Ayorjo
Après quelques jours dune traversée entre Alexandrie et le sanctuaire Taurin, le groupe de voyageurs débarqua sur cette plage dun bout du monde, où chacun partirait à quelques achats locaux, ou autre expérimentation de voltige, ou tout simplement pour profiter encore un peu de la dernière étape terrestre avant le grand voyage de retour vers des terres moins inconnues. A bord de lEtoile, il y eut des moments de rire, des moments de révélations, quelques discussions sur la relation dun barbu et dune tressée, qui après sêtre posés des questions sur une peut-être trop grande discrétion finirent par se rassurer mutuellement, continuant de trouver leurs moments partagés toujours aussi parfaits, comme ils aimaient à les qualifier.
En ce premier jour eut lieu un baptême, où tous étaient réunis autour dun capitaine qui prendrait leau cette fois-ci. Ayorjo avait abandonné toute crainte à lidée dy assister, trouvant dans le contact de la main et dans le regard dAryanna toute la confiance, la complicité et le soutien quelle lui apportait dans la confidence de sa foi Averroiste, dont il lui avait fait part il y avait maintenant quelques temps. Ils ne se quittèrent que peu des yeux, lors de cette cérémonie, et ne se séparèrent que rarement -mais cela nétait pas vraiment inhabituel- alors quils découvraient ensemble les lieux inconnus pour la fuxéenne.
Néanmoins, il était prévu quils fassent partie de léquipage de la Yemaya pour le retour, et il nétait jamais trop tôt pour entreprendre le petit déménagement de leurs affaires, entre la cabine Etoilée et leur prochain lieu de vie, où ils savaient déjà quils passeraient de nouveaux moments paisibles, ensemble.
Il nétait pas question, pour le barbu, de laisser Aryanna laider dans cette tâche relativement pénible, et pour le moins fatigante, alors quelle avait été blessée à la tête à peine quelque jours plus tôt. Il insista pour quelle le laisse soccuper du transfert de leurs effets personnels, et cest ainsi que, même sil ne pouvait que rarement, et pour de courtes périodes se passer de sa présence à ses côté, loiselle séloigna, sous le regard bienveillant du barbu.
Quelques instants plus tard, alors quil se dirigeait vers la Yemaya, les bras chargés de bric à brac, un cri lointain atteignit ses oreilles. Un appel à laide, long et perçant, qui le fit se tourner instantanément dans la direction du pied de la fameuse falaise, quil pouvait apercevoir au loin depuis les vieux quais Taurins. Sans y réfléchir, il lâcha tout ce quil avait dans les bras et commença à courir, vers ce lieu qui avait été témoin de tant de malheurs, lui même ayant connu un sort douloureux il y avait de cela quelques mois. Il ne pouvait donc y avoir aucun doute, quelquun avait sans doute du se blesser, et avait besoin dassistance...
Les azurs de Manon oscillent entre son amie et le chemin qui longe le pied de la falaise en une régularité presque mécanique. La panique commence à sinsinuer dans son esprit devant ce corps que lon pourrait croire sans vie si ce nétait une respiration digne dun profond sommeil. Si linstant était à de plaisantines pensées, elle aurait pu contrer quiconque insinuerait que la belle au bois dormant émettait de lourd ronflement sonore durant son sommeil puisquà lévidence, tel nétait pas le cas. Peut être aurait ce été plus rassurant ceci dit
En létat, la Lescurienne ne savait que faire pour aider la belle hormis de lui murmurer doucement son prénom entre deux hurlements dappel au secours jusquà ce que Manga, suivit de près par Ayorjo apparaissent dans son champ de vision, accourant comme sils étaient pourchassés par un énooooorme monstre marin.
Au bout de sa course effrénée, le barbu aperçut Manon, dont il avait reconnu la voix dans cet appel à laide, et Manga, qui avait sans doute déjà accouru, penchées sur un corps allongé sur le sable, apparemment inanimé. Un regard sur des jambes chaussées de bottes usées et son coeur sembla sarrêter. Il sapprocha au plus près, sentant ses jambes se dérober et sécroula alors, les genoux se plantant dans le sol, devant loiselle quil pensa alors sans vie.
Pendant un instant, il ne pu réagir, il ne vérifia même pas si elle respirait encore. Il ne pensa quau pire, elle était partie et son monde sécroulait.
Mais en la regardant, les yeux embués et le coeur serré, il remarqua un léger mouvement animant encore le corps étendu, une lente respiration qui soulevait le haut de la frêle silhouette. Il se pencha doucement vers elle, le désespoir faisant place à un soulagement incommensurable quand il entendit ce léger souffle, témoin du signe quelle était encore en vie.
Mais il ne savait que faire, il restait tétanisé malgré tout, comme incapable de prendre la moindre décision face à cette situation quil ne comprenait pas. Il se tourna vers la Comtesse de Vénès, à la recherche daide, de compréhension, ou encore du déclencheur qui le sortirait de sa torpeur pour enfin réagir et venir en aide à sa bien aimée.
Lesprit enclenche une analyse de toutes les possibilités alors quencore une fois, Manon se gronde de navoir suivi plus assidûment son cursus médical. Que fait on des blessés sur un champ de bataille? On les ramasse et les rapatrie au plus vite sans même réfléchir à léventualité de dégâts supplémentaires dû au transport. La logique aurait voulu quà linstant, lon fasse de même avec la Comtesse de Montfa mais elle ne pourrait jamais sen remettre si cette action avait des conséquences dramatiques dautant quelle était bien placée pour se souvenir du double choc crânien. Or, devant la tétanie de lamoureux, elle se devait de prendre ce genre de décision dont la moindre erreur pouvait savérer fatale.
