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[RP] N'oublie jamais qui tu es et d'où tu viens !

Merance
    [De Paris à Reims - printemps 1464 - ]


    Le bruit des sabots sur les pavés des rues de Paris avaient cessaient depuis un long moment et la nuit était apparue sans crier gare. Mérance avait perdu la notion du temps trouvant ce voyage des plus ennuyeux mais une fois encore, elle ne pouvait se permettre de refuser son aide. Enfin son aide. Elle recevrait une bourse d'écus en retour, serait nourrie et logée au frais de la princesse pour quelques jours et verrait du paysage. Ne lui avait-on pas vanté le duché et ses bienfaits ?

    Un sourire mesquin étira ses lippes tendrement rosées. Peu lui importait le duché et les gens qui y vivaient. Ici ou ailleurs, elle n'était pas là pour se faire des amis. Elle venait juste effectuer un travail, soulager une femme d'une grossesse indésirable. Quand est-ce que les femmes apprendraient à faire attention ou à prendre leurs précautions ? Certaines plantes faisaient des miracles lorsqu'on savait les utiliser à bon escient. Heureusement, Mérance avait étudié la question depuis sa plus tendre enfance... Le temps qu'elle réalise ce qu'il se passait, la rousse n'était déjà plus en mesure de stopper le flot de souvenirs...


      - Clothilde, Clothilde regarde... regarde cette jolie fleur que j'ai trouvé. N'a-t-elle pas une parure digne d'une belle dame ?
      - Lâche ça tout d'suite Mérance, lâche-moi ça !!
      - mais...

      Et soudain, la main de l'adulte arracha des petits doigts la fleur empoisonnée qu'elle laissa tomber sur le sol. Le regard de Mérance se chargea d'incompréhension et d'une infinie tristesse et alors qu'elle allait demander pourquoi, la main se saisit violemment de son petit bras, la tirant vers la forteresse.
      - Il est temps de rentrer... et tu files dans ta chambre immédiatement après t'être lavée les mains...


    Le froid soudain avait envahi la jolie rousse. Et dans le silence de cette voiture qui la conduisait en Champagne, le bruit d'un sanglot retenu se fit entendre, perdu dans l'immensité du destin.

    Les heures avaient défilé dans le cœur de la nuit, le sommeil avait pris par surprise Mérance qui s'était finalement éveillée qu'au petit matin tandis que la voiture pénétrait dans la ville de Reims. Le changement de rythme des chevaux lui avait fait pencher la tête par la portière de la voiture afin de se rendre compte de ce qui l'entourait. Coups d'œil rapide pour se rendre compte de la situation et déjà, la jeune femme laissait un soupir trahir son état d'esprit. Oh la ville n'était pas vilaine avec ses grandes bâtisses, sa cathédrale et tout ce petit monde qui fourmillait mais voilà, une Mérance ça ne s'étonne pas facilement, au contraire. Depuis bien longtemps, sa vie avait été brisée, déchiquetée, anéantie alors blasée, elle l'était sans aucun doute. Et même si elle avait été délivrée de cette ombre malsaine qui rôdait jour et nuit sur son existence tel un prédateur prêt à lui arracher l'âme et le cœur, Mérance n'arrivait pas, même aujourd'hui, à lâcher prise et changer. S'il avait été le seul à la faire sombrer, si ce père qui avait pourrit la vie de chacun de ses enfants avait été l'unique à lui faire vivre des cauchemars même éveillée alors qu'il était six pieds sous terre mais non, d'autres fantômes peuplaient encore les jours comme les nuits de l'empoisonneuse au point de l'empêcher de vivre sa vie comme elle l'aurait dû ! Un jour peut être... mais pour l'heure, la botte déjà sur le marchepied, Mérance s'éclipsait dans l'auberge dont on lui avait tant vanté les mérites. Demain, il lui faudrait se rendre auprès de madame mais dans l'immédiat, la rousse devait s'installer avant d'aller chercher les dernières plantes fraîches qui lui manquaient sur le marché.



    *****



    Peu importait l'apparence qu'elle avait, Mérance n'était qu'une étrangère sur ces terres et elle n'avait pas l'intention d'y faire sa vie. D'ailleurs à chaque fois, la question venait poignarder son cœur car depuis qu'elle avait été en âge de réfléchir, elle se demandait bien où pouvait être sa place dans ce monde. Et une fois de plus, elle ne sut répondre à la question. Et énervée, elle ne put qu'attraper sa cape qu'elle glissa sur la robe aux couleurs chatoyantes tout en relevant la capuche sur sa chevelure aux reflets mordorés. Il y avait bien longtemps qu'elle ne cherchait plus à se faire remarquer et il valait mieux que personne ne vienne à se rappeler d'elle. Le temps de demander au taulier qui se trouvait derrière son comptoir où se dressait le marché et voilà Mérance, d'un pas décidé à filer comme le vent. Rien n'aurait su l'arrêter sauf peut être la mort et encore. Ne s'en était-elle pas faite une amie depuis toutes ces années ? Et ce fut uniquement arrivée sur la place du marché que la jeune femme ralenti l'allure et se mit à faire un peu plus attention à son entourage. Des plantes qui lui manquaient, elles sauraient les trouver mais un picotement sur sa nuque la gênait depuis quelques instants. Comme un avertissement muet, un rappel du passé. Et puis une effluve, un frôlement, celle qui se vantait de n'avoir peur de rien fut saisit d'effroi au point d'en trembler et d'en ralentir l'allure... la fatigue se jouait d'elle assurément, son passé n'était plus, elle y avait veillé en partant sans se retourner.



