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[RP]Les hommes rêvent du retour plus que du départ.

Taliesyn_de_montfort
“Moi, je n'ai pas d'ami. C'est trop fatigant d'être aimable.”

    L'impression d'interrompre le silence par le clapot continue de l'eau sur la proue du bateau. Le manque de vent ajoute à cette impression autant que la brume de l'aurore flottant au dessus de la mer. Il n'y a pas un bruit sur le port de Pornic, quelques lumières restés-là preuve que l'aube est récente et quelques hommes déchargeant des cageots surprennent la stupeur du silence. Le marché à cette heure-ci devrait déjà se mettre en place, mais, lorsque les quelques voyageurs provenant de Bretagne avaient croisé sa route, les nouvelles étaient toutes les mêmes :Le règne Kerdraon avait vidé de sa substance la Bretagne telle qu'elle était connue et ce n'était que la suite d'une longue souffrance.

    Ces deux dernières années avaient été éprouvantes, suite à l'appel de son cousin Nicola Pietravalle di Monforte, il avait passé deux années sur les champs de batailles pour le royaume de Naples. Visiblement éreinté et ayant pris 10 années de plus en 2 ans sur les traits tirés de son visage, le Prince arrivait enfin à bon port et mettait le pied sur la terre ferme avec un certain soulagement. Fanch son lieutenant de dizaine ouvrait la marche et donnaient les différents ordres aux quelques hommes qui accompagnaient le Prince. Des visages burinés par les épreuves, les parures étaient riches, les jeunes soldats qui étaient partis avec Taliesyn revenaient en guerrier aguerris, mais des 200 hommes partis il n'en restait qu'une vingtaine. A ceux-ci s'ajoutaient quelques ottomans et arabes qui de mercenaires attachés au breton étaient devenus liges, alors les accents se mêlaient sur le déchargement, ou surenchérissaient les ordres du lieutenant.



      Fanch, fais porter l'étendard du Cerbère devant l'hostel où nous siègerons, je veux qu'on sache que je suis de retour, je veux qu'on sache que le Prince est de retour à Retz, je veux que mes sujets sachent que leur Prince est de retour.



    Il n'y avait pas que les échos de la Bretagne qui m'étaient parvenus, Gwilherm, mon intendant était mort depuis mon départ, et les Kerdraon en avaient profités pour me retirer mes terres, mais cela n'était qu'un bout de papier. Bien que les riches rentes avaient été prises par les fonctionnaires du Grand Duc, la loyauté de Retz aux de Montfort étaient toujours réelles. Il fallait qu'on sache que j'étais de retour, et j'en avais informé mes vassaux lorsque mon départ fut en projet. En retour, j'avais eu pour information le postulat de l'un d'eux au titre de Grand-Duc. Je ne pus m'empêcher un éclat de rire, cela devait mettre une belle pagaille, les Kerdraon pensant bien avoir vidé toute la Bretagne, il en restait cependant encore un pour tenir tête et proposer une alternative. Je le soutiendrai bien évidemment.

    Les chevaux descendaient en renâclant de la passerelle glissante et avec quelques efforts la compagnie était de nouveau sur le pied de guerre, cette impression de déjà vu se figeaient dans mon esprit, à combien de reprises nous avions dû répéter ses gestes sur le conflit napolitain. Je laissais le soin à Fanch de gérer notre installation dans l'auberge et je partais flâner sur le marché qui s'installait difficilement, peu de gens, peu de choix, peu de sous, tristesse. Quelques un me reconnaissait, même s'ils débattaient entre eux se pensant discret, certains arguant du fait que j'étais bien plus jeune que la personne qu'ils avaient en face d'eux. Sans considération plus importante que cela à mon égard, malgré ma posture et les vêtements qui laissaient envisager ma stature, la noblesse devait avoir perdu le respect des gueux pour en arriver là.




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Pour me suivre
Equemont
Un coursier arriva en trombe dans l'atelier dans lequel Equemont était en train d'inspecter une armure que l'on venait de lui confectionner. Sans crier gare, l'homme parla très fort pour se faire entendre au dessus du ronflement de la soufflerie.

Messire Equemont ! On m'envoie vous dire que le Prince est de retour !
Le prince ? Quel prince ?


Entre tous ceux qui étaient à moitié un pied dans la tombe, il ne savait pas de qui il s'agissait.

Le Prince Taliesyn !

La réponse ne fut pas immédiate, Equemont demeurant pantois quelques secondes. Comment était-ce possible ? Il n'avait eu aucune réponse à ces courriers, ne savait plus s'il était vivant. Voyant le silence du Blond, le coursier combla en donnant quelques détails.

Il arrive par nave dans quelques jours.

Froncement de sourcil, puis réflexion.

Bien. Appelez-moi Messire le Sénéchal et dites-lui de venir dans la cour.

L'homme s'inclina et s'en fut.

    Le lendemain.


EN AVANT !

L'ordre avait été lancé à la troupe de chevaliers constitués pour rejoindre le port de Pornic. Il était presque impossible de faire arrivée simultanée, aussi, ils attendraient dans la ville. Franchir la Loire et rentrer chez soi. Equemont sentait à l'air qu'il arrivait près de ses origines. Machecoul, ville de sa mère.

Mais à leur arrivée, ils virent un bateau pavillonnant les armes de Retz amarré au port. La fébrilité des gens montraient qu'une chose extraordinaire arrivait. Ceci fut renforcé par l'arrivée de la troupe de fiers chevaliers en armes.


Laissez passer les chevaliers du Cerbère ! Ecartez vous !

Bon, ce n'était pas exact, il s'agissait des hommes d'Equemont. Mais comment ce dernier aurait-il pu oublier son suzerain. Arrivé à la hauteur du Prince, Equemont sauta de selle. Il s'inclina devant le jeune homme qui semblait avoir pris quelques années.

Alors Altesse, vous nous revenez ?

Auriez-vous fait le tour de toutes les cuisses italiennes pour revenir dans nos contrées pluvieuses ? Hinhin.
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Taliesyn_de_montfort
“La loyauté, c'est aussi d'être fidèle à soi-même.”

    Alors qu'il n'était qu'à l'entrée de l'auberge qui les accueillaient, lisant les quelques vélins qui étaient arrivés à la suite de la nouvelle de son arrivée à Pornic, un certain "Rhuys", qui n'étaient pas très volubile pour un ancien vassal. Vu leurs échanges précédents il s'étonnait de cette prise de contact, un autre vélin de sa nièce, elle était visiblement déjà sur place à l'attendre dans un autre hostel, il fit un signe à Fanch pour qu'il fasse mander un sergent d'armes pour aller prévenir sa vassale. Raillés par un goéland à la quête d'un poisson perdu sur l'une des caisses déchargées par les marins, il se surprend à s'attarder sur la forteresse surplombant les falaises. Tiquant de dormir à l'auberge comme un voyageur, il se surprit à jurer en italien :


      Pezzo di trottolino amoroso*, j'espère qu'ils n'ont pas touché à rien.


    Doucement la foule commençait à se faire, il paraissait que le Prince était de retour, et certains voulaient voir ca de leurs propres yeux. Une rumeur donc embrasait le marché, tranchant avec le calme à prime et je me mis à déambuler sur la place, me surprenant à devenir l'attraction du jour pour les badauds. Certains s'inclinaient, d'autres se retenaient de cracher au sol, on me tendait les nourrissons pour que je les touche, un drôle de sentiment m'envahit. Comme un sentiment de devoir envers ces gens. J'avouerai plus tard que leur sort ne m’intéressait pas autant que de retrouver ma stature, mais je m'étonnais à la propension des petites gens à oublier mes absences répétées et leur gout au servage par la noblesse. On m'embrassait la main et certains me réclamaient des écus mettant en avant la misère qu'était la leur. Ne pouvant m'empêcher un regard dédaigneux, je lançais une pièce non pas par miséricorde mais pour chasser de mes yeux le spectacle que je jugeais affligeant.

