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[RP] Un paon jamais ne se déplume...

Watelse
Du haut de son mulet, Juste-Parfait s'époumonait :

Avance, gredine où je donne la carotte aux porcs !

Les coups de talons n'y changeaient rien. Hi-Han Solo, le mulet, ne bougeait pas d'un poil sur le chemin qui devait les mener au prieuré de Ste Illinda non loin.

Son père s'étant approprié un bel étalon, Juste-Parfait s'était fait distancé de plusieurs trots. Il revoyait son père lui rire au nez: "Allons, fils, tu te traines à quatre pattes tel un bébé encore dans ses langes... et un bébé femelle de surcroit!"
La honte lui rougit le visage une nouvelle fois. Loin devant, son père déguisé en grosse matrone aux atours plus que vulgaires et ostentatoires, oscillait de la croupe autant que son propre destrier. Fier comme un paon, le menton fraichement épilé pour l'occasion levé vers le ciel, le vieux Watelse échauffait sa voix comme une cantatrice avant la représentation : "hiiiiii hooooo haaaaa" de sa voix féminine à peine supportable.

Juste-Parfait regardait le soleil avancer doucement dans le ciel et se remémorait le peu de souvenirs qui lui restait de sa mère. Il n'entrevoyait qu'un sourire et un geste caressant. Rien de plus. Puis le vide de son absence. Elle, qui préférait son couvent à sa propre progéniture. Non, vraiment, Ellya de la Duranxie n'avait rien d'une mère aimante. Et aimée.

Le mulet se trainait mais regagnait peu à peu sur son retard. Juste-Parfait réajusta son chapeau, où, fier du symbole familial, il tenait à accrocher une plume de paon.


Père ! héla le jouvenceau de 14 ans. Etes-vous toujours aussi certain de vos plans? Sera t'elle assez crédule pour m’accueillir dans son intimité ? C'est que je ne voudrais pas qu'elle tente de m'empoisonner moi aussi...

Comme il serait amusant de lui verser, à la nonne, quelques gouttes chaque matin dans son lait, provoquant des délires. On la prendrait pour folle. Elle perdrait toute crédulité. On la dirait habitée par le malin. Peut-être même l'Inquisition la torturerait? Quelle jubilation cela serait!
Georges_l_watelse
Brave petit! mais il se posait trop de question pour un Watelse. Laissons les questions aux femelles et l'action aux mâles! Le vieil orfèvre, prétendu mort empoisonné par sa femme *, fit rouler son imposante bague autour de son index. Il était curieux qu'une bague de femelle lui plut autant. Elle était de la couleur des Paons, son animal fétiche. Une création de Maitre Firmin. Une beauté...

Reprenant une voix profonde d'homme : Ellya a la tête aussi vide que les sermons qu'elle débite : elle boira tes paroles comme l'eau de sa sacristie, comme une rédemption à la mère indigne qu'elle est! Si tu l'illusionnes de ton supposé amour filial, si tu la dupes de paroles tendres comme je te l'ai appris ces derniers jours, ce sera du pain béni pour notre vengeance!

Oui, elle boirait ses paroles d'enfant délaissé. Elle boirait aussi tant de drogues qu'elle finirait bien par en crever.

A vouloir tuer un paon, c'est la nonne qui en laissera des plumes.


Sainte-Illinda se présente à leurs regards. Watelse se demanda un instant si le couple de paons étaient toujours présents en ses lieux : il avait passé tant de temps à les faire s'accoupler en vain, ces volatiles adorés...

D'un geste impérieux, il fit taire toute réplique à son fils et lui murmura d'une voix féminine trop haut perchée :


Fils, il est temps pour Watelse d'entrer en scène!


Watelse fit tinter la lourde cloche.


* (lien topic http://forum2.lesroyaumes.com/viewtopic.php?t=729586)




Je suis de retour !
Ellya
Alfoooooooooonse!
Mmh?
Ca a sonné! Vous êtes sourd?
C'pas mon jou'!
Comment ça, ce n'est pas votre jour? C'est tous les jours votre jour!
Mon dos m'fait mal! J'y va pas leur ouvrir, et pis c'est tout! Z'avez qu'à l'faire vous-mêm'...
Mais qui m'a fichu ce moine en paille dans les pattes....