Elle a trébuché du haut de la falaise répond telle rapidement à Manga et Ayorjo pour quils puissent analyser la situation avec elle. Je je nai pu la retenir que dune main et nous sommes tombées toutes les deux. Elle marque une légère pause avant de reprendre succinctement. Son corps a amorti ma chute mais nos têtes se sont percutées et Son regard revient sur son amie inerte. Elle est ainsi depuis
Je propose de ne pas la déplacer pour linstant. Peut être simplement la tirer un peu vers le pied de la falaise. Il ne manquait plus que la mer monte pour ternir un peu plus le tableau, ce quelle veut absolument éviter. Quen pensez vous?
Ayorjo écouta le court récit, son esprit ayant encore du mal à mettre en ordre les événements et les décisions quils se devaient de prendre. Une chute, un accident Et une oiselle blessée et inconsciente au pied de cette falaise doù certains sautaient, mais finissaient toujours par se relever. Mais elle, elle ne se relevait pas.
Il releva enfin la tête vers la lescurienne, puis tenta de se reprendre quelque peu.
Oui, amenons la un peu plus haut sur la plage
Se redressant difficilement, encore secoué, le barbu vint alors glisser ses bras sous les épaules dAryanna, prenant soin de ne pas brusquer le corps endormi qui ne ressemblait alors quà une poupée de chiffon désarticulée, ajoutant encore limpression de fragilité qui émanait de la frêle jeune femme, quil fit alors doucement glisser sur le sable, afin de linstaller à quelques pas de là.
Laissant entre les deux bonnes et sûres mains du Selène la Comtesse tressée, la brune courut au bateau nonobstant le martèlement incessant de son propre crâne et la douleur qui étreignait le côté de son front sous le cuir chevelu. Elle cala sous un bras quelques couvertures et fourra dans une besace toutes les gourdes remplit deau claire quelle pu trouver ainsi quune fiole dun alcool quelconque et quelques linges à imbiber. Lespoir de croiser le capitaine-médecin Pipo sévapora devant son évidente absence, la faisant repartir tout aussi vite jusquau pied de cette - définitivement - maudite falaise.
La Comtesse de Vénès ne sétait éloignée quun court moment, lors duquel Ayorjo sétait alors penché sur loiselle, tentant de percevoir la moindre réaction en lui murmurant à son oreille Aryanna, ma chère, mentendez vous ? , mais sans le moindre résultat espéré. Désemparé, il lui avait simplement pris la main, action illusoire pour lui indiquer une présence dont elle ne pouvait pas se rendre compte en cet état, mais geste évident de lhomme aimant envers celle quil pensait avoir perdu quelques instants plus tôt.
Quand la brune revint chargée dun attirail nécessaire aux quelques premiers soins quils pourraient lui apporter, ils entreprirent alors ensemble dinstaller le plus confortablement possible la belle endormie.
Ayorjo la releva précautionneusement, pour laisser à Manon le soin de glisser quelques couvertures sous son amie. Le barbu, dans un éclair de lucidité, profita de lopération pour vérifier tout indice dune blessure ouverte, mais labsence de marque de sang laissa présager que la seule conséquence de cette chute accidentelle était cet état dinconscience dont Aryanna était victime. Linspection rapide et médicale fut renouvelée alors quil fit légèrement rouler loiselle sur son autre flanc, afin de terminer linstallation de ce matelas de fortune.
Ils déposèrent ensuite sur son front un linge humide, dans lespoir que ce frais contact puisse aider à faire sortir la tressée de son sommeil forcé et inexpliqué.
Mais elle nouvrit pas les yeux, elle neut de réaction à aucune des attentions quils lui portèrent, et ils finirent par rester tous deux impuissants devant létat de la fuxéenne allongée sans autre signe de vie quune lente respiration.
Mais il suffisait sans doute dattendre, quelques instants, quelle se réveille simplement.
Ou quelques heures, il savait que cela était possible après un choc, après une telle chute.
Mais
Une terrible angoisse s'empara de lui. et si et si elle ne se réveillait pas ? Et si il ne la retrouvait pas ? Une effroyable perspective quil ne pouvait même pas imaginer. Alors il se retourna vers Manon à qui, dans un regard sans nul doute plein de détresse témoignant de linquiétude du barbu dans toute son apogée, il demanda :
Elle va se réveiller, nest-ce pas ?
Tout aussi impuissante que lui, Manon tenta de ne rien laisser transparaître de sa propre angoisse à travers un regard quelle imagina ferme et rassurant. "Oui, sans le moindre doute."
Aryanna navait dautres choix que de se réveiller, il ne pouvait en être autrement. Si le Très-Haut avait eu compassion des suicidaires toulousains, il paraissait évident quil nemporterait pas la noire par abus de maladresse Aryannesque. Au fond delle, une lueur dincertitude refrénée par un caractère affirmé toujours aussi dépourvue de mots réconfortants à légard de ceux qui ne lui était pas extrêmement proche comme lhomme désespéré quelle avait en face delle.
RP écrit à quatre mains, entre ljds Manon et Ayorjo
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