    J'avais beau avoir passé des semaines sur des terres de conflits, avoir vu des soldats souiller leur froques avant les combats, subir les pires amputations, et survivre aux pires mutilations, les badauds ne pouvaient que m'inspirer pire dégout de la crasse dans lequel ils se contentaient de survivre, sans perspectives mais béat d'un paradis d'illusion dans lequel la curaille les berçaient pour adoucir leur vie indigente le temps qu'ils grossissent le troupeau. Repoussant une vilaine me bavant trop sur la main du dos de la main, je fais un signe aux deux soldats m'accompagnant pour faire disperser la foule. J'avais donné pour un moment, ils pourront se réjouir de m'avoir approché par ma mauvaise fortune. Jamais en temps normal je me serai laissé à un bain de foule, préférant retrouver le parquet des salons de mon château de Rézé.

      Laissez passer les chevaliers du Cerbère ! Ecartez-vous !


    Les Chevaliers du Cerbère, un sourire s'arracha à son visage tiraillé de fatigue et de barbe bien trop longue au gout du Montfort, la plupart des Chevaliers qui l'avaient suivi étaient morts, seuls ceux restés en Bretagne étaient indemnes, mais son ordre n’avait pas tenu après son départ. Il ne pouvait donc s'agir que d'Equemont, cela m'étonnait d'autant que sa position changeait, me connaissant il n'est pas dit que je serai venue accueillir un suzerain absent qui serait sur le point de devenir mon vassal de fait par l'acquisition du titre souverain. Mais Equemont n'était pas moi, et cela était préférable pour bon nombre de personnes de ne pas être comme moi, je ne le supporterai pas. Un rire intérieur et je vois Equemont arrivé à ma hauteur pour s'incliner, j'attends qu'il se relève et lui prend l'avant-bras pour le saluer à la manière des hommes d'armes.

      Je suis ravi de te vous revoir Equemont, votre trogne est bien plus agréable à revoir que celle de mes soldats.


    A cela il ajoute un rire gras, qui fut accompagné rapidement par les deux hommes d'armes qui l'accompagnaient. Une sorte de fraternité c'était installé avec ces quelques hommes qui l'avaient suivi jusqu'au charnier de la bataille de Troia pendant ces deux ans. Ils en gardaient des séquelles bien visible, l'un borgne, l'autre balafré en diagonal sur le visage, souvenir d'une hache arrêtée trop tard. Indiquant la route devant lui, il invite Equemont à marcher avec lui.


      Bientôt ca sera à mon tour de m'agenouiller si mes informations sont bonnes. Autant j'essayais de gagner des terres en Italie aidant un héritier au trône de Naples face au complot du Pape, autant je perds les miennes ici, il n'est finalement pas dit que j'aurai à le faire, Prince sans terre que je suis. Mais vous, détenez-vous toujours Machecoul malgré tout ? Je sais le "Grand-Sage" opportuniste à frapper l'ami de ses ennemis et à fortiori ses vassaux.


    M'appuyant sur mon stiletto, je me redresse le dos, et m'habitue à marcher sur un sol qui ne se dérobe pas sous l'effet d'une quelconque houle. L'air iodé et quelques peu humides finalement me manquaient dans cette Sicile plus aride qu'autre chose.

      Qu'est-ce que vous comptez faire pour cette Bretagne désormais ? Il m'est plus facile de me lancer dans une charge sur une bataille quasiment perdue d'avance que dans un projet politique comme celui-ci.



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*Morceaux de merde
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Pour me suivre
Equemont
Rencontrer Taliesyn de Montfort relevait d’un voyage dans le passé pour Equemont. Non tant parce qu’il était une relique presque oubliée de la Bretagne, mais parce que le duché de Retz était la madeleine de Proust du Salar. Il avait chevauché de long en large cette terre tant aimée. D’aucuns disaient qu’elle ne ressemblait pas encore complètement à la Bretagne, et ce n’était pas faux, le climat était doux, plat et sobre. Point de relents ni de fracas sur les rochers, mais une eau paisible qui s’écoulait sur le sable. Et pourtant les hommes qui sortaient de là ressemblaient plus à des rocs taillés pour être des guerriers qu’à une bande de guimauves sans saveur ni odeur. Ainsi les soldats du cerbère puaient. N’était ce pas d’ailleurs la rançon de l’homme qui travaillait ? Seul celui qui restait dans son bureau à se poudrer le nez épargnait aux autres l’odeur de sa crasse. Mais dans ce siècle de Renaissance, les nez étaient moins précieux pour ceux qui ne jouaient pas la vie de cour. Désormais, la tendance serait inversée et de vassal, l’ancien baron de Machecoul allait devenir souverain et suzerain.

Nous parlons de madeleine de Proust parce qu’au tournant de la vie d’un homme, alors qu’il va être reconnu comme l’incarnation d’un peuple, il lui est bon de retrouver ses racines profondes. Elles sont là dans le sol de cette terre, et dans la fidélité à cet homme dans les mains duquel il a prêté serment. Pour un peu Equemont aurait senti la sève de la longue lignée des rois de Bretagne. Il ne put se retenir de penser à saint Salomon. Cet homme monté sur le trône n’avait pas dans un premier temps brillé par son honnêteté, mais dans le don de sa vie pour la Bretagne, il en était devenu une des figures emblématiques. Le tournant s’était fait pour Equemont lorsque saint Tugdual avait guéri son fils. Un miracle de cet ordre avait bouleversé son cœur et à cet instant il avait su qu’il était appelé à un destin exceptionnel. Non par orgueil personnel, mais parce qu’ainsi le monde était fait, que certains aient à régner.

Un fin sourire répondit à la demande du prince. Détenait-t-il encore Machecoul ? Cette question lui semblait inextricable. Parce que le suzerain ne peut pas ignorer que son vassal n’est pas un esclave. On ne destitue pas comme une lettre à la poste. Alors ce ne fut qu’un haussement d’épaules qui accompagna cette demande. Taliesyn connaissait manifestement la réponse.

Redoutable demande sur l’avenir de la Bretagne. Bien qu’ayant préparé un projet, Equemont s’était refusé à entrer dans la catégorie de l’élection ducale. Tout ce qui serait de leur du gouvernement resterait bien dans les mains du gouvernement. Ces deux hommes se connaissaient mieux qu’il n’y paraissait. Au fond d'eux quelque chose était forgé dans le même métal. Les vains discours n’étaient de leur acabit.


Régner.

Voilà le programme comment pouvait-il il en avoir un autre ? Toutes les bonnes idées de la terre ne sauraient venir à bout de conflits, de guerre, d’ambition, sans cette simple dimension du règne. Depuis bien trop longtemps la Bretagne avait perdu de la face. Il fallait lui redonner un visage, un homme dont on puisse être fier. Il savait que certains le honnissait. Mais il ferait ses preuves et lorsque l’on prononcerait son nom il n’y aurait pas à rougir de la Bretagne.

Je prendrai pour modèle saint Salomon. Oui je vais chercher loin dans le passé, mais au moins personne ne me reprochera d’être de tel ou tel clan. La Bretagne s’est réduite à une peau de chagrin. Je veux battre contre cela.

Partageriez-vous un verre à votre auberge ? Cela nous rappellera les bons souvenirs !

Un nouveau sourire éclaira le visage du blond, il avait gagné son rang de baron dans une auberge en sauvant le prince d’un attentat. N’était-il pas plus que convenable que leur rencontre se passe à nouveau dans une auberge, et qui sait quelques sacripants pourraient débouler et une joyeuse rixe pourrait égayer leur soirée !

Pour la première fois depuis bien longtemps, Equemont sentit au fond de son âme une joie subtile, couronnement d’un accomplissement de jeunesse. La boucle était bouclée.

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Taliesyn_de_montfort
“Comment vivre sans inconnu devant soi ?”

