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Info:
Cerbère veille et jamais n'abandonne les malheureux en besoin. Une protégée de plus qu'il faut remettre sur pattes et à qui il faut rendre le chemin de la vie.

[RP] Dans les traces de pattes.

Samsa
    "Et j'm'en fous, j'm'en fous de tout,
    De ces chaînes qui pendent à nos cous.
    J'm'enfuis, j'oublie;
    Je m'offre une parenthèse, un sursis"
    (Jean-Jacques Goldman - Je marche seul)



[Champagne, hiver 1463]

La levée de ban était terminée. Samsa allait enfin pouvoir rentrée à Alençon. Depuis juin, elle était là-bas, à tourner en rond dans une armée qui, elle aussi, tournait en rond. Une habitude dans les armées royales. Elle était venue, parce qu'elle le devait, autant par son statut de Secrétaire Royale que par ses valeurs. Peut-être aussi parce qu'elle le devait vraiment, avec la levée de ban, partant à la place de sa presque suzeraine, Eugénie de Varennes et de Cosnac -et autres-. Et puis il y avait eu une seule bataille. Et puis par la faute des armées elles-mêmes, aucune n'avait tenu. Et puis Samsa avait été blessée.

Et puis elle avait pété un plomb.

Elle râlait après tout, après tout le monde, elle ne supportait plus de travailler dans le vide. Samsa avait cruellement besoin de repos, de revoir son Sud, ses amis, toute cette ambiance, éloignée des sourds du Louvre. C'est promis, après tout ça, elle s'en irait là-bas. Zelha était morte depuis quelques mois maintenant, son amie avant d'être sa reine. La Cerbère avait goûté au pouvoir en son absence, elle avait fait beaucoup pour la Couronne, mais tout cela, qui le savait ? Ce n'était pas faute de le dire. Mais récompenser une Secrétaire Royale, surtout une roturière, qui est-ce qui voulait s'y atteler ? Amère pour ça et une guerre qu'elle avait toujours su perdue, Samsa avait sellé Guerroyant, son solide destrier bai de charge, et afin de repartir loin de tout cela, loin de la champagne et de son désastre, loin de ceux qui ne l'écoutaient pas.

Loin de l'indifférence générale.

La route avait été calme jusqu'à présent. Samsa n'était pas femme à être ennuyée, et ceux qui s'y tentaient le regrettaient généralement.
Pas grande, mais pas petite non plus, Samsa avait une carrure charpentée et trapue. Les jambes étaient courtes mais réserves d'une puissance aussi insoupçonnable qu'explosive. Le haut du corps était, lui, plus longiligne, mais robuste. Elle avait une démarche relativement lourde car martiale, mais son port de tête était altier, reflet non pas de titres inexistants, mais de sa fierté frôlant bien souvent l'orgueil. Les traits de son visage étaient tous bien vivants, bien mouvants, si on en exceptait certains, figés, donnant à l'air bordelais quelque chose de très souvent guerrier. Deux petits yeux sombres trônaient, habités d'une petite flamme et parfois d'étincelles métalliques, abrités sous des arcades sourcilières marquées. Les lèvres étaient fines et semblaient afficher un sourire léger et permanent, à cause des coins qui remontaient sensiblement. Sur la tempe droite, une courte cicatrice prenait place, trouvant fin dans les cheveux. Ceux-ci, enfin, était quelque peu ondulés, tombant aux omoplates. Ils avaient une couleur singulière, quelque part entre le roux et le brun, restant à la seule appréciation de chacun. Mouillés, cependant, ils devenaient entièrement roux.
Imposante donc, Samsa ne l'était pas par sa taille, mais plutôt par sa carrure, et particulièrement par l'impression qu'elle dégageait. A sa taille, du côté gauche, dormait une épée bâtarde dans son fourreau. A la droite, un couteau et une petite sacoche de ceinture. A son épaule gauche était fixée son bouclier, car Samsa faisait partie de cette école méconnue qui préférait avoir une main libre sans forcément perdre en protection. Encore fallait-il savoir se battre ainsi, bien sûr. Sa chemise grise recouvrait en permanence une cotte de maille, et les mains portaient à même fréquence gantelets de combat, de cuir sur la paume et de métal sur le dos.

