L_aconit
Juin 1461. Chateau de Rézé. Bretagne.
Les travaux lancés par le Prince de Retz pour donner à la place forte des allures moins rustiques, plus proches d'une une petit cité fortifiée tendaient à devenir interminables sous la petite bruine assassine qui les rendait laborieux. Le château faisant face à la grande Nantes changeait son vieux visage contre un jeune. L'édifice était habité d'une pensée nouvelle et jeune, campée dans ses bottes et inspectant l'avancée des travaux d'un oeil circonspect, en la personne de Taliesyn de Montfort. Se parant d'atours plus gotiques et s'agrandissant dans le fatras assourdissant des burins tailleurs de pierre, du roulis des charrettes et des jurons des artisans, éreintés par 4 jours successifs de pluie et prêts à se faire les dents sur leurs enclumes. Tout était fait sur place. La taille des blocs de pierre et même les outils pour se faire. On raconte même que les ânes bâtés tirant leur lourds chargements étaient eux-même nés ici, dans la lenteur de ces fastidieux travaux.
Le seul qui ne semblait pas s'embourber dans cette fourmilière bâtisseuse, c'était lui. Là.
De ce côté. Ha... Non.
Par ici.
L'Aconit était nulle part et partout à la fois, petit homme au sortir de l'enfance, affairé à soigner les bêtes de somme le temps de la visite à Rezé du Prince qu'il servait et qui l'emportait partout avec lui. Du haut de ses treize ans, le garçon blond aux yeux clairs savait panser et soigner les chevaux, déterminer la date de la mise bas d'une jument et surtout... Redoubler de ruse et de malice pour obtenir ce qu'il désirait.
Aujourd'hui Faust, comme l'appelaient les uns, Nicolas comme l'appelaient les autres, l'Aconit comme ils l'appelaient tous, avait décidé de convoiter la paille sèche des écuries pour jouer avec les enfants du forgeron tandis que la bruine recommençait à se faire averse, mettant à l'arrêt les manoeuvres au grand désespoir des travailleurs du château. Ils étaient deux garçons gaillards mais braves, craignant leur père plus que nul autre, soudard aux mains calleuses affairées à battre le fer à longueur de journée. L'arrêt de ce bruit vif significatif, fer contre fer, les laissait tous deux raides et l'oeil alerte, craignant sans doute qu'il ne vienne s'occuper de les battre eux. Nicolas avait remarqué leur tension, mais... L'innocence des jeunes garçons permettait d'oublier, par le jeu, les défis et les secrets de polichinelles confiés sous la paille, les duretés de la vie. Des instants entre parenthèse, jusqu'à ce que le martèlement ne reprenne son cours.
Ce jour là donc, l'écuyer et les deux jouvenceaux feignaient la bagarre. Gaiement, le plus fort des trois prenait le dessus, écrasant le plus faible, à savoir Nicolas. Le jeu aurait pu s'arrêter là, mais comme tout le monde le savait, les jeux de mains étaient souvent prétexte à ne jamais s'arrêter, comme cette maudite pluie, et à pousser toujours plus loin leurs limites. La poursuite de l'un, la chute de l'autre dans la boue près du vivier, le troisième qui s'interpose. Les poings sont tendres, les vêtements se débraillent. Les rires s'entrecoupent de cris, attestant du rapport de force. L'écuyer a un geste brusque, le fils du forgeron, tout bonhomme soit-il, chute. Tête la première dans la boue.
Masquant l'hilarité, la main hyaline se tend au secours du vaincu, humilié. Tous deux couverts de boue et de purin, les yeux bleus restent joueurs, redressant le jeune garçon. Trop fier pour montrer sa défaite le combat reprend, dans la surenchère, jusqu'au geste fatal achevant définitivement celui qui avait au premier tour perdu d'avance la bataille. L'enfant chute dans le vivier, tête heurtant un obstacle mal identifié et perd connaissance. Effrayé, l'ainé croyant le cadet mort, s'en va alerter tout Rezé et Faust reste là, perdu, tentant de ranimer son adversaire pantelant dans l'eau, interloqué des conséquences de son propre geste.Quelques claques finirent par ramener l'enfant à lui, mais hélas le mal était fait.
L'Ogre s'annonça par ce simple et sinistre silence...
