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[RP ouvert] Berges berruyères

Gerfaut
~ Mi-juillet, heure chaude en campagne berrichone. ~

Gerfaut a fui la ville, dont chaque pierre réverbère de cuisants rayons, et s’est refugié en bordure d’Arnon. C’est à environ deux heures de Bourges vers l’ouest, un cours d’eau qui offre berges plates et ombrages. Car la campagne berrichonne, autant que la ville, baigne d’été. On préfère le couvert des bois à l’enrobage de soleil, et la proximité de l’eau aux étendues des champs et des vignes.

En remontant la rive droite du fleuve, à la recherche d’un coin où poser, l’homme a surpris deux hérons. Ils ne se sont pas beaucoup envolés ; bien vite après avoir été dérangés, les échassiers sont redescendus à leur pêche, en amont du passage humain. Et Gerfaut s’est installé à peine plus loin, sous un saule. Là, on traverserait le fleuve en quinze pas s’il y avait gué. Il passe son sac de l’épaule au sol, et s’assoit au même endroit, pour délacer ses chausses. Désormais pieds nus, il donne aussi quelques revers à ses braies, pour les raccourcir au-dessous du genou. Le tapis d’herbes lui atteint jusqu’à un peu au-dessus des chevilles

Quelques minutes, immobile et silencieux, il contemple les lieux. Tout grouille de vie et de mouvement. Il sort ensuite de son sac une petite liasse de papiers – tout au plus quatre ou cinq feuillets. Après les avoir tenu en main quelques minutes sans rien en faire, il en entreprend la lecture. Au fur et à mesure, les feuillets lus sont posés à sa droite, et à chaque fois, il s’allonge un peu plus.

Au dernier feuillet, Gerfaut cale son sac sous la nuque, et la dernière ligne achevée, après que le papier a rejoint la pile des autres, il ferme les yeux. Son corps protège les feuillets du vent, ainsi que sa main posée au sommet. Sur l’eau paresseuse, les araignées d’eau chassent les akènes de pissenlits. Parfois, quelques chatons s’invitent dans le ballet, avant de s’éloigner doucement. Le soleil jouant dans les feuillages du saule tache de lumière les paupières de l’homme assoupi ; il s’en protège de l’avant-bras. Le vent tourne un peu.


Lorsque Gerfaut ouvre finalement les yeux, la pile de papier auparavant protégée de sa main et de son flanc des caprices de la brise s’y est progressivement trouvée exposée. Il plaque vivement dans l’herbe le dernier qui manquait de s’envoler, et se redresse d’un coup.


« Bon sang. », dit-il.

Un instant lui suffit pour aviser celui qui descend l’eau. Il cale le premier qu’il retient sous sa paume sous le poids de son sac, et va pour s’engager dans l’Arnon jusque mi-cuisse. En pataugeant un peu, il récupère un deuxième papier, un peu détrempé. Certaines surfaces semblent encore lisibles. Cela lui donne l’occasion de voir au moins un troisième papier, qui file bien plus loin en aval, entre les hérons.

« Bon sang. », répète-t-il.

L’eau bouillonne autour de lui, lorsqu’il en sort précipitamment. Il manque de glisser dans la vase et se rattrape, un genou dans l’eau et sa main libre dans la boue, tout en retenant un juron inintelligible. L’eau est fraîche et tout était calme autour.

Combien de temps s’est-il assoupi ? Qui sait jusqu’où l’eau ou le vent auront porté les autres feuillets.
Aurchide

[Qui résiste à l'appel de l'Arnon, paye une dîme au vent]




La jeune femme avait épuisé les efforts désordonnés pour maintenir dans sa vie un semblant d'ordre. La mort de Lopé l'avait vidée de sa substantielle moelle pour en faire une errante à travers la royaume, chevaucheuse d'un canasson et de sa folie.

Fausse légèreté quand le pas, lui, est lourd jusqu'à s'engoncer à demi dans la vase gluante. Une bourrasque agite d'un même élan deux crinières presque emmêlées, celles de deux créatures immobiles au bord de la berge : Une cavalière à la crinière brune cuivrée, un équidé au crin alezan.