    Régner, c'est un grand mot, un gros mot même. Mais à l'issue d'un règne qui avait agi tel les raids vikings sur la Bretagne, vidant de ses forces vives le Grand-Duché, il fallait plus qu'un règne normal pour remettre en selle la Bretagne, mais l'équivalent d'un Alan Barbetort. Bref, Salomon pouvait tout aussi être un exemple, mais il fallait trouver l'équivalent d'un Erispoe à assassiné pour commencer un même règne dans le sang. Un drôle d'exemple à suivre, un saint qui voulait unifier la Bretagne en commençant dans le sang et en finissant dans la foi.

      Salaun en modèle, un expansionniste donc, mon père devait avoir plus comme modèle Nominoë au vu qu'il avait appelé mon cadet Erispoë. Vous n'avez rien contre lui j'espère?


    Un sourire, et j'enchaine dans mes pensées, repensant à ce qu'il me restait de mes précepteurs. Mais la partie ancestrale de la Bretagne ne m'avais jamais trop attiré, je me tournais plus vers la Bretagne contemporaine, mes héros étaient les dux plus que les rex, par leurs talents à défaire les royaumes, et finalement, avec le recul, j'avais plus d'inspiration dans mon propre père dans ce qu'il avait fait que je ne me voyais pas capable. Chose que je n'avouerai jamais, car rien que ma présence en Bretagne apporterait sa dose d'inquiétude de me voir un jour revendiquer quelconque héritage de la couronne.

      Je vous paraitrai de mauvais conseils pour vous dire que c'est dans l'antagonisme des clans que la Bretagne a toujours eu une meilleure synergie? Lorsque Montfort, Guérande, Brocéliande, Kerkrenv et autres Kerdraon s'opposaient pour avoir le meilleur rayonnement que la Bretagne tiraient le meilleur d'eux-mêmes? L'erreur du dernier régnant à été de penser qu'un clan seul pouvait faire l'affaire, mais c'est dans l'adversité que l'on se magnifie. Et les bretons ont toujours été plus prompts à être les meilleurs contre, que pour quelque chose. Il n'y a qu'à voir que depuis que la France n'est plus un ennemi et l'indépendance reconnue la Bretagne n'a cessé de perdre de sa substance.


    Et me voilà à bavasser sur mes théories, j'arrêtai là, après tout je ne revenais pas pour ça. J'avais une toute autre cargaison et d'autres projets qui m'appelaient. Croisant mes bras derrière la tête j'avançais vers cette auberge, notre boucle prenant fin, et mon arrivée en terres de Retz signifiant la fin d'un qui-vive permanent. Il restait encore cà et là des regards, et je me rendais compte qu'il s'orientait désormais plus sur mon vassal que vers moi-même. Je ne pus m'empêcher un sourire, et une remarque à moi-même, cela ne pouvait durer ainsi pour mon égo, j'aime trop être le centre de l'attention pour ça.

      Normalement cette auberge aura l'avantage d'être plus calme que la dernière que nous ayons fréquenté


    Enfin c'est à espérer, et nous voici baissant la tête pour entrer dans cette auberge de pécheur, sentant l'humidité du vieux bois accompagné des craquements des flammes d'un foyer permanent, à la fois outil de cuisine que mal nécessaire pour lutter contre l'humidité permanente. Une table est déjà prête et nombre de mes soldats sont déjà attablés dans une humeur vive. Le plaisir des vivres bretonnes certes plus rustiques que les mets italiens, mais toujours plus agréable que les portions des marins ou du rationnement de la Bataille de Sarno. Nous rejoignons donc une grande tablée ou deux places côte à côte sont libres, l'auberge pleines de soldats ne laisse pas beaucoup de place à un traitement de faveur. Et, là ou auparavant j'aurai rechigné à être au même niveau que mes soldats, je me voyais user à l'accoutumée de la promiscuité et au peu d'intimité. Je tends ma main vers la place sur le banc entre moi et un soudard méritant autant un bain que celui qui était épaule contre épaule à ma gauche.

      Quand j'aurai eu loisir de prendre un bain, changer mes vêtements que je porte depuis 3 semaines de mer et que j'aurai dormi dans un vrai lit, je me sentirai obligé de manger à part de mes soudards pour qui sentir le porc est un devoir. Mais là je ne vaux pas mieux qu'eux, vous sentirez vous de faire obstacle à la bienséance et à partager cette joie du retour en nos terres avec nous ? La pitance est pour moi.


    Et l'ottoman en face de moi de me tendre la chope pleine de bière qu'on lui avait servie par défaut, tandis qu'on faisait glisser la jarre sur la table en direction du futur Grand-Duc. Je lève ma choppe en direction du Salar, puis fais un rond pour saluer la salle.

      A notre Bretagne que nous retrouvons enfin, fini la bière sans gout, le vin sucré et les maigrichonnes ! Ce soir pour fêter notre retour, je vous paie votre soirée au bordel, débrouillez-vous avec Fanch pour qu'il vous file votre solde et ce qui va avec, moi-même j'arrive pu à voir mon or quand c'est lui qui le gère !


    Et ce fut un enchainement de rire gras, et nous fumes nombreux à boire notre choppe d'une traite, sans manière. Je fêtais mon dernier jour en condottiere demain je serai de nouveau un prince. Et quand on parle de loup, c'est Fanch que je vois se ramener, poussant le "colis", tout encapuchonné jusqu'à ses appartements dans les étages de l'auberge. Je me rassois en suivant du regard son parcours. Les hommes n'y prêtent pas plus attention que ça, ayant eu cette ombre mystérieuse avec eux depuis Constantinople. Toutes les rumeurs ont tourné à ce sujet et ont animés les nuits tant sur le bateau qu'autour du feu de camps.


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Pour me suivre
Moi_a_toi...ou_pas
    (Est-ce que tu as été sage, d'abord ?)

    En plein vent à la poupe du navire, debout, droite, les poings fermés sur la rambarde du large balcon qui borde le château arrière où se trouvent ses quartier, cette ombre Mystérieuse prend le frais.

    Impériale, toujours. Même sur l'océan, même seule devant l'immensité, même affublée de cette cape immonde.
    Les goûts du Prince en terme vestimentaire laissent clairement à désirer. Comme son hygiène.

    Les yeux mi-clos, notre Mystérieuse voyageuse ne boude pas son plaisir. Elle se laisse éblouir par la lumière, enivrée par le soleil du matin.
    Sous de tels cieux, l'étendue déserte de la mer devient excitante...
    En tout cas, mieux que la réclusion qui a été la sienne depuis son départ forcé de Constantinople.

    Elle relève soudain la tête. Elle a entendu claquer sur l'entrepont les drapeaux qui servent à communiquer avec les autres navires. Quelqu'un, là-haut, hisse un signal : la terre est proche.
    Bretagne.

    Des grands pas viennent à sa hauteur. Le Prince avec le même regard d'avant, le même mépris, la même haine, la même impatience.

    Nous approchons de Pornic, retournez dans vos quartiers. Personne ne doit vous voir.
    - Qu'importe qu'on me reconnaisse, je ne veux plus être traitée en prisonnière.
    - Vous serez traitez exactement comme je l'entends ou bien ...
    - Ou bien ?
    Il serre alors son avant-bras avec brutalité.
    - Ne me forcez pas à vous faire mal.
    De l'envie ? De l'ambition ?
    Quelle que soit la nature de la fièvre qui dévore cet homme, son ardeur est sombre.

    La Mystérieuse se détache de lui, le regard furieux. Elle lui lance tout en se dirigeant d'un pas lent vers sa cabine :

    - Vous ne sauriez pas par où commencer pour me faire vraiment ... mal.
    Elle le laisse sans voix, comme souvent, et rajuste sa capuche informe avant de disparaitre dans le ventre du navire.