Ellya essuya ses mains sur sa bure et se saisit du seau empli d'eau qu'elle venait de remplir au puits. En passant devant le vieil Alfonse qui baillait aux corneilles, elle lui en renversa un peu sur les pieds, mine de rien. L'entendre jurer suffit à lui arracher un sourire: la journée commençait plutôt bien.
La Duranxie n'était pas étonnée d'entendre la cloche de l'entrée retentir: elle attendait une délégation toulousaine pour faire affaires. Monseigneur Bardieu en personne l'avait chargée de faire du troc avec eux, de viandes et de tonneaux de bières. Elle déposa son seau près de la porte avant de tirer celle-ci vers elle, avec sa maigre force.


Adishatz à vous mess... Mossu, Dauna!

Elle eut du mal à camoufler sa surprise: elle imaginait les Toulousains plus... moins...

Hum. La bienvenue au Prieuré du Rivet! Je suis la Soeur Ellya. Entrez, entrez.

Elle leur offrit son plus beau sourire, qu'elle n'avait d'ailleurs pas à feindre, étant toujours ravie d'accueillir de nouvelles têtes. Piètre physionomiste, toutefois, elle ne reluqua pas davantage les deux arrivants, qu'elle ne reconnut donc pas. Peut-être, si elle avait croisé les yeux de gris de Juste... Oui, peut-être se serait-elle demandée? Mais cela faisait tant d'années. Et son défunt quinquagénaire l'avait tant persuadé qu'elle était dénuée d'instinct maternel, qu'elle s'en était dépossédée toute seule.
La chair de sa chair passa donc à ses côtés sans que rien n'éveille sa curiosité. Quant à celui qui avait un jour partagé sa couche, elle évita de croiser son regard tant la femme avait une allure à faire grincer des dents: comment diantre pouvait-on avoir si mauvais goût en matière de robe?!
Sibylle.
Sibylle n'était pas encore habilité à accueillir les pèlerins et les fidèles seule, en général, elle suivait sagement Alfonse et une fois l'accueil fait, elle allait préparer les chambres et gérer l'hôtellerie.

Ce jour là, elle était dans le sillage de sa Mère, ce qui l'emplissait de bonheur. Elle adorait faire les choses avec Ellya, elle adorait passer du temps avec elle et ne se lassait pas de ce que la Mère Supérieure lui apprenait.

La tête baissée en signe d'humilité, ayant pris soin de réajuster le voile qui cachait ses cheveux roux, symbole du Sans Nom, les mains sagement réunie devant son ventre, elle attendait, très très sagement.

Elle jeta tout de même un coup d'oeil à cette délégation Toulousaine qui n'en était pas du tout une. Curieuse, elle l'était terriblement.

Elle observa donc discrètement cette femme qui en imposait et le jeune homme qui l'accompagnait. Il avait un beau visage et elle se dit que pour une fois l'arrivée de quelqu'un d'à peu près son âge allait la changer de ceux qu'elle côtoyait chaque jour.

Liberté quand tu nous tiens... Mais discrètement, surtout très discrètement!

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SAINTE ILLINDA FOR EVER
Watelse
Juste-Parfait eut rabattu sa capuche sur sa tête que cela n'aurait fait aucune différence : Sa propre mère ne l'avait pas reconnu. Bien entendu, cela faisait plus de dix ans qu'ils ne s'étaient croisés, mais tout de même, il en éprouvait une certaine colère. Un regard de reproche envahit un instant son visage, puis se rappelant les paroles toujours avisées de son père, il se força à sourire et à feindre la joie : L'heure était aux embrassades et non aux velléités. Alors, il récita le texte qu'il avait longuement répété sur la route avec le vieux Watelse :

Ô joie de vous revoir, ma mère. Votre coeur ne me reconnait-il pas? Je suis Juste-Parfait, le bien-nommé par vous... Aristote soit loué, je vous trouve enfin, en pleine vie et jouissance de la santé !

Aristote...Pouah! Le jeune spinoziste grimaçait intérieurement sur ces croyances d'un autre âge. Les aristoliciens ne manquaient pas d'imagination pour compter sornettes aux gueux crédules. Mais lui, Juste-Parfait, percevait les fariboles dans ces promesses de Paradis solaire et les arracheurs de dents comme leur guide Aristote.

Juste-Parfait espérait que son jeu ne fut pas trop appuyé et n'attire pas la suspicion d'un tiers. Une mère peut se laisser abuser par les afflux de son cœur, mais une oeillade plus impartiale pourrait débusquer l'anguille.