Le regard lui est insatiable d'horizon, que même les longs cils en fourche, rivés sur lui depuis d'interminables moments, ne semblent pas pouvoir entamer. Narines et naseaux frémissent de concert en recevant par bouffées ces émanations herbacées d'eau, de roseaux et de vase. Comme un parfum intime d'une chair tellurique humide et accueillante, mouvante et avide, prête à gober ses pieds.

La soif devait être étanchée. Les deux cous de l'une et de l'autre créatures se sont courbés, désynchronisés, attirés par la gravité. Gourde ou langue, peu importe le flacon pour peu qu'on aie l'ivresse. Les deux se repaissent de cette quiétude en cette journée d'été.

C'est ainsi, que sur la surface lui apparut soudain un feuillet flottant, emporté par le courant, semblant vraisemblablement à demi sec. Hésitante, il n'en fallut guère longtemps pour que sa curiosité titillée à vif lui dicte de s'avancer jusqu'à mi-cuisses, robe flottante au-dessus de l'eau. Rien n'aurait pu entraver sa marche vers l'objet de ses instances dès lors qu'elle a décidé de l'atteindre. La main tendue s'était déjà emparée du feuillet et les yeux le décortiquaient avant même de revenir vers la berge.

Les mots, parfois effacés, n'étaient que difficilement lisibles et le contenu déchiffré ne permettait que d' attiser d'avantage son envie de connaître la suite. Peut-être y'avait il d'autres exemplaires flottants qui l'attendaient pour compléter les pièces d'un puzzle.

Ainsi s'était dessinée sa quête, en quelques instants, après avoir attaché son cheval à un tronc, remontant la berge jusqu'à ce qu'une silhouette masculine affairée à la même tâche qu'elle auparavant, apparaisse à ses yeux brutalement


-Hey, c'est à vous? dit-elle en agitant l'objet

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Gerfaut
L’homme va pour caler son papier sauvé de la noyade sous son sac. Il entend une voix, lève les yeux vers elle, et remarque d’abord le nouveau feuillet qu’on lui agite au vent.

« Oui, c’est à moi ! », dit-il assez fort pour se faire entendre malgré la distance, tout en bloquant son papier.

Enfin, tandis qu’il se redresse, il regarde à qui il a affaire. Ne l’aurait-t-il pas croisée la veille en taverne... Lui-même a de la boue aux genoux et à la main gauche. De l’eau ruisselle de ses vêtements trempés jusqu'au torse lorsqu’il se dirige à pas rapides vers la femme. Le lin qui lui colle à la peau en vilains plis lui donne un air dépenaillé en contraste avec sa démarche volontaire. Il retrousse ses manches, et arrivant à hauteur d’elle, ôte aussi délicatement que le lui permettent ses mains mouillées le feuillet des doigts de la sauveuse.


« Merci. », assure-t-il. « Aurchide, c’est bien ça ? L'avez trouvé loin ? » Tout occupé à évaluer les dégâts du papier, il lui parle sans vraiment la regarder. Et sans non plus lui laisser le temps de répondre : « Merci. Désolé, je dois… » Il désigne aussi vaguement que vivement les deux hérons, derrière elle, en aval de l'Arnon, et s’éloigne déjà vers eux à petit trot pieds nus. « Si jamais vous en trouvez encore un, posez-le sous mon sac ! »
Aurchide
« Aurchide, c’est bien ça ? L'avez trouvé loin ? »


"Effectivement c'est Aurchide... mon prénom n'a pas changé depuis hier".

Ce fut la phrase d'un humour cinglant qu'il aurait pu recevoir en plein tympan, si l'homme à la démarche désarticulée ne s'était pas éloigné déjà, dieu seul sait où. Certes il y'avait en aval de l'Arnon deux hérons, mais de là à le voir se diriger vers eux sans outil de chasse, ni raison tangible, l'intrigua quelque peu.

Faut dire que la veille, à leur rencontre en taverne, elle, souvent prompte à jouer quelque bouffonnerie, s'était parée d'un voile de gravité et de sérieux qui lui sont étrangers. Pis encore, n'avait guère relevé la pointe d'humour pince-sans-rire qu'il eut dans la voix au cours de leur discussion.

