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[RP] A la croisée des mondes *

Merance
Agenouillé et humble j'ai levé les yeux
Un intense moment d'adoration totale
J'ai prié élevant mon âme vers les cieux

Le monde se révèle à la lumière pâle
De la magie lunaire ma muse adorée
Ma plus fidèle amie ma plus fidèle alliée


- Thierry Lorho "Il était une fois" -





    Soir d'été où dans le ciel les étoiles brillaient,
    soir d'éternité où seul l'astre majeur recevait toutes les pensées attentionnées.
    Il était tant pour la sorcière de faire ce qu'elle savait le mieux faire tout en sachant que ce soir cela ne serait pas facile. Le clan était sur le départ et elle, elle avait un rituel à accomplir.

    Quelques jours plus tôt, c'était le cas d'Alice dont tout le monde se souciait qui lui avait fait promettre qu'elle essaierait quelque chose. Pourtant, lorsque Mérance avait rencontré la gamine, un long frisson d'effroi était venu courir le long de son échine. Plus tard, elle l'avait dit à Owen "quelque chose de sombre et malsain entoure la petite" et même elle, sorcière de son état, savait que chasser ce qui maintenait l'enfant dans cette condition pouvait s'avérer dangereux. Mais le clan était le clan. Un pour tous et tous pour un. Mérance ferait au mieux. Et ce soir, la lune avait décidé qu'il était temps pour elle de ne pas apparaître. Puisqu'il en était ainsi, ombre contre ombre, la sorcière avait décidé que cela serait parfait pour demander de l'aide.

    Mais quelques heures plus tôt, il lui avait fallu se confier… Se confier, Mérance... C'était pour elle un déchirement que de parler de son passé mais Owen et Rosch lui avaient fait remarquer que le clan c'était aussi la confiance et que se confier c'était offrir sa confiance à l'autre. La jeune rousse ne voyait absolument pas les choses ainsi. Se confier c'était ouvrir la porte sur ce passé qu'elle tentait de cacher au fond d'elle-même. Ne plus jamais entendre le rire de son père lorsqu'il refermait la porte de sa chambre après l'avoir rudoyé de coups ; ne plus subir la fureur de ce mari qui la soumettait à ses envies pour la faire plier, chose qu'elle ne faisait jamais. Et s'en suivait des séances de torture morale et physique dont elle n'oublierait jamais la moindre seconde ; ne plus se rappeler que les liens du sang sont parfois plus néfastes qu'autre chose et que son frère avait préféré ne pas la retenir une fois de plus tout en gardant leur jeune sœur à ses côtés ; ne plus penser à ses enfants qui auraient dû grandir dans ses entrailles et dont elle s'était débarrassée afin de ne pas offrir de prise sur son destin à cette famille qui lui rongeait les ailes et l'âme.
    Fallait-il offrir au monde ces tragiques instants pour qu'ils lui fassent confiance ?

    Mérance ne comprenait pas cet état de fait aussi avait-elle prétexté des choses à faire pour pouvoir s'échapper tout en leur disant de ne pas l'attendre si elle devait être en retard. La route ne lui faisait pas peur même seule et elle sentait la nausée se répandre en elle, lui serrer la gorge et lui remuer les tripes alors il lui fallait gagner du temps. Elle avait lâché un morceau de son passé mais cela ne la rendait pas mieux pour autant. Et elle savait que tout le monde saurait dans le clan. C'était comme ça, les choses se disaient parce que cette famille-là partageait tout. Mais Mérance, elle, ne partageait pas… pas encore. C'était trop dur et trop vivace pour le faire sans être détruite à nouveau. D'ailleurs, n'avait-elle pas gardé la marque gravée dans ses chairs de son époux afin de ne pas oublier ses néfastes paroles : parler et faire confiance signifiait une mort assurée ?

    Le pas se fit rapide le long des ruelles de Béziers tandis que la sorcière suivait le petit chemin qui menait à un bosquet qu'elle avait repéré plus tôt. Un arbre dragonnier y avait grandi et Mérance trouvait absolument fabuleux de pouvoir venir à ses pieds y déposer ses requêtes. Elle serait entendue mais serait-elle exaucée, tout ceci était une autre histoire. Les dieux étaient joueurs et bien souvent, semaient bien plus d’embûches sur la route de celui qui venait quémander qu'ils ne le comblaient. Mais elle était prête à en subir les conséquences. D'ailleurs, elle n'en n'avait pas parlé, à aucun d'entre eux. Il lui suffirait de passer inaperçu dans les prochains jours et tout irait au mieux… oui tout serait parfait.

    Arrivée au pied de l'arbre sacré, Mérance y traça un cercle avant de se tenir face au géant d'écorce et de branches. Elle le regarda de pied en cape avant de se laisser choir à ses pieds. Et d'entamer le rituel. Sortant un carré de lin blanc elle y déposa un poignard à la lame effilée ainsi qu'un calice prêt à y recevoir l'offrande. Inspirant profondément, la sorcière ferma les yeux quelques instants pour trouver la sérénité et chasser cet étrange sentiment qui venait lui ronger le cœur. Quelque chose n'allait pas mais elle devait le repousser afin de continuer et aller jusqu'au bout… pour Alice.

    Rouvrant les yeux, Mérance leva la tête vers la cime de l'arbre, se noyant dans le ciel étoilé.


    - O Lune, Déesse de la nuit, vois comme je viens à toi comme l'enfant qui vient de naître…

    Les doigts longs et fins de la sorcière agrippèrent les nœuds de sa robe sur ses épaules et les défit avec lenteur. La robe tomba en corolle autour de la jeune femme tandis que cette dernière reprenait.