D'ailleurs, une jouvencelle suivait la Prieuse, et il ne put que remarquer l'amour qui liait les deux femmes. Il le nota par petits détails : l'attention du regard de la jeunette vers la plus âgée et l'inflexion de sa tête en signe d'adoration. En un temps meilleur et plus juste, ces regards et cet amour auraient du le lier lui à sa mère. Et nul autre. Aussi le jeune garçon prit légèrement en grippe la jeune Sybille (il en saurait le prénom plus tard) qui lui avait voler sa place comme un pie vole impunément le nid d'un autre volatile.

Il concédait pourtant à la pie une certaine grâce et un air gentil... Son père lui conseillerait certainement de se méfier de cette péronnelle. Ce qu'il fit immédiatement.

Le brun garçon prit la main de sa mère, rejetant derechef la sensation singulière et agréable qui accompagnait le geste:


Ô mère, la douceur de votre main est telle que dans mes souvenirs d'enfance.

Et cette seule parole fut vraie.
Ellya
A peine les avait-elle salués qu'elle s'était de nouveau saisit du seau, imaginant que tous iraient naturellement au réfectoire, comme il était de coutume. Elle croisa le regard de Sibylle, lui sourit, plutôt fière de l'humble posture de sa pupille. Décidément, elle l'éduquait bien l'enfant du Prieuré.

Et ce fut la fin de cette radieuse journée. Du moins, pour le côté radieux.
Aux mots du jeune homme, n'importe quelle mère digne de ce nom aurait eu les larmes aux yeux, la morve au nez et le cœur si gros d'amour qu'il se serait déversé en embrassades et autres mots doux.
Ellya, elle, se pétrifia, les yeux posés sur celui qui disait être sa progéniture. Aussi blanche qu'une statue de marbre, elle dévisagea le moindre grain de sa peau, de l'arrondi de ses oreilles à la courbe de son nez en passant par l'iris métallique et le sourire qui se voulait... Chaleureux? Les pensées s'emmêlaient sous son crâne, tout allait très vite.
Elle se demandait comment le nourrisson qu'elle avait un jour tenu au creux de ses bras -un jour seulement!- pouvait à présent être aussi grand qu'elle.
Elle se demandait pourquoi il lui ressemblait si peu. Et si elle l'avait tenu contre elle plus longtemps, aurait-il eu sa chevelure de blé? Ses yeux clairs?

Il lui prit la main. Son autre lâcha le seau qui déversa son contenu à leurs pieds. Alors son corps perdit sa raideur et sa bouche se répandit en excuses.


Bon sang. Je veux dire. Mince. Pardon. Je...

Son cœur se mit à battre à rompre sa poitrine. Non pas d'amour...
Mais de panique! Que devait-elle dire? Que devait-elle faire?
Comment fait-on pour être une mère exemplaire quand on ne ressent aucune tendresse envers un étranger élevé dans la foy spinoziste? En tous points, Ellya de la Duranxie se devait d'être parfaite! En apparences, du moins...

Elle dégagea sa main, un peu vivement. Il la brûlait comme les autres. Elle ne supportait décidément plus aucun contact. Pas même celui de son fils. Elle s'en saoulerait plus tard.


Juste? Quelle surprise. Je veux dire. Quelle... joie? Mon fils! Si grand.

Elle ne parvenait pas à le quitter du regard. Il était là. Trop là. Trop proche.
Et soudain, tout le poids du monde s'abattit sur les épaules de Cistercienne. La chair de sa chair, qu'elle avait été si heureuse de porter... Lui semblait être un bien lourd fardeau.
Et soudain, une douloureuse pensée prit naissance en son bas-ventre: elle ne voulait pas être mère. Elle aurait voulu ne plus l'être.

Mais de toutes, elle s'acharnerait à être la meilleure.
A cause d'une idiote promesse à un orfèvre qu'elle avait bien aimé, un jour, et beaucoup haï, les autres.
Sibylle.
La jeune religieuse était spectatrice, néanmoins ce qui se déroulait sous ses yeux lui fit relever le nez et garder la bouche ouverte.