Distrayante vision que de le voir ainsi couvert de boue, affairé, alors qu' hier à peine, son attachement rigoureux à une justesse aiguë, l'avait quelque peu déstabilisée.

La curiosité de la jeune femme prit vite le dessus, encore plus vive à présent. Serait-il un homme de science prenant les hérons comme objet d'études? ou peut-être un peintre qui les a adoptés comme modèles.

-"Allez y je monte la garde" C'était dit tout bas, évidemment que peu lui chalait qu'il l'entende. Curieuse comme le vent qui soulève les jupons, elle n'avait d'autre dessein que le désir d'en déchiffrer d'autres.

Mal lui en prit, car au moment où elle prit place près de la sacoche en cuir pour libérer les autres pièces, le vent cruellement taquin vient les lui arracher de la main.

"Oh nononon...nonononon...NoOOONNN...non viens là toi" genoux et paumes déployés sur le sol, l'infortunée n'avait nul choix que de pourchasser à quatre pattes ceux qui demeuraient encore proches. Chasse à demi-fructueuse, elle n'en attrapa qu'un en tout. Deux autres en outre étaient revenus à l'eau. Sans plus réfléchir, craignant des représailles elle revient dans l'Arnon braver vase et courant plutôt que son ire.
Gerfaut
Du côté de Gerfaut, à un moment, on voit deux hérons s’envoler.

Peu après, l'homme revient à pas lents vers son lieu de détente. Il est moins boueux qu’avant, mais beaucoup plus mouillé. Une bouillie humide de papier partiellement désagrégée colle à sa paume gauche ouverte. Il se laisse choir dans l’herbe à côté de son havresac, et s’accoudant sur un genou, repose son front dans sa main droite. Sa main gauche est toujours ouverte sur le papier plié dont les pans flasques se sont amalgamés par effet de l’eau. De l’encre diluée lui coule des doigts.

Devant lui dans l’onde, des jupons se débattent. Il inspire profondément, et soupire.

« Vous devriez sortir. »

Sa main gauche se ferme, s’ouvre, se referme, et ainsi de suite plusieurs fois. A la fin, il ne reste plus du papier qu’une boulette grise mâchée. Il la lâche dans le tapis herbeux et commence à essorer ses vêtements par bouts. Mais réalisant peut-être l'inefficacité de ses gestes, il s'interrompt rapidement. Il s'accoude à nouveau, le regard en errance quelque part entre les deux rives. C'est ainsi qu'il se présente lorsque la femme regagne enfin la berge.

« Ce n’était pas la peine de vous mouiller. »
Aurchide
Comme des sons perdus,,lui arrive sa recommandation de sortir, mais elle s'acharne encore un peu avant d'abdiquer. Sordide question de refus de perdre. Vain acharnement qui s'achève enfin quand elle pivote sur ses talons, le corps engoncé jusqu'à la taille dans l'eau froide. Elle lui fait face sans pour autant le fixer, la culpabilité lui fait éviter son regard, pressée de cheminer loin du lieu.

Et pendant qu'elle chemine lentement, ne résistant pas à l'attrait du tiède rivage, une foulque macroule, le cou tendu, prend son élan, court derrière elle sur l'eau avant de s'envoler dans un sonore "Kourouk", fouettant le vent de son aile sifflante.

La surprise suscitée lui fait instantanément perdre pied..et un chapelet de jurons. Car elle perd l'équilibre jusqu'à s'aplatir sur la surface de cette eau verdissante d'une lèpre de lenticules.

Quand elle se relève prestement, les mains accrochée aux touffes de roseaux, elle se révéle couverte d'un voile de boue et d'une dentelle verte perlée de débris bruns . Premier réflexe jeter un oeil furtif enfin sur lui, prête à parer une raillerie, mais non, son regard loin de s'attarder sur ses péripéties, était essentiellement rivé à sa propre main... et les vestiges de ses écrits.

Au gré de quelques efforts, elle atteint enfin la terre ferme, ruisselante et glacée. Il lui semblait en cet instant même que le soleil en jetant une averse de feu sur elle, ne réussirait pas à la réchauffer. Il lui fallait marcher au loin.