    - A toi je me présente ainsi sans arrière pensée ni préjugé.
    Je te confie ce que je suis afin que tu me guides et me conseilles, aujourd'hui comme demain…
    Lune, chère souveraine, écoute avec gentillesse mes invocations sacrées,
    Statue de la nuit, nouvelle lune, toi qui apporte la lumière aux mortels,
    entend ma prière au nom d'Alice, cette toute petite qui cherche la clarté
    Accepte cette offrande au nom de sa liberté…


    Mérance continua ainsi durant de très longues minutes. Le vent se chargea de faire savoir qu'il était de la partie lorsqu'il souleva la crinière de feu de la jolie sorcière. Au loin, un éclair zébra le ciel et la lumière éclaira le firmament. Mérance se dressa sur ses genoux, cambra les reins, offrit son corps à la caresse du vent. Puis elle prit le poignard d'une main sûre, elle s'entailla le bras puis lorsque les premières gouttes de sang glissèrent le long de sa peau, elle les recueillit au creux du calice sacré. A cet instant précis, un grondement de tonnerre se rajouta à la partie et la sorcière comprit que l'orage ferait rage dans quelques minutes. Mais peu lui importait, le rituel devait être fait jusqu'au bout sinon Alice ne pourrait être sauvée. Alors elle continua coûte que coûte même si son corps frémissait de froid et que la pluie commençait à tomber. Le sang fut répandu sur le sol en un signe sacré mais l'eau bien vite délaya le carmin qui s'échappa entre les grains de sable et de terre mélangés. Mérance savait ce que cela voulait dire et malgré tout, elle resta figée sur le sol, le regard hypnotisé vers le ciel.

    - Ô astre de la nuit, toi qui voyage sans un bruit,
    montre-moi le chemin,
    jour et nuit
    car tu es commencement et fin…


    Un nouveau roulement de tonnerre se fit entendre et la foudre tomba non loin de là où la sorcière se tenait, couvrant sa voix. Une bourrasque de vent renforça le sentiment de malaise qui prenait Mérance depuis le début de la soirée. Quelque chose n'allait pas et ça ne faisait qu'empirer. Fort heureusement le rituel touchait à sa fin et bientôt elle pourrait rejoindre les autres pour le départ mais sa route de retour fut semée d’embûches. La robe qu'elle avait pris soin de rattacher se prit dans les branches de petits buissons et se déchira à plusieurs endroits tandis que son bras, qu'elle n'avait pas pris le temps de bander continuait à saigner. Et pour couronner le tout, la foudre frappa un arbre sur le bord du chemin qui lui coupa la route. Les éléments se jouaient d'elle et cette fois, Mérance comprit que sa prière ne serait pas entendue. Trop de forces sombres entouraient Alice.

    Maintenant, il lui fallait trouver une autre route, s'enfoncer dans les ténèbres, sous la pluie battante qui plaquait sa robe contre elle, la laissant transi de froid malgré la tiédeur de la nuit d'été. Et sans compter la plaie de son bras qui, maintenant, la brûlait comme si un feu intérieur ravageait sa peau. La sorcière devait se battre contre vents et marées afin d'arriver à retrouver les autres avant leur départ mais aux vues de ce qui était en train de se passer, Mérance comprit rapidement qu'elle devrait les rattraper, seule comme à l'accoutumé. Mais n'est-ce pas là sa destiné ?





*titre emprunté au romancier britannique Philip Pullman

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En constante recherche de RP... n'hésitez pas à me MP
Rosch


"Sous le déchaînement de la colère des Dieux, nul ne peut survivre s'il n'est protégé par la Mort elle-même."
Auteur Inconnu


¤Béziers et alentours¤


Rosch descendait aux écuries, son barda sur l'épaule, la mine fermée, pour sceller Scarlet et se diriger vers la sortie de la ville où il avait rendez-vous pour le départ avec le reste du clan. Et la route s'annonçait laborieuse, le temps se couvrait rapidement, annonciateur de ces orages d'été dévastateurs qui pouvaient ravager une région en quelques dizaines de minutes seulement. Chevaucher sous la pluie et les éclairs n'était jamais une partie de plaisir.

Le mercenaire acheva de sangler ses affaires, et grimpa sur sa monture noire de jais, fidèle destrier qui l'accompagnait depuis déjà près de dix ans, pour prendre rapidement la route vers la sortie ouest de Béziers, qu'il rejoignit en quelques minutes, alors que le vent se levait rapidement, se mettant à souffler avec force. A vue d’œil, tout le monde était déjà là. En dehors de Merance. Il s'approcha du cheval gris pommelé d'Owen, les bourrasques s'intensifiant encore.


- Mery n'est pas encore là ? Je croyais être le dernier, où est-elle ?

- J'en sais rien, on pensait qu'elle était avec toi du coup.


La renarde posa ses émeraudes sur lui avec un air surpris, et Rosch fronça les sourcils. La sorcière les avait quittés plus tôt dans la soirée suite aux confessions un chouilla provoquées par la rousse et le brun. Il se tourna vers les nuages qui couvraient rapidement les étoiles, son esprit carburant à plein régime. Ils n'allaient pas la laisser derrière eux, mais avec l'orage qui allait s'abattre sur eux, il ne valait pas mieux traîner. Reposant ses ambres sur Owen, il haussa la voix pour couvrir le bruit du vent et les roulements de tonnerre qui se faisant ouïr au loin.

- Je crois savoir ce qu'elle est allée faire. Partez devant, je vais aller la récupérer et on vous rattrapera.

Il attendit une réponse favorable de la renarde avant de talonner Scarlet et de retourner vers le centre-ville, laissant le reste du groupe prendre la route en éclaireurs. La pluie commençait à présent à tomber, et Rosch se félicita de ne pas avoir fait confiance à la chaleur estivale et d'avoir mis son pardessus pour la route. Attachant la jument à l'abri, il flatta son encolure en lui murmurant de l'attendre sagement alors qu'il retournait à l'extérieur en grimaçant.

En l'espace de ces quelques instants dans l'écurie, les cieux s'étaient mis à se déchaîner, les gouttes d'eau frappant brutalement le sol et les toits, les éclairs illuminant la voûte céleste bien basse et certains venaient même frapper les arbres non loin de la ville. La température avait également nettement baissé. S'il voulait retrouver la sorcière en vie dans ce déluge des éléments, il allait devoir se hâter.