    Quelques heures plus tard, absorbés par ses rêves et ses peurs, la Mystérieuse n'entend pas Fanch ouvrir la porte et lui faire signe de le suivre.
    Un personnage plutôt sinistre, modeste, mais dont l’œil s'éclaire en sa présence, une lumière menaçante et fugace.
    Elle a déjà tenté de le charmer pour qu'il lui défasse ses chaînes après la bataille de Troia.

    En vain.
    Même si il a l'air de perdre ses moyens en sa compagnie, sa loyauté aveugle envers le Prince est indéfectible.

    C'est l'heure mia Donna.

    Elle se lève avec une soif de revoir la Bretagne dévorante. Une soif d'exister de nouveau au monde encore plus dévorante.
    En passant devant les marins qui toujours l'engloutissent de leurs regards avides;
    en descendant sur le quai où les marchandises emplissent ses narines d'odeur salées;
    en traversant le marché jusqu'à cette auberge après que le Prince et ses Cerbères en franchissent la porte;
    la Mystérieuse frissonne de chagrin et tremble de colère.

    Bretagne est là, s'étendant devant elle après tant d'années et elle revient en presque esclave.
    Après avoir connus mille richesse et le pouvoir d'une impératrice, elle revient bafouée.

    Quand elle croise le regard de ce grand homme blond, à la stature charismatique, qui parlemente avec Taliesyn, elle articule dans un souffle :

    Sauvez-moi ...

    Avant que Fanch ne la pousse avec une délicatesse toute relative dans les escaliers.
Equemont
Le blond écoutait la longue digression du prince. Comme souvent lorsqu’il était presque gêné, un sourire en coin, bien que non moqueur, s’installait sur le visage du Salar. La Bretagne avait tant changé depuis le départ du duc de Retz. Les antagonismes n’existaient plus, on était allé au bout de la logique de l’affrontement. Il ne restait en héritage de ces luttes intestines que le désir commun d’unité plus grande. La Bretagne, Equemont en était persuadé, était en train de vivre un moment de transition et de renouvellement.

Mon prince, vous savez, les familles se sont tellement fait la guerre selon votre logique, qu’elles sont désormais réduites à des peaux de chagrin. Ces luttes furent constructives sous le règne de votre père, que je n’ai pas connu.

Il devait le contredire sur un deuxième point.

Et sur cette question de l’indépendance, mon avis est plus nuancé. Plus personne ne remet en cause l’indépendance de la Bretagne. Le véritable problème, c’est que nous n’avons pas su montrer ce qu’est la Bretagne dans sa force et sa gloire sans confrontation. Peut-être sous mon règne y aura-t-il la guerre, je pensais lorsque j’étais votre vassal qu’il fallait la guerre pour unir la Bretagne, mais aujourd’hui je crois que c’est l’inverse. Si la Bretagne ne sait pas trouver dans ses propres racines sa raison de vivre en dehors de la confrontation, elle vivra toujours comme une petite fille mal éduquée. Je me refuse à cela.

Il était lancé, il aurait pu parler toute la nuit ainsi, de son véritable amour, la Bretagne. Mais nous retrouvons nos deux guerriers quelques heures plus tard autour d’une bonne bière. Personne ne se doutait qu’à côté d’eux, celui qui serait le souverain de Bretagne buvait et riait comme tout un chacun. La force militaire résidait dans sa proximité avec les hommes. En chef de guerre, Equemont ne pouvait l’oublier. Il avait besoin de se griser ce soir-là, pour fêter le retour de ce jeune homme, pour prendre des forces devant l’adversité.

Il se mit un peu en recul de la scène, riant mécaniquement aux blagues des soudards, buvant chope sur chope, observant les différents comportements. Bientôt passa à côté de lui une femme, du moins le supposa-t-il à cause de la fine silhouette cachée par une cape trop large. L’œil exercé d’Equemont reconnut un maintien de princesse. Dans un premier temps, il imagina une maîtresse secrète que le Montfort n’a pas voulu exposer à ses marins, de peur que leur désir ne les conduise à la mutinerie.

Qu’est-il de plus séduisant pour un homme que de devoir imaginer une femme dont il peut distinguer les traits. Sûrement elle l'a repéré par ses vêtements le distinguant des autres soldats, aussi peut-être par sa manière de parler, par son visage. Elle passe à côté de lui, il entend sans savoir si son imagination lui a joué un tour. Il lui a fait une demande qu’un chevalier ne peut ignorer. Un homme de main du prince conduisit cette supposée femme à l’étage, sans grand ménagement.

Il n’était pas encore temps de faire une esclandre. Mais à partir de ce moment-là, le visage du Salar parut plus fermé. Devait-il monter à l’étage pour faire sa propre enquête ? Devait-il interroger Taliesyn ? Pourquoi était-elle captive ? Était-ce une manœuvre de séduction ? Qu’y avait-il sous cette cape ? Toutes ces questions se bousculaient dans l’esprit d’Equemont. Il se leva et sortit évacuer ses bières contre un arbre. Il ne put s’empêcher regard vers l’étage où une faible lumière éclairait une des chambres. Elle devait être là, se préparant à la nuit. Le blond s’adossa sur un muret et observa, songeur.

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Taliesyn_de_montfort
“Tout sadisme semble la volonté délirante d'une impossible possession.”

    Le Prince de Retz, se laissait à la contemplation de cette fête qui prenait ampleur dans cette auberge pour le retour en Bretagne, voir le retour de la Bretagne comme semblait l'espérer le Salar. Il écoutait le diagnostic posé, le nez dans sa choppe d’ale de piètre qualité, et ne réagissait qu'en quelques truchements. Il se rendait compte de sa limite en terme de politique par le peu d'intérêt qu'il y portait rapidement, le lassant rapidement, il ne viendrait pas alimenter la conversation. Il était opportun, et avait connu la candidature de son vassal au poste de Grand-Duc, l'espoir résidait dans son retour aux affaires sur Retz par ce biais-là, même si c'était plus l'occasion qui faisait le larron.

      Vous avez certainement raison, nous n'avons pas su transformer l'héritage du règne de mon père une fois l'indépendance acquise, il n'y a pas eu de remise en question interne.

    Nos échanges finissent par être interrompu quelques petites secondes, quand je vois Fanch amener mon invitée dans ses appartements. Je ne parviens pas à voir cela que lorsque je vois le regard d'Equemont comme attiré avant qu'il ne change l'objet de nos discussions. Qu'il l'ait vu me dérange d'une manière que je définis mal, est-ce par la potentielle problématique que cela va me causer, ou que quelqu'un d'autre que mes soldats aient à croiser ne serait-ce que son regard. Je fais un point avec Fanch qui revient de la chambre un certain moment. Nous devons préparer la prochaine étape de notre périple, et il se fait nécessaire que je croise le Marquis de Dol pour qu'une association profitable en naisse. Je lui demande d'organiser notre départ en fonction de cela. Puis je me retourne, la journée fut longue et à la fois très rapide à passer. La moitié des soldats dorment sur les tables ou parlent entre eux ne laissant que quelques éclats de voix interrompre le brouhaha léger et routinier de l'auberge tandis que l'autre moitié est certainement partie écouler une partie de la solde exceptionnelle dans les bordels du port.

      Qu'a-t-elle dit lorsque tu l'a fait monter pour que le Salar soit retourné ainsi


      Je n'ai pas entendu clairement, mais je crois que c'était "sautez-moi", altesse.


    Je fronce les sourcils à ce que me dit Fanch, je ne la comprends définitivement pas et cherche à voir ce qui pourrait la pousser à faire ca? Une provocation nouvelle de sa part me concernant, un excès de lubricité, une tentative d'attirer l'attention sur son sort et de trouver un nouveau protecteur. Maintenant que le terme du contrat était échu, il allait falloir reconsidérer les relations avec cette rançon due. Il était son créancier, mais que valait cette dette et qu'elle pouvait être les gages que j'allais en tirer. Je reste perplexe, car ce n'est pas mon habitude, de ne pas savoir tirer bénéfices des situations qui se présentent. Je me tourne mais ne vois plus mon vassal dans les parages, craignant finalement un geste malheureux, je me tourne vers Fanch.

