Merance
- [De Paris à Reims - printemps 1464 - ]
Le bruit des sabots sur les pavés des rues de Paris avaient cessaient depuis un long moment et la nuit était apparue sans crier gare. Mérance avait perdu la notion du temps trouvant ce voyage des plus ennuyeux mais une fois encore, elle ne pouvait se permettre de refuser son aide. Enfin son aide. Elle recevrait une bourse d'écus en retour, serait nourrie et logée au frais de la princesse pour quelques jours et verrait du paysage. Ne lui avait-on pas vanté le duché et ses bienfaits ?
Un sourire mesquin étira ses lippes tendrement rosées. Peu lui importait le duché et les gens qui y vivaient. Ici ou ailleurs, elle n'était pas là pour se faire des amis. Elle venait juste effectuer un travail, soulager une femme d'une grossesse indésirable. Quand est-ce que les femmes apprendraient à faire attention ou à prendre leurs précautions ? Certaines plantes faisaient des miracles lorsqu'on savait les utiliser à bon escient. Heureusement, Mérance avait étudié la question depuis sa plus tendre enfance... Le temps qu'elle réalise ce qu'il se passait, la rousse n'était déjà plus en mesure de stopper le flot de souvenirs...
- - Clothilde, Clothilde regarde... regarde cette jolie fleur que j'ai trouvé. N'a-t-elle pas une parure digne d'une belle dame ?
- Lâche ça tout d'suite Mérance, lâche-moi ça !!
- mais...
Et soudain, la main de l'adulte arracha des petits doigts la fleur empoisonnée qu'elle laissa tomber sur le sol. Le regard de Mérance se chargea d'incompréhension et d'une infinie tristesse et alors qu'elle allait demander pourquoi, la main se saisit violemment de son petit bras, la tirant vers la forteresse.
- Il est temps de rentrer... et tu files dans ta chambre immédiatement après t'être lavée les mains...
Le froid soudain avait envahi la jolie rousse. Et dans le silence de cette voiture qui la conduisait en Champagne, le bruit d'un sanglot retenu se fit entendre, perdu dans l'immensité du destin.
Les heures avaient défilé dans le cur de la nuit, le sommeil avait pris par surprise Mérance qui s'était finalement éveillée qu'au petit matin tandis que la voiture pénétrait dans la ville de Reims. Le changement de rythme des chevaux lui avait fait pencher la tête par la portière de la voiture afin de se rendre compte de ce qui l'entourait. Coups d'il rapide pour se rendre compte de la situation et déjà, la jeune femme laissait un soupir trahir son état d'esprit. Oh la ville n'était pas vilaine avec ses grandes bâtisses, sa cathédrale et tout ce petit monde qui fourmillait mais voilà, une Mérance ça ne s'étonne pas facilement, au contraire. Depuis bien longtemps, sa vie avait été brisée, déchiquetée, anéantie alors blasée, elle l'était sans aucun doute. Et même si elle avait été délivrée de cette ombre malsaine qui rôdait jour et nuit sur son existence tel un prédateur prêt à lui arracher l'âme et le cur, Mérance n'arrivait pas, même aujourd'hui, à lâcher prise et changer. S'il avait été le seul à la faire sombrer, si ce père qui avait pourrit la vie de chacun de ses enfants avait été l'unique à lui faire vivre des cauchemars même éveillée alors qu'il était six pieds sous terre mais non, d'autres fantômes peuplaient encore les jours comme les nuits de l'empoisonneuse au point de l'empêcher de vivre sa vie comme elle l'aurait dû ! Un jour peut être... mais pour l'heure, la botte déjà sur le marchepied, Mérance s'éclipsait dans l'auberge dont on lui avait tant vanté les mérites. Demain, il lui faudrait se rendre auprès de madame mais dans l'immédiat, la rousse devait s'installer avant d'aller chercher les dernières plantes fraîches qui lui manquaient sur le marché.
*****
Peu importait l'apparence qu'elle avait, Mérance n'était qu'une étrangère sur ces terres et elle n'avait pas l'intention d'y faire sa vie. D'ailleurs à chaque fois, la question venait poignarder son cur car depuis qu'elle avait été en âge de réfléchir, elle se demandait bien où pouvait être sa place dans ce monde. Et une fois de plus, elle ne sut répondre à la question. Et énervée, elle ne put qu'attraper sa cape qu'elle glissa sur la robe aux couleurs chatoyantes tout en relevant la capuche sur sa chevelure aux reflets mordorés. Il y avait bien longtemps qu'elle ne cherchait plus à se faire remarquer et il valait mieux que personne ne vienne à se rappeler d'elle. Le temps de demander au taulier qui se trouvait derrière son comptoir où se dressait le marché et voilà Mérance, d'un pas décidé à filer comme le vent. Rien n'aurait su l'arrêter sauf peut être la mort et encore. Ne s'en était-elle pas faite une amie depuis toutes ces années ? Et ce fut uniquement arrivée sur la place du marché que la jeune femme ralenti l'allure et se mit à faire un peu plus attention à son entourage. Des plantes qui lui manquaient, elles sauraient les trouver mais un picotement sur sa nuque la gênait depuis quelques instants. Comme un avertissement muet, un rappel du passé. Et puis une effluve, un frôlement, celle qui se vantait de n'avoir peur de rien fut saisit d'effroi au point d'en trembler et d'en ralentir l'allure... la fatigue se jouait d'elle assurément, son passé n'était plus, elle y avait veillé en partant sans se retourner.
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