Se souvenant d'une plante dont la jeune rouquine avait parlé plus tôt dans la soirée, il se dirigea vers les extérieurs de la ville. Elle avait dû rechercher ce végétal pour son rituel, et il doutait qu'elle ait pu le trouver au sein de l'enceinte de Béziers. Et puis, il fallait bien commencer ses recherches quelque part, et il ne l'imaginait pas en train de roupiller dans la chambre d'une auberge en pleine lune noire.

Il vit soudain la foudre frapper un arbre à plusieurs dizaines de pieds devant lui, le faisant s'effondrer dans une déflagration que la pluie ne sut que contenir en plein milieu du chemin, avant qu'un autre éclair ne s'abatte à quelques pas de lui, le projetant brutalement au sol sous l'onde de choc. Le mercenaire se redressa en pestant, et observa l'arbre en flammes en serrant les dents. Il espérait qu'Owen et Kelel parviendraient à échapper à cet orage dévastateur.

Il poursuivit sa route, trempé depuis bien longtemps malgré son pardessus, tâchant de se tenir éloigné des arbres. Le vent s'engouffrait dans les pans de son manteau, le faisant violemment voler autour de lui et n'aidant en réalité guère ses déplacements. Il songea un instant à crier le nom de la sorcière, mais compris aussitôt qu'avec le tonnerre et les bourrasques, cela s’avérerait totalement inutile, elle ne risquait pas de l'entendre. Alors il poursuivit son chemin en silence, luttant contre les éléments qui se déchaînaient totalement cette nuit.

Et c'est alors qu'il la vit, à terre, dans sa robe blanche déchirée qui dénotait au milieu des ténèbres ambiantes. Elle semblait avoir perdu connaissance, et il n'eut aucun mal à discerner la tâche de sang qui maculait son bras. Il se précipita auprès d'elle, aussi vite que le lui permettaient les intempéries s'abattant toujours avec la même violence sur le paysage alentour. Combien de temps s'était écoulé depuis le début de cet orage ? Dix minutes ? Une heure ? Deux peut-être ? Impossible à dire, le temps semblait se distordre autour d'eux, et les éclairs qui battaient la mesure ne suffisaient pas à se donner une idée de son passage.

Après avoir constaté que la sorcière était toujours en vie, il se débarrassa de son pardessus de cuir pour en couvrir la jeune femme, piètre mais unique manière qu'il avait pour lui éviter l'hypothermie, l'enveloppant entièrement dedans sans peine, Mery étant bien plus fine que lui. Puis il la souleva dans ses bras sans réelle difficulté et reprit la route de Béziers, pestant de nouveau en silence. S'ils arrivaient à se sortir de ça, ce serait certainement un miracle. Mais après tout, les miracles, c'était la spécialité du maître d'armes.

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Merance
    La respiration se faisait vive et un tantinet angoissée. Pourtant, la sorcière avait l'habitude que les éléments se mêlent de ses affaires mais ce soir il y avait bien plus que ça. Une certaine forme de colère sous cet orage impromptu dont les menaces devenaient de plus en plus claires à la jeune femme. Elle avait uniquement voulu sauver une gamine et c'était désormais elle qui allait être sacrifiée à cette demande.

    D'ordinaire, Mérance étudiait les choses, prenait le temps de comprendre, de ressentir, de s'imprégner des dangers que représentaient de telles demandes mais là, elle avait été prise à son propre piège… l'affectif. Depuis son entrée dans le clan, la Maudite devenait ce qu'elle s'était toujours refusée d'être. Un être de chair et d'émotions. Ce qui, bien évidemment, lui jouait des tours, n'ayant pas le mode d'emploi ! Et cette nuit, là où d'ordinaire elle priait et ne faisait qu'une avec dame la lune, elle se retrouva à espérer que sa fin ne soit pas trop douloureuse.

    Tombant à genoux, épuisée, les larmes lui brulant les rétines, Mérance se laissa choir sur ses talons, n'ayant plus la force de continuer. La communion avec la Déesse l'avait épuisée mais pire encore, cette main froide qu'elle ressentait autour de son âme et de son cœur semblait vouloir lui arracher ses dernières forces et ses dernières illusions. Alors offrant son visage à la pluie battante, la sorcière murmura entre ses lèvres bleuies par l'état de fatigue :


    - qu'il en soit fait selon votre volonté… prenez-moi puisque c'est le prix à payer…

    Un craquement lugubre dans le ciel, un roulement de tambour, un éclair transperçant le voile sombre ; le chaos régnait tout autour de Mérance qui, bras tendus et mains levées en direction du ciel n'attendait plus qu'une chose, que tout se termine. Et contre toute attente, une nouvelle fois, un bruit assourdissant, telle une menace à peine voilée, s'annonça tandis que la sorcière sombrait dans le néant.
    La nuit venait de choisir d'enlever à la vie l'un de ses enfants. C'était ainsi depuis la nuit des temps, c'était ainsi que tout se faisait et se défaisait. Personne ne pouvait aller au-delà des règles immuables qui régissaient le monde.

    Et le corps de la sorcière toucha enfin le sol tandis que dans sa chute, la lèvre inférieure s'entaillait sur un caillou. Mais cela n'avait plus aucune importance car déjà, une douce léthargie envahissait la Maudite.