      Vous êtes certain? Bref, passons, où est-il?


    "Il" ne pouvait être qu'Equemont, et du menton le lieutenant montre la porte d'entrée que je saisis pour me retrouver dehors, je le vois absorbé par les fenêtres de l'étage, et je m'arrête à ses côtés en quinconce pour pouvoir voire son visage en tournant la tête sans lui pisser sur les pompes pour autant, je sors le molosse, et parlant plus fort pour couvrir le bruit du liquide s'écoulant sur la terre, je tourne mon visage vers Equemont.

      Elle vous a enivré en peu de temps n'est-ce pas? Elle a cet effet-là. Un peu comme un poison vous prend les veines, accélérant votre rythme cardiaque pour vous rendre compte que cela peut-être votre fin aussi rapidement que ce fut la plus forte sensation que vous ayez. Une exaltation de petite mort de sortie infantile, celle qui vous fait rentrer dans le monde adulte et qui vous promet que le sablier jusqu'à votre fin ne tombera pas grain par grain mais tel un flot que vous ne pourrez interrompre. Juste négocier l'écho qu'aura chaque grain de sable dans la vie des hommes. Je vous déconseille sa consommation, elle ne fera qu'accélérer le flot et en faire perdre toute saveur au reste de votre vie, à la mission qui est votre. Et malgré tout ce que je vous dis là, ce sera désormais, de ma faute, la plus grosse tentation que vous ayez d'inassouvi. Mais gardez mon conseil en votre fort. Car moi elle me consume déjà sans que je ne puisse faire autre chose que de bruler en déraison, et pour cet envoutement inextricable qu'elle a sur les hommes, elle doit être punie, car elle a fait faillir des hommes dans leur devoir avec plus de conséquences que la peste noire sur des nations.


    Ne lui donnais-je pas plus d'importance que ce qu'elle avait ? Mais il était difficile sous mon prisme de voir cela autrement. L'avantage de la bière, c'est que lorsqu'on la vidange, elle offre un temps pour le monologue. Rangeant le matériel à son endroit, je me tourne pour observer à mon tour la fenêtre. En d'autres temps elle aurait été brulée pour quelques motifs de sorcellerie vu son pouvoir sur les hommes.

      Je crois qu'on en a assez parler. Mais sachez pour votre conscience, car je vous sais empli d'honneur plus que je ne le suis en égo, cette femme a plus de valeur vivante en prise de guerre que morte. Et si j'avais voulu la moleste plus que ce qu'elle ne mérite, mes soudards en auraient fait leur office. Il faudra compter sur la confiance que vous avez en moi. Mais sachez que je ferai en sorte qu'elle ne reste pas en Bretagne, car ce serait une plaie que je ne vous souhaiterai pas. C'est désormais mon fardeau.


    Je jette un dernier regard vers la fenêtre, car ce fardeau a aussi un revers des plus séduisant et c'est en cela qu'est le pouvoir de cette femme sur moi-même. Mon oreille est attirée par un bruit de chevaux approchant l'auberge, il semblerait que nous ayons visite, serait-ce mon soldat parti en mission plus tôt dans la journée qui arriverait enfin ? Ma nièce aurait- elle maintenant tellement de toilette à organiser qu'elle y prendrait une journée entière pour se manifester à son suzerain ?

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Pour me suivre
Moi_a_toi...ou_pas
    (Manuel de Survie en situations extrêmes : comment échapper à deux grands méchants loups ?)
    (1. Analyser leur comportement).

    Deux hommes, un arbre et l'appel de la nature ...
    Ou comment rendre glamour une conversation à cœur (braies?) ouvert(es) ?!?

    A quelques pas de la fenêtre, l'étrangère à présent seule, défait un à un les liens de son corsage.
    L'opération prend plus de temps que sa patience ne le supporte, et elle s'énerve contre les rubans et dentelles sur lesquelles elle finit par tirer avec violence.
    La pire des tortures est sans doute de n'avoir aucune chambrière avec elle.
    Une femme de son rang ne devrait jamais se déshabiller seule.

    Soudain, des éclats de voix au-dehors. Elle s'approche de la fenêtre, retient d'une main son corsage défait.
    Plissant à demi les yeux, elle croit reconnaitre Equemont et Taliesyn, autour d'un arbre, comme absorbés par une vision.
    La sienne, en fait !
    Ne regardent-ils pas tous les deux dans sa direction !?!


    (2. Ne réagissez pas.)
    Interdite une seconde, ses cils battent la surprise. Brièvement. Elle n'est pas Femme à se laisser déstabiliser par le danger.
    Le front tendu par la réflexion, la main accrochée à son corsage, elle contemple leurs visages dans la pénombre.
    Par la porte laissée ouverte de l'auberge, elle peut entendre les rires gras et les chants paillards des cerbères qui résonnent dans la cour.
    Leur agitation ne semble pas les atteindre tous trois. Les deux hommes scrutent la nuit, tentant de distinguer, chacun à leur manière, dans l'obscurité, dans l'éclat sombre de ses prunelles vertes, la vérité.

    La fille de l'aubergiste rompt ce duel silencieux en ouvrant la porte de la chambre d'un coup bref, et remplit le baquet d'une eau chaude et savonneuse.


    (3. Adoptez une attitude soumise).
    - Ils sont cruels, soupire la Mystérieuse restée à la fenêtre.
    - Qui est cruel, ma Dame ?
    - Les hommes.
    - Pas pour vous on dirait, répond la jeune fille qui jette un œil mauvais au dos nu et sculptural de l'étrangère.
    - Pour moi comme pour tout le monde. Et il n'y a qu'une seule façon d'échapper à leur cruauté.

    Dardant son regard tour à tour dans celui des deux hommes, elle incline soudain le menton, acte de contrition, en leur direction. Elle s'attarde cependant sur le Prince.
    D'abord instrument de sa libération, désormais geôlier prêt à tout pour la garder prisonnière.

    S'éloignant de la fenêtre avec une lenteur étudiée, elle se retourne et laisse tomber son corsage à terre avant de se glisser dans un bain salvateur.

    - Être plus cruelle encore.
    Hypnotisée par l'accent enchanteur de l'étrangère, la jeune fille s'agenouille à proximité du baquet, et sans un mot verse avec une extrême douceur l'eau parfumée sur la chevelure brune et abondante.

    (4. Ou pas...)
Equemont
Equemont écoutait le prince. Les hommes avaient ce don de se retrouver dans des situations incongrues à discuter de ce qui leur tenait le plus à cœur. Parce qu’à n’en pas douter, Taliesyn était sous le charme de sa recluse. Le Salar se demanda s’il ne s’est pas fait avoir et si la demande de l’inconnu n’était pas simplement une technique pour attirer son attention. Sa nature prudente l’invitait à se méfier.

Les femmes nous brûlent sans que nous n’y puissions rien. Mais votre cas me semble encore plus grave, parce que vous êtes conscient de votre envoûtement. La sagesse de mes années qui vous parle, ces femmes la vous possèdent telle manière que vous ne vous appartiendrez jamais plus.

Equemont tourna légèrement la tête vers le jeune homme, il en appelait à sa confiance quant à cette ombre. Un haussement d’épaules accompagna la réponse du blond.

Je n’ai pas l’ombre d’une idée de qui est cette femme, et je vais vous dire, peu me chaut. Vous faîtes bien ce que vous voulez de jours et de vos nuits.