Sur le chemin la ramenant vers Alençon, elle pensait à Bordeaux, qu'elle reverrait donc bientôt. C'est là qu'elle avait passé les pires années de sa vie, mais c'est à cette ville qu'elle était attachée, autant qu'à Chinon, son antipode. C'est ici, en la capitale guyennoise, qu'elle avait rencontré les gens qui l'avaient aidé, ici qu'elle s'était forgée, qu'elle était devenue ce qu'elle était aujourd'hui. Ici qu'elle avait torturé et tué, ici qu'elle avait aidé et sauvé. Sa maison, un peu à l'écart de la ville sur une colline, était toujours là, debout. Samsa l'avait construite de ses propres mains, pour elle et Zyg, son amie de toujours, son amour caché jusqu'à elle-même. Zyg, celle qui s'en était allée non vers d'autres chemins, mais vers d'autres cieux, plongeant la Cerbère aux Enfers. Zyg, celle qui lui avait insufflé, depuis, son courage extraordinaire.

Zyg qui l'avait emmené avec elle dans la mort, avant de lui redonner vie.

Samsa avait fini par partir. Elle souffrait de voir les choses qui changeaient, car elle avait ce culte du passé qui, cette fois, était bien mérité.
Proche de Reims redevenue française depuis peu, Samsa fut arrêtée par un barrage. Cela ne l'étonna guère, pour un après-guerre. Quelques gardes lui demandèrent son laisser-passer, et la Cerbère ne s'éparpille pas.


-Samsa, dicte Cerbère, Secrétaire Royale de Sa Majesté Lanfeust de Troy, Roi de France té.

Les gardes haussent un sourcil perplexe sous leur casque, et Cerbère tire la tronche. Comme d'habitude... Ils ne connaissent pas. Qui connaissait ce poste ? Qui la connaissait, elle, elle qui était majoritairement à l'origine de la trêve entre la France et l'Empire ? L'ombre, les coulisses, personne ne connaissaient.
La bordelaise roule des yeux et soupire, lassée.


-OUI ça existe pardi, et OUI je le suis té !
-Vos papiers je vous prie.
-Mes pap...


Des papiers ? Elle n'en a pas. Pourquoi en aurait-elle ? Elle n'est pas Officier Royale. Elle est agent royale, elle est... Secrétaire Royale, quoi.
Les gardes lui refusent alors le passage, et Cerbère commence à gronder. Elle déteste qu'on doute d'elle, surtout à ce sujet, car son égo trop important s'en retrouve diablement froissé. Elle tente de forcer le passage sur le dos de Guerroyant, sa monture au large poitrail et à l'arrière-main puissante, mais ils l'arrêtent, menacent de l'arrêter, et la Cerbère impulsive explose.


-MAIS LAISSEZ-MOI PASSER BORDEL DE CHIURE DE MERDE PARDI ! JE SUIS SECRÉTAIRE ROYALE TÉ, J'AI LE DROIT DE PASSAGE PARDI ! BANDE D'ABRUTIS PARDI, C'EST GRÂCE A MOI SI VOUS AVEZ TENU UNE NUIT DE PLUS TÉ, ET QUE VOTRE DUCHÉ ENTIER N'EST PAS TOMBÉ PARDI !
LAISSEZ-MOI PASSER TÉ, OÙ J'EN REFERAI AU ROI PARDI !


Elle le pouvait. Samsa avait un pouvoir insoupçonné, celui d'utiliser le sceau du Roi, celui d'en user pour le meilleur comme pour le pire. Elle pouvait déclencher une guerre si ça lui prenait, elle pouvait briser des allégeances, mais aussi rendre grâce, innocenter des gens. Elle pouvait tout faire, ou presque.
Alors pour ces malheureux ignorants, qui pourrait les sauver et leur éviter le courroux concret du Cerbère ?