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Aellune


C'était jour de marché à Reims. La rouquine y était arrivée amaigrie, n'ayant rien mangé depuis deux jours. La bourse vide depuis qu'un couple les avait tabassé sur la route, les jumeaux cherchaient un moyen de se nourrir à moindre frais. Le vol aurait pu être dans sa nature et parfois, l'idée lui traversait l'esprit, comme les autres bêtises qu'elle aurait pu faire si Morzaan ne l'avait pas empêché. Il était un peu la voix de sa conscience.
Son frère lui avait dit de rester là, près des étals alléchants, le temps pour lui d'essayer de leur trouver quelques écus pour acheter du pain. Et les effluves des produits délicieux qui venaient chatouiller ses narines rendaient de plus en plus difficile la situation. Son ventre criait famine et elle en regrettait un temps révolu.

L'odeur des plats sortis des cuisines, les fauteuils doux et moelleux, l'âtre brûlant chaleureusement et réchauffant les pièces, les lits frais aux draps soyeux, les bains chauds qui lui laissaient la peau si douce ... Tout cela revint en vrac dans l'esprit de la rouquine. Elle se voyait se prélasser dans un bain de lait de chèvre. Elle portait de belles toilettes mettant en valeur ses épaules et sa poitrine car il aimait ça. Elle se revoyait exécuter ses danses macabres quand elle se donnait à lui selon ses exigences. Combien de fois ? Elle ne s'en souvenait plus mais l'important, c'est qu'elle n'avait manqué de rien. Le sacrifice n'était pas si élevé, en fin de compte. Et elle détestait avoir faim, plus que tout. Il lui fallait trouver l'endroit où elle pourrait se présenter auprès du vicomte, quoi qu'en pense Morzaan.

Un crieur déambulait entre les allées du marché. Il parlait du vicomte et des emplois qu'il fournirait. C'était là qu'elle devait se rendre. Elle replaça ses mèches rousses avec ses doigts, en callant derrière ses oreilles non sans les avoir lissées avec les doigts. Elle secoua ses vêtements de la poussière des chemins et suivit l'homme pour le rattraper.
Mais sans le faire exprès, elle frôla une femme camouflée sous une cape et croisa son regard. Un regard connu, un regard qui lui glaça le sang sur l'instant. Elle se revit dans la forteresse. Elle se revit, enfant, pleurant à chaudes larmes en entendant crier son père. Elle ressentit le vide immense d'un instant de fureur. Alors elle sut.

Mérance ?

Aellune s'était arrêtée de poursuivre le crieur qui poursuivait sa route. Elle était là, au milieu de la cohue et des gens qui continuaient leurs emplettes. Une bulle se créa autour d'elles comme si plus rien ne comptait. La curiosité fut la première impression de la rouquine. Puis lentement, les questions firent leur chemin dans l'esprit craquelé de la jeune fille, aujourd'hui belle adolescente.

C'est bien toi ? Je n'y crois pas ...
Merance
    [Place du marché de Reims - printemps 1464 - ]


    Un mot, un prénom prononcé, juste quelques syllabes et le lointain passé l'atteignait de plein fouet. Mérance sentait la chute arriver, tout son corps tremblait et rien ne pouvait l'arrêter. Son souffle se coupa quelques secondes, sa vue se brouilla, le reste autour d'elle se mit à danser la gigue l'obligeant à refermer les paupières afin de retenir les larmes qu'elle sentait monter à ses yeux azurés. C'était comme si on la projetait une dizaine d'années en arrière et qu'on venait de lui administrer une magistrale gifle comme seul leur père le faisait lorsqu'elle osait désobéir ou tout simplement parce qu'elle respirait le même air que lui.

    Tel un animal prit dans les phares d'une voiture qui se tétanise un instant, les membres de Mérance refusaient de lui obéir. Le moindre mouvement était devenu impossible, son corps se faisait lourd et sa tête semblait vouloir concurrencer les bruits sourds que son cœur s'obstinait à répandre dans tout son être. Il fallait pourtant que quelque chose se passe, que la situation évolue, qu'elle puisse éventuellement dire quelques mots à défaut de s'enfuir. Et puis des gamins qui se couraient après passèrent entre les jambes des deux jeunes femmes, les bousculant au passage. Le lien du regard qui s'était créé fut rompu et le charme avec. Mérance manqua de perdre l'équilibre, aussitôt sa main mal assurée et encore légèrement tremblante se raccrocha à l'étalage d'épices qui se trouvait juste à côté d'elle. L'autre se porta sur sa poitrine comme dans une prière muette avant, cette fois, de parvenir à faire entendre le son de sa voix même s'il était encore à peine audible.


    - Aellune...