Un sourire légèrement moqueur se glissa sur ses lèvres. Les frasques du Montfort n’étaient plus de son âge. Elle n’avait d’ailleurs jamais été son apanage, et bien qu’il ait une maîtresse, le Salar était plutôt sage devant le beau sexe. Des sabots se firent entendre, ce qui était chose rare à cette heure. Que l’on ne vienne pas encore une fois lui pomper l’air. Pour tenter de se donner contenance, malgré son tempérament impatient, il observa les étoiles.
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Zairha
Alix, à la lecture de la missive qui lui était parvenu pour lui annoncer le retour en grande pompes du Prince Taliesyn, son suzerain, son oncle, n'aurait pu être moins étonnée. Entre son père qui disparaissait six mois pour en réapparaître un et Taliesyn, toujours trop occupé à se trouver à n'importe quel endroit où une bataille se profilait, les allers et retours des uns et des autres avait autant d'effet sur elle que la saison des fraises.

Elle choisit de voyager avec Naïg et elles se mirent en route jusqu'à Retz et plus précisément le port de Pornic (ce qui sonnait remarquablement bien) où elle avait aussitôt prit ses quartiers.

La jeune Montfort disposait en ce moment de bien trop de temps. Après un an à batailler contre le pouvoir Kerdragonien, réduit finalement à peau de chagrin, elle avait refiler le fruit de deux ans à la tête du Collège d'Armes à une de ses amies les plus fidèles, Dana de Kerdraon (ironique). À présent sereine et débarrassée de toutes ses responsabilités, elle se retrouvait d'un coup d'un seul sans rien. La retraite. Mais à seize ans.

Nada.

Et la jeune fille, quoique soulagée d'avoir tant de temps dont disposer, se lamentait de ne pas trouver comment l'occuper. Alors, pour tuer le temps, elle traîne Naïg avec elle pour voir la mer depuis le port, l'emmène au marché parce qu'elle a subitement besoin d'un truc, d'un machin, la gave de toutes ses paroles, la supplie de retourner voir l'impressionnante forteresse qui surplombait le lieu, une fois encore. Alix s'amuse lors de ses balades d'entendre les commérages sur le retour du Prince. Il paraît qu'il était passé ici même, sur cette place, cet après-midi. Le Cerbère. Alix est presque déçue d'avoir raté ce spectacle.

Elles rentrent à l'hôtel après une journée à crapahuter. Naïg est excédée, fatiguée, et Alix n'est toujours pas occupée. Le coursier tombe donc à point, juste avant que la jeune servante ne se tente à péter une durite contre son employeuse. Alix va à sa rencontre, attrape le papier entre deux doigts, remercie le coursier du chef et déplie le papier. C'est donc vrai, Taliesyn est bien là.

Naïg n'est pas forcement plus ravie de devoir tout de suite se remettre sur pieds. Les deux jeunes filles font préparer un coche et se mettent en route (après, effectivement, une toilette digne).

À Alix aussi, Retz rappelait des souvenirs. Elle y avait logé au divorce de ses parents, puis en l'absence du Prince, puis à ses côtés, comme Dame de Buzay, reprenant le titre et les terres de feue sa mère et se gratifiant de la confiance que son oncle lui avait par là accordé. Elle se rappelle le jour de son anoblissement, puis ce qui suivit. Elle se rappelle, l'espace d'un seul instant, ce à quoi ressemblait la Bretagne lorsqu'elle était revenue enfant pour réclamer ses droits sur ses terres et ce qu'elle signifiait à présent et le compare avec ce qu'il en était maintenant. Aurait-elle fait le même choix, si elle avait pu, alors enfant, avoir connaissance de ce qu'il impliquait? Est-ce qu'elle l'avait eut, ce choix?


Demoiselle Alix...
Naïg? Qu'est ce que tu fiches?! Sors de là!

Naïg lui répond en ouvrant très grands ses yeux, formant maintenant deux globes terrifiés posés sur son visage taché de rousseur, essayant de se cacher comme elle pouvait.
Quoi, Naïg?
Elle pointe l'extérieur d'une main et lui indique de se taire de l'autre, ce qui ne fait que courroucer davantage Alix qui ne comprenait toujours pas mieux.
Mais qu'est-ce qu'il y a?!
Se pouvait-il que se soit l'odeur de poisson fermenté qui se dégageait de cette auberge juste en face et qui n'avait, au demeurant, pas l'air des plus fréquentables?
Des fripons... Làààà....
Alix tend les esgourdes. Le coche s'était arrêté là, en plein milieu du chemin, un peu derrière cette auberge qui sentait le poisson.

Ôô ! Qu'elle s'exclame soudainement.
Alix !
Mon oncle !


Elle ouvre précipitamment la porte du coche après avoir simplement reconnu la voix de Equemont. Familièrement et sans trop réfléchir, elle se précipite vers Taliesyn et le serre dans ses bras.

Equemont.

Elle singe une petite courbette, exprès.

Puis son large sourire s'effaça sur son visage qui se durci d'un coup, de suspicion.


Que foutiez-vous ici?

Tout les deux, à l'extérieur derrière l'auberge, l'air de se conter fleurette.
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Taliesyn_de_montfort
“Ceux qui contrôlent leur désir, c'est que leur désir est assez faible pour être contrôlé ; et la raison qui contrôle prend la place du désir et commande à l'insoumis.”

    Concentré que je suis dans cette grande tirade, mon esprit ne comprit pas immédiatement qu'ils n'étaient pas les seuls à observer. La lueur des bougies de l'étage et du verre mal poli laissait entrevoir l'italienne que lorsqu'elle s'en était assez rapproché, définissant mal le contour. Elle nous observe tous deux, mais s'arrête sur moi, je ne sais que penser d'elle toujours, alternant le chaud et le froid et ne laissant que peu de place à la tiédeur. Ma brutalité aura laissé quelques traces. Je la vois disparaitre, laissant apparaitre son dos et un corset inopportun.

      Ah mais cela, mon cher Equemont, les femmes me brûlent, mais elle ne se rendra pas compte que celle-ci je l'éteindrais avant qu'elle ne m'étreigne, à moins que ça ne soit l'inverse. Equemont, sachez que si vous avez besoin d'un damné, vous saurez où me trouver. Je me sens le vague à l'âme, et ne suis finalement qu'une vague lame qui cherche service, à la quête d'un but. Alors ainsi, je ne saurai jamais mettre les pas dans ceux de mon père, certainement pour sa plus grande déception, mais vous saurez trouver en moi un soutien fiable, car je reconnais en vous un homme droit, et un règne parfait n'existe pas, mais diriger, elle ne l'a pas été depuis longtemps, donc soit, régnez ! C'est finalement tout un programme.


    Je soupire... et me tourne vers la rue.

      Ôô ! Mon oncle !


      Alix-Ann, enfin, nous avons failli siffler les cuves de cette auberge en vous attendant. Je suis heureux de vous retrouver tous deux ici. C'est que ...

    Elle s'approche et je l'observe, sous la lumière filtrée des fenêtres de l'auberges, la nièce à grandie, un peu, pris des formes, plus, et deviens femme, beaucoup. Je lui tends ma main, et lui fais un salut à la manière des cours italiennes, soit raffinée et à ma manière quelque peu exagérée. Malgré mon envie de la serrer dans mes bras, je me retiens à cette pudeur, un peu œdipienne, d'une familiarité qui ne serait pas de convenance du fait de la gêne que je peux ressentir à admirer la beauté de ma nièce. Cette femme, je l'aurai conquise en temps normale, mais c'est elle qui le serre dans ses bras, se précipitant finalement. Alors je l'embrasse ... pieusement sur le front.

      vous êtes femme désormais, il me faudra me rapprocher de ma soeur, notre dernière tentative ne fut pas flamboyante de vous trouver bon parti !


    Je la laisse, être plus protocolaire avec Equemont, dans un sourire je la regarde puis elle se tourne vers nous deux :

      Que foutiez-vous ici?


