Lucie


La sardanapalesque salle se remplit rapidement dombres luisantes, de musique violemment légère et de maints parfums qui agressent les sens de la Fleur qui se refuse le droit au repli sur elle-même puisque Soleil lui offre, sans jamais faiblir, la possibilité de réchauffer ses pétales à ses rayons. Elle voit pourtant ces regards qui la transpercent puisquelle en est parfaitement exclue. Elle les attendait, en vérité ; elle nest pas prise en traître. Si elle était sage, lâme les accepterait aussi bien que son calme de surface le prête à croire, les rendant à leur insignifiance, mais résignation nest pas disposée à pointer le bout du nez pour la soulager. Alors Saint-Jean brûle. Prisonnière de ce cruel brasier elle se cabre obstinément, souffre, hurle. Résiste à la veulerie qui la voudrait à genoux déjà.
Flasque lui est offerte quelle ne refuse pas. Le geste est déraisonnable, mais quimporte puisquelle sait quà lambre liquide qui est discrètement absorbé elle trouvera légèreté de synthèse plus que bienvenue pour laider à maintenir le masque de tendresse originelle quelle sest composée. Rendant lobjet à son propriétaire, non sans effleurer ses doigts en un geste aussi fugace quintime, Lucie reporte son attention au ballet des arrivées que le jeune huissier cadence à coups de bâton puissants, comme pour compenser le fait quun nom sur deux est maladroitement écorché. Les faces tantôt blasées, tantôt joyeuses des invités sont effleurées sans réellement être vues, les mises des uns et des autres sont détaillées sans une once de frugal amusement. Entre crainte et ennui, la soirée promet de sétirer à linfini.
Et puis un nom offre à linstant un nouveau visage. A ses côtés, dArcy sagite inconsciemment, effleurant dun pouce chéri la soie de sa robe et, à travers elle, la colonne vertébrale dune Fleur qui ne peut que frémir. Inquisitrices, les billes menthe à leau sen viennent détailler laltesse tant attendue, alors que sa main se porte à lépaule de lAigle en un geste qui se veut apaisant. Cest ainsi, sans surprise mais avec émoi, que lélégiaque beauté de Madeleine de Firenze est découverte. Comme elle charme cette petite Fée Dragée ! Comme on voudrait la comparer aux beautés déjà connues sans parvenir à trouver exemple dégale candeur parmi les mythes auxquels nos esprits ont été bercés ! Hélène, Yseut, Vassilissa Elle les supplante toutes de par sa séraphique transparence cette précieuse ingénue sur laquelle Cerbère aux têtes nommées Rosalinde, Lynette et Lexhor veille sagement.
- - Je suppose qu'il serait malvenu de se précipiter là-bas, alors qu'elle vient tout juste d'arriver, mh?
- Les bals sont aussi faits pour permettre aux amis de se retrouver, répond Lucie avec dans la voix, linfinie tendresse quelle noffre quà Lui. Allons y.
Quelques pas sont faits qui les portent tout près du groupe dont la Firenze est le noyau, quand le Roy est annoncé. Frustrant. Mais personne ne saurait songer à aller contre les règles ici et, comme le veut lusage, le monde sarrête donc de tourner pour une poignée de secondes durant lesquelles Crocus, à linstar de toutes les femmes de lassemblée, ploie gracieusement vers le sol pour saluer la souveraine arrivée.
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