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Cira
La fin était proche et avec elle une délivrance implorée depuis des semaines.
La jeune fille avait quitté les Flandres depuis plusieurs jours, laissant derrière elle une famille enfermée dans un couvent et son fief aux mains d'un intendant. Elle était partit sans un regard en arrière, prise d'une impulsivité désastreuse qui comme toujours, finirait par ne rien donner de bon.
Elle avait donné ses ordres, une chambre devait rester close et même si elle promettait de revenir en cas de danger sur ses terres, la plupart de ses gens savaient qu'elle n'en ferait rien. Ils l'avaient entendu pleurer, hurler sa douleur, enfermée dans cette pièce où personne n'avait plus le droit d'entrer. Ils l'avaient vu se refermer sur elle même, brisée encore et toujours par les épreuves que la Vie lui imposait et qui semblait y prendre un malin plaisir.

Elle traversa les villes et les comtés jusqu'à pénétrer dans le duché de Champagne. La logique lui aurait fait traverser tout droit mais l'éternelle flamme d'espoir qui aidait la Vie à lui faire faire les montagnes russes lui fit prendre la direction de Varennes. Évidemment ce qu'elle attendait ne se produisit pas et elle reprit la route, le coeur toujours plus lourd au fil des jours.

Perchée sur sa monture aussi noire que la nuit, la jeune fille avançait, la tête basse. Sa petite silhouette semblait disparaître sous l'épaisse et lourde cape noir qui la recouvrait entièrement. Ces derniers jours elle avait prit bien plus soin de son cheval que d'elle et ça se voyait. Le manque de sommeil et d'appétit se lisait sur son visage aux joues creuses et aux cernes sous ses yeux et ses longs cheveux bruns encadraient sa bouille d'adolescente, la rendant encore plus maigre. Elle faisait véritablement peur à voir avec son teint pâle comme la Mort et ses azurs sans aucun éclat.
Cira avançait sans réfléchir, bercée par le pas de son cheval, ne cherchant absolument pas à profiter du paysage ni à lier connaissance avec les voyageurs croisés.
C'est peut être d'ailleurs son allure de cadavre ambulant qui fit qu'à son arrivée près du barrage, un espèce de silence pesant s'empara des gardes qui jusqu'à là semblaient empêcher quelqu'un de passer.


Cira de Leffe, Dame de Tressin.

Sa voix était caverneuse de ne pas avoir prononcé un mot depuis des jours mais elle sembla assez claire pour qu'un des garde se pousse et qu'elle passe, s'avançant encore de quelques mètres avant d'arrêter sa monture et de tourner son visage.

Elle est avec moi. Laissez la passer.

Ça marcherait peut être, ou pas, elle en savait rien et en fait s'en moquait bien. Elle ne savait même pas pourquoi elle s'était arrêtée et pourquoi elle avait dit ça.
Tournant la bride, elle regarda le barrage, attendant de voir si la femme passerait et si ce n'était pas le cas et bien tant pis, elle continuerait sa route.

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Samsa
    "T'arrive-t'il de te demander ce qu'il fait ?
    De te demander comment tout a pu se transformer en mensonges ?
    Parfois, je me dis qu'il vaut mieux ne pas poser trop de questions."*



Elle était proche de dégainer l'épée afin de passer de force, de leur donner une avance de leur insolence, mais le silence soudain qui tombe sur les gardes force également celui de Samsa. La Cerbère s'interrompt, sa colère se met en pause le temps d'observer la cavalière qu'elle aurait sans mal prise pour la Mort en personne si elle n'avait pas réussi, voilà un an ou deux, à vaincre ses troubles psychologiques. Si la concernée ne s'était pas présentée également. Pourtant, Samsa était persuadée qu'elle lui rappelait quelqu'un d'autre; mais qui ? Elle semblait quoiqu'il en soit en piteux état, ployant sous le poids de sa faiblesse, réveillant immédiatement le Cerbère sommeillant en la Bordelaise.
Une jeune demoiselle si maigre et fatiguée, elle ne pouvait qu'avoir besoin d'aide, de pain, d'argent. Elle avait forcément dû faire une mauvaise rencontre, non ? Les nobles ne manquaient jamais de rien, ce ne pouvait donc qu'être cela.