-"J'aurais essayé" lance-t-elle d'une voix atone dans sa direction


Son allégresse intérieure de tout à l'heure est maintenant entachée de culpabilité, elle repart, barrant la largeur de l'étroite sente qu'elle avait pris à l'aller. Oscillant un peu quand accaparée par une lentille d'eau collée à l'étoffe de sa robe, elle ne voit plus où elle pose pied. Les hésitations de ses jambes roidies sont dues à cette masse de boue qu'elle charrie dans les mailles fines de sa robe.

Bientôt elle atteint sa monture et s'offre une gorgée de lait d'amandes fraîches au miel de lavande pour se donner des forces. Les deux s'éloignent sur leurs pattes respectives se frayant un chemin dans un nuage de jaunes papillons flottant au-dessus de l'herbe haute.

Certes elles s'éloignent du lieu où le cheval fut attaché, mais se rapprochent irrémédiablement du lieu où le jeune homme semble encore étendu. Il lui faut essayer une dernière fois avant d'abdiquer définitivement.

Bientôt cheval et jeune femme le surplombent en amont, jetant une tâche d'ombre sur la chevelure brune.


-"Je vous propose du lait d'amande fraîche au miel..contre deux réponses à propos du héron"

Simultanément, une main est tendue, agitant un dernier feuillet trouvé en chemin, sans qu'elle l'ai lu, comme on agite un drapeau blanc. L'incident lui a appris amèrement que l'indiscrétion et la curiosité-dont le héron-en est le symbole, ne sont décidément pas une bonne idée aujourd'hui.
Gerfaut
Par-dessus son épaule, Gerfaut avait brièvement suivi des yeux la silhouette s’éloignant. Il a le même mouvement lorsqu’elle revient à lui, cette fois accompagnée d’une monture. Hormis cela, il n’a guère bougé. A la vue du feuillet tendu vers lui, il se déplie du sol, pour accueillir debout la proposition de cette presque inconnue. Le papier est réceptionné sans qu’il y soit accordé un regard ; de fait, Gerfaut est occupé à détailler des ses yeux tourbes celle qui le lui apporte.

Lorsqu’il se prononce enfin, sa voix a le même débit posé que la rivière les bordant.


« L’eau était froide, et vous allez attraper le mal à rester dans vos apprêts mouillés. Je vous répondrai, et vous n’avez même pas besoin de me monnayer cela contre du lait de quoi que ce soit. Mais prenez d’abord soin de vous. »

Il se rassoit dans les herbes non sans ajouter :

« Après, j’aimerais moi savoir pourquoi vous vous êtes donné autant de mal. Ce n'étaient que des bouts de papier, et ce n'étaient même pas les vôtres. »

Tel qu'il s'est placé, face à la rivière, il ne sera pas difficile à la femme de s'occuper d'elle sans s'inquiéter qu'il puisse la voir.
Aurchide
Debout et sec, du moins en grande partie, il a désormais une toute autre allure. Il lui semble l'apercevoir pour la première fois quand ils se dévisagent. Le feuillet trouvé, n'y est pour rien dans cet apaisement. Le doute à cet instant s'installe quant à l'importance de l'écrit, et s'accentue à la question posée.

-"Considérez que c'est un mélange complexe de hardiesse, témérité et culpabilité. Sans moi, vous auriez gardé quelques uns et je me suis laissée imaginer qu'ils étaient de la plus haute importance...scientifique" Le dernier mot lui parut soudain ridicule une fois prononcé. Il y'avait désormais mille autres possibilités qu'une sérieuse étude poussée des hérons.

Sa robe lourde commence à lui peser, et elle en prend davantage conscience quand il évoque les apprêts mouillés. Ce dont elle a moins conscience c'est sa coiffure improbable qui s'était défaite en partie, formant un méli-mélo de mèches soyeuses croisées n'importe comment, dont le tiers qui cherche désespérément à s'échapper, pendouille humide le long de sa nuque et ses épaules.

Instinctivement elle essore ce qu'elle peut des deux jupons emmêlés alors que ses yeux suivent ses mouvements jusqu'à ce qu'il se rassoit. L'écoute avec attention, car dans sa voix il y'a un voile de flegme qui la captive.