    La dextre qui se tenait sur la poitrine de l’aînée vint à s'avancer en direction de la jolie rouquine qu'était devenue la sœur de Mérance. Un peu hésitante, encore vacillante, tandis que le regard se posait ça et là sur la jumelle de Morzaan.

    - Je... tu...

    Et soudain, la panique vint à refaire surface. Le regard s'affola cherchant par-dessus les épaules de sa sœur si un piège était tendu, si on les regardait, si...

    - les autres sont avec toi ?

    "Les autres".... pour Mérance cela résumait la situation. Les jumeaux n'avaient que rarement séparés et jamais bien loin de leur mère aussi, était-il hors de question que l'empoisonneuse se laisse approcher par cette femme sans cœur qui l'avait mise au monde. Elle n'avait rien à voir avec elle et ne voulait plus en entendre parler. Quoi qu'était devenue sa propre vie, cela ne regardait qu'elle et personne d'autre !

    Le regard inquiet de Mérance se posa à nouveau sur sa sœur avant que la main vienne au contact de son avant bras. Il ne fallait pas être devin pour remarquer la maigreur dont faisait preuve la jeune fille. Qu'est-ce que tout cela pouvait dire, où cela aboutirait-il ? Il ne manquait plus que les autres débarquent d'on ne savait où et cela serait à nouveau le cirque au complet. Elle était belle leur famille ce jour-là, dispersait entre la peur et l'angoisse de se retrouver. Et puis soudain, à force d'une volonté sans faille, Mérance se redressa, replaça son masque d'impassibilité et de froideur avant de lui lancer d'un ton presque mordant.

    - Que fais-tu en Champagne ?

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Aellune


A peine audible, la voix de Mérance vint répondre depuis les abysses de son âme. Sa sœur ne semblait pas tant changée que ça aux yeux du petit Piou tout roux. Dans ses souvenirs, Mérance avait toujours gardé cette froideur candide qui semblait la protéger des coups et des bassesses de leurs parents. Comme Aellune avait admiré cette force qui émanait d'elle. Les yeux émerveillés, la rouquine avait vu maintes fois sa sœur ainée tenir tête au père et ne jamais plié l'échine face à ses remontrances. Oui, Aellune avait adoré sa sœur pour ça. Jusqu'au jour où ...

Des enfants les bousculèrent, rompant effectivement ce lien psychique qui s'était établi en une fraction de seconde. Elle lui aurait tendu la main, si elle l'avait pu, si elle l'avait osé. Mais Aellune était une enfant brisée, une enfant aux mille blessures invisibles et rompue à cette platitude qui venait maintenant la caractériser. D'ailleurs, ses sentiments étaient des tempêtes indomptables dont elle ne contrôlait souvent rien. Seul Morzaan semblait avoir le pouvoir de calmer ces changements de personnalité. La rouquine observait sa sœur au point de la dévisager presque de manière malsaine. Elle détaillait son visage, ses traits, ses gestes. Elle y voyait un fantôme, une créature impossible qu'elle avait rayé de sa vie, définitivement.

Quoi ?

La question tomba, avec toute l'horreur qu'elle pouvait apporter avec elle. Ainsi que l'inquiétude également. La rouquine toisa sa parente avec un certain détachement. A vrai dire, ce détachement venait naturellement quand il s'agissait de parler de la famille. Mérance les avait abandonné pour vivre sa vie de son côté. Et Aellune était persuadée qu'elle avait eu la belle vie jusque là. Pouvait-elle seulement imaginer un instant que ce ne fut pas le cas ? Evidemment pas.
Ses épaules se haussèrent simplement.

Non ... Il n'y a que Morzaan.

Le crieur commençait à s'éloigner de plus en plus de l'endroit où les sœurs se trouvaient. Les prunelles du Piou se détachèrent finalement pour chercher du regard l'homme qui arpentait les ruelles avec son annonce. Revoir sa sœur l'avait surprise mais rapidement, sa mission première reprit le dessus. Qu'importait qu'elle soit là, finalement.

Ca t'intéresse ? ... Je cherche du boulot et d'ailleurs, il est en train de filer ! Allez ... ben ... à la prochaine !

La fracture était net. Comme à son habitude, Mérance avait repris son masque de glace. Et la jeune fille n'avait aucunement envie de subir l'inquisition de sa sœur. Aellune rompit la bulle une nouvelle fois et se mit à courir jusqu'au crieur, laissant sa sœur derrière elle. Persuadée que celle-ci n'en avait plus rien à faire d'elle, la rouquine avait besoin de retrouver son souffle. Courir lui était pénible sans rien dans le ventre depuis si longtemps. Mais dans la fuite et la volonté d'oublier son passé, Aellune trouva encore quelques forces. Son cœur battait à tout rompre. Elle bousculait les gens sans s'en rendre compte afin de mettre le plus de distance entre elle et sa sœur. Finalement, l'homme fut à portée de voix.

Et vous ! Attendez ! Je voudrais aller me présenter chez ce vicomte. Altaiir c'est ça ? Où est-ce que je dois aller ?