Un fils. SON fils. Déjà elle devait se partager Ellya avec Triton, et tout ceux qui voulait profiter de la sainte réputation de sa Vénérable Mère, mais là, elle avait juste devant son nez, SON fils!!! Sibylle était sans doute aussi pétrifiée qu'Ellya, les yeux ronds, la bouche encore ouverte, prête à gober les mouches. Son regard ne quittait pas ce jeune garçon qui devait avoir quoi? quinze ans? Même pas!

Ellya semblait émue, forcément et Sibylle désemparée. Elle n'était rien, Sibylle n'était plus rien. En quelques secondes, le monde s'effondrait, le prieuré s'effondrait, tout était horrible et en plus, le fils en question n'était même pas roux, lui! Il ne portait pas la marque infâme du Sans Nom. O rage, O désespoir, O sang ennemi...

Pour la première fois de toute sa vie, elle se sentit orpheline et comme à chaque fois, ses joues redevinrent pivoines et le sel lui montra aux cils.

Tristement, elle s'agenouilla, ramassant le seau mais aussi pour se donner bonne contenance.

Ses émeraudes délavées par la tristesse, elle se força néanmoins à sourire et se tourna vers sa Mère, gardant le jeune homme dans le coin de son oeil.


Ma Mère, souhaitez-vous que j'aille préparer les chambres à l'hôtellerie? Et je vais faire prévenir les cuisines pour le souper...

Cette fois, elle fixa le Juste-Parfait avec insistance.

Bienvenue à Sainte Illinda, messire, nous sommes ravis d'accueillir l'illustre fils de notre Vénérable Mère Abbesse.

Pour la première fois, Sibylle mentait. Tout d'abord elle n'était pas ravie de le rencontrer, même s'il était charmant, et en plus, jamais elle n'avait entendu parler de ce fils et puis... Juste Parfait, quel nom débile et pourquoi pas Saint Précieux! Mais, c'est vrai.. Ellya n'en avait jamais parlé... Peut-être qu'en fait, elle ne l'aimait pas tant que ça? Peut-être qu'en fait, tout n'était pas perdu? Peut-être...

Et un charmant sourire naquit sur ses lèvres fines.

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SAINTE ILLINDA FOR EVER
Georges_l_watelse



Le cuir de la selle commençait à sérieusement lui irriter l'entrejambe qui n'était couvert que de dentelles et soies. Le Watelse version femelle déposa son corps imposant à terre, sans grâce et en un bruit qui fit bondir le mulet à côté. Il épousseta un peu sa robe et recala une mèche rousse (plus rouge que rousse) qui se balladait derrière ses larges et viriles épaules.
Pour un passant, il aurait passé pour une armoire normande qu'on aurait décoré avec des colifichets glanés chez un marchand ambulant. Et lorsqu'il prit part à l'échange pseudo-émouvant entre son fils et ce débris de femelle, un éléphant n'aurait pas barrit aussi fort :


GRAAAAAAND ARISTOTE! QUE CELA ESSSSST JOLIIIII! QUE CELA EST BEAUUUUU!

Voix qui se voulait féminine et mélodieuse. Le mulet et le cheval prirent la fuite vers un bosquet voisin.

Watelse n'aimait pas rester dans l'ombre, et ne pas être le centre de cette conversation irritait sérieusement le vieillard. Faisant tournoyer autour de son bras une canne de femme, il en aboutit le bout sur la tête de son fils:


Voooyyoooons voyons, on sèche ses larmes, Sieur Watelse. On ne pleure qu'aux enteeeeerrrements...

Se tournant vers la nonne:


N'est ce pas, l'abbesse? Vous devez en avoir vu, VOUS, des enterrements et des cimetières....

Au souvenir de sa propre mise en terre à Paris, Watelse père eut le courroux au bord des lèvres, mais la courbe de celles-ci se figea en un rictus joyeux mais faux.

MAIS pardonnez MOI, ô fielleuse nonne - euh que dis-je - meeeeerveilleuse nonne. Permmmettez que je me présente : Paondora Nescafet, grande diseuse de l'aaaaavenir, buvant du café et en lisant dans le marc. Et aussi parfois dans les coquilles d'oeufs de poules et les crottins de chèvres.

Il fait mine de renifler Ellya.


... les chèvres, oui et peut-être dans les VÔTRES, car il y a du bouc dans votre arbre généalogique.

Watelse ponctua sa soit-disant plaisanterie avec un rire haut perché. Il reporta son attention vers une jeune et servile bonne soeur et lui décocha un clin d'oeil goguenard et un peu vulgaire.