Ses interrogations n'eurent pas réponse immédiatement. Appréciant sa posture, elle préfère d'abord se délester de ce carcan de boue en ne laissant sur elle que la sous-robe en lin beige d'un tissage fin, surmontée d'un corset marron, lacé de cuir, qui lui serre autant la taille que le buste. Mais au lieu de s'asseoir à ses côtés, elle cherche des yeux un rocher qui donnerait sur des eaux plus claires. Et c'est un tronc mort jugulant une eau limpide guère loin qui va faire l'affaire. La brune y pose ses genoux et penchée au dessus de l'eau, rince sa robe d'un mouvement vif des poignets.

Elle revient avec l'atour ruisselant mais relativement propre, l'étend sur une branche de tremble dégarni, prête enfin à lui répondre quand elle s'avance vers lui. C'est fou ce que le temps semble adopter un autre cours.

Dans un bruissement d'étoffe, elle se laisse choir à ses côtés, genoux relevés à hauteur de son menton, les pieds nus aux orteils enfoncés dans l'herbe. La main, elle, chasse d'un mouvement vif un insecte attiré par l'étoffe claire, alors qu'elle débite son explication d'une voix calme :


-Ce n'est certainement pas n'importe quel lait, encore moins un lait de n'importe quoi. Fallait le préciser après tous les efforts que lui coûtent sa confection.

Elle croise furtivement son regard à ce moment précis, mais avec une intensité annonciatrice qu'elle pèse les mots qui s'apprêtent à franchir la barrière labiale.

"La saison de l'amande fraîche est courte, ça le rend pour ses amateurs gourmets un luxe éphémère. Puis sa préparation, savante à souhait, tiendrait presque de l'alchimie. Il m'a fallu tant d'essai pour comprendre que seul un mortier de marbre faisait ressortir les arômes de ce fruit. Il m'a fallu tellement d'essais, d'ajouts d'essences pour savoir laquelle mettait en valeur ce breuvage. Idéalement, quand j'organise un banquet luxueux je rajoute de l'essence de rosa damascena, achetée à Paris, à prix d'or. Mais là, n'ayant rien sous la main que du miel de lavande, je me suis contentée de ça."


Un sujet ubéreux chez elle, puisque c'est son métier, sa passion.

-à dire vrai, je suis maître-queux et j'organise les banquets festifs à thème, ou mets et entremets sont une mise en scène d'aliments raffinés qui servent un thème donné.

Souvent les mise en scène, font référence à des blasons d'ennemis moqués, ou leurs propres blasons mis en valeur. Un lion vainqueur en massepain par exemple tenant dans sa gueule un faucon à moitié plumé et souffreteux..si l'hôte veut fêter une victoire contre la mesnie d'un autre seigneur.


Un court instant de silence ponctue sa réponse, les yeux rivés sur un point invisible quelque part au milieu du cours d'eau, avant de poursuivre


...Et il m'est arrivé..qu'on me demande de cuire des animaux que je n'ai jamais pensé comestible de ma vie. La première question qui vient à mon esprit quand je vois un héron, c'est...est-il comestible? quel goût a sa chair, filandreuse et fade, ou tendre et goutue?

J'ai sauté donc de manière intéressée, en espérant trouver réponse dans vos écrits.


Visage tourné vers lui, elle le scrute

- ...mais je pense que ce fut une bévue que de vous prendre pour un potentiel homme de science, étudiant les hérons. Je commence à me demander si ce n'était pas qu'une simple correspondance personnelle.

Alors pourquoi diable couriez vous vers ces volatiles?


A l’affût de ses mimiques, elle guette sur son visage aux traits fins une ébauche de réponse, avant même qu'il n'avance les mots.

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Gerfaut
« Point de science, ni de correspondance. C’étaient des dessins. Et j’ai couru pour la même raison que j’ai plongé : vos hérons faisaient ménage avec un de mes papiers. »

Sa main gauche fouillasse le tapis herbeux pour retrouver la boulette de papier. « Mais cela n’a servi à rien. », ajoute-t-il en l’exhibant entre ses doigts. Lorsqu'il la lâche, elle retombe avec un bruit étouffé se camoufler dans les herbes. On entend alors Gerfaut inspirer profondément, puis laisser ses poumons se vider lentement. Ses deux mains sont vides. Ce qu’il a fait du pli intact qu’elle lui a remis un peu plus tôt – le dernier qu’il lui reste – est un mystère ; probablement s’en est-il occupé tandis que sa voisine était occupée à laver sa tenue.