Mais le lien n'était pas rompu. La rousse tourna son regard en arrière. Mérance était toujours là. Présente plus que jamais ...
Merance
    Les de Sabran, tout un poème. Aussi têtus les uns que les autres, aussi prompt à passer à autre chose, aussi doués pour attiser les flammes des ennuis. A croire qu'ils avaient tous été maudits à leur naissance par une quelconque âme noire leur en voulant bien avant leur premier cri. Mais peut être était-ce réellement le cas, peut être que finalement rien de bon ne pouvait leur arriver, peut être que... En tout cas, Mérance, en plus d'analyser les choses pour les comprendre, les décortiquer et en faire ce qu'elle souhaitait avec, avait aussi cette propension à ne jamais lâcher l'affaire et de revoir sa sœur, ici et maintenant, lui causait tout autant de la peine qu'un délicieux plaisir. C'était qu'elle se retrouvait dans ces boucles rousses, heureuse de constater que les tâches de rousseurs étaient toujours là et que le même teint laiteux passait de l'une à l'autre. Si l'aînée avait pu attraper la main de sa cadette, on n'aurait su où l'une commençait et l'autre se terminait. C'était là quelque chose qui leur était commun tout comme ce sang qui coulait dans leur veine. Ce sang bouillant et mystérieux qui les poussait toujours à se rejeter les uns, les autres.

    D'un soupir emprunt de lassitude, Mérance se tourna vers l'homme qui tentait de vendre ses herbes fraîches, elle lui désigna d'un geste rapide celles qu'elle voulait, sortit quelques écus de son escarcelle avant de prendre ses biens et de bousculer les gens sur le marché. Il était hors de question pour elle de laisser sa sœur lui échapper. Aellune avait parlé de travailler c'était que leur satanée mère ne leur donnait rien pour survivre, les deux plus jeunes devaient se débrouiller pour subsister. Et même si ça lui faisait mal de l'admettre, quelque chose en elle se déchirait à cette constatation.

    Elle-même avait toujours pensé que Morzaan et Aellune était le couple parfait aux yeux de leurs parents. Tous les deux constamment dans les pattes des adultes, tous les deux à les suivre comme de bons petits qu'ils étaient, Mérance avait souvent pleuré du haut de sa fenêtre lorsqu'elle les voyait tous ensemble tandis qu'on la reléguait dans sa chambre. Petite le prétexte était qu'elle était trop maladroite et qu'elle risquait de faire mal aux plus jeunes sans le vouloir ; après son retour au bercail c'était tout simplement pour ne pas cautionner la honte qu'elle apportait à la famille de revenir veuve et sans le sou. Et sa place dans l'existence avait toujours été compromise, elle le savait. Ne s'était-elle pas persuadée que son père voulait la faire tuer un jour ou l'autre ?

    Nouveaux soupirs las de devoir se rappeler cette existence morne, Mérance chercha des yeux celle qui lui ressemblait considérablement. Le temps pour elle de rassembler son attention, de chercher, de viser et voilà, Aellune était repérée alors qu'elle parlait au crieur. Le pas s'accéléra aussitôt permettant à l'empoisonneuse de se poster non loin de sa jeune sœur, les bras croisés devant elle à la regarder comme si elle tentait de comprendre ce qu'il se passait dans sa tête.


    - Et pourquoi devrais-je ne pas m'y intéresser ? Il me semble que tu es ma sœur non, à moins que ne sois décidée à m'enterrer vivante toi aussi ?

    La question ferait mal, elle le savait. Mais après tout, à force de rester avec père et mère, peut être que Morzaan et Aellune ressemblaient bien plus à leurs parents qu'elle-même ne pouvait l'admettre. Et s'ils décidaient eux aussi que Mérance n'était rien ni personne, il ne lui resterait plus grand chose dans sa vie mais y'avait-il eu au moins un semblait de quelque chose jusqu'à maintenant ? Toutefois, à force de réfléchir, la jeune femme se laissa envahir par les émotions qu'elle rejetait depuis si longtemps tant et si bien que ses doigts prirent possession de la main de sa cadette et sans lui laisser le temps de répliquer, elle la tira afin qu'elle avance dans ses propres pas.

    - Viens, on a besoin d'un verre !

    La proposition était sans appel, Mérance ne laissait pas le choix à Aellune. Et afin d'appuyer sa conviction, la jeune femme lança son menton dans la direction du crieur.

    - N'aie crainte, il sera là à ton retour. Il n'a pas intérêt à quitter la place avant la nuit tombée sinon il risquerait d'y laisser sa peau... J'ai besoin de boire quelque chose de fort, si ça te dit...

    Le ton était toujours mordant mais il semblait se radoucir légèrement, laissant cette fois la possibilité à Aellune de choisir de la suivre ou pas. Elle n'était pas leur père pour la contraindre à la suivre même si elle avait envie de garder encore ce contact avec elle. Depuis combien de temps était-elle seule dans ce monde, depuis combien d'années n'avait-elle pas parlé à quelqu'un de sa famille ? Aellune était et resterait sa petite sœur, le destin en avait décidé ainsi. Il ne leur appartenait pas de changer ces choses-là, il leur fallait vivre avec ou plutôt apprendre à faire leur chemin ainsi.

