Merance
Agenouillé et humble j'ai levé les yeux
Un intense moment d'adoration totale
J'ai prié élevant mon âme vers les cieux
Le monde se révèle à la lumière pâle
De la magie lunaire ma muse adorée
Ma plus fidèle amie ma plus fidèle alliée
- Thierry Lorho "Il était une fois" -
Un intense moment d'adoration totale
J'ai prié élevant mon âme vers les cieux
Le monde se révèle à la lumière pâle
De la magie lunaire ma muse adorée
Ma plus fidèle amie ma plus fidèle alliée
- Thierry Lorho "Il était une fois" -
- Soir d'été où dans le ciel les étoiles brillaient,
soir d'éternité où seul l'astre majeur recevait toutes les pensées attentionnées.
Il était tant pour la sorcière de faire ce qu'elle savait le mieux faire tout en sachant que ce soir cela ne serait pas facile. Le clan était sur le départ et elle, elle avait un rituel à accomplir.
Quelques jours plus tôt, c'était le cas d'Alice dont tout le monde se souciait qui lui avait fait promettre qu'elle essaierait quelque chose. Pourtant, lorsque Mérance avait rencontré la gamine, un long frisson d'effroi était venu courir le long de son échine. Plus tard, elle l'avait dit à Owen "quelque chose de sombre et malsain entoure la petite" et même elle, sorcière de son état, savait que chasser ce qui maintenait l'enfant dans cette condition pouvait s'avérer dangereux. Mais le clan était le clan. Un pour tous et tous pour un. Mérance ferait au mieux. Et ce soir, la lune avait décidé qu'il était temps pour elle de ne pas apparaître. Puisqu'il en était ainsi, ombre contre ombre, la sorcière avait décidé que cela serait parfait pour demander de l'aide.
Mais quelques heures plus tôt, il lui avait fallu se confier Se confier, Mérance... C'était pour elle un déchirement que de parler de son passé mais Owen et Rosch lui avaient fait remarquer que le clan c'était aussi la confiance et que se confier c'était offrir sa confiance à l'autre. La jeune rousse ne voyait absolument pas les choses ainsi. Se confier c'était ouvrir la porte sur ce passé qu'elle tentait de cacher au fond d'elle-même. Ne plus jamais entendre le rire de son père lorsqu'il refermait la porte de sa chambre après l'avoir rudoyé de coups ; ne plus subir la fureur de ce mari qui la soumettait à ses envies pour la faire plier, chose qu'elle ne faisait jamais. Et s'en suivait des séances de torture morale et physique dont elle n'oublierait jamais la moindre seconde ; ne plus se rappeler que les liens du sang sont parfois plus néfastes qu'autre chose et que son frère avait préféré ne pas la retenir une fois de plus tout en gardant leur jeune sur à ses côtés ; ne plus penser à ses enfants qui auraient dû grandir dans ses entrailles et dont elle s'était débarrassée afin de ne pas offrir de prise sur son destin à cette famille qui lui rongeait les ailes et l'âme.
Fallait-il offrir au monde ces tragiques instants pour qu'ils lui fassent confiance ?
Mérance ne comprenait pas cet état de fait aussi avait-elle prétexté des choses à faire pour pouvoir s'échapper tout en leur disant de ne pas l'attendre si elle devait être en retard. La route ne lui faisait pas peur même seule et elle sentait la nausée se répandre en elle, lui serrer la gorge et lui remuer les tripes alors il lui fallait gagner du temps. Elle avait lâché un morceau de son passé mais cela ne la rendait pas mieux pour autant. Et elle savait que tout le monde saurait dans le clan. C'était comme ça, les choses se disaient parce que cette famille-là partageait tout. Mais Mérance, elle, ne partageait pas pas encore. C'était trop dur et trop vivace pour le faire sans être détruite à nouveau. D'ailleurs, n'avait-elle pas gardé la marque gravée dans ses chairs de son époux afin de ne pas oublier ses néfastes paroles : parler et faire confiance signifiait une mort assurée ?
Le pas se fit rapide le long des ruelles de Béziers tandis que la sorcière suivait le petit chemin qui menait à un bosquet qu'elle avait repéré plus tôt. Un arbre dragonnier y avait grandi et Mérance trouvait absolument fabuleux de pouvoir venir à ses pieds y déposer ses requêtes. Elle serait entendue mais serait-elle exaucée, tout ceci était une autre histoire. Les dieux étaient joueurs et bien souvent, semaient bien plus dembûches sur la route de celui qui venait quémander qu'ils ne le comblaient. Mais elle était prête à en subir les conséquences. D'ailleurs, elle n'en n'avait pas parlé, à aucun d'entre eux. Il lui suffirait de passer inaperçu dans les prochains jours et tout irait au mieux oui tout serait parfait.
