Dante.tommaso
- *Dun geste souple du poignet, je couchais sur le papier du journal de bord les dernières informations concernant mon voyage. La marchandise était là, dans la cale attendant que mes hommes la transportent jusquau lieu de rendez-vous. Mais il était encore trop tôt, la nuit nétait pas complètement noire et il serait dommage de se faire prendre alors que le but était si proche. Cest que j'en avais fait des pieds et des mains pour dénicher le bon filon, la voie qui me ferait gagner et du temps et de largent afin de satisfaire mes clients. Et comme ce n'était pas tout à fait légal puisque mes clients n'étaient pas non plus ce que l'on pouvait appeler des gens bien comme il fallait, je me devais d'être sur mes gardes afin de ne pas me faire extorquer ma marchandise par un concurrent trop bien informé ce qui provoquerait mon infortune. Il y avait trop d'argent à se faire pour laisser la place de choix au hasard. Jamais cela n'arriverait !
Penché sur ma plume, je n'en finissais pas de l'entendre gratter le vélin. Lieux visités, personnes contactées, marins rebelles aux ordres ou pas assez impliqués dans laction voir dans la mission telle une fourmi qui engrangeait de quoi se nourrir, je conservais les détails qui, plus tard, séviraient à nouveau. Dans ce métier, il ne fallait jamais oublier que la prudence était primordiale mais que les renseignements étaient vitaux. Les gens ont tendance à vous tourner le dos facilement et je n'étais pas de ceux qui se laissaient faire sans réagir. N'en déplaise à mes anciens associés...*
Redressant la tête, Dante finissait de se relire lorsqu'un coup fut porté contre le bois de la porte. Soudainement nerveux, il rangea rapidement son journal non sans avoir pris soin d'absorber les gouttes d'encre encore trop gonflées qui auraient laissé des traces et salopé le papier. Tirant le tiroir de son bureau, il y glissa le précieux manifeste puis lança d'une voix légèrement éraillée.
- Entre !
Un homme à la chevelure grise et à la barbe prononcée s'avança, une main posée sur son ceinturon.
- C'est l'heure cap'taine. On y est, les hommes sont prêts à décharger mais ils veulent savoir si vous v'nez avec pour la transaction. Ils disent que sans vous c'est pas pareil.
Le vénitien arqua un sourcil puis se recula dans son fauteuil.
- tu m'en diras tant... aurait-on des mauviettes parmi nos hommes ou bien je dois tout faire moi-même ?
- Bah c'est pas ça cap'taine mais vous savez la réputation du coin. Si la meute décide de venir nous cueillir alors qu'on livre la cargaison, ils pensent que vous êtes le seul à pouvoir les résonner comme vous l'avez fais à Alexandrie l'année dernière.
- Tes hommes m'emmerdent Argdall et je te le dis sans honte. Je n'ai jamais vu d'équipage avec autant de bras cassés que celui-là. Ils mériteraient que je les laisse se démerder tout seul et que j'attende sagement que vous reveniez... mort ou vif !
Mais tout en disant cela, Dante portait déjà son épée à sa ceinture. Il avait beau gueuler après ses hommes, il ne les laisserait jamais affronter seul un obstacle. Et ce dernier était de taille. La livraison se faisait en terrain ennemi, dans la gueule du loup, en pleine citée de Gênes alors que tout le monde savait qu'ils étaient les principaux concurrents des vénitiens à la course aux marchandises. Mais Dante n'en n'avait cure depuis bien longtemps, depuis que sa vie avait été un fiasco des plus innommables et qu'il se punissait en affrontant la mort à chaque fois qu'elle se présentait devant lui. Jamais il ne reculerait. Et pour l'heure il serait donc devant, là où était finalement sa place. Regardant son maître d'équipage le vénitien lui fit signe de la tête.
- Va les prévenir que j'arrive et qu'ils n'ont pas intérêt à perdre du temps sinon je les abandonne ici-même. Au moins ils sauront pourquoi ils me maudissent.
Un rictus amer apparut sur le bord de ses lèvres puis Dante attendit que Ardgall sorte pour fermer le tiroir de son bureau à clé et de repasser le cordon autour de son cou. Ce soir, lorsque l'affaire serait conclut et qu'il rentrerait ivre et riche de quelques écus supplémentaires, il pourrait relire et compléter ses notes. Si ce marché avait une fin heureuse, un autre s'ouvrirait sur d'autres marchandises toujours plus loin à aller chercher, toujours plus compliquées à dégoter, toujours plus difficiles à livrer. Mais le jeu en valait la chandelle et Dante savait que c'était le moteur de sa vie, l'adrénaline qui le poussait toujours à aller de l'avant plutôt que de penser à la mort comme il l'aurait souhaité bien des années plus tôt. Mais la route était longue, semée d'embûches. Heureusement, Dame Fortune savait parfois changer le destin des hommes.