    La rousse fit quelques pas puis se planta là, levant un sourcil presque de défi. Viendra ou ne viendra pas, osera ou pas faire un pas dans ce passé qui leur mordait les chairs à chaque respiration ?

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Aellune


Le crieur n'était plus qu'à quelques pas. D'ailleurs, celui-ci s'était arrêté au bout d'une allée et il s'était retourné en voyant les deux rousses s'approcher de lui. La tension était presque palpable. Sans même se retourner, la roquine sentait la présence de sa sœur dans son dos. Mérance l'avait suivie dans ce parcours chaotique au travers les acheteurs et les curieux. En rompant le dialogue, Aellune avait espéré que cette page de son passé serait vite oubliée. Le hasard faisait souvent mal les choses et en l'occurrence, dans cette situation, c'était sans doute le pire moment qu'elle aurait pu attendre dans sa jeune vie.
Sans se retourner, la Piou fixant le crieur dont elle avait enfin pu capter l'attention, elle écouta les remarques de la Sabran.

Peut-être parce que tu ne t'es jamais intéressée à quelqu'un d'autre que toi ? Il aurait peut-être fallu que tu te poses la question avant ...

Avant. Avant ce moment précis où elle était partie, Mérance. Ce moment où elle avait désespérément attendu que sa sœur lui donne de ses nouvelles. Et avant que l'adolescente ne réalise qu'elle était seule au monde entre les mains de son acquéreur. L'admiration était encore là, cachée dans un sombre recoin de son esprit meurtri. Mais sur le moment, ce n'était plus que de l'indifférence, voir même un certain dégoût. Sans doute sa sœur vivait-elle de mille richesses et aisément. Sans doute était-elle heureuse dans sa nouvelle vie. Aurait-elle pu en dire autant ? Le bonheur lui était inconnu. Ou mieux, être heureuse signifiait pour Aellune un bref instant de paix, à l'abri du besoin et sans avoir à tout gagner, monnayer, espérer.
La rouquine abandonna le crieur à son attente. Il aurait pu lui répondre mais la bulle qui se reformait autour des sœurs Sabran reprenaient sa place. Elle se retourna vers sa sœur qui lui prit la main. Un acte de douceur que la rousse avait dû oublier toutes ses années. Un acte inespéré venant de sa sœur qui recréait un lien disparu.

La jeune fille aurait voulu retirer sa main et s'enfuir à nouveau. Elle n'en fit rien. Elle laissa le contact se faire, trop longtemps soumise aux désirs d'autrui. Ce qui troubla la Piou, c'est surtout la rupture de ce miroir de glace qui était dressé entre elle depuis l'évènement. Passer sa main au travers aurait rompu toute cette haine accumulée ? Il était probable que ça ne soit encore qu'une façade mais les soupçons d'adoucissement dont faisait preuve Mérance trahissait ce besoin de retrouvailles. Et Aellune en avait également la nécessité. Un pas puis un autre et la jeune fille suivit sa sœur, sans poser de questions. Le regard d'indifférence qu'elle avait porté jusque là se mua vers celui de la curiosité et de la tristesse.

Où m'emmènes-tu ?

Mérance voulait boire. Boire pour oublier ? Boire pour se retrouver et délier les langues si profondément enchainées. Aellune eut une hésitation. L'alcool avait un effet salvateur pour la rouquine. Elle noyait ses états d'âme dans la boisson. C'était aussi le moyen qu'utilisait les hommes pour l'enivrer et la pervertir. Elle s'était habituée et préférait ça à la conscience de l'acte. Après, le temps avait fait que l'alcool ou la conscience n'avaient plus eu d'emprise sur elle. Peu importait son état, son corps ne lui appartenait plus.

Oui ... je veux bien ...

Aellune emboita le pas de son ainée. Advienne que pourra. Les Sabran ensemble, ça promettait toute une histoire ... Et elle ne faisait que commencer.
Merance
    Mérance avait accusé le coup lorsque sa sœur lui avait balancé dans les dents qu'elle ne s'intéressait qu'à elle-même. Son regard non plus n'avait pas cillé. La seule chose qui pouvait trahir ce semblant d'impassibilité était la respiration de la rousse qui s'était légèrement accélérée et qu'elle essayait de maîtriser. Mais que répondre en pleine rue alors qu'on vous accusait de tels maux ? L'ainée en pris son parti et laissa couler. Le temps des explications viendra plus tard, entre quatre yeux, lorsqu'Aellune serait prête à entendre certaines choses qui, pour l'heure, semblaient bien loin de ses attentes alors Mérance continua sur sa lancée.

    Si la fraîcheur d'avril se répandait sur la place du marché, la douceur de la taverne prit Mérance à bras le corps à peine eut-elle franchit le seuil de la porte. Cela aurait pu être réconfortant si la situation avait été autre mais l'anxiété qu'elle avait jusque là refoulée revenait au galop, la malmenant jusqu'aux tréfonds de son âme. Sans mot dire, l'aînée des filles de Sabran s'avança dans l'auberge et s'installa à une table un peu en retrait. Elle n'avait pas envie de se donner en spectacle au cas où toutes les deux en viendraient à vouloir tordre le cou aux souvenirs. Un coup d'œil rapide pour s'assurer que justement Aellune la suivait et enfin, Mérance posa son séant sur la chaise.

