Jutta.
- *QU'ON LE VEUILLE OU NON.
Sur la paillasse louée d'une auberge lyonnaise, s'étale un tas de draps d'un blanc douteux bercé par le rythme lent d'une respiration. Un bras, recouvert de tant de marques difformes qu'il est impossible de discerner les armes coupables d'une telle atrocité, pendouille lâchement vers le sol, frottant une main dépourvue d'annulaire sur les moisissures & échardes du parquet. Un parchemin rongé par le temps, l'humidité, & un tas d'autres nuisibles pour un si petit bout de peau, gît, comme éventré, juste à côté.
Un tressaillement invite l'anguleuse à remonter les draps sur elle, laissant tomber, dans un bruit étouffé, une fiole d'absinthe vide.
C'est que sans ça, Jutta n'aurait pas trouver le courage d'affronter les lignes de ce souvenir.
Six années de rejet ne s'effacent pas ainsi.
Citation:
Isabella,
Les mers mentraînent à nouveau, & je ne sais quand je reviendrais. Je sais tavoir promis mon retour rapide lannée dernière déjà, mais notre dernier arrêt au port dOrléans sest soldé par un refus de notre laissez-passer, & une reconduite manu-militari au bateau. Nous ne nous sommes pas arrêtés avant Vannes, ou un arrêt de quelques jours ma laissé le temps dacheter encre & parchemin. Ainsi, je técris, & timplore de menvoyer de tes nouvelles. De vos nouvelles.
Ta dernière lettre, je te lavoue, ma retourné lestomac. Maudite sois-tu, mon italienne, davoir garder le silence.
Elle doit bien entamer ses premiers mots, nest-ce pas ? A-t-elle ton regard fascinant, qui te donne tant de succès & fait plier les hommes les plus fiers ? A-t-elle ce pouvoir denvoûtement qui maura fait tomber à tes pieds, étranglé par ton charme, avant même le premier regard ?
Jaime le prénom que tu lui as donné. Jutta. Me permettrais-tu dy ajouter ma plume ? De lappeler du nom de cette océanide incarnant lintelligence, la ruse & la sagesse Jespère quelle prendra cela de toi, ma captivante, & que le prénom de Métis lui donnera la force de résister au monde auquel tu la destines.
Je ne me battrais pas, tu le vois. Tu sais ma condition, je sais la tienne & ta ténacité. Et quand bien même me viendrait lidée de te raisonner, tu sais trop bien me séduire & môter toute sagesse. Mais dis-moi, je ten conjure, dis-moi si une aide test nécessaire. Quelle quelle soit.
Je reviendrais, mon Isabelle.
Torvald Drei Hampus Rosenthals.
Les mers mentraînent à nouveau, & je ne sais quand je reviendrais. Je sais tavoir promis mon retour rapide lannée dernière déjà, mais notre dernier arrêt au port dOrléans sest soldé par un refus de notre laissez-passer, & une reconduite manu-militari au bateau. Nous ne nous sommes pas arrêtés avant Vannes, ou un arrêt de quelques jours ma laissé le temps dacheter encre & parchemin. Ainsi, je técris, & timplore de menvoyer de tes nouvelles. De vos nouvelles.
Ta dernière lettre, je te lavoue, ma retourné lestomac. Maudite sois-tu, mon italienne, davoir garder le silence.
Elle doit bien entamer ses premiers mots, nest-ce pas ? A-t-elle ton regard fascinant, qui te donne tant de succès & fait plier les hommes les plus fiers ? A-t-elle ce pouvoir denvoûtement qui maura fait tomber à tes pieds, étranglé par ton charme, avant même le premier regard ?
Jaime le prénom que tu lui as donné. Jutta. Me permettrais-tu dy ajouter ma plume ? De lappeler du nom de cette océanide incarnant lintelligence, la ruse & la sagesse Jespère quelle prendra cela de toi, ma captivante, & que le prénom de Métis lui donnera la force de résister au monde auquel tu la destines.
Je ne me battrais pas, tu le vois. Tu sais ma condition, je sais la tienne & ta ténacité. Et quand bien même me viendrait lidée de te raisonner, tu sais trop bien me séduire & môter toute sagesse. Mais dis-moi, je ten conjure, dis-moi si une aide test nécessaire. Quelle quelle soit.
Je reviendrais, mon Isabelle.
Torvald Drei Hampus Rosenthals.
Elle ne saurait dire pourquoi maintenant. Ou même pourquoi la lettre était restée intacte, abandonnée au fond de malles, sacoches & autres poches selon les années, selon les errances. En vérité, elle s'en carre. L'intoxiquée n'a pas bien les idées claires, & c'est bien la seule raison pour qu'elle se lève soudainement, s'arrachant aux draps chauds pour traîner sa carcasse maigre & recouverte d'une simple chaisne.
Deux pas suffisent pour qu'un pied heurte le cuir, une seconde à peine pour que l'anguleuse s'effondre sur son arrière-train, qui, ne nous voilons pas la face, n'est en rien apte à amortir quoi que ce soit. L'index corne un parchemin vierge, la senestre solide saisit la plume, l'encre vient tacher la peau blafarde avant de graver, d'une écriture étonnamment élégante, quelques mots qu'elle ne voudra pas relire.
Citation:
Aux Rosenthals, s'il en existe encore, & s'ils sont bien en Savoie, à Annecy, comme le prétendent mes sources,
Enfin s'ils existent & ne sortent pas tout droit d'une imagination débordante,
Salut.
J'ai osé ouvrir une lettre que j'aurais du brûler il y a fort longtemps, où l'on m'apprend que vous pourriez être apparentés à moi.
Quel étonnement. Je prie, s'il est toujours en vie, un fameux Torvald de me répondre.
S'il n'est plus de ce monde, j'accueillerais avec plaisir la moindre réponse prête à éclaircir cette histoire.
Je m'en remets à vous,
Jutta.
Enfin s'ils existent & ne sortent pas tout droit d'une imagination débordante,
Salut.
J'ai osé ouvrir une lettre que j'aurais du brûler il y a fort longtemps, où l'on m'apprend que vous pourriez être apparentés à moi.
Quel étonnement. Je prie, s'il est toujours en vie, un fameux Torvald de me répondre.
S'il n'est plus de ce monde, j'accueillerais avec plaisir la moindre réponse prête à éclaircir cette histoire.
Je m'en remets à vous,
Jutta.
Les mêmes sources qui l'auront renseigné iront déposer le mot au premier capable de se retrouver entre ces lignes.
Et peut-être, alors, peut-être le vide laissé par une tutrice sur le déclin se comblera enfin.
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