Samsa
- "Où étions-nous ? Dans la merde.
Où sommes-nous ? Dans la merde.
Où allons-nous ? Vers la merde.
Pourquoi y aller ? Pour changer de merde.
Et puis merde, merde, merde !" (Guy Beart - Porte-Bonheur)
Trois cents écus par jour... Samsa ne se rendait même pas compte de la somme tellement c'était rare qu'elle ait autant sur elle. Forcément puisqu'elle voyageait, mais elle était du coup particulièrement aguerrie à savoir qu'il ne fallait emmener que le strict minimum. Une dizaine d'écus, deux ou trois pains. De quoi limiter les pertes en cas de rencontre malvenue.
Shawie énonce une "idée". Ce n'en est même pas une tellement elle est ridicule et Samsa préfère clairement sauter par la fenêtre avec ces choses que devoir en porter une de nouveau. Le sourire de l'Aspirante en dit long sur ses intentions et Cerbère croise les bras en secouant la tête, fermement décidée. On oubliait souvent à quel point la Bordelaise pouvait être têtue et si l'Espagnole était dans ce cas de figure, elle se rappelerait bien vite de la vérité.
-Non c'est mort té. Noooon ! Nooooooooooon...
"Bon par contre je veux bien le baiser, tant qu'à faire". Autant profiter quoi, surtout que Shawie veut absolument la convaincre, ça se sent. Au fond, tant mieux si elle ignore que Samsa ne changera pas d'avis, car celle-ci prend ce qu'elle lui donne et savoure pleinement, posant même sagement ses mains sur les hanches de Shawie. Leur baiser prend fin et la Prime Secrétaire Royale sourit de nouveau en secouant la tête.
-C'est toujours non pardi.
L'idée qui suit est meilleure, surtout que Samsa, avec un peu d'efforts, peut avoir la carrure masculine si on ne regarde pas de trop près.
La toque est volée, mise en sacoche et Cerbère retire cotte et chemise afin de resserrer plus encore les bandes à sa poitrine. Par chance dirons-nous, la nature l'avait doté d'une poitrine agréable certes, mais avant tout convenable, des formes qui ne faisaient pâlir que les limandes -et un peu plus quand même-. Rien à voir avec ces femmes opulentes. Elle remet chemise d'abord et cotte ensuite, contrairement à son habitude. Cela lui permet de cacher plus encore les formes de sa poitrine. Seuls les cheveux de surface sont attachés afin que le cou féminin et la peau dénuée de barbe restent moins visibles. Comme quoi quand on cherchait, on trouvait de la féminité en Samsa !
Cerbère se redresse, très digne, et carre les épaules dont l'une accueille le fameux bouclier. Elle ressemble ainsi à une joueuse de soule dont on ne sait finalement pas si elle est effectivement un homme. Shawie l'interpelle par son nom masculin et la voix déjà légèrement plus grave de Cerbère se fait entendre, accentée dans ce ton bas.
-Il serait de bon goût que vous me parliez autrement très chère, PARDI !
Le langage mondain est adopté et Samsa, plus basse de Shawie d'une petite dizaine de centimètres, lui tend son bras. Hé bien... Que ne faut-il pas faire ! Mais ça l'amuse, la Prime Secrétaire Royale, elle tente même de gonfler un peu le ventre pour faire croire jusqu'au bout. Lorsque Shawie est prête, c'est-à-dire cent ans plus tard à cause de cette robe pas pratique -conçue par des hommes comme dirait Florence Foresti dans plusieurs siècles-, les deux femmes déguisées sortent de la chambre, antre de leur décuvage raté. Samsa affiche une mine qui vient accentuer encore ses arcades sourcilières marquées afin de rendre le regard plus sombre. Plus ténébreux dirons les belles en pâmoison.
Elles gagnent la salle commune où des clients mangent, boivent, jouent, gueulent. Samsa très digne congédie de la tête sa compagne afin d'aller payer au comptoir. Les mains heureusement gantelées dissimulent les mains féminines et la Prime Secrétaire Royale incline son visage afin de ne pas trop le montrer. Elle attrape la bourse à sa taille et fait tomber les écus sonnants et trébuchants sur le bois.
Voilà, plus qu'à filer.
Presque.
-Une bière mon beau Sire ?
-Humhum... Non, merci pardi.
-Je vous assure qu'elle est délicieuse... Fraîche... Généreuse...
Gloups.
Le regard sombre se porte finalement sur la détentrice de la voix -cristalline-, une grande serveuse aux jambes fines et interminables, aux cheveux blonds comme les blés, des formes opulentes où il faut, des yeux de biches d'un bleu océan où il ferait théoriquement bon de se noyer, des cils longs, un minois gracile et fin à l'ovale parfait et un grand sourire habité de petites dents blanches parfaitement alignées.
Wait what ?!
Samsa va pour tourner la tête vers Shawie, lancer un appel au secours, un S.O.S général, mais la femme dirige une main fine et gracieuse à la manucure évidemment impeccable vers le visage bordelais qui a aussitôt un moment de recul. Il ne manquerait plus qu'elle la touche ! Et qu'elle découvre accessoirement la peau féminine de Cerbère.
-Je m'appelle Samantha, et vous ?
Génial, en plus c'est une Sam.
#CestLaMerde.
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