    *C'est donc ça la fin… un sentiment d'apaisement, un besoin de ne plus appartenir à aucun monde, le sentiment que plus rien ne saurait vous atteindre…*

    Dernières questions toutes droites sorties de l'esprit de Mérance dans un dernier soubresaut de conscience. Toutefois, cela n'avait plus d'importance puisque dans quelques instants cela serait la fin. D'ailleurs, les battements du cœur de la sorcière se firent plus puissants dans sa poitrine tels que jamais elle n'aurait pu s'imaginer y survivre. Assourdissants, ils marquaient l'emprunte du temps qui s'échappe, le souffle de vie qui fuit entre les lèvres, le sang qui s'écoule au compte-goutte… Le chemin bientôt serait terminé, là où elle allait, Mérance ne souffrirait plus. Elle ne souffrirait plus de la colère des hommes ni même de leur folie et sans aucun doute elle saurait profiter de cette éternité dans cet autre monde…

    Mais soudain, alors que tout était joué dans l'esprit de la jeune femme, elle sentit tout son être soulevé et enveloppé, une source de chaleur la protégeant des éléments. Mais elle aurait voulu crier la sorcière, faire taire ces agissements. Et ce sentiment étrange qui venait de prendre vie en elle car elle était maintenant ballottée. Entre illusion et vérité, l'esprit de Mérance ne savait plus à quel dieu se vouer. Croire ou ne pas croire, sortir du néant pour mieux chuter ou bien faire confiance à cette douce sensation et enjoindre la jeune sorcière que tout n'était pas fini ?

    Il fallait croire que c'était lui le plus fort, l'esprit avait décidé qu'il fallait chasser cette léthargie à grands coups de pieds afin de permettre à Mérance d'ouvrir les yeux. Et ce fut à cet instant qu'elle comprit… Un sursaut d'énergie, la peur se lut sur son visage et d'un coup de reins elle tenta d'échapper à son bourreau.
    De quel droit Rosch se permettait-il de s'opposer à sa propre mort ?
    Qui lui en avait donné l'ordre ?
    Pourquoi se mêlait-il de ses affaires ?

    Elle, la sorcière, la maudite, elle était prête à ce sacrifice pour avoir osé requérir l'aide des Dieux alors qu'il aurait mieux fallu s'adresser au Sans-Nom lui-même. Elle ne méritait pas qu'on vienne la chercher dans cette mort programmée, elle ne méritait pas l'attention qu'on pouvait lui porter car ce soir, elle avait failli. Jamais elle ne saurait leur dire qu'elle ne pouvait rien faire pour Alice, que jamais elle ne pourrait lui donner l'espoir d'un meilleur. Et sa tête se rejeta en arrière tandis qu'une larme se faufilait le long de sa joue telle la perfide traîtresse qu'elle était. Mérance tenta alors de bouger, de s'échapper des bras du mercenaire, s'enfuir à nouveau afin de ne pas offrir ce triste spectacle à quiconque. On devait la laisser avec sa peine et sa frustration. Et un sentiment de peur vint lui étreindre le cœur avec violence tandis que ses membres refusaient de lui obéir, la condamnant à rester ainsi contre son sauveur improvisé. Alors avant de fermer les yeux à nouveau pour ne pas à voir la honte qu'il aurait d'elle si elle lui disait tout, Mérance, tout en calant sa joue contre le torse de Rosch, murmura tout bas.


    - Tu n'aurais pas dû venir me chercher, ce n'était pas ce qui devait arriver… tu aurais dû me laisser partir…

    Et la sorcière s'enferma dans un triste silence alors que des pensées sombres venaient se fracasser dans son esprit et que son bras lui faisait souffrir le martyr.

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Rosch
Le tonnerre grondait et les éclairs illuminaient la nuit. La tempête, car on était bien au-delà d'un simple orage à présent, ne semblait pas vouloir se calmer, comme décidée à ôter la vie à ceux qui se mettraient en travers de leur destinée. Mais s'il ne craignait pas la mort, le mercenaire ne comptait pas ce soir se laisser abattre, au sens littéral du terme. Il n'en dépendait pas que de sa vie. Et si le clan ne lui pardonnerait sans doute jamais de laisser mourir l'un des leurs, l'affection qu'il éprouvait envers la jeune sorcière jouait aussi son rôle. C'était sa décision, et celle d'aucun autre.

Mais alors qu'il croyait Merance évanouie, il la sentit remuer dans ses bras, tentant faiblement de s'échapper de son étreinte protectrice qu'il raffermit légèrement pour lui éviter de tomber. Il remarqua à cet instant la fine ligne de sang qui s'échappait de sa lèvre fendue. Sans que cela ne soit grave, cela le peinait de voir la rousse dans cet état. Elle avait voulu aider Alice, et finalement, se retrouvait à devoir payer un prix bien trop important. Mais si les Dieux requérait de sa part l'ultime sacrifice, alors ils auraient deux âmes pour le prix d'une ce soir. Le fracas d'un éclair l'empêcha de comprendre la totalité de la phrase murmurée, mais il crut en saisir le sens global.


- Hors de question que je te laisse là ! Soit on s'en sort tous les deux, soit aucun de nous !

Il était presque obligé de crier pour être sûr de se faire entendre, mais il espérait que l'idée de base aurait atteint la sorcière. Il devait économiser ses forces pour la sortir de là et les mettre à l'abri avant toute chose, et c'était loin d'être évident, d'autant qu'il avançait contre le vent. Un vent puissant qu'on aurait pu croire chargé d'intentions malveillantes à leur égard.

Mais au bout d'un certain temps – une éternité pour qui était pris dans cette tempête –, il vit finalement se dessiner devant lui l'ombre des bâtisses de Béziers. Le salut était proche. Grognant et pestant entre ses dents, il redoubla d'acharnement, le corps imbibé d'eau de Merance commençant à peser dans ses bras, l'humidité l'alourdissant sensiblement. Et il commençait à trembler sévèrement dans sa chemise détrempée. Un peu de chaleur et un coin au sec devenaient littéralement vitaux pour eux.

Et enfin, au prix d'un effort déchirant, il jeta son épaule contre la porte des écuries qu'il savait déverrouillée. Cette dernière céda, et les deux corps chutèrent brutalement au sol, le mercenaire s'efforçant de tomber sous elle et d'encaisser le plus gros du choc, Merance avait suffisamment souffert à ses yeux ce soir. Les éléments s'infiltrèrent avec eux dans l'écurie avec violence, et se redressant difficilement sur les genoux, il alla s'appuyer de tout son poids contre le battant ouvert, qui finit peu à peu par pivoter jusqu'à rejoindre son jumeau en grinçant, que Rosch immobilisa en s'écroulant contre le lourd loquet en bois. Épuisé, à bout de souffle, et lamentablement avachi contre la paroi qu'il venait de refermer, il posa son regard ambré sur celle qu'il avait arrachée à la colère des cieux. Ils étaient tirés d'affaire. Mais pour combien de temps ?

