Eunice
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- « Ma sur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves ! »
Charles Baudelaire Le vin des amants.
Le silence se fait omniprésent au creux de la petite tente chichement meublée pour l'occasion, gorgeant l'atmosphère claire de cette matinée printanière, d'une intimité grandissante entre les deux jeunes couturiers. En guise de réponse aux paroles taiseuses, elle se glisse lentement derrière la tenture protégeant la pudeur des célébrités d'un jour. A nouveau, la peau pâle et bardée de cicatrices nue de sa chaisne laiteuse défie lillade céruléenne et la retenue d'une jeune femme pour laquelle les affres de l'amour et ses badinages sont inconnus. Cramoisie par la vision qu'elle juge ardemment plaisante, ses paupières s'abaissent, sans savoir qu'ainsi, elles ancrent l'image au creux de son être. L'oreille attentive cueille dans un sursaut les paroles pourtant aimables de l'une des couturières de la boutique. Surprise et fautive comme un gamin pris sur le fait, elle balbutia quelques mots à l'égard des attentions de Laure.
« Je Te remercie mais tout... est ajusté. »
Une fois la journade enfilée, la petite dextre profite de cette proximité pour réajuster la mise des nobles tissus, prenant soin des derniers détails. Alors que les doigts délicats attachent la fibule soignée, son attention est retenue par le regard d'ambre qui s'attarde longuement sur elle. Les joues, loin de se couvrir d'un hâle rosé, accordent un sourire éclatant au jeune homme. Doucement, elle l'accompagne jusqu'à la scène aménagée. Les iris s'accordent quelques minutes pour l'observer déambuler, les pensées se gonflant d'une fierté peu habituelle devant son passage. Les chausses chatoyantes galbent parfaitement les cuisses entraînées et le poitrail pris dans les tissus délicats se voit mit à son avantage. Vitement, elle rejoint la sortie afin d'héler d'un signe de le couturier perdu. Et c'est finalement une menotte qui se fait réceptacle de la panique de Thomas et le guide jusqu'à une tenture pour se dévêtir. Loin des considérations et des clichés d'une époque dont elle ne fera jamais partie, Eunice s'accorde à dire, à l'instar d'une majorité de quidams, que la mode est aux chausses étroites car les mollets s'avèrent être la partie jugée la plus virile. Il est donc de bons tons de les afficher si l'homme s'estime mâle dans toute sa splendeur. Les couleurs étant unisexes, elles ne sont donc victimes d'aucune représentations malvenues. Dans un soupçon d'orgueil pourtant rare, elle pourrait même ajouter que cette tenue est l'apogée d'une virilité vécue et perçue. Le sourire irradie son visage tacheté d'une myriade d'éphélides si bien que ses yeux clairs étincellent d'une lueur discrète mais bien présente. Dans un élan incontrôlé, elle accorde à la chair masculine une étreinte en guise de remerciement, ses bras trouvant le chemin de sa taille. Pourtant, bien-vite, elle reprend ses esprits et s'éloigne, les joues bien trop rouges et les mirettes basses.
« Merci. »
- Merci à Jidé Jacques Elian pour son chouette lien.
Et j'en ai profité pour valider un challenge RP, héhé.