    Dans la tête de la rousse, déjà mille questions se bousculaient. Elle aurait voulu savoir depuis combien de temps les jumeaux étaient en Champagne, que s'était-il passé après qu'elle eut quitté la maison, qu'en était-il de leur mère ? Des questions légitimes à ses yeux mais qui ne le seraient peut être pas à ceux de sa sœur. Le ton qu'Aellune avait employé quelques minutes auparavant lui indiquait même que ça serait plus compliqué qu'elle ne l'aurait cru. Mais après tout, qu'attendait-elle de tout ceci alors qu'elle-même leur avait tourné le dos après le drame... question de survie, de nécessité mais Aellune ne pourrait pas comprendre, personne ne pouvait comprendre. Personne n'avait rien su de son calvaire et c'était bien mieux ainsi.

    Le regard voilé de l'aînée se posa sur sa cadette cherchant sous quel angle elle allait attaquer la discussion afin de ne pas la faire fuir au triple galop à peine arrivée. Et Mérance se rendit compte de ce vide qui les séparait un peu plus qu'au temps de leur enfance. Alors pour se donner du temps, elle héla le tavernier.


    - Amenez-nous de quoi nous nourrir et du vin, quelque chose de bon et de fort.

    Sans un regard de plus pour l'homme au visage bouffi et rougeoyant, Mérance laissa ses azurs se poser sur sa jeune sœur, l'observant ouvertement. Elle aurait voulu avoir ce geste d'autrefois, ce sourire d'antan, quelques mots apaisants comme lorsqu'elles réussissaient à se croiser sans leurs cerbères de parents dans les couloirs du château et que Mérance offrait alors un sourire à sa cadette tout en attrapant une mèche de ses cheveux soyeux lui disant qu'un jour tout changerait. La roue tourne c'était une chose immuable. Le temps de la souffrance était enfin derrière elles mais à quel prix ?

    Mérance ôta le châle de laine qui lui servait à protéger ses épaules puis défit les nœuds de sa cape avant de laisser apparaitre une simple chemise claire serrée à la taille par une ceinture de cuir le tout tombant sur des braies. La tenue se terminait par une paire de bottes de cuir. Et les hommes de l'auberge eurent vite fait de détourner le regard de cette rousse aux allures masculines ce qui, bien entendu, étira les lippes de cette dernière en un sourire satisfait. Après tout, si Mérance s'habillait ainsi c'était en toute connaissance de cause. Offrir aux regards lubriques sa poitrine dans un décolleté plongeant d'une robe n'était vraiment pas, mais alors vraiment pas, dans ses motivations premières. Et elle continuait à sourire la rousse quand le tavernier leur apporta ce qu'elle avait commandé. Une fois les bols de soupe fumant devant chacun des filles, une assiette de charcutailles ainsi que le pichet de vin mis en évidence sur la table, Mérance prit enfin la parole.


    - Régale-toi, dehors il ne fait pas si chaud que ça. Tu pourras me parler quand tu auras fini. J'aimerais savoir comment vous allez toi et Morzaan. Et ne vient pas me demander si ça m'intéresse réellement. Je ne pose jamais de question dont je ne souhaite pas avoir de réponses !

    Le ton était donné et malgré ce que pouvait croire Aellune, ça l'intéressait réellement ce qu'ils étaient devenus tous les deux. Mais encore fallait-il que la cadette arrête de vouloir mordre la main que l'aînée lui tendait. Et parce qu'elle n'avait plus l'habitude de se taire, Mérance enchaîna tout de même.

    - Et ne juge pas sans savoir Aellune. Tu serais surprise de la réalité que tu déformes par tes propos, crois-moi. Tes souvenirs d'enfant ne te rendent absolument pas service aujourd'hui !

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Aellune


Suivre et survivre. La petite rouquine avait accompagné sa sœur dans le dédale des échoppes du marché et avait abandonné toute autre idée que de savoir ce qu'elle faisait là. Malgré le malaise qu'elle avait ressenti en la retrouvant par hasard, il fallait bien admettre que sa sœur semblait mieux lotie qu'elle et que pour l'heure elle mourait de faim. L'entrée dans l'auberge fit montée les effluves au nez de la rousse. Les odeurs de nourriture y étaient encore plus intenses qu'à l'extérieur et son ventre gargouilla d'envie. Elles s'installèrent à une table et Aellune balayait les lieux avec une certaine nervosité. Ces endroits-là, elle les avait suffisamment fréquenté pour savoir qu'il y avait toujours quelque chose qui se passait, et pas en bien.

Du vin ? Tu peux te permettre de t'offrir du vin ? Et bien ...

Mérance venait de commander au tavernier et Aellune en resta surprise de l'aisance de sa sœur. Confortée dans l'idée qu'elle eut une vie bien meilleure qu'elle et son jumeau, une moue dubitative vint s'ancrer sur son visage.

Tu ne te refuses rien.