Elle passe sans difficultés, elle, mais Samsa ne s'en énerve pas immédiatement, absorbée par la silhouette chétive, respirant mort et malheurs à plein nez. Enfin, les petits yeux sombres se détournent et la main se lève afin de frapper un garde par surprise, tandis ce que la bouche s'ouvre pour reprendre gueulante où elle était. Mais ce n'est pas sa voix au léger accent du sud, sa voix médium glissant plus vers le grave que l’aigu, qui se fait entendre. C'en est une caverneuse, rauque, et ce n'est pas pour insulter, mais plutôt pour aider.
La Cerbère laisse un instant sa main en suspend, surprise, mais reprend bien vite ses réflexes et profite de l'opportunité. Sa main se rabaisse sur les rênes qu'elle empoigne et les talons dépourvus d'éperons s'enfoncent dans les flancs bruns. Guerroyant se ramasse rapidement sur ses postérieurs pour faire petit bond en avant, écartant les quelques gardes restés sur le chemin de force. Samsa se retourne alors que sa monture rejoint celle de la demoiselle cadavérique.


-VOUS AUREZ DES NOUVELLES DU ROI, PARDI ! RATONS RATÉS, TÉ !

Des nouvelles du Roi, c'est cela. Disons qu'elle utiliserait elle-même son sceau pour cela.
Les gardes sont assassinés par le regard bordelais, les étincelles métalliques accusatrices prenant des allures de pétillements joyeux quand il pose finalement sur sa voisine.


-Merci pardi, vous leur avez sauvé la vie, et vous m'avez évité de me tâcher té.

Samsa et les remerciements, toujours quelque chose de très particulier. Parfois incapable de le faire, d'autre fois en usant tout en protégeant son égo, ou afin de faire sourire autrui. Cira le prendrait comme étant de l'un ou de l'autre. Ils n'en perdaient néanmoins jamais de leur sincérité.
La Cerbère l'observe encore brièvement, et met la main à la petite sacoche de sa ceinture afin d'en sortir une carotte, qu'elle tend à sa voisine. Samsa sans carottes, ce n'était pas Samsa.


-Hum... Tenez pardi... Votre corps semble manquer de subsistance té.

Les petits yeux sombres ont perdu de leur éclat pétillants. Cette demoiselle lui rappelle décidément trop quelqu'un, et la Cerbère cherche dans sa mémoire. Ce n'était pourtant pas courant, une jeunotte, comme elle disait, en train de sombrer de la sorte, le corps en lambeaux accompagné d'un mental qui devait l'être tout autant.
Et puis l'étincelle se fait, et Samsa se redresse lentement sur sa selle. Elle vient de se souvenir.


-Je m'appelle Samsa, dicte Cerbère té. Je vais faire route avec vous pardi, je ne donne pas cher de votre peau sans protection pardi.

Elle a éclipsé son poste royal, parce qu'il n'eut servi à rien.
Elle n'a pas demandé la permission de l'accompagner, elle n'en a pas eu la politesse, parce qu'elle est Cerbère.
Parce qu'elle sait que la demoiselle a besoin de protection, tant physique que mentale.
Elle le sait, parce qu'elle le sent.
Elle le sent, parce qu'elle la connait.
Elle la connait, parce qu'elle s'est souvenue de qui elle lui rappelait.

Cira lui rappelait son propre état à la mort de Zyg.



* = paroles traduites de Pink - Try

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Cira
La femme passe et les azurs ternes suivent son avancée sans qu'elle ne prête attention aux menaces lancées aux gardes. Une des mains gantées vient tirer la bride et voila son cheval qui reprend la route, la jeune fille préférant s'éloigner du barrage avant qu'un soupçon d’intelligence ne monte au cerveau d'un des hommes et qu'il demande pourquoi l'une était arrivée avant l'autre alors qu'elles étaient censées voyager ensemble.

Merci pardi, vous leur avez sauvé la vie, et vous m'avez évité de me tâcher té.

Un simple hochement de tête répond aux remerciements qui se veulent prétentieux dans le fond, du moins c'est ainsi qu'elle les prend et qu'elle les laisse passer sur elle. Elle s'en moque, elle se moque de tout, de savoir si la femme les aurait tué, si eux se seraient défendu, si elle est contente d'être passée ou si elle lui en veut de ne pas avoir put jouer de l'épée. Cira s'en moque et elle avance, son regard fixé entre les oreilles de sa monture, dans le vague tendis que Samsa semble décidé à rester à ses côtés.