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Merance
    Elle s'était abandonnée le temps du trajet, voguant entre le bien et le mal, entre le temps suspendu à son infini et le présent accroché à son commencement. La sorcière ne luttait plus ni contre les éléments ni contre les bras de cet homme qui la maintenaient serrée contre lui. En un autre temps, autre lieu, elle aurait donné son âme pour fuir cette scène mais aujourd'hui, trop fatiguée d'avoir offert sans avoir été écoutée, elle rendait les armes… du moins pour le moment. Et puis, il était agréable de sentir quelqu'un s'occuper de soi… pour une fois, ce n'était pas à elle qu'on demandait de l'aide mais bien à elle qu'on en offrait. Le monde pouvait enfin s'écrouler, Mérance avait enfin connu ce sentiment rassurant que rien ne pouvait arriver. Et même si cela ne durait que l'espace d'un instant, elle avait vécu assez pour partir l'esprit tranquille…

    Mais il n'était pas encore l'heure d'abandonner cette vie sur terre ! Alors, la rousse cala sa joue contre la poitrine du mercenaire qui bravait les éléments pour les sortir de là. Et doucement, engourdie par le froid et l'humidité qui plaquait ce qu'il restait de sa robe contre son corps frêle, Mérance se laissa happait par le sommeil en retard qu'elle avait depuis des lustres. Les paupières clauses, elle n'en avait cure de cette pluie qui fouettait son corps, de ces frissons qui longuement lui arrachaient des râles perdus dans le fin fond de sa gorge, de ses claquements de dents qui lui tétanisaient les mâchoires. Un jour, tout ceci serait oublié au profit de choses meilleures et pour l'heure, Mérance s'obstinait à ne vouloir garder à l'esprit qu'ils s'en sortiraient…

    Mais que le parcours était long, que le temps paraissait ne plus en finir, que la survie dépendait de si peu de choses. Et pourtant, Rosch était bien plus obstiné que Mérance pour l'heure et ce fut au prix d'une immense conviction qu'il réussit à les mettre à l'abri. Le temps d'enfoncer les portes de cette écurie porteuse de promesse, que déjà Mérance touchait le sol dans un plongeon que le mercenaire venait de leur offrir. Toutefois, dans sa grande gentillesse, il avait protégé la sorcière d'une terrible chute mais les membres refroidis ainsi que les vêtements trempés avaient projeté la rousse dans une douleur infinie quand elle avait touché le sol dans les bras de Rosch. Se mordant la lèvre pour ne pas hurler, elle s'obligea à rester muette tout en essayant de s'acclimater à son nouvel environnement.

    La pluie avait donc cessé de battre les corps mais la respiration se faisait encore rapidement cherchant des goulées d'air afin d'aider les poumons à ne pas prendre feu. Et doucement, très doucement, Mérance observa les yeux plissés afin de d'habituer à ce que ça leur réservait. Elle regarda autour d'elle, dans le moindre recoin puis ses yeux se posèrent sur Rosch qui tentait lui aussi de reprendre son souffle, avachi contre la porte. Les deux mains posées à même le sol, la sorcière prenait appui dessus en essayant de se soulever mais ses membres tremblaient encore, refusant de lui obéir.


    - Pauvre fou que tu es… sais-tu au moins ce que tu as fais ce soir ?

    Le corps de Mérance peu habitué à souffrir et à lutter ainsi se fatiguait bien vite et la jeune femme retomba face contre terre dans un râle rauque et profond. Mais comme à l'accoutumé, la jeune femme ne voulait pas montrer ses faiblesses et elle se redressa à nouveau au prix d'un immense effort qui lui vrillait le dos et les reins.

    - Tu viens de contrecarrer les dieux et leur courroux te poursuivra jusqu'à ce qu'ils décident qu'ils en ont assez… jamais tu n'aurais dû faire ça… jamais et certainement pas pour moi… je leur appartiens... tu comprends ça ? je leur appartiens...

    La sorcière secoua sa tête de gauche à droite, dépitée par la tournure des événements tandis que la fin de sa phrase mourut sur ses lèvres bleuies. Comment un rituel pouvait avoir si mal tourné, comment s'était-elle laissée submerger par tant d'émotions et tant d'éléments perturbateurs, comment les choses avaient-elle pu prendre autant d'ampleur ?
    Et la lassitude de cette mésaventure se lut sur le visage de la rousse au teint devenu étrangement blafard et tremblant.

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Rosch
La réalité semblait, dans cet abri de la tempête dévastatrice qui sévissait dehors, s'être distordue d'une façon étrange à cet instant précis. Alors que Rosch était avachi contre cette porte, les yeux posés sur la sorcière affaiblie, il eut l'impression que tout se figeait autour de lui. Comme si le miracle d'avoir survécu au cataclysme qui s'était abattu sur eux lui offrait en plus un répit pour reprendre des forces, hors de la pensée et du temps.

Alors seulement, il en profita pour prendre le temps de s'intéresser davantage à l'état de santé actuel de la sorcière, plus qu'à leur simple survie. Encore habillée de son pardessus détrempé dont les pans s'étaient ouverts dans la chute, son bras était masqué par la manche du vêtement mais il savait déjà qu'il était entaillé. Sa lèvre également laissait filtrer un léger filet de sang sur son menton, et son visage laissait voir une pâleur plus flagrante encore qu'à l'ordinaire.