Mais il se tourne vers elle. Et aussi sérieusement qu’elle-même lui a présenté de quelle manière elle préparait sa boisson, il annonce :


« Si votre proposition tient toujours, et si vous m'accompagnez, je goûterais volontiers votre lait d’amande. »


De la même façon qu’il a été attentif plus tôt à ses explications, l'homme observe ses tournures et ses gestes tandis qu’elle le sert. D’un léger « Merci. », elle saura qu’il n'en souhaite qu’une gorgée. Et ce n’est qu’une fois qu’elle s’est à son tour versé un peu du breuvage qu’il se penche sur son gobelet.

Il boit peu, lentement, et après avoir un peu éloigné le récipient, il prend quelques secondes pour en sonder le fond. Quand le regard de l'homme revient en surface, c’est en deux temps : d’abord sur le gobelet de sa voisine, qu’elle tient dans ses deux mains tout en enserrant ses genoux, puis à ses yeux scrutateurs. A ses lèvres a point un sourire aussi amène que discret.


« C’est délicieux. »

Puis son regard revient au verre, au fond duquel le lait tourne par effet d’un mouvement souple du poignet.

« J’ignore ce que l’essence de rose y ajoute, mais le miel de lavande, c’est très bien. Et puis, mon palais manquerait de délicatesse pour apprécier trop de raffinerie. »

Il laisse le mouvement du fluide s’éteindre.

« Vous n’étiez pas non plus tenue de me repayer la perte des feuillets par ce lait. Ce lait d’amande, qui n’est pas n’importe quel lait. »

Il ponctue l'assertion en reportant le gobelet à ses lèvres. Comme il y en avait peu, c’est dans un verre vide qu’il plonge désormais son attention. Il fait sombre au fond, car le soleil ne tombe plus à pic ; les ombres se sont allongées, et si l’après-midi ne tire pas encore sur sa fin, l’heure est cependant bien avancée.

« Tout de même. Je crois bien que je n’aurais jamais eu – et jamais plus n’aurai – l’occasion de savourer cela. Merci. »

Son dernier mot s’accompagne d’un regard franc, tandis qu’il lui tend son gobelet en le présentant cul par-dessus tête. L’intention courtoisement exprimée ne laisse pas de doute: il ne souhaite pas se faire resservir.
Aurchide
Une rangée de peupliers trempe encore ses cimes dans la chaude lumière et trace une rangée de cierges allumés qui expireront bientôt un par un sous le vent du soir.

Sa sous-robe est probablement à demi-sèche a présent, ses joues colorées tant le sang a irrigué le corps gelé . Elle retrouve une allure plus humaine, et des traits plus détendus.


Tout art commence avec la difficulté semble-t-il répond-elle d'une voix tintée de compassion, l'oeil lui rivé sur ses mains d'artistes

Elle attrape le gobelet de ses doigts fuselés, son ego flatté qu'il aie accepté somme toute de se prêter à la dégustation sans qu'elle n'aie cherché à le convaincre. Juste à défendre les efforts entrepris. Pensive, elle range précautionneusement le tout dans la sacoche en cuir tanné qui git, ouverte, à ses côtés.


Nous avons passé l'âge ou le lait conforte nos déconvenues. Vous proposer du lait -Panimportekellé - C'était une vilaine tentative d'acheter vos potentiels secrets..


léger silence

...du moins ceux que mon imagination vous attribuait..

Léger silence, bis repetita placent

...enfin aux hérons plus précisément.


Justesse, justesse, justesse. Aller jusqu'au bout de sa pensée, la fignoler même une fois formulée, ce n'était pas dans ses habitudes syntaxiques, mais n'est ce pas l'homme qu'un animal qui sait s'adapter.

Vilaines bestioles, elles auraient au moins pu se rattraper en vous servant de modèles.


Du la galéjade au sérieux, une lueur de curiosité anime vite ses son regard, qui quitte prestement le sien , s'égaille et embrasse le paysage environnant, jaugeant l'esthétisme de ce qui les entoure : Un arbre Narcisse sur les flots penchés, ce bal de demoiselles aux reflets nacrés faisaient spectacle de leurs moirures, puis les nuances de vert et de brun d'une flore des berges, la finesse d'une écume quand l'eau par endroit bute contre une turgescence quelconque..

