Enzo
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] Gens du pays, c'est votre tour
De vous laisser parler d'amour.
Gens du pays, c'est votre tour
De vous laisser parler d'amour. [ ] »
Gens du Pays Gilles Vigneault*
Douze ans. Artur allait voir douze ans. Cest Gabrielle qui le lui avait rappelé sassurant ainsi que son dispersé époux noublie pas lanniversaire de son écuyer. De ses propres douze ans, le Comte ne se rappelait pas grand chose, mis à part le fait quil avait poussé dun coup et quAudoin lavait amené assister à une exécution publique. Sil nétait pas encore un homme, douze ans, ce nétait pas un âge bénin. Cétait lâge où lon commençait souvent une formation professionnelle, où lon commençait à apprendre dans le but, pour certains, de devenir apprenti dès lâge de quatorze ou quinze ans. Artur avait maintenant lâge de se prendre en charge, il devenait responsable de sa vie, de ses choix et avait pleinement sa responsabilité morale, même si Enzo resterait toujours un peu derrière, du moins en que Comte, puisquArtur était son écuyer/page. Page car il se devait encore dapprendre certaines choses de la vie de mesnie et de noble et navait pas encore acquis tout ce quil devait savoir pour être officiellement écuyer, même si Enzo lui donnait quelques responsabilités en ce sens. Il espérait toujours faire de ce garçon, même bâtard né dun brigand et dune ex-catin, un parfait jeune homme bien éduqué et connaissant les bases de la noblesse et du respect. Défi bien plus difficile que de séduire une jolie blonde pour la mettre dans son lit. Non pas que le jeune homme était un petit vagabond grossier, mais il navait que peu de manière noble et quoique studieux, il était difficile davoir une emprise, selon le Comte, sur ce garçon continuellement en mouvement.
Etre plus sévère, plus exigeant, était peut-être une solution, il nétait pas bien certain encore de comment il devait prendre léducation dArtur. Il nétait finalement quun enfant, malgré ses douze ans, et lainé de Désirée devrait bien apprendre à prendre ses responsabilités et devenir un homme. À douze ans, il venait datteindre sa pré-majorité et sa parole allait être de plus en plus être prise au sérieux et Enzo se demanda un instant si Artur était prêt à toutes ces nouvelles responsabilités et sil arriverait à être à la hauteur des exigences comtales. Mais ça, seul lavenir pourrait le dire. Il devrait sacrifier ses activités de jeux et ses moments avec son chien pour être encore plus présent et étudier plus longtemps, ce que le Comte comptait continuer de lui permettre. Sa mère avait beau être une riche bourgeoise, elle narriverait sans doute pas à lui donner léducation quEnzo pouvait donner à Artur, du moins le pensait-il. Cétait lâge où il devrait approfondir ses connaissances en religion et confirmer son baptême, en faisant une entrée officielle dans lAristotélisme. Par chance, comme Artur avait été élevé dans un bordel, peut-être Enzo s'éviterait-il des questions délicates et de devoir parler de la tentation. Ces choses dont le Comte serait bien embêté d'évoquer, nétant pas lui-même le plus vertueux des hommes. Mais pour lheure, malgré les innombrables questions qui traversaient lesprit du Comte, il attendait son fameux jeune écuyer.
Désirée, avec la Comtesse, était partie pour la campagne et il serait donc seul et en paix avec Artur. Lui en voudrait-il de le séparer de sa mère et sa sur le jour de son anniversaire ? Cétait à voir. Si cétait le cas, ça le fixerait sans doute sur les objectifs quil devrait atteindre avec ce garçon. Sil voulait devenir chevalier ou entreprendre des études universitaires en médecine, lécuyer risquerait de devoir laisser derrière lui quelques comportements. À cette pensée, Enzo soupira légèrement, se disant quil allait sans doute se faire bousculer par une Désirée furieuse et ne comprenant pas léducation enzesque. Tout allait devenir sérieux à partir de ce jour et Enzo devenait plus ou moins officiellement le « Maitre » dArtur, le seul pouvant avoir autorité sur lui, maintenant quil avait passé lâge dêtre surveillé et entretenu par sa mère. Cette journée serait sans doute décisive pour les années à venir. Dun geste minutieux, il caressa sa rapière espérant quArtur allait arriver bientôt, les cloches de la cathédrale venant de sonner treize heures.
*Chanson québécoise souhaitant la bonne fête pour la Saint-Jean Baptiste reprise comme un joyeux anniversaire de nos jours.
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