Will.i.am
[De Bourgogne à une auberge parisienne, le premier jour du défilé]
Lhiver avait fui, enfin. Ce nétait pas un moindre mal, bien au contraire. Encore fallait-il connaître William de la Mirandole et ses tortures internes pour un comprendre quelque chose. William souffrait dun mal encore inconnu. La plupart des gens le trouvait soupe-au-lait. A quelques siècles près, on aurait pu dire quil était maniaco-dépressif avant, un peu plus tard, dévoquer la bipolarité. William souffrait dun mal dont aucun médecin ne pouvait le libérer, ni même alléger les douleurs psychologiques. Il était lui-même loin de tout ça. Il pensait que cétait lié au temps, comme la plupart des personnes qui constituaient son entourage. Lhiver le rendait monotone. Son visage avait tendance à se fermer. Sa voix et tout son rythme de vie devenaient plus lents, presque souffrance. En son for intérieur, la lutte était plus rude quil ny paraissait. Lennui se confondait dans une morbidité qui tendait à lauto-flagellation. William nen pouvait plus de ce temps maussade. Son corps ne voulait plus de neige, ni de froid. Il avait besoin de soleil, de bonne humeur, de fleur des champs et dabsinthe. Il lui fallait encore et toujours plus dabsinthe. Il en était devenu un toxicomane expérimenté. Le rituel de labsinthe, il le connaissait par coeur. Tout dabord, il versait labsinthe pure dans un hanap sur lequel il plaçait une «pelle» à absinthe. Il suffisait ensuite de placer un sucre issu des cannes africaines, or pur pour un boit-sans-soif, et de laisser couler dessus de leau, goutte à goutte. Leau finissait par sécouler dans le hanap et à se mêler à labsinthe. A quelques siècles près, il se la serait certainement injectée directement dans les veines. Au lieu de ça, il prenait le temps de sa préparation, le temps de linfusion. Ensuite, il portait le hanap à ses lèvres et fermait les yeux en engloutissant une gorgée de poison. Son cou se tendait alors que les artères semblaient se gonfler dun nouveau souffle de vie. Un long soupire de libération sensuivait. William avait sa dose.
En ce jour de printemps, le soleil dardait ses rayons matinaux contre la vitre de la chambre quoccupait William dans une auberge bourguignonne. La tignasse rousse en bataille affinait un peu plus le visage au teint laiteux. Le corps dégingandé de la grande asperge se remettait à peine dune diète hivernale forcée. William avait eu toutes les peines du monde à ingérer la graisse et autre morceaux de lard quon lui offrait pour simple nourriture, accompagnés dun bouillon au goût infâme. On voulait de lui quil reprenne des forces avant de se montrer, à nouveau, au monde extérieur. En lieu et place, il navait fait que samaigrir et perdre le eu dallant quil avait pu emmagasiné à lété précédent. Toutefois, il commençait à reprendre un semblant dallure. Ses vêtements ne semblaient plus taillés pour une personne autre que lui. Bien quémacié, son visage nétait plus creusé et ses yeux plus cernés dune auréole dun noir macabre. La vie semblait reprendre son cours, y compris chez lui. Alors quon frappait à la porte, William se levé et se rendit à la pièce qui servait de cabinet. Sans un mot, il commença à saffairer. Une personne pénétra dans la chambre et emballa les quelques affaires éparpillées ça et là. Au bout de quelques instants, ce fut un William en bonne et due forme qui fit son apparition dans une chambre désormais vide de ses effets personnels. A la place, trônait un homme à lallure presque aussi austère que son maître. Lhomme à tout faire de William connaissait le jeune homme dans les moindres détails. Depuis des années quil le servait, il avait acquis certains automatisme. Il avait notamment compris quil devait souvent agir sans rien demander. Ce fut pourquoi il avait pris la liberté de préparer le départ. Le vieil homme sinclina à lentrée du plus jeune. William lui adressa un maigre sourire. La dépression semblait un lointain souvenir, même si ce nétait pas le cas. Bientôt, William entrerait dans une sorte de phase deuphorie. Il le savait. La dépression et lentrain se succédait selon leur propre gré, sans rien demander à William, eux non plus. En ce sens, le Mirandole semblait navoir de prise sur rien. Du moins, rien qui ne le concerna directement. Il donnait le change la plupart du temps. Du haut de ses vingt-deux années, il avait appris à «faire avec». Ses sautes dhumeur passaient presque inaperçues. Il avait appris à cacher les épisodes les plus brutaux. Cétait aussi grâce à cet homme qui ne le quittait que rarement. Cétait son confident muet.