    Alors je me retiens de regarder cette fenêtre. Et je lui tends mon bras pour qu'elle puisse le saisir et que nous puissions sortir de cette venelle mal éclairé et mal pavé pour la devanture plus accueillante de l'auberge. Mais, à mon plus grand désarroi, je me rends compte que cela m'aide par moment à structurer une démarche plus sereine. M'appuyant donc sur ma vassale de nièce, je me lance dans une nouvelle tirade sur la valeur des femmes :

    Ah nous évoquions les femmes, leur rôle sur nos humeurs et leur superficialité qui peuvent venir à saper parfois le travail des hommes dans leur grandes entreprises par leur spontanéité. Si la terre était femme, nous n'aurions pas de guerre pour des convictions mais pour un apparat ou de la jalousie mal maitrisée. Il est heureux que nous n'ayons jamais à être dirigé par quelconque femme, ou nos astres et nos destins s'en verraient milles fois plus troublé et Dieu une nouvelle fois se verrait obligé d'agir en conséquence à nos Eve tentatrice du péché originel. D'ailleurs à ce sujet ma nièce, il vous faudra vous déniaiser avec une femme de mon choix pour qu'elle sache vous apprendre les subtilités de comment garder votre mari fidèle.

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Pour me suivre
Zairha
Alix, quelques années et bonnets en plus, trop heureuse de redécouvrir son oncle et suzerain après un si long moment d'absence, ne s’embarrassa pas trop du décor folklorique de ces retrouvailles. Combien de fois n'avait-elle pas songé que les événements passés auraient pu se dérouler tout à fait différemment si son oncle avait été dans les parages et combien de fois n'avait-elle pas regretté sa présence et maudit sa tendance à courir à la simple évocation d'une guerre à faire. Après tout, n'était-il pas celui qui l'avait recueillie quand elle s'était fait jeté en dehors d'Anjou après que Yolanda, sa tutrice, ait perdue ses terres? Alors enfant, elle était persuadée à ce moment que si ce n'était pas son père (toujours on-ne-sait-trop-où-mais-pas-là) ni sa mère (morte) qui venaient à sa rescousse, ce ne serait personne. Elle s'était trompé, et non seulement sa marraine mais Taliesyn l'avaient prise sous leurs ailes, l'avaient embarqué lors de leurs voyages (et guerres!) mais lui avait fait confiance, notamment en lui restituant les terres de sa mère et en lui promettant de les lui restituer dans son intégralité, jusqu'au marquisat de Cesson et par n'importe quel moyen (plus de guerre?). Ce n'était, à l'époque, pas tombé dans l'oreille d'une sourde (Alix, alors très récemment demoiselle de Buzay et seulement âgée de huit ans avait même alors une ouïe particulièrement efficace) et peut-être que sans cette promesse, Alix n'aurait jamais eu l'audace de s'en croire capable.

La voilà, aujourd'hui, quelques années et bonnets en plus devant Taliesyn. Elle, Alix Ann de Montfort, Vicomtesse de Cesson, Demoiselle de Buzay et Lohéac, et qui pouvait être plus fière qu'elle ne l'aurait jamais espéré de ce qu'elle avait accomplie.

Paradoxalement, la jeune Montfort n'avait pas du tout confiance en ses atouts de femme. Et c'est pour ça, que bien loin de s'imaginer qu'on pouvait la regarder pour le simple plaisir de contempler une jolie chose (c'était toujours parce quelle était mal coiffée, qu'elle avait un pet de travers, ou qu'on avait un truc à lui demandé, c'était sur!) il ne lui vient même pas à l'esprit que son oncle puisse la mater, et encore moins trouver agréable de la mater. Emportée par l'euphorie des retrouvailles et mise en confiance d'être enfin réunie avec un membre de sa famille, qui plus est éminent et respecté, elle s'accroche au bras tendu, l'air candide (et un peu rassurée de se diriger à un autre endroit que cette venelle à l'air un peu glauque).

Ah oui, une auberge sera bien mieux !

A défaut d'être très doué pour dénicher des bons partis, les Montfort restaient particulièrement habile pour retrouver le chemin jusqu'à une quelconque auberge, ou taverne. Parfois au péril de leur palais.


Ah.

Ah.

Les femmes?

Elle ricane.

Mon oncle, si je ne m'abuse, si les hommes faisaient la guerre par conviction, la terre aurait bien moins de soucis à se faire. Elle marque une pause, hésitant à continuer. Alix était particulièrement au fait de ses questions, elle qui était née femme dans un monde d'homme. Elle avait même toujours soupçonné sa mère de préférer son frère jumeau à elle parce qu'elle était venue au monde équipée des mauvais attributs (pas assez développés vers l'extérieur, un truc du genre). Entre autre les femmes ne sont pas les seules à se soucier de leur apparat. Si on attribue trop souvent aux femmes certaines caractéristiques comme la jalousie mal-placées et autres maux farfelus dont on aime trop souvent les accuser, c'est plus sûrement parce que les hommes, trop peureux pour se mesurer à elles, les ont reléguer fissa à cet état. Et puis, mon oncle, la Bretagne a déjà été dirigée par une femme, qui me semble était bien plus habile que le dernier pechno qu'on s'est farçie.

Elle fronce les sourcils et stoppe son grand discours, pile à temps pour entendre la dernière phrase de Taliesyn, qui, confirmant l'adage, était certainement la plus importante de tout son discours.

Pa.. Je... pardon, excusez-moi?

Tout en fronçant les sourcils encore plus fort.

Qu'est-ce que vous avez dit? J'ai peur d'avoir trop bien saisi, criait son regard.
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Taliesyn_de_montfort
“La femme est un mal, mais un mal nécessaire.”

    La sensation contre ma jeune nièce me faisait encore effet, et cet effet me ramenait à celle qui, très surement m'attendait à l'étage de cette auberge, craignant mon arrivée autant que l'espérant. Cette phase imprécise ou la détestation fait le pas à l'attirance. Mais elle aurait bien du mal à me pardonner un jour autant que moi j'aurai à lui pardonner. J'ai besoin d'elle, pour arriver à mes fins, elle a besoin de moi pour sortir de sa condition et parce qu'elle est à mes dépends dans l'immédiat. Quoiqu'il arrive, notre relation n'était pas saine, autant que l'attirance pour le corps de femme pour m nièce. Mais cette lubie me dérangeait bien moins. Là, j'avais mon idée en tête de faire d'Alix Ann un bijou Montfort qu'il serait opportun d'user pour construire une alliance des plus opportune et pour cela il fallait qu'elle soit plus que désirable, sûre de son corps et il n'y avait qu'une femme pour lui enseigner, et le fait d'imaginer cette situation me donnait un sourire pervers que je m'empressais d'effacer dans la pénombre.

      Les convictions comme les désirs peuvent être des plus bas et vils ma chère nièce. et je ne m'userai pas dans une analyse des conséquences du règne Guérande sur la Bretagne. Pour ce qui est de Nathan, ce n'était pas une femme, mais une sainte, c'est comme si vous compariez mon père à un saint. L'idée est farfelue non?


    Je ne peux m'empêcher de rire à la réaction d'Alix-Ann, oui, elle avait bien entendu mes projets pour elle, et je me souvenais de la complicité de cette garce et de son esclave sur le bateau, qui rendait fou l'imagination des hommes d'équipage et qui avait le don d'exacerber le désir tout autant que l'expérience. Il me semblait clair qu'il n'y avait qu'une femme qui pouvait montrer à une autre comment gérer cela. Je m'évadais dans mes pensées, moins pures, un homme lui n'avait pas besoin d'un autre homme pour cela, ceci-dit, car au final, il n'y a que le plaisir de ce dernier qui compte. Ainsi je m'arrête, me rendant compte que nous sommes arrivés à l'auberge, qu'il fait nuit, que cette conversation n'aura un sens que lorsque j'aurai moins d'alcool dans le sang. Je cherche Equemont du regard mais nous nous sommes éloignés de lui et je crois que l'échange d'avec la belle inconnue ne lui a pas fait de bien malgré ce qu'il sous entendait. Bref, j'embrasse sur le front ma nièce et claque des doigts en direction d'un de mes soldats encore plus ou moins en état.