De là où ils étaient, ça aurait pu être tout et n'importe quoi, le thème de ces esquisses.


Vous croquiez quoi au juste?


La phrase est ponctuée brutalement d'un claquement de main sur son cou, laissant sur la peau diaphane une empreinte écrevisse. Pas même un moustique zélé ne parvient à altérer l'attention accordée à la réponse qui sera donnée.

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Gerfaut
Son attention à lui aussi semble s’être portée quelque part au-delà de l’autre rive. Il pourrait sembler lorsqu’elle est silencieuse que l’homme a déjà glissé loin dans ses propres pensées, mais sitôt qu’elle lui parle – d’art, de secret, de modèles et de croquer - , ses traits sans la regarder prennent une teinte d’amusement léger. A priori, il l’entend et l’écoute. Il entend aussi la claque qu’elle s’inflige, puisque aussitôt il tourne la tête. Il s’attarde sur la nuque blanche bistrée de rouge, et lui souffle comme s’il venait de surprendre un animal sauvage lors d’une promenade aux aurores.

« Ne bougez pas, ne touchez rien. »

Il tire un carré de tissu d’une poche accessible de son havresac, et se lève pour franchir les quelques pas qui le séparent de la berge. Le mouchoir est rapidement trempé dans le clair de l'eau, et rapporté à la femme toujours assise. Il le lui tend en disant :

« Vous devriez le passer… »

Et il désigne sur sa propre nuque un endroit qu’elle ne peut voir sur la sienne, et qu’un insecte décalqué orne désormais de sa chitine écrasée. Tandis qu'elle s’exécute en inclinant tête et mèches de cheveux dans un mouvement souple, il lâche à voix basse, comme incidemment :

« Les dessins n’étaient pas de moi. Et maintenant qu’ils sont perdus, je ne veux plus en parler. »

Puis au sujet du mouchoir :

« Encore un peu... C'est bon. »

Il scrute la courbe du cou à la naissance de sa chevelure, qui brille encore de l'humidité du mouchoir. En vérité, sa peau n’était déjà plus marquée après le premier passage du linge.

« Gardez-le encore, mais ne souhaitons pas qu’il resserve. », conclut-il alors qu’elle fait le mouvement de le lui rendre. Quand il se rassoit, il se met un peu de côté. De cette façon, son champ de vision englobe à la fois la coulée de l’Arnon à sa gauche, la femme à sa diagonale droite, le saule en surplomb. Ils ne sont ni tout à fait côte à côte, ni tout à fait face à face. Finalement, il écarte son sac qui lui servait de dossier, et s'allongeant dans l'herbe, il lui dit :

« Il reste un peu de temps avant que votre robe ne sèche. Souhaiterez-vous que je vous raccompagne ensuite ? »
Aurchide


L’oscillation de ces joncs, le murmure de ces roseaux, le bruissement des herbes et le cri rare de quelques oiseaux plongeurs, cachés parmi les plantes flottantes, absorbent une part de son attention lorsqu'il revient avec le linge humide et qu'il entreprend de délester sa peau des restes de l'insecte. Une autre part de son attention se réserve à décortiquer les notes olfactives du parfum naturel de sa peau. Entre musc et un mordant d'épices qu'elle ne sait définir avec précision : poivre blanc, cardamome ou muscade.

La promiscuité rompue, troublée par les intrusions de son propre nez, elle accepte le mouchoir sans rechigner, même si elle en possède un déj. Le linge humide finit machinalement dans son décolleté fourre-tout, et elle ne répond à son trait d'humour que par un léger sourire avant de déployer son regard à nouveau devant elle.

Ainsi songeuse elle peut sembler une pieuse soeur absorbée en l'oraison de son âme à quiconque ne la connaît pas. La réalité est toute autre. Devant elle, la grande crête du soleil commence à se noyer dans la vapeur de la berge; cette vue l’avertit de n’avoir pas à s’attarder plus longtemps.