Une carotte est d'ailleurs tendu et un bras maigre vient braver le froid en sortant de la chaleur rassurante de la cape pour s'emparer du légume. La logique aurait voulu qu'elle croque dedans mais non, le buste de la jeune fille se penche en avant et c'est vers la gueule de son cheval qu'elle tend la carotte qui se retrouve d'ailleurs bien vite prise.


Merci... mais c'est lui qui fait le travail, c'est lui qui doit avoir des forces.

Et c'est lui qui n'aura bientôt plus personne sur son dos si elle continue comme ça. Enfin ça, personne n'est censé le savoir puisque personne ne voyage avec elle et qu'elle ne donne de nouvelles à personne si ce n'est à son intendant à qui elle a écrit la veille pour lui dire qu'elle allait bien. Oui un coeur battait encore sous cette sombre cape qui lui servirait sans doute un jour de linceul.

Un soupire s'échappe des lèvres de la jeune fille alors que le dos semble se redresser et les épaules se rebaisser comme si elle souhaitait reprendre la stature qu'elle doit avoir, la fierté qu'elle doit montrer et ne pas déshonorer son nom et son rang pas une attitude d'être faible.
La posture n'est toute fois pas maintenue et la cape s'affaisse à nouveau tendit que Cira hoche à nouveau la tête après les présentations de sa compagne auto-proclamée de voyage.


Pour ma part, vous avez déjà entendu mon nom.
Restez si vous le désirez mais je ne suis pas d'une agréable compagnie et j'ai la facheuse tendance à porter malheur. Je vous conseillerais donc vivement de passer votre chemin si vous ne voulez pas passer de vie à trépas.


Son visage blême se tourne alors vers la Cerbère pour l'observer, offrant par la même occasion une figure sans expression si ce n'est une réelle souffrance dans le fond de son regard clair.

Vous ne savez même pas où je souhaite me rendre.
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Samsa
    "Dans ta tête,
    Dans ta tête ils meurent.
    Dans ta tête, dans ta tête...
    Zombie, zombie, zombie,
    Qu'y a-t-il dans ta tête, dans ta tête ?
    Zombie, zombie, zombie."*



La carotte, Cira ne la mange pas. Elle ne la garde même pas pour elle. Elle se penche pour la donner à sa monture, et Cerbère se crispe vaguement, prête à tenter de rattraper le corps malingre qui joue à se pencher, à défier les lois de la gravité en mettant les muscles qu'on pourrait croire disparus à l'épreuve. Elle se redresse finalement, et Samsa s'apaise. Son état interne ne trompe pas, mais la jeune noble a bon fond, cela s'entend, cela se sent, et en son fort intérieur, la Bordelaise se promet de ne pas la laisser repartir avant qu'elle ait reprit des forces, au moins physiques.
Elle tente de se redresser, cela n'échappe pas aux yeux sombres mais, comme l'aveu d'un échec dont Samsa ignore l'origine, elle retombe. Son coeur se serre. Elle aurait voulu ne plus jamais voir quelqu'un en si triste état, un état si semblable que celui qu'elle a pu connaître jadis. Combien d'années ? Cinq ans. Cinq ans qu'elle vivait sans Zyg. Non, ce n'était pas exactement vrai : deux ans qu'elle vivait sans Zyg. Les trois premières années de son absence n'avaient été qu'une longue suite de souffrances et de morts, pour tout le monde. Elle donnerait n'importe quoi pour que personne n'emprunte le chemin qu'elle a eu à parcourir.

Cira ne la repousse pas, et Samsa hoche la tête. C'est déjà ça. Cela lui évitera de se battre pour gagner le droit de rester, le droit de l'aider, le droit d'être elle-même. Cira s'accuse de ne pas être de bonne compagnie, d'attirer le malheur. Elle lui conseille même de fuir. Quelle drôle d'idée. Jamais, depuis qu'elle était debout, on avait vu Samsa fuir. On pointait du doigt son courage rare, devenant imprudence dans la bouche de certains, suicide dans celle d'une plus petite minorité encore. Ils avaient tous raison. La Cerbère avait un rapport bien particulier avec la Faucheuse, l'appelait sans jamais la trouver, et lorsqu'enfin celle-ci semblait venir, Samsa montrait les dents et la repoussait avec violence. Il n'était alors pas faux de dire que Samsa se pensait un peu trop à l'abri de la Mort.
Les yeux sombres à petite flamme rencontrent les yeux clairs de la demoiselle, et un frisson parcourt l'échine de Samsa. Tant de souffrance, est-ce vraiment possible ? Ressemblait-elle à cela, après la mort de Zyg ? Pour la première fois depuis toujours, la Cerbère a envie d'implorer le Très-Haut. Il ne peut pas faire ça à quelqu'un d'autre, surtout pas à quelqu'un de si jeune. Tenterait-Il encore de blesser Samsa, en usant d'autrui ?