- Monsieur est-il prêt ?
- Il est prêt. Nous pouvons y aller.
- Paris ?
- Paris.
- Le cocher est prévenu. Vos affaires viennent tout juste de partir vers vos nouveaux appartements. Près du Louvre comme vous laviez demandé. Monsieur appréciera lendroit.
- Il vous fait confiance, comme à son habitude. Vous lui avez toujours été dune grande aide et il vous en est reconnaissant.
Il fallut encore peu de temps pour que la voiture attelée ne se mette en branle sous des cris braillard et le claquement dun fouet vaillant. Le voyage se déroula dans un silence de mort qui correspondait bien au deux occupants de la voiture. William se contentait de laisser son regard se perdre vers un horizon quil ne regardait pourtant pas. Ses pensées étaient ailleurs. Son accompagnateur némettait pas un son, semblait ne pas bouger un cil. William, quant à lui, se demandait si les robes se partageraient la vedette avec des tenues plus masculine. Il avait besoin de se refaire une garde-robe. Bien que sinistre par moment, il nen manquait pas moins dune certaine coquetterie. Il se demandait si la mode serait au velours et à la soie ou à de toute autre matière. Il aimait bien le velours et la soie finalement. Il esquissa un sourire amusé en repensant à cette nuit, il y avait quelques jours. Dans une crise de semi-démence, il avait envoyé au feu une bonne moitié de ce qui constituait la fierté dune garde-robe quil avait pourtant mis du temps à rassembler. Les beaux jours revenait et William semblait recouvrer une certaine envie de vivre. Il se sentait bien. Son acolyte décrocha un sourire énigmatique en apercevant la bonne humeur de son maître. Il hocha faiblement la tête, un geste presque imperceptible que William connaissait par coeur. Le jeune homme porta son attention sur son garde-fou et hocha également la tête, plus franchement. Leur connivence semblait saccorder sur le fait que lhiver était définitivement passer dans la tête du Mirandole. William glissa légèrement sur la banquette et posa la nuque sur ce qui faisait office dappui-tête. Il ferma les yeux et se laissa emporter par un sommeil quil retrouvait depuis peu.
La voiture sarrêta finalement devant lauberge, point de rendez-vous avec sa cousine et une amie que William ne connaissait pas. Le jeune roux sortit en laissant son homme de confiance. Les chevaux reprirent leur allure lente aussi sec et la voiture pris la direction des appartements nouvellement acquis. William savança à pas lents, mains jointes derrière le dos, jusquà la porte principale quil ouvrit sans hésitation. Lorsquil vit Merveylle descendre péniblement des escaliers, il la salua dune inclinaison du chef. En guise de simple bonjour, il étira un peu plus son maigre sourire tout en écartant les bras. Sa cousine était lune des rares personnes à pouvoir rallumer les braises de vie qui éclairaient parfois le fond de son regard dambre. Elle et une certaine princesse quil avait connu par le passé. Dailleurs, une certaine hâte létreignait. Elle avait certainement beaucoup changé, tout comme elle le trouverait probablement légèrement différent. Les années étaient passées sur eux comme leau passe sur la pierre et modèle le lit des rivières. Il ne restait plus quà savoir sil sagissait dun torrent ou de londe calme dun fleuve repu des alluvions dune nature florissante. Pour lheure, William ne sintéressait quà celle qui contribuait à maintenir son ossature frêle en place. Laccolade promettait dêtre délicate tant il savait son état de santé encore quelque peu fragile. Ensuite, peut-être, ferait-il la connaissance de cette amie dont il avait appris lexistence par courrier interposé.