Oui, oui , montrez nous les chambres et que les latrines soient propres car le séant de Paondora Nescafet ne saurait JAMAIS connaitre l'auréole poisseuse d'un pot de chambre de moine!

Du bout de sa canne, Watelse/Paondora releva le menton de la jeune personne :

Compris?


Oui, la discrétion n'était pas une qualité watelesque .




Je suis de retour !
Watelse
Automatiquement, comme toujours devant son père, Juste-Parfait Watelse s'efface. Ses quatorze printemps ne pouvaient rivaliser avec les soixante hivers de Watelse Père. Là où Juste se considérait comme bon, il voyait le génie de son père. Là où il se trouvait dégourdi, son père était fort comme un lion. Là où Juste se percevait comme intelligent, Watelse père passait pour brillant. L'adoration qu'il avait pour son paternel obstruait complètement son sens critique : devant le Paon-dora se pavanant, Juste se tenait en retrait, admirant la palabre et le jeu précis du vieux Watelse.

Peut-être toutefois en faisant-il un peu trop sur les latrines? Ne pouvaient-ils pas tous deux partager leurs souillures quelques jours avec des moinillons? Ne fallait-il pas garder le profil bas et la parole mielleuse?

D'un geste lent, soucieux de ne pas vexer son père, il dégagea la pointe de la canne du menton de la jouvencelle.


Mère, Soeur, veuillez toutes deux accepter mes excuses pour mon amie fidèle qui a peu l'habitude de l'humilité des dortoirs et du silence des prieurés. Nous nous contenterons des latrines communes. Et...

S'adressant à la plus jeune :

Si ma mère me le permet, je souhaiterais participer à la corvée de leurs nettoyages avec mes Frères et Soeurs. Rien ne nous approche plus de la sainteté que de nous abaisser à la simplicité d'une telle tâche...

Mentalement, Juste-Parfait s'imaginait avec un linge nettoyant les excréments aristoliciens et en barbouiller cette face de mère indigne, qui, hébétée, ne semblait pas plus animée d'émotions maternelles qu'une statue de leur Ste-Illinda. Faire bonne figure, faire bonne figure, ... Que cela allait être difficile!
Ellya
Ils parlaient.
Tous.
Trop vite.
Et ses yeux à elle ne parvenaient pas à se détacher du visage de son fils. Elle finit toutefois par se faire souffrance pour accorder un regard à la grande folle rousse qui, de sa voix de fausset, semblait prête à leur entonner l'air de la Castaphiore. Pourquoi la chair de sa chair trainait-elle avec une créature pareille? Menteuse de mauvaise aventure de surcroît! Avait-il été si mal éduqué, lui, au point de croire aux fadaises des loufoques avides de gagner quelques deniers contre quelques fausses vérités?
Ellya ne comprenait plus rien et ne parvenait à caser aucune réponse aux multiples questions posées. Elle n'eut même pas le coeur de comprendre la remarque sur le bouc. Perdue, elle était perdue. Et aucune bouée ne vint flotter près d'elle, sa pupille n'ayant pas cet office.


Votre amie? Oui, oui. Non, ne vous excusez pas, c'est...

Marde! Une amie? C'était une amie de son fils?! Où allait le monde?
La Duranxie sentit toutefois un regain d'intérêt envers son fiston qui semblait se montrer extrêmement pieux. Comme le pensait Sibylle, mais pas pour les mêmes raisons, tout n'était peut-être pas perdu.


Votre humilité fait plaisir à voir, Fils.

Pour la première fois, elle lui accorda un sourire. Bienveillant. L'aimer serait peut-être plus facile qu'elle le croyait! D'autant plus s'il était un bon croyant. Elle jubilait presque à l'idée d'imaginer que son époux ait échoué: le petit Juste ne serait donc pas un arrogant spinoziste! Ah ah ah!
Tiens, en parlant de l'orfèvre...


Je... Vous avez dû l'apprendre un peu en retard, mais...

Le retard avait été voulu. Elle se mordilla légèrement l'intérieur de la joue avant de continuer.

Votre père a rejoint le...

Sûrement pas le Soleil.


Le ciel.

