[Pendant ce temps-là à Limoges, à l'hostel de Brassac]
GUILLAUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUMMMMMMMMMMMMMMMMMEEEEEEEEEEEEEEEEE !!!!!!!!!
Cela faisait bien longtemps que le cri strident d'un Comte exaspéré n'avait résonné dans le Limousin, à écorner les boeufs, et que son intendant, plus que chenu désormais, ne s'était dirigé d'un pas nonchalant vers la chambre à coucher de son maître, n'avait frappé à la porte et n'était entré dans la pièce l'air mi-goguenard, mi-intrigué.
Votre Seigneurie m'a fait appelé ?
Assurément. Il faut que tu sois sourd pour ne m'avoir guère ouï ?
Je pensais qu'il s'agissait du vent dans le grenier, non de votre mélodieuse voix, messire Comte. Mais je vous rassure, on a dû vous entendre jusqu'à Vienne, pour le moins.
Regard comtal courroucé.
Tu comptes blablater jusqu'à la tombée de la nuit ou bien puis-je t'exposer le sujet de mon appel ?
Comme Votre Grandeur le désire. Votre Grandeur fait toujours ce qu'elle désire et tout ce qu'elle fait m'emplit de joie et de plénitude.
Guillaume... cesse, tu en fais trop !
Ah... je me disais aussi. C'est que Votre Seigneurie a si peu été Sa Seigneurie depuis quelque temps que j'en profitais pour lui rappeler le bon vieux temps.
Mais quel incorrigible bavard ! Vas-tu te taire, pendard ?!
Si messire le Comte le souhaite, je peux être aussi muet que grenouille.
Mouais... regard comtal sceptique... cela nous promet de belles heures de jacasseries en perspective. Quoiqu'il en soit, tais-toi !
Certes, Votre Seigneurie, je ne fais que ça !
Et bien, cela fait beaucoup de bruit pour du silence. Ne remue pas la bouche et qu'aucun son ne sorte de tes lèvres. Laisse-moi parler, ce que j'ai à dire est d'une suprême importance.
Mais comme toujours, Votre Grandeur. Comme toujours...
Regard comtal à nouveau courroucé mais étincelle joyeuse tout de même.
Bon, sur ce... geste grandiloquent du bras pour indiquer un tas de frusques... que sont-ce ces horreurs ?
Regard intrigué de l'intendant sur les nippes empilées et jetées en vrac sur l'immense couche comtale.
Il semblerait que ce sont les fourrures et les habits de Votre Seigneurie. Du moins, cela y ressemble de loin.
Hum hum... et pourquoi tout cela est-il si lamentablement vieux, défraîchi et passé de mode ?
Mais parce que c'est ce que Votre Grandeur a porté l'an dernier, aux diverses réceptions où messire le Comte s'est rendu.
Ton comtal dangereusement doucereux.
Sais-tu que Sa Majesté visite le Limousin d'ici quelques jours et que son escorte est déjà annoncée par nos routes ?
Assurément, Votre Seigneurie. Je suis sûr que même les boeufs en parlent jusque dans l'étable la plus reculée du Comté.
Alors, puisque la nouvelle semble être connue de tous,... OU EST L'HABIT QUE JE VAIS PORTER POUR SALUER SA MAJESTE ?????? JE NE VAIS QUAND MEME PAS ME PRESENTER DANS CES FRIPES REPUGNANTES ALORS QUE TOUTE LA COUR SERA PRESENTE !!!!!! FILE IMMEDIATEMENT CHEZ MON TAILLEUR ET RAMENE-MOI CET IMBECILE ICI SUR LE CHAMP !!!!!
L'intendant reste stoïque, nullement impressionné par les hululements comtaux. Il faut dire que cela fait plus de 30 ans qu'il les supporte, alors...
Et que désire Votre Grandeur ? De l'hermine, de la soie, du velours, du damas ? Broderies d'argent, d'or ? Quels bijoux portera Votre Grandeur, quel collier ?
TE POSE-JE DES QUESTIONS ? JE T'AI DONNE UN ORDRE ! POUR UNE FOIS DANS TA VIE, OBEIS TOUT DE SUITE AVANT QUE JE NE TE FASSE ROSSER !
Salut ironique de l'intendant.
Assurément, messire Comte, j'y cours. J'y vole même.
Sortie dignement lente du vieil homme._________________