Son regard alors se porta sur le reste de son corps, à la recherche d'autres blessures qui lui auraient échappé, et un léger éclat traversa ses ambres alors que ses joues rosissaient très légèrement lorsqu'il s'aperçut que la robe n'était pas "légèrement" déchirée, mais complètement en lambeaux, devenant une tenue relativement indécente que le cuir de son manteau ne dissimulait plus, et dévoilant le fait que malgré son statut de sorcière, Merance restait une femme, et une très belle femme d'ailleurs.

Ce fut après un examen visuel minutieux qui ne dévoila à ses yeux aucune autre blessure visible que le temps et la réalité reprirent enfin leurs droits. Le fracas des éclairs et le battement de la pluie parvenaient de nouveau à ses oreilles, et il vit la jeune femme bouger enfin, tentant de se redresser avec de grandes et visibles difficultés, probablement plus affaiblie encore qu'il ne l'était, à cause du rituel et de la perte de sang. Cette brave tentative se solda par une question rhétorique au ton de reproche et une rechute au sol montrant bien la gravité de son état. Il se permit toutefois une réponse qui sortit, sous l'effet de la fatigue, sur un ton plus sec qu'il ne l'aurait souhaité.


- Ce que j'ai fait ? Oui, je le sais parfaitement, je viens de te sauver la vie au mépris de la mienne.

Le mercenaire grommela en silence dans sa barbe. Il n'avait pas voulu se montrer désagréable, mais on ne pouvait pas dire que Merance était un modèle de gratitude et d'amabilité non plus, alors on pourrait estimer qu'ils étaient à égalité sur cette manche-ci. Et pourtant, même s'il avait su à l'avance que la lutte contre les éléments ne serait qu'un prélude à une lutte contre la rousse, il ne changerait pas ses actes. La jeune femme ne méritait pas de mourir pour avoir voulu venir en aide à Alice.

- Le courroux des Dieux me poursuit déjà depuis des années, et la Mort, en perfide et sadique traîtresse obscure qu'elle est, s'est rangée de leur côté et refuse de m'emporter pour lever cet acharnement. T'en fais pas pour moi Mery... je ne vois vraiment pas ce qu'ils pourraient trouver de pire à m'infliger.

Colères divines, aléas du hasard ou jeu pernicieux du destin, il se trouve que le maître d'armes n'allait pas tarder à découvrir ce qu'il ne voyait pas ce soir, et nul ne saurait dire laquelle des trois en serait la cause. Mais en cet instant, la seule pensée qui lui venait était de s'occuper de son amie. Se redressant avec peine, bien que moins lamentablement que cette dernière, il s'approcha lentement d'elle, la détermination qui les avait amenés jusqu'à cette écurie se lisant dans ses ambres flamboyantes.

- Alors laisse-moi bander tes blessures tout au moins, avant que tu ne te vides de ton sang...

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Merance
    - Mais je ne t'ai rien demandé moi ! Tu m'as sauvé contre mon gré mais ça t'en a rien à foutre !

    Voilà la reconnaissance de Mérance. Mais attention, la sorcière n'avait rien demandé à personne et elle était rancunière ô possible surtout quand il s'agissait d'intervenir dans ses affaires. Ce n'était pas la première fois que ça tournait à la catastrophe et elle n'avait pas l'âme à se plaindre si elle devait mourir sur place contrairement à la plupart des mortels. Mais ce jour-là, elle devait faire front face à cet impertinent qui voulait bien faire en la soustrayant à sa destinée si tragique soit-elle.

    Le regard emplit d'un mélange de colère et de lassitude vint à la rencontre de celui de Rosch, s'accrochant pour ne plus se lâcher durant quelques secondes. Et un soupir long s'échappa des lèvres de la Maudite tandis que ce dernier s'avançait dans sa direction. Elle finit même par secouer la tête négativement tout en regardant le sol, cherchant dans les aspérités de la terre quelques réponses à ses muettes questions puis elle daigna finalement lever le visage vers mercenaire qui n'en finissait pas de se rapprocher. Rassemblant ses dernières forces, elle se campa bien droite sur ses jambes tremblantes pour lui faire face avant de lui cracher au visage tel un chat sur la défensive qui se dressait sur ses griffes, tout poil hirsute.


    - Ne me touche pas !

    Son corps se cambra malgré lui à la peur qu'un homme ose à nouveau poser ses mains sur elle tandis qu'elle en était consciente ce qui obligea Mérance à faire un pas en arrière.

    - Tu en as assez fait comme ça !

    Ses yeux glissèrent vers son bras qui avait cessé de saigner. D'un geste prompt, elle passa sa main sur les traces carmin qui restaient sur sa peau afin de les effacer.

    - Et ce n'est qu'une égratignure, je ne vais donc pas mourir pour si peu…

    Puis doucement elle fit glisser le par-dessus trempé qui commençait à lui peser sur les épaules avant de se mettre à marcher lentement dans les écuries faisant attention que chaque pas ne la fasse pas trébucher. Elle savait ce qu'elle cherchait et elle n'avait pas l'intention d'en faire part à son compagnon d'infortune. Il avait voulu venir à sa rescousse, qu'il se sauve lui-même. Et le froid qui n'en finissait pas de s'infiltrer dans le creux de ses os à la faire claquer des dents, bleuir les lèvres et frissonner longuement. Mais Mérance était une obstinée qui ne s'arrêtait donc jamais et ce n'était pas cette nouvelle épreuve qui la détournerait de son idée...

    Arrivée devant l'une des stalles d'un cheval, elle en fit vite le tour du regard puis se dirigea vers la seconde en prenant soin de se tenir au mur attenant afin de ne pas tomber quand soudain son trésor lui fit face. Elle finit même par sourire très légèrement avant de prendre la couverture entre ses doigts crispés et de tenter de s'envelopper avec.

    Ayant grandi à la forteresse et son baron de père ayant eu quelques chevaux aussi, Mérance s'était rappelée au milieu de ses rares souvenirs d'enfance combien il était précieux de garder la chaleur des chevaux après une course ou après la pluie et que son ogre de père hurlait jusqu'à ce que les couvertures soient installées sur les équidés. Aujourd'hui c'était à elle qui ça servirait et même si ce n'était pas véritablement confortable, au moins elle n'attraperait pas une quelconque maladie…. Enfin cela restait encore à voir ça… Donc tentant de se vêtir de ce plaid sur ses épaules dénudées, elle se retourna dans la direction du mercenaire pour lui lancer.