Lit-il dans ses pensées? Sa question vient imperceptiblement la faire sursauter, et finit par la résoudre à mettre fin à cette improbable rencontre, en se levant d'abord récupérer sa robe


- Elle est sèche figurez vous. dit-elle d'un ton léger tout en l'enfilant, sans s'encombre de fausse pudeur.

L'atour avec le col serré finit par défaire sa coiffure lâche qui a tant menacé de céder, mais loin d'en prendre conscience de cette invasion de mèches folles, elle demeure obnubilée par le réajustement des étoffes, tirant de part et d'autre, lissant parfois, réajustant une épaule, le col, le tout en observant discrètement celui qui est parvenu à furtivement la troubler


-Je ne désire pas allonger votre chemin de retour par quelques tortueux détours


Bientôt sa monture est prête, ses affaires rangées, ses doigts serrent les derniers lacets avec zèle, son regard cherche celui du jeune homme à présent debout

-..à moins que vous acceptiez l'idée d'une halte pour partager un frugal souper avec une inconnue.

Brides serrées entres ses doigts clairs, ses yeux se sont arrimés une dernière fois aux tourbeuses du trentenaire guettent patiemment une réponse tout un arborant sur ses lippes un léger sourire affable.

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Gerfaut
Elle se lève, et lui se redresse en tailleur.

Le soleil ras danse en contrejour dans la maille fine de sa sous-robe de lin. Elle ne paraît pas exprimer de gêne à se rhabiller à portée de son regard, et Gerfaut ne semble pas chercher à détourner les yeux. Ce n’est pas non plus qu’ils s’appesantissent sur la silhouette en mouvement dans ses étoffes, mais plutôt qu’ils l’intègrent comme un élément dans un tableau plus large.

Lorsqu’elle décline son invitation à la raccompagner, il hoche simplement la tête et ramène son havresac pour se caler le dos. Mais lorsqu’elle avance une contreproposition, il relace ses chausses, se lève à son tour et passe les sangles de son sac à ses épaules. Il n’a pas bougé pour traverser la distance de quelques pas qui les sépare, et n’élève pas non plus sa voix qui porte clair dans l’après-midi mourant :


« Je doute que vous n’offriez qu’un frugal souper. »

Court silence.

« Par ailleurs, je suis déjà engagé pour cette soirée. Je ne peux que vous raccompagner ; c’est à prendre ou à laisser. »
Aurchide
"Qui peut le plus, peut le moins" murmure-t-elle d'une voix légère, du tac au tac sitôt qu'il met en doute la frugalité de son repas, les mains, occupées elles, à réajuster le bridon de l'équidé.

Puis lui fait face pendant le court silence, sans lâcher la bride du canasson. L'écoute, pieds nus, la robe enflée dès qu'elle couve du vent. Tourne la tête, un instant pensive, peinant à trouver concentration car il n'y a pas que dans ses jupons que le vent souffle.

Quand elle le regarde à nouveau, elle a retrouvé l'allégresse originelle et son visage s'en trouve lumineux


-Non, inutile de vous déranger. Je vous remercie.

Les derniers mots sont accompagnés d'une gracile inclinaison du chef, d'un dernier échange de regard qui appuie un "Bonne soirée Gerfaut", avant de lui tourner le dos.

Non, elle ne montera pas à dos de cheval en amazone comme elle était venue, c'est à pied qu'elle désire soudain longer la berge, les bottes encrottées de boue sèche, bien serrées contre sa poitrine.

De loin on la croirait pompette, mais ce n'est que sa démarche naturelle.

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Gerfaut
« Bonne soirée, Aurchide. »

Il la regarde s’éloigner sur la distance d’un jet de pierre, puis retourne à l’endroit où il s’était assis plus tôt. Il ploie le genou à terre, et plonge la main dans l’herbe. Quand il se relève, il a le poing mollement fermé sur une petite masse grise et sèche de fibres de papier. Enfin, il regagne le chemin qui longe l’Arnon. Mais à l’opposé de celle qui lui a tourné le dos, il remonte la rivière au lieu de la descendre.

A un quart d’heure de là, un petit pont enjambe l’Arnon, et lui permettra de gagner la rive gauche du fleuve, pour poursuivre sa route vers l’ouest. Dans son dos, Bourges s’éloigne.
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