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Lhiver avait fui, enfin. Ce nétait pas un moindre mal, bien au contraire. Encore fallait-il connaître William de la Mirandole et ses tortures internes pour un comprendre quelque chose. William souffrait dun mal encore inconnu. La plupart des gens le trouvait soupe-au-lait. A quelques siècles près, on aurait pu dire quil était maniaco-dépressif avant, un peu plus tard, dévoquer la bipolarité. William souffrait dun mal dont aucun médecin ne pouvait le libérer, ni même alléger les douleurs psychologiques. Il était lui-même loin de tout ça. Il pensait que cétait lié au temps, comme la plupart des personnes qui constituaient son entourage. Lhiver le rendait monotone. Son visage avait tendance à se fermer. Sa voix et tout son rythme de vie devenaient plus lents, presque souffrance. En son for intérieur, la lutte était plus rude quil ny paraissait. Lennui se confondait dans une morbidité qui tendait à lauto-flagellation. William nen pouvait plus de ce temps maussade. Son corps ne voulait plus de neige, ni de froid. Il avait besoin de soleil, de bonne humeur, de fleur des champs et dabsinthe. Il lui fallait encore et toujours plus dabsinthe. Il en était devenu un toxicomane expérimenté. Le rituel de labsinthe, il le connaissait par coeur. Tout dabord, il versait labsinthe pure dans un hanap sur lequel il plaçait une «pelle» à absinthe. Il suffisait ensuite de placer un sucre issu des cannes africaines, or pur pour un boit-sans-soif, et de laisser couler dessus de leau, goutte à goutte. Leau finissait par sécouler dans le hanap et à se mêler à labsinthe. A quelques siècles près, il se la serait certainement injectée directement dans les veines. Au lieu de ça, il prenait le temps de sa préparation, le temps de linfusion. Ensuite, il portait le hanap à ses lèvres et fermait les yeux en engloutissant une gorgée de poison. Son cou se tendait alors que les artères semblaient se gonfler dun nouveau souffle de vie. Un long soupire de libération sensuivait. William avait sa dose.
En ce jour de printemps, le soleil dardait ses rayons matinaux contre la vitre de la chambre quoccupait William dans une auberge bourguignonne. La tignasse rousse en bataille affinait un peu plus le visage au teint laiteux. Le corps dégingandé de la grande asperge se remettait à peine dune diète hivernale forcée. William avait eu toutes les peines du monde à ingérer la graisse et autre morceaux de lard quon lui offrait pour simple nourriture, accompagnés dun bouillon au goût infâme. On voulait de lui quil reprenne des forces avant de se montrer, à nouveau, au monde extérieur. En lieu et place, il navait fait que samaigrir et perdre le eu dallant quil avait pu emmagasiné à lété précédent. Toutefois, il commençait à reprendre un semblant dallure. Ses vêtements ne semblaient plus taillés pour une personne autre que lui. Bien quémacié, son visage nétait plus creusé et ses yeux plus cernés dune auréole dun noir macabre. La vie semblait reprendre son cours, y compris chez lui. Alors quon frappait à la porte, William se levé et se rendit à la pièce qui servait de cabinet. Sans un mot, il commença à saffairer. Une personne pénétra dans la chambre et emballa les quelques affaires éparpillées ça et là. Au bout de quelques instants, ce fut un William en bonne et due forme qui fit son apparition dans une chambre désormais vide de ses effets personnels. A la place, trônait un homme à lallure presque aussi austère que son maître. Lhomme à tout faire de William connaissait le jeune homme dans les moindres détails. Depuis des années quil le servait, il avait acquis certains automatisme. Il avait notamment compris quil devait souvent agir sans rien demander. Ce fut pourquoi il avait pris la liberté de préparer le départ. Le vieil homme sinclina à lentrée du plus jeune. William lui adressa un maigre sourire. La dépression semblait un lointain souvenir, même si ce nétait pas le cas. Bientôt, William entrerait dans une sorte de phase deuphorie. Il le savait. La dépression et lentrain se succédait selon leur propre gré, sans rien demander à William, eux non plus. En ce sens, le Mirandole semblait navoir de prise sur rien. Du moins, rien qui ne le concerna directement. Il donnait le change la plupart du temps. Du haut de ses vingt-deux années, il avait appris à «faire avec». Ses sautes dhumeur passaient presque inaperçues. Il avait appris à cacher les épisodes les plus brutaux. Cétait aussi grâce à cet homme qui ne le quittait que rarement. Cétait son confident muet.