    - Il y en a une seconde. Tu devrais t'envelopper avec parce que tu vas attraper la mort et ça va encore me retomber dessus…

    Puis sans crier gare, Mérance alla se poser dans un coin un peu protégé d'où elle enleva sa robe à moitié déchirée mais surtout trempée. Enveloppée dans sa couverture, elle avait bien dans l'idée d'y rester jusqu'à ce que cette dernière soit complètement sèche. De toute manière, elle ne reprendrait pas la route tant que l'orage ferait rage alors autant attendre ici d'être dans de meilleures conditions pour voyager… la jeune femme étala son vêtement sur une botte de paille histoire que permettre un séchage plus rapide puis elle se laissa glisser au sol, dos contre la paille, posant son regard à nouveau sur Rosch, l'observant à la dérobée. Elle retint un nouveau soupir qui en dirait trop long sur ce qu'elle ressentait à l'instant puis elle ferma les yeux quelques minutes afin de chasser le douloureux mal de tête qui menaçait d'arriver au triple galop en faisant tout exploser. Sa petite main tremblotante resserra l'étreinte sur la couverture qu'elle tentait de garder fermée et tout doucement, elle se recroquevilla sur elle-même comme elle le faisait autrefois quand son âme tourmentée ne la laissait pas en paix espérant chasser les démons autour d'elle si elle restait ainsi sans bouger. Le sang sur son bras avait fini par sécher ainsi que sur sa lèvre, il ne restait plus qu'à combattre le froid qui prenait un malin plaisir à la rendre vulnérable. Si au moins elle avait pris de quoi boire, cela les aurait réchauffés un peu, histoire de tenir bon jusqu'au nouveau départ… Ses membres commençaient sérieusement à lui faire mal de rester ainsi crispés sans compter que ça pouvait durer des heures aussi se fit-elle violence et redressa le museau dans la direction de son compagnon.

    - Toi qui voyage beaucoup Rosch… tu n'aurais pas une flasque avec quelque chose à boire ? Au moins si on meurt, on pourra dire qu'on a bu un dernier verre…

    Elle savait qu'au pire de la tourmente, l'une des solutions consistait à frictionner les corps avec l'alcool afin de ne pas laisser s'installer la froidure mais il était hors de question de faire ça devant le mercenaire et encore moins de lui demander son aide alors autant boire une bonne rasade et faire ça de l'intérieur… voilà, ça c'était la bonne solution dans l'esprit de Mérance et la sorcière finit même par sourire bêtement… sans doute la fièvre qui commençait déjà à lui attaquer la tête !

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En constante recherche de RP... n'hésitez pas à me MP
Agarth
Rosch eut un mouvement de recul lorsque la sorcière lui cracha dessus telle un félin, se cambrant et se repliant sur elle-même. C'était la goutte de trop. Il avait bravé la tempête pour la sauver et pour quel résultat ? Se faire feuler dessus en voulant l'aider ? Il sentait la colère monter en lui devant le comportement ingrat de Merance, et seuls son poing droit crispé et ses lèvres pincées en étaient les témoins visibles.

- Tu veux crever ?! Et bah très bien, retourne dehors sous les éclairs, je t'en empêcherais pas ! Non ? Alors arrête de faire ta rebelle, t'as aucune intention d'mourir et ça t'fait quand même bien plaisir d'être encore en vie !

Le ton était sec et agacé, plus élevé qu'à l'ordinaire. Il n'avait pas risqué sa propre vie pour se faire en plus engueuler de l'avoir fait. Serrant les dents, il porta tout de même ses ambres sur la blessure au bras, qui en effet ne saignait plus. Rassuré sur ce point, il se détourna pour digérer son énervement pendant qu'elle s'éloignait en direction des stalles, s'avançant jusqu'à la porte dans laquelle il envoya son poing serré avec un petit grognement de douleur.

Puis il appuya son front contre son avant-bras en soupirant, la fatigue reprenant le dessus sur sa détermination. Le bois tremblait sous sa main sous la puissance du vent qui se déchaînait au-dehors. Il avait pensé échapper à l'orage et chevaucher à pleine vitesse pour rattraper Owenra et le reste du clan, mais cela semblait compromis, ils ne passeraient jamais au travers de telles intempéries. La seule chose à faire, était d'attendre que ça se calme.

Il fut toutefois tiré de ses pensées par la voix de la rousse qui s'éleva de nouveau. Et il s'aperçut alors qu'il tremblait de froid. Grommelant à voix basse, il s'avança à pas lourds et lents en direction de la couverture, ses doigts s'employant dans la foulée à défaire les liens retenant sa chemise détrempée. Cette dernière finit par être étendue à son tour sur l'une des cloisons de bois séparant les stalles, dévoilant son torse recouvert des nombreuses cicatrices infligées dans son passé, ainsi que de quelques-unes visiblement plus récentes, qu'il recouvrit rapidement avec la couverture récupérée.


- Merci. Et non, ça ne te retombera pas dessus. Je suis assez grand pour prendre mes décisions et les assumer.

Sa voix était plus douce qu'auparavant, les quelques minutes plongé dans ses pensées ayant aidé à le calmer, et puis l'attention de la sorcière était gentille. Il commença à se frictionner les bras en gardant la couverture serrée, tâchant de se réchauffer comme il le pouvait, avant que la requête de Merance ne tombe, lui haussant un sourcil surpris, avant de se diriger vers Scarlet, sa jument, près de laquelle il avait laissé ses affaires.

- Si, j'ai toujours quelques trucs sur moi, pour la route, et tout ça... Liqueur de poire, ou mélange de mon cru ?