Ayant tout de même en vie de profiter du repas, elle ne dit rien de plus et quand les plats arrivèrent, Aellune n'hésita pas à satisfaire sa faim, mangeant sans attendre, tellement elle était affamée. Elle saisit un morceau de pain qu'elle trempa dans la soupe, gorgée de légumes. La jeune fille ne regarda pas un seul instant sa sœur. C'est quand elle eut fini qu'elle rompit le silence, non sans se servir un verre de vin et de le porter à ses lèvres.

Morzaan et moi, ça va.

La réponse était concise et Aellune n'entra pas dans les détails. Elle n'en avait pas envie. Considérant que sa sœur pouvait bien prendre soin d'elle en lui donnant à manger, elle n'avait pas besoin de la remercier pour le repas. Repue, son regard se noyait dans le verre de vin. Sa sœur lui semblait comme une étrangère qui l'avait invitée à manger pour assouvir quelques fantasmes. Ce n'était pas la première fois.

D'ailleurs, va falloir que j'aille le retrouver tout à l'heure.

Son regard se leva sur Mérance quand elle lui parla des souvenirs d'enfance. Comme un choc qui venait la frapper violemment à la tête, les souvenirs enfouis ressurgissant d'un passé cadenassé, la rouquine resta figée. Meurtrie en son âme, elle avait rêvé que sa sœur soit en sécurité et heureuse. Pourquoi en aurait-il été autrement ?

C'était forcément mieux ... Sinon pourquoi tu n'es pas revenue ... ?

Aellune engloutit le verre de vin et s'en servit un autre et encore un autre ...
Merance
    Voilà, on y était. A la croisée des chemins, entre dire la vérité ou travestir les souvenirs, entre mensonges et poudre aux yeux. Mérance soupira longuement avant de porter le bord du verre contre ses lèvres fraîches. Une gorgée du vin s'aventura dans sa bouche et pris son temps pour longer la gorge et venir faire son œuvre. Réchauffant doucement le sang de la Sabran, le nectar en était délicieux et les pupilles légèrement plus vives que d'ordinaire se posèrent sur la petite sœur de la rousse.

    - Oui je peux me permettre de t'offrir du vin parce que je travaille chaque jour afin de subvenir à mes besoins. Qui crois-tu que je suis Aellune, une espèce de Crésus qui a de l'or plein les poches ?

    Un sourire narquois vint étirer les lippes de la jeune femme avant de reprendre tout en posant délicatement le verre sur la table regardant sa cadette dévorer son repas.

    - Je suis revenue, quand mon mari est mort et j'ai été traitée comme une pestiférée. D'ailleurs, tu n'as pas vraiment recherché ma compagnie à cette époque il me semble. Sans doute avais-tu trop peur de désobéir à notre cher père pour venir dans ma tour me rendre visite. Je te rappelle pour ta gouverne que de nous deux, c'était moi qui était privée de liberté alors n'inverse pas les rôles s'il te plait. Tu étais peut être jeune mais ça ne te servira à rien de travestir les souvenirs que nous avons en commun.

    N'ayant pas faim, elle offrit son assiette à celle qui semblait ne pas avoir mangé depuis des lustres. Mérance pouvait le comprendre, elle-même avait crevé la faim dans les rues de Paris à une époque avant de se faire connaitre et de parfaire sa réputation de sorcière, de maudite. Pour un peu elle aurait ri de tout ceci mais le cœur n'y était pas aussi, se cala-t-elle contre le dossier de sa chaise afin de pouvoir observer ouvertement sa jeune sœur.

    - Et pourquoi ne serais-je pas partie après la mort de... notre père ? Il n'y avait rien pour moi à la forteresse... rien que des pleurs et des tourments. Mère te préférait à moi, elle t'a toujours accordé un regard certain tandis que moi, elle m'a rejeté tout comme Père à peine étais-je sortie de ses entrailles. Et pourtant, tu ne vaux pas mieux que moi... à moins que tu n'aies eu des dons cachés que tout le monde appréciait...

    Les mots étaient choisis pour faire mal parce qu'elle-même elle souffrait. Même si d'apparence elle était fière et semblait avoir réussi depuis ces cinq longues années, il y avait toujours au fond d'elle une petite fille que personne n'avait su aimer. Cette même petite fille qui regardait les autres évoluer de loin parce qu'on lui avait rongé les ailes la privant ainsi de liberté. Mise à part quelques journées bien orchestrées par l'ogre de la maison où elle avait eu le droit d'évoluer comme n'importe quel enfant Sabran, le reste n'était que bagne dans sa mémoire. Même son mariage en avait été un, bien pire que le premier.

    Sentant les picotements du chagrin venir la titiller, Mérance passa sa main sur sa nuque machinalement et y rencontra la marque qu'elle maudissait. Jamais plus rien ne serait pareil alors les piques de sa sœur n'était que du menu fretin à comparer à ce qu'elle avait déjà traversé. La main de Mérance quitta alors la nuque pour venir prendre le verre qui lui souriait de son nectar carmin.


    - J'aimerais revoir Morzaan aussi, ça me ferait plaisir de lui offrir un bon repas en souvenir du bon vieux temps.