      Alix-Ann, je vous laisse là avec un de mes soldats pour vous raccompagner. Il fait tard pour être dans une auberge aussi mal fréquenté que par mes soldats pour une jeune fille comme vous. Nous en reparlerons plus tard, je dois revoir ma sœur, ça sera donc une occasion toute trouvée, qu'en pensez-vous?


    La vassale, nièce adorée, canon de beauté, future victime de mes délires mise à part, il ne me restait qu'une chose à voir, ELLE. Je rentre dans l'auberge, l'ambiance est encore fort bruyante, je cherche le petit, et finit par le trouver, à moitié chamaillé à moitié à part des autres, se protégeant par un recul certains de mes hommes. Fanch n'est pas là, je vais devoir compter sur lui. Car ce soir, je règle son compte à celle qui a failli me mettre en porte à faux avec mon futur suzerain. Je lui colle une main sur l'épaule, et me penche car il ne faudrait pas que soit entendu ce que j'allais lui demander.

      Nicolas, tu vois la porte en haut, à un moment donné je vais l'ouvrir, je veux que tu veilles à ce que personne n'entre là-dedans, mais aussi que si elle en ressort, elle ne puisse avoir d'autre espoir que de tomber sur d'autres soldats. Il ne lui faut aucune échappatoire, je vais m'occuper d'elle et je ne veux surtout pas être interrompu. Il est possible que ça tourne mal là-dedans, alors je veux que tu puisses me trouver un médecin non loin, renseignes toi auprès de l'aubergiste, il faudra surement la rapiécer si elle ne cède pas.


    Presque paternellement je lui mets une claque dans le dos avant d'entamer l'ascension pour l'étage. Tranchant avec la dureté de ce qui allait se passer par la suite. Bien que le vin fût descendu au fur et à mesure que j'étais à l'extérieur, le fait qu'elle ait badiné ainsi durant trop longtemps sur notre accord et son retournement de veste à la croisée d'Equemont avait tué la moindre parcelle de confiance que j'avais pu remettre dans notre alliance fragile. Ainsi je devrais être clair dorénavant soit elle serait ma captive, soit ma partenaire, mais les deux à la fois ne seraient pas possible. Même si les deux choix m'allaient très bien. C'est ainsi que j'ouvre la porte d'un coup de pied violent, que le brouhaha de la salle en bas aura atténuer. Avant de claquer celle-ci derrière moi. Elle, dans son bain, me toisant du regard, l’aubergiste transformée en chambrière qui s’occupait de la robe.

      Alors, ainsi on souhaiterait changer de protecteur ? Ma compagnie ne vous sied pas? Vous pensez que l'on va pouvoir continuer ce jeu-là longtemps ? Je ne suis pas un grand partisan des nuances, vous devriez le savoir et votre statut chèrement acquis vient de voler en éclat. L'amère impression qu'il m'est impossible de vous faire confiance, que je dois comme à un mauvais chien, rendre des coups pour me faire comprendre. Si vous souhaitez en arriver là, je suis à même de le faire. Et vous m'avez fait comprendre que je n'avais pas besoin de retenir mes coups.


    Je desserre ma ceinture, la faisant claque au sol, je sens bien que mon pouls s'emballe, que ma voix que je voulais maitriser s'emballe, que mon envie définitive d'en découdre s'éloigne de mon plan d'origine. Gardant le ceinturon dans ma main droite, le message est clair, la garder captive, n'est pour moi pas un problème. Ce qu'elle ne m'apportera pas en gain autant qu'en partenaire, elle le compensera par un statut inférieur à celui d'un chien ou d'un cheval, elle serait ma chose. Ainsi les yeux révulsés de la colère de ce qu'elle m'avait forcé à faire sur le bateau pour l'atteindre, des ennuis qu'elle m'avait causés tous les jours de bateaux que nous avions eus, que sa présence ne devenait plus si pertinente à mes yeux qu'au départ. Bref, il me fallait une femme plus docile, plus à même de pragmatisme que d'orgueil, et j'allais devoir pour cela comme tout métal, la battre pour affiner la rudesse de son comportement. Ainsi je m'approche d'elle, ravalant ma salive au gout d''épices du vin.

      Vous allez regretter, ne croyez pas que je sois chevaleresque ou lâche. Battre une femme ne m'a jamais posé problème, ce serait mal honnête pour vous même de vous mentir à ce sujet alors que vous savez pertinemment ce qui l'en découle, je saurai facilement vous renvoyer d'où vous venez pour empocher la prime, rien ne m'oblige à vous rendre intact. Pleine de défi, vous m'avez dit que je ne saurai vous causer de mal. Vous allez regretter cette bravade ... amèrement.

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Pour me suivre
Alessia.
    Non, pas sur la bouche, même si c'est louche.
    Je te mordrai, c'est promis.
    Tous les coups sont permis, car rien ne dure au-dessus de la ceinture...*


    Les yeux mi-clos, la Médicis (car oui, c'est elle, bande de petits impatients), ne se lasse pas de regarder les bulles de savon s'élever dans l'air et éclater en mille petites étoiles.
    Quand soudain, c'est le drame.

    La porte s'ouvre dans un fracas et se ferme dans un tonnerre. Le Prince déverse alors un flot de paroles qui commence à être intéressant quand il défait sa ceinture.
    La menace est claire, l'instant suspendu, les bulles de savon font plic ploc.


    Vostra Altezza ...

    Il a bu, il pue toujours autant, et il est pas content.
    Alessia souffle avec précision sur une bulle restée accrochée à un doigt.
    Un petit conseil. Si vous voulez intimider quelqu'un.
    Plic.
    N'utilisez pas autant de mots.
    Ploc.

    Elle se lève soudain et sort du baquet pour se diriger droit sur lui. Sa chevelure de jais ruisselle sur sa peau diaphane et puissante.
    Le noir et le blanc. Le clair et l'obscur.
    Cette dissonance et cette dualité qui fait la singularité de son apparence s'étend à son portrait moral. Pleine de contradiction, elle s'amuse des situations extrêmes.
    Cependant, ne nous fions pas aux apparences... La Florentine est plus en danger que jamais et elle le sait.

    La fille de l'aubergiste, pétrifiée par la violence de la scène, manque de s'étrangler devant la nudité de cette étrangère impudique.
    Elle se lance à sa suite et l'entoure rapidement du drap (presque) immaculé prévu à cet effet. Ce qui n'arrête pourtant pas la progression d'Alessia, comme la procession du martyr jusqu'au bûcher.


    Je vous avais prévenu.
    Elle l'avait prévenu.

    De prime abord, sa manœuvre peut surprendre... Pourtant, le meilleur moyen d'obtenir ce que l'on veut n'est-il pas de rappeler son pouvoir de nuisance ? Leçon très tôt apprise de Cosimo Médicis, son père.

    Durant tout le trajet du marché à l'auberge, elle avait entendu les chalands parler du potentiel grand-duc. Des placards à son effigie étaient affichés un peu partout dans la ville pour l'élection.
    Sans compter que dans la taverne, tous les regards convergeaient vers Equemont avec ce mélange de curiosité et d'admiration.
    Il n'avait pas été difficile de comprendre qui il allait devenir, et il avait semble-t-il réagit comme elle le souhaitait. La rage de Taliesyn en était la preuve. "Sauvez-moi": deux mots qui avaient fait trembler la principauté toute entière.

    Ne me traite plus en prisonnière.

    Arrivée à sa hauteur, parée de son drap de bain, son regard se pose alors sur la ceinture et elle réfrène difficilement un sourire.
    Les poignets retenus par des liens de soie, la Médicis n'a jamais été contre. Mais hors de question que ce truc infâme à la peau de rat ne la touche !


    Plus jamais.
    Un petit bain, ça t'intéresse ?


    *C'est Elodie qui le dit, pas moi...

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"L'abus d'une Médicis est dangereux pour la santé. A consommer avec modération."
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