Chère Dame
(j'ai choisi ce prédicat volontairement simple car ne vous connaissant pas je ne voulais ni être trop familier- je ne voudrais pas que mon ami Wallerand ait déjà des doutes sur notre relation naissante- ni non plus trop guindé.
Jimagine en effet que sil vous a choisi cest que vous avez plusieurs cordes à votre arc. (avec jespère une pour lattacher et une autre pour le pendre si besoin sen faisait sentir).
Vous devez avoir une multitude de titres tous plus beaux et plus nobles les uns que les autres mais j'ai voulu faire simple et modeste. Neutre quoi, histoire de vous montrer que je peux avoir une réputation d'atrabilaire bavard (chose non démontrée) sans être envahissant ou irrespectueux. Bref, être juste et poli.
D'ailleurs, veuillez m'excusez (encore une preuve de ma politesse) cette introduction un peu longue, mais l'on n'est jamais assez précis avec les titres et comme c'est la première fois que je vous écris, je ne voudrais vous faire mauvaise impression. Ce serait quand même, convenez-en, dommage de partir sur de mauvaises bases).
A propos de mauvaises bases, vous m'annoncez donc votre mariage avec ce vieil ami qu'est Wallerand.
Avez vous bien réfléchi ? N'êtes vous pas aveuglée par quelques chimères ?
Je ne remets nullement en doute les qualités de mari que pourrait avoir mon ami (qualités que je n'ai pas testées, n'ayant jamais été marié avec lui, ni avec personne d'ailleurs). Je pense plutôt à cet engagement inconsidéré qu'est le mariage d'une manière générale.
J'ai toujours eu une position vis à vis du mariage qui oscille entre le dubitatif au carrément hostile.
Ce sacrement, à mon goût plus dangereux qu'une extrême onction, est la mort même de lindividu au profit de cette chose informe qu'on nomme couple.
Vous allez vous dire "mais quel est cet homme qui vient critiquer le mariage alors même que je l'invite au mien" ?
Ce à quoi je serais dans l'obligation de ne rien répondre et laisser le silence me donner tort.
Oui, je ne peux que m'incliner devant votre choix, aussi fou soit-il.
Wallerand avec qui j'ai eu l'occasion de partager pas mal d'épreuves (mais aucune aussi effrayante que celle dans laquelle vous vous engagez tout les deux) m'a montré qu'il savait tête froide et pieds chauds garder. Je pense donc que durant la terrible épreuve qui vous attend, il saura atténuer vos souffrances communes.
Je vous remercie donc pour votre invitation à laquelle je ne pourrai hélas pas assister.
Je suis sur le chemin du retour mais présentement, l'expression sur chemin du retour prend une tournure particulière.
Je me suis en effet rendu compte que je tournais en rond. Le chemin du retour est devenu un éternel retour sur mes propres pas. Épreuve, j'en suis sûr, qui m'est infligée par le tout puissant et à laquelle je me soumets (en râlant un peu quand même, mais qu'est-ce au fond ce que je vis à côté de ce qui vous attend!).
Je vous souhaite donc un mariage le moins pire possible et une vie commune supportable.
Avec mes sentiments les plus sincères.
Gerei