Arrivée au pied de l'arbre sacré, Mérance y traça un cercle avant de se tenir face au géant d'écorce et de branches. Elle le regarda de pied en cape avant de se laisser choir à ses pieds. Et d'entamer le rituel. Sortant un carré de lin blanc elle y déposa un poignard à la lame effilée ainsi qu'un calice prêt à y recevoir l'offrande. Inspirant profondément, la sorcière ferma les yeux quelques instants pour trouver la sérénité et chasser cet étrange sentiment qui venait lui ronger le cur. Quelque chose n'allait pas mais elle devait le repousser afin de continuer et aller jusqu'au bout pour Alice.
Rouvrant les yeux, Mérance leva la tête vers la cime de l'arbre, se noyant dans le ciel étoilé.
- O Lune, Déesse de la nuit, vois comme je viens à toi comme l'enfant qui vient de naître
Les doigts longs et fins de la sorcière agrippèrent les nuds de sa robe sur ses épaules et les défit avec lenteur. La robe tomba en corolle autour de la jeune femme tandis que cette dernière reprenait.
- A toi je me présente ainsi sans arrière pensée ni préjugé.
Je te confie ce que je suis afin que tu me guides et me conseilles, aujourd'hui comme demain
Lune, chère souveraine, écoute avec gentillesse mes invocations sacrées,
Statue de la nuit, nouvelle lune, toi qui apporte la lumière aux mortels,
entend ma prière au nom d'Alice, cette toute petite qui cherche la clarté
Accepte cette offrande au nom de sa liberté
Mérance continua ainsi durant de très longues minutes. Le vent se chargea de faire savoir qu'il était de la partie lorsqu'il souleva la crinière de feu de la jolie sorcière. Au loin, un éclair zébra le ciel et la lumière éclaira le firmament. Mérance se dressa sur ses genoux, cambra les reins, offrit son corps à la caresse du vent. Puis elle prit le poignard d'une main sûre, elle s'entailla le bras puis lorsque les premières gouttes de sang glissèrent le long de sa peau, elle les recueillit au creux du calice sacré. A cet instant précis, un grondement de tonnerre se rajouta à la partie et la sorcière comprit que l'orage ferait rage dans quelques minutes. Mais peu lui importait, le rituel devait être fait jusqu'au bout sinon Alice ne pourrait être sauvée. Alors elle continua coûte que coûte même si son corps frémissait de froid et que la pluie commençait à tomber. Le sang fut répandu sur le sol en un signe sacré mais l'eau bien vite délaya le carmin qui s'échappa entre les grains de sable et de terre mélangés. Mérance savait ce que cela voulait dire et malgré tout, elle resta figée sur le sol, le regard hypnotisé vers le ciel.
- Ô astre de la nuit, toi qui voyage sans un bruit,
montre-moi le chemin,
jour et nuit
car tu es commencement et fin
Un nouveau roulement de tonnerre se fit entendre et la foudre tomba non loin de là où la sorcière se tenait, couvrant sa voix. Une bourrasque de vent renforça le sentiment de malaise qui prenait Mérance depuis le début de la soirée. Quelque chose n'allait pas et ça ne faisait qu'empirer. Fort heureusement le rituel touchait à sa fin et bientôt elle pourrait rejoindre les autres pour le départ mais sa route de retour fut semée dembûches. La robe qu'elle avait pris soin de rattacher se prit dans les branches de petits buissons et se déchira à plusieurs endroits tandis que son bras, qu'elle n'avait pas pris le temps de bander continuait à saigner. Et pour couronner le tout, la foudre frappa un arbre sur le bord du chemin qui lui coupa la route. Les éléments se jouaient d'elle et cette fois, Mérance comprit que sa prière ne serait pas entendue. Trop de forces sombres entouraient Alice.
Maintenant, il lui fallait trouver une autre route, s'enfoncer dans les ténèbres, sous la pluie battante qui plaquait sa robe contre elle, la laissant transi de froid malgré la tiédeur de la nuit d'été. Et sans compter la plaie de son bras qui, maintenant, la brûlait comme si un feu intérieur ravageait sa peau. La sorcière devait se battre contre vents et marées afin d'arriver à retrouver les autres avant leur départ mais aux vues de ce qui était en train de se passer, Mérance comprit rapidement qu'elle devrait les rattraper, seule comme à l'accoutumé. Mais n'est-ce pas là sa destiné ?
*titre emprunté au romancier britannique Philip Pullman
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