Elle se signa. Pour la forme. Et un peu par culpabilité aussi...
Watelse
Au ciel, mon père? Par tes soins, oui, souillure, bagasse, roulure, menteuse éhontée. pensait le jeunot. Il se revoyait déjà tabassant à mort le charlatan qui, sous les ordres d'Ellya de la Duranxie, administrait un poison à un Watelse père affaibli par la maladie. Ce médicastre de pacotille qui avait laisser échapper le nom de la nonne entre deux râle de souffrance. Il se verrait bien malmener aussi sa mère. Ou non, plutôt la jeune nonne qu'elle semblait envelopper de l'affection dont il avait manqué durant son enfance. S'il malmenait la jeune fille, il toucherait la Mère prieure profondément...

Au ciel, oui. Au paradis solaire assurément. Mes prières quotidiennes lui parviennent je l'espère, et l'aide à se faire une place parmi les anges.

Il laissa échapper un petit rire:

Si les anges le prennent en amitié, pour sûr mon père les couvrira des bijoux les plus beaux. Il savait être généreux avec ceux qui lui ouvraient les bras.

Quel mensonge. Il n'avait jamais vu son père donner quoique ce soit sinon des jugements acides et des coups de cannes. Et à des anges? Encore faudrait-il que ces volatiles existent! Si Père avait croisé un ange, il l'aurait plumé après l'avoir traité de poulette sans cervelle.
Mais restons faux, restons aristolicien :


Je n'ai qu'un regret...

Juste-Parfait reprend la main de sa mère, lui caresse le bout des doigts et cherchant ses yeux, il roucoule ces derniers mots :

... ne pas avoir été à vos côtés pour vous épauler dans votre chagrin et joindre mes prières aux vôtres et ma voix à vos oraisons.

Comment un gamin de quatorze ans avait appris si facilement à mentir, à haïr et à duper? Un mouvement de ses phalanges et il pourrait broyer cette main si frêle et lui faire regretter sa tentative de meurtre sur son mari et l'abandon de son fils loin au sein d'un foyer peuplé d'inconnu où il n'avait jamais trouvé sa place.
Ellya
Généreux?
Ellya lui avait ouvert sa maison, sa foy et même ses cuisses, mais jamais, ô grand jamais n'avait-il été généreux avec elle. Sauf en coup de canne. Et de fouet, deux fois: l'une pour se distraire devant tout Paris, l'autre des années plus tard parce qu'il croyait dur comme fer qu'elle le trompait.
Elle aurait voulu détromper son fils, mais elle avait promis: Juste porterait le nom de son père, connaitrait le spinozisme et elle n'irait jamais salir sa personne de détails peu ragoûtants.
Soit. Ses lèvres étaient scellées.

Elle n'en demeurait pas moins écoeurée, autant par ces pensées que par le contact qui se répétait. Elle se flagellait intérieurement: n'aurait-elle pas dû chérir la sensation de la peau de son enfant contre la sienne? Alors pourquoi cette sensation si désagréable qui fusait dans tout son corps?


Je... Oui. Quel dommage.

Elle n'osa pas le regarder dans les yeux, cette fois: elle ne regrettait pas de ne pas l'avoir convié à l'enterrement de son bureau. Plus doucement que la première fois, elle retira sa main avant de proposer

Peut-être pourrons-nous un jour aller nous recueillir ensemble sur sa sépulture.

Sa voix était timide, comme si elle énonçait une bêtise. Un non-sens. Mais une bonne mère doit faire plaisir à son fils, non?


Suivez Soeur Sibylle, elle vous montrera les dortoirs et le réfectoire. Je vais... Je dois... Je vous retrouve plus tard.

Elle venait à peine de retrouver son rejeton et elle n'avait qu'une hâte: s'éloigner. Ce qu'elle fit sans attendre de réponse.
Sibylle.
La jeune fille ne manquait pas une miette de la scène. Elle guettait sa Mère, se demandant quelles émotions pouvait l'imprégner. Elle observait le jeune homme et surtout, cette drôle de femme qui parlait fort et qui avait franchement une drôle de tête. C'est qu'elle était presque rigolote, en revanche ce qu'elle disait était franchement bizarre.

La situation revêtit un caractère étrange lorsque la mère évoqua la mort de son époux et la réaction du fils surpris la jeune fille. Tiens, il ne semblait pas triste du tout!


Bref, Sibylle se réfugiait dans l'humilité, la discrétion et les sourires de façade, elle adressa une œillade à la Mère Abbesse et s'inclina.

