils bien être aujourd'hui ? Et pourquoi ne répond-elle pas à mon courrier ? Des milliers de scénarios se profilent dans mon esprit à chaque instant où je me retrouve trop peu occupé pour ne plus réussir à penser à autre chose. Et s'il lui était arrivé malheur sur la route ? Est-ce parce qu'elle est trop occupée dans les bras de son amant ? Je secoue la tête alors que Lili me rejoint, verrouillant mon esprit pour essayer de contenir le flot d'émotions contradictoires qui m'envahissent lorsque je pense à ce que j'ai perdu.
« - Andiamo. Azurine a dit être dans une maison à l'Ouest de Saumur. On va chercher. »
Nous avons marché un bon moment avant de trouver la chaumière dont ma cousine parlait dans sa lettre. A force de questionner les quelques bougres passant par là sur l'endroit où habitait un vieux médecin, nous avons fini par trouver la bonne direction.
Besace sur l'épaule, j'avais le premier poussé la porte de la bicoque qu'on nous a assuré être celle recherchée, ma protégée juste derrière moi. Après tout, on n'était jamais trop prudent. Une embuscade pourrait arriver si vite, et je ne tenais pas à voir l'enfant blessée. Mon regard balayant la pièce se fronça en ne voyant pas ma cousine. Peut-être dans une autre pièce ? Dans le doute...
« - Cugina ? »
- * Patrick Segal
_________________
Pour toute réclamation, merci de vous adresser à LJD Tigist