- Monsieur est-il prêt ?
- Il est prêt. Nous pouvons y aller.
- Paris ?
- Paris.
- Le cocher est prévenu. Vos affaires viennent tout juste de partir vers vos nouveaux appartements. Près du Louvre comme vous laviez demandé. Monsieur appréciera lendroit.
- Il vous fait confiance, comme à son habitude. Vous lui avez toujours été dune grande aide et il vous en est reconnaissant.
Il fallut encore peu de temps pour que la voiture attelée ne se mette en branle sous des cris braillard et le claquement dun fouet vaillant. Le voyage se déroula dans un silence de mort qui correspondait bien au deux occupants de la voiture. William se contentait de laisser son regard se perdre vers un horizon quil ne regardait pourtant pas. Ses pensées étaient ailleurs. Son accompagnateur némettait pas un son, semblait ne pas bouger un cil. William, quant à lui, se demandait si les robes se partageraient la vedette avec des tenues plus masculine. Il avait besoin de se refaire une garde-robe. Bien que sinistre par moment, il nen manquait pas moins dune certaine coquetterie. Il se demandait si la mode serait au velours et à la soie ou à de toute autre matière. Il aimait bien le velours et la soie finalement. Il esquissa un sourire amusé en repensant à cette nuit, il y avait quelques jours. Dans une crise de semi-démence, il avait envoyé au feu une bonne moitié de ce qui constituait la fierté dune garde-robe quil avait pourtant mis du temps à rassembler. Les beaux jours revenait et William semblait recouvrer une certaine envie de vivre. Il se sentait bien. Son acolyte décrocha un sourire énigmatique en apercevant la bonne humeur de son maître. Il hocha faiblement la tête, un geste presque imperceptible que William connaissait par coeur. Le jeune homme porta son attention sur son garde-fou et hocha également la tête, plus franchement. Leur connivence semblait saccorder sur le fait que lhiver était définitivement passer dans la tête du Mirandole. William glissa légèrement sur la banquette et posa la nuque sur ce qui faisait office dappui-tête. Il ferma les yeux et se laissa emporter par un sommeil quil retrouvait depuis peu.
La voiture sarrêta finalement devant lauberge, point de rendez-vous avec sa cousine et une amie que William ne connaissait pas. Le jeune roux sortit en laissant son homme de confiance. Les chevaux reprirent leur allure lente aussi sec et la voiture pris la direction des appartements nouvellement acquis. William savança à pas lents, mains jointes derrière le dos, jusquà la porte principale quil ouvrit sans hésitation. Lorsquil vit Merveylle descendre péniblement des escaliers, il la salua dune inclinaison du chef. En guise de simple bonjour, il étira un peu plus son maigre sourire tout en écartant les bras. Sa cousine était lune des rares personnes à pouvoir rallumer les braises de vie qui éclairaient parfois le fond de son regard dambre. Elle et une certaine princesse quil avait connu par le passé. Dailleurs, une certaine hâte létreignait. Elle avait certainement beaucoup changé, tout comme elle le trouverait probablement légèrement différent. Les années étaient passées sur eux comme leau passe sur la pierre et modèle le lit des rivières. Il ne restait plus quà savoir sil sagissait dun torrent ou de londe calme dun fleuve repu des alluvions dune nature florissante. Pour lheure, William ne sintéressait quà celle qui contribuait à maintenir son ossature frêle en place. Laccolade promettait dêtre délicate tant il savait son état de santé encore quelque peu fragile. Ensuite, peut-être, ferait-il la connaissance de cette amie dont il avait appris lexistence par courrier interposé.
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