    La gamine qu'Aellune était encore se goinfrait aux frais de la princesse, autant en faire profiter son jumeau aussi. Mais à savoir si elle les reverrait l'un et l'autre. Ils semblaient avoir leur vie dans un ailleurs dont elle n'avait pas accès. Et pourtant, la rousse allait bientôt faire ce que son devoir d'ainée lui commandait... à tort ou à raison !

    - Je pars dans quelques jours. Je devais rentrer à Paris mais... j'ai une affaire urgente à régler en Empire. Quelqu'un qui a besoin de mes compétences pour se soigner alors si tu le désires, toi et Morzaan pouvaient m'y accompagner. Ça nous permettrait de passer un peu de temps ensemble.

    Imaginant déjà sa sœur refuser juste pour le principe de lui opposer un non bien senti, Mérance s'obligea à préciser.

    - Tous les frais seront à ma charge. Et vous aurez de quoi manger tous les jours et un bon lit pour dormir le soir. Je pars dans deux jours alors parles-en avec notre frère et si jamais vous êtes d'accord, vous n'aurez qu'à me rejoindre à l'auberge du chat noir, c'est là que je dors.

    Et la main fine au teint de gypse se posa sur le pichet de vin afin de le soulever pour en remplir les verres. Au moins, si les agissements étaient revêches de part et d'autre, le nectar réchaufferait les âmes.

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En constante recherche de RP... n'hésitez pas à me MP
Aellune


Comme des claques qui retentissent, les paroles de Mérance raisonne encore dans la petite tête de rousse. Sa faim et sa soif sont assouvies par l'offrande d'une sœur meurtrière. Même si elle ne le sait pas encore, la jeune fille ressent la rancœur d'un manque affectif évident, alors qu'elle, la fragile à fleur de peau, en a été inondée. Sauf que cette affection là était malsaine, sale, pervertie par l'ignominie. Les brûlures de son être ne s'arrêtent jamais de lui rappeler qui elle fût, qui elle est encore. Mais Mérance se concentre sur sa propre peine et Aellune peine à lui faire entrevoir sa propre réalité. A quoi bon quand la haine est plus forte que l'amour ?

C'est vrai que moi, je ne sais rien faire ...

Murmure sorti d'outre tombe, la jeune sœur boit une longue gorgée de vin pour faire descendre les sentiments qui viennent rendre la soupe écœurante. Mais il faut manger, elle le sait, ce fut ça depuis ses 6 ans, même si parfois, l'envie de mourir est grande. Elle se rappelle des précieux instants de bonheur fugace et tellement rare. Celui où elle suivait sa sœur dans les couloirs malgré les hurlements du père. Quand elle venait observer sa sœur sans qu'elle le sache, alors qu'elle apprenait à manipuler les plantes. Quand elle voyait revenir Loghan de ses absences à la cour. Ou quand elle se retrouvait seule avec son jumeau, dans le silence pour ne réveiller personne et qu'ils leur suffisaient de se regarder dans les yeux pour avoir les mêmes idées. Ces moments sont tout ce qu'elle possède et personne ne peut les lui arracher, comme ses cris, ses douleurs, sa jouissance, plaisir pervers de la chair à jamais soumise à autrui.

Je ne pouvais pas. Père me ...

Voix vibrante, la rouquine fixe son bol vide. Ce passé, elle a fini par l'accepter. Père l'aimait, sans doute trop. Mais sa mère, elle, ne l'a jamais aimée. Elle tolérait qu'elle soit le jouet préféré d'un baron incestueux. Il est vrai qu'elle aimait plaire à son père. Malgré sa souffrance et les abus dont elle était victime, malgré l'horreur de ses cauchemars, elle était heureuse qu'il l'aime. A sa mort, le vide s'était installé et elle avait failli devenir folle, détruite par le manque et la solitude, détruite parce que son identité n'existait toujours pas. La petite fille était morte et la coquille n'était plus qu'un gouffre néant.
Mais comment faire comprendre à sa sœur qu'on n'est rien ?

Mère ne m'aimait pas ... Elle m'a ...

Sa réponse est tranchée. A vrai dire, la rouquine n'a pas envie de parler de tout ça. Encaissant les remarques, les reproches, la jeune fille reprend un verre de vin, hésitante. Puis finalement, elle ose, mais il en faudra bien plus pour qu'elle se sente bien, enfin. L'alcool a cet effet de lui faire oublier cette part d'elle qui est recroquevillée dans une bulle invincible. Qui pourrait bien la faire sortir de là ? Sa vie n'est plus qu'une vaste comédie malsaine.

Je ne sais pas où il est ... Je devais l'attendre au marché ...

Et son jumeau qui l'avait laissée là. Comme il aurait été plus simple qu'il soit là et qu'il réponde à sa place, comme il le faisait, généralement. Un haussement d'épaules à la proposition. Après tout, au moins avec Mérance, elle mangerait toujours à sa faim.

D'accord. Faut déjà le retrouver. De toute façon, ce n'est pas très encourageant par ici.

Un sourire forcé aux lèvres, la rouquine finit par lever un regard vers sa sœur. C'était une belle journée, finalement.
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