Oui, oui! je vous en prie, suivez-moi!! Puis-je vous aider à porter vos bagages?

Et pour les pots de chambre, n'ayez crainte vous aurez ce qu'il vous faut. Une rigoureuse propreté est de rigueur dans ce monastère.

Son regard croisa celui de Juste-Parfait, elle pinça sensiblement les lèvres.

Je loue votre bienveillance et votre altruisme. Je vous montrerai les différentes tâches que nous effectuons au monastère, vous pourrez choisir celles qui vous plaisent le plus.

Un peu malicieuse, elle se pencha vers lui et murmura en confidence :

Moi, c'est la cuisine que je préfère.

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SAINTE ILLINDA FOR EVER
Georges_l_watelse



Le Watelse à perruque rousse toisa un moment son fils interloqué de le voir s'interposer entre lui et la jouvencelle. Se pourrait-il que déjà cette sorcière ait ensorcelé son fils Juste en un battement de cils? Les grognasses en sont capables oui, et Juste est inexpérimenté en la matière! Le Watelse sert ses dents légèrement jaunies et Juste échappe de justesse à un coup de canne sur le crâne grâce à l'intervention brève et assez froide d'Ellya.
Qui s'enfuit à la hâte vers je ne sais quel chemin de croix. Les laissant tout deux avec la linotte.
Le Watelse attrapa son sac en cuir, lourd - il avait au moins dix jupons de dame et cinq corsets - et ne se fit pas prier quand la jeune nonne proposa de l'aide pour les bagages : il lui refourgua l’embarrassant bardas dans les bras. Après tout, ça lui apprendra à la petiote de vouloir faire la charité. Toute vertu n'est pas toujours bonne à étaler!
Ca lui évitera à la donzelle de faire du gringue à Juste et à lui murmurer je-ne-sais-quelle niaiserie!


Auuuuu lieu de pépier comme deux moineaux en chaleurs, les enfants, montrez donc à la Paondora pieuse que je suis - petit ricannement - l'endroit de la prière.
Car Watelse n'avait aucune confiance en la propreté des pots de chambre et était décidé à se soulager dans de l'eau bénite. Par ailleurs, n'était-ce pas un don de lui même que de déverser sa substance doré à qui voudra être béni? C'était ce qu'on appelait de la générosité watelesque!

Tapant le sol de sa canne.


Allons, allooooons! Paondora exige, Paondora veut, Soeur Sybille s'exécute!
Watelse
(Quelques minutes plus tard, dans une chapelle, proche du bénitier)


Même un fils aveuglément attaché à son père peut rester mortifier par une remarque : moineaux en chaleurs?? Le père s'égarait, le fils en était convaincu. Jamais il ne se laisserait approcher par la gente féminine, sa mère avait tôt fait la démonstration que cette catégorie de l'espèce humaine n'en valait pas le coup.

Un regard sur son père qui remontait sa jupe le coupa dans sa grognerie. Non?? Vraiment? Vivement, le garçon se place entre la Paondora et la religieuse. De ses épaules peu développées, il tente de cacher le triste spectacle urinaire de son père aux yeux innocents de Soeur Sybille.

Prenez votre temps, Paondora, de vous signer le front de cette eau bénite, persifla t'il entre ses dents. Son père n'avait il donc aucune gêne à montrer ses attributs en un lieu sanctifié? Même éloigné de la foi Aristolicienne, Juste-Parfait ne s'imaginerait jamais à en offenser les lieux et les coutumes.
Je connais votre pudeur dans la dévotion et vous cache des yeux inquisiteurs...

Qu'est ce qu'il ne fallait pas inventer. Derrière lui, il n'osait même pas imaginer le visage de l'aristolicienne ; serait-elle étonnée? intriguée? Ce manège lui semblerait-il suspect?

Combien de tonneaux de bière son père avait-il bu?? Le bénitier semblait prêt à déborder! Vraiment....

Se tournant vivement, et cachant toujours les attributs de l'immenses rouquine, il chercha à faire diversion aurpès de la nonne :


Dites-moi, ce lieu est propice aux confessions et aux confidences. Parlez-moi de vous, Soeur Sybille...

Oui, voilà, question ouverte. Comme lui avait inculqué son père
: "les grognasses ça aime qu'on les flatte, qu'on les bichonne et qu'on écoute... et certaines qu'on les fouette, mais nous y reviendrons plus tard, mon fils".
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