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N'est maître de son art, que celui qui le crée - Damien Saez
Les travaux lancés par le Prince de Retz pour donner à la place forte des allures moins rustiques, plus proches d'une une petit cité fortifiée tendaient à devenir interminables sous la petite bruine assassine qui les rendait laborieux. Le château faisant face à la grande Nantes changeait son vieux visage contre un jeune. L'édifice était habité d'une pensée nouvelle et jeune, campée dans ses bottes et inspectant l'avancée des travaux d'un oeil circonspect, en la personne de Taliesyn de Montfort. Se parant d'atours plus gotiques et s'agrandissant dans le fatras assourdissant des burins tailleurs de pierre, du roulis des charrettes et des jurons des artisans, éreintés par 4 jours successifs de pluie et prêts à se faire les dents sur leurs enclumes. Tout était fait sur place. La taille des blocs de pierre et même les outils pour se faire. On raconte même que les ânes bâtés tirant leur lourds chargements étaient eux-même nés ici, dans la lenteur de ces fastidieux travaux.
Le seul qui ne semblait pas s'embourber dans cette fourmilière bâtisseuse, c'était lui. Là.
De ce côté. Ha... Non.
De l'autre.
Par ici.
- Plus loin.
L'Aconit était nulle part et partout à la fois, petit homme au sortir de l'enfance, affairé à soigner les bêtes de somme le temps de la visite à Rezé du Prince qu'il servait et qui l'emportait partout avec lui. Du haut de ses treize ans, le garçon blond aux yeux clairs savait panser et soigner les chevaux, déterminer la date de la mise bas d'une jument et surtout... Redoubler de ruse et de malice pour obtenir ce qu'il désirait.
Aujourd'hui Faust, comme l'appelaient les uns, Nicolas comme l'appelaient les autres, l'Aconit comme ils l'appelaient tous, avait décidé de convoiter la paille sèche des écuries pour jouer avec les enfants du forgeron tandis que la bruine recommençait à se faire averse, mettant à l'arrêt les manoeuvres au grand désespoir des travailleurs du château. Ils étaient deux garçons gaillards mais braves, craignant leur père plus que nul autre, soudard aux mains calleuses affairées à battre le fer à longueur de journée. L'arrêt de ce bruit vif significatif, fer contre fer, les laissait tous deux raides et l'oeil alerte, craignant sans doute qu'il ne vienne s'occuper de les battre eux. Nicolas avait remarqué leur tension, mais... L'innocence des jeunes garçons permettait d'oublier, par le jeu, les défis et les secrets de polichinelles confiés sous la paille, les duretés de la vie. Des instants entre parenthèse, jusqu'à ce que le martèlement ne reprenne son cours.
Ce jour là donc, l'écuyer et les deux jouvenceaux feignaient la bagarre. Gaiement, le plus fort des trois prenait le dessus, écrasant le plus faible, à savoir Nicolas. Le jeu aurait pu s'arrêter là, mais comme tout le monde le savait, les jeux de mains étaient souvent prétexte à ne jamais s'arrêter, comme cette maudite pluie, et à pousser toujours plus loin leurs limites. La poursuite de l'un, la chute de l'autre dans la boue près du vivier, le troisième qui s'interpose. Les poings sont tendres, les vêtements se débraillent. Les rires s'entrecoupent de cris, attestant du rapport de force. L'écuyer a un geste brusque, le fils du forgeron, tout bonhomme soit-il, chute. Tête la première dans la boue.
Masquant l'hilarité, la main hyaline se tend au secours du vaincu, humilié. Tous deux couverts de boue et de purin, les yeux bleus restent joueurs, redressant le jeune garçon. Trop fier pour montrer sa défaite le combat reprend, dans la surenchère, jusqu'au geste fatal achevant définitivement celui qui avait au premier tour perdu d'avance la bataille. L'enfant chute dans le vivier, tête heurtant un obstacle mal identifié et perd connaissance. Effrayé, l'ainé croyant le cadet mort, s'en va alerter tout Rezé et Faust reste là, perdu, tentant de ranimer son adversaire pantelant dans l'eau, interloqué des conséquences de son propre geste.Quelques claques finirent par ramener l'enfant à lui, mais hélas le mal était fait.
- Le marteau cessa de retentir sur l'enclume.
L'Ogre s'annonça par ce simple et sinistre silence...
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N'est maître de son art, que celui qui le crée - Damien Saez