Il fouilla dans l'une de ses besaces et en tira deux bouteilles et deux chopes, s'approchant de nouveau d'elle avec. Si jamais la tempête se calmait avant que leurs habits ne soient secs, il pourrait sans doute prêter une tenue à la sorcière, si tant est qu'elle ne le repousse pas une nouvelle fois. En attendant, boire semblait effectivement la seule chose qu'il leur restait à faire.

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Merance
    Mérance lui avait lancé un regard noir lorsqu'il avait émis l'idée qu'elle ne voulait pas mourir. Il ne connaissait rien d'elle, ne savait rien sur elle et sa façon de voir le monde alors comment osait-il la juger ? Mais au lieu de lui répondre, elle le toisa avec froideur pour finir par prendre une des bouteilles, la poire, qu'il avait sorti de sa grande besace. A croire qu'il se trimbalait avec sa maison sur le dos comme les escargots !

    - Pas besoin de verre, je veux juste une lampée pour me réchauffer.

    Ce n'était absolument pas dans ses habitudes de se comporter ainsi mais la Maudite avait du mal ce soir. Le rituel raté à cause de la colère divine, Rosch qui se mêlait de ce qu'il ne le regardait pas et l'envie soudaine de ne plus faire partie de ce monde hostile qui la titillait. Et la soirée qui n'en finissait pas, heureusement la tempête, elle, semblait faiblir d'intensité. D'ailleurs, Mérance se campa sur ses pieds, rendit la bouteille à son propriétaire et alla jusqu'à la porte de l'écurie que le mercenaire avait eu du mal à refermer.

    - Humm, on dirait que ça se calme dehors. Je pense que tu ne seras pas fâché de retrouver les Azzurro et de te débarrasser de moi…

    Elle revint sur ses pas, sembla fouiner dans les stèles des chevaux pour en tirer des brides de cuir faits pour les attelages mais dont elle allait se servir pour faire tenir la couverture sur elle. Il ne fallait pas se leurrer, la sorcière n'avait aucunement envie de rester enfermer avec un homme dans cette grange. Surtout un qui se prenait pour Dieu le père en jouant les sauveurs et les moralisateurs. Elle n'en n'avait cure de ce qu'il pouvait penser ou dire. Elle avait déjà eu un père et il avait très bien fait son travail en la condamnant à ce qu'elle devienne ce qu'elle était aujourd'hui et ce n'était pas un quasi inconnu qui allait changer la donne.

    P
    renant le temps de bien serrer et surtout d'ajuster les brides, Mérance les noua autour de ses hanches, bien solidement, afin que la couverture qui servait de protection ne tombe pas alors que la jeune femme marcherait. C'était aussi ça la volonté des Dieux, le fait de trouver une solution à chaque problème qui se présentait aussi la sorcière sourit quand enfin elle fut parée. Passant devant Rosch qui semblait statufié, elle finit par se stopper tout en plongeant son regard dans le sien.


    - Je ne t'en veux pas d'avoir osé penser que me sauver de cette tempête était ton rôle… après tout tu n'es qu'un homme…

    Mérance lui sourit gentiment. C'était là une certitude, c'était un homme et tout le monde savait qu'un homme ne voyait que les choses de façon terre à terre sans jamais réfléchir plus loin que le bout de son nez. Et puis soudain, relevant le menton d'une façon hautaine, le regard froid, le visage fermé, elle le toisa avec dédain.

    - Mais tu as fais une grave erreur. Et je devrais en payer le prix mais peu importe cela ne te concerne absolument en rien.... Quant à dire que je n'ai pas réellement envie de mourir…

    La jeune femme éclata de rire. De ces rires qui se font sordides quand plus rien n'a d'importance, qui vous donne la chair de poule tant on sait qu'ils sont annonciateurs de tragédie. Les deux mains sur ses hanches, la Maudite s'esclaffa encore avant de se stopper net tout en reprenant sa respiration, profondément, afin de calmer cette envie qu'elle avait de l'égorger.

    - Tu ne devrais pas émettre des faits dont tu ne sais rien. La mort est bien plus une amie qu'elle ne sera jamais tienne. Tu dis la connaitre mais tu ne sais rien d'elle…

    La sorcière s'avança en faisant mine de respirer l'air qui émanait du mercenaire puis elle recula d'un pas.

    - Tu n'es qu'une coquille qui se fendille Rosch et je serais toi, je ferais bien attention à ce qu'il pourrait m'arriver… et je ne joue jamais les rebelles, je n'en n'ai pas besoin. Si tu crois que je n'ai pas envie de mourir grand bien te fasse mais n'intervient plus jamais dans mes affaires sinon je te le ferais regretter. Je ne t'ai rien demandé et tu n'as pas à jouer les chevaliers avec moi.

    Mérance cracha au sol comme pour se laver de ces mots qui la dégouttait. Elle n’entraînait personne dans son sillage et ne voulait personne. Et lui, lui avait osé outrepasser les droits qu'elle offrait aux autres.

    - Quant à me faire plaisir que je sois en vie, laisse-moi me marrer…

    Un nouvel éclat de rire vint se fracasser contre les parois de l'écurie.

    - Le jour où je disparaîtrais sera une grande fête car je pourrais enfin retrouver ceux qui me sont chers et qui ont disparu depuis bien des années. J'attache bien plus d'importance aux disparus qu'aux vivants. Eux au moins savent rester à leur place !

    Enfin, décidant qu'elle n'avait plus rien à dire à ce bonhomme, la sorcière se dirigea vers les portes de la grange qu'elle ouvrit à tout va en se plantant devant, à l'extérieur, les bras tendus vers le ciel.

    - Que les éléments guident mes pas jusqu'à destination…

    Et sans se retourner, Mérance quitta ce semblant d'havre de paix qui empestait finalement l'illusoire avec la promesse qu'elle se fit à elle-même de ne plus rien dire de ce qui concernait ses "activités" à quiconque. Ainsi, elle pourrait mourir en paix ou dans d'atroces souffrances si elle le désirait !

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