"Tu ne l'auras pas, Enfoiré. Je t'en empêcherai. Ton petit jeu s'arrête là."


-Ça m'est égal pardi.

Elle ne l'a pas dit avec indifférence, mais avec détermination, le regard porté droit devant elle. Qu'est-ce que ça peut lui faire, où va Cira ? Matériellement, c'est peut-être vers une ville qu'elle va, mais à l'intérieur, c'est plutôt vers un ravin ou un mur qu'elle se dirige. Peut-être y est-elle déjà, dans cette danse de flirt macabre.

-Je n'ai pas peur de la Faucheuse pardi, et si elle ou un quelconque malheur tente de s'approcher de vous pardi, j'en ferai mon casse-croûte té.
Vous n'avez pas faim d'ailleurs pardi ?


Samsa a usé d'un peu d'humour, de sympathie. Peut-être que cela ne fera pas mouche, c'est même probable vu l'état de la jeune noble, mais la Cerbère sait que ce n'est pas un flocon de neige seul qui brise une branche.
Elle avait deux filles, deux Rouquines jumelles qui avaient eu quatre ans cette année. Samsa avait beau être Cerbère, elle était ce qu'on appelait communément une mauvaise mère. Absente, guerrière, incapable de leur montrer l'amour qu'elles devaient recevoir. De l'affection, oui, elles en avaient, de l'éducation quand la mère était présente également, et une bonne, pleine de principes et de leçons de vie. Mais à part ça ? Elle les aimait pourtant, mais ne savait pas le montrer.
Étrangement cependant, Samsa savait exprimer de la tendresse envers les autres enfants, envers les autres jeunes. Plus le temps passait, et plus son côté protecteur s'ancrait. Autant dire qu'à presque vingt-six ans, il y avait du galon.


-Depuis combien de temps chevauchez-vous pardi ? A en voir votre monture, vous faites des pauses régulières té, mais à voir votre état à vous pardi, vous vous êtes négligée depuis des jours sinon des semaines pardi.

La Cerbère se faisait douce dans l'entrée en la matière, observatrice plutôt que curieuse en demandant d'où elle venait, pourquoi elle était seule, pourquoi cet état. Samsa était passé par là, elle avait sans doute dû vivre semblable expérience, aussi était-elle capable d'avoir, parfois, la subtilité et la précaution nécessaire aux âmes blessées.


* = paroles traduites de The Cranberries - Zombie

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Cira
La destination lui était égal, dommage, parce que Cira n'avait absolument aucune idée de l'endroit où se rendre alors si Samsa avait suggérait ou parlait de la sienne, peut être aurait-elle occupée l'esprit de la jeune fille, lui mettant un but à atteindre le temps de quelques lieues.
Enfin sans mensonge, il y avait bien une destination qu'elle souhaiterait atteindre mais dans l'état actuel des choses, dans le fait qu'elle était baptisée et sa mère adoptive diaconesse, elle ne prendrait pas le risque de voir son âme se perdre dans les limbes pendant une éternité parce qu'elle avait préféré mettre fin à ses jours plutôt que de vivre.
Vivre, quel mot grotesque quand pour la jeune fille il ne s'agissait plus de vivre mais de survivre. Survivre à toutes ces pertes, tous ces départs, toutes ces morts. Pourquoi le Très Haut prenait donc tout ses proches et point elle ? Pourquoi s'amusait-il à ce point avec elle alors qu'elle ne demandait rien à personne si ce n'est d'avoir une vie normale ? Et après on allait s'étonner quand elle faisait une crise de possessivité avec certains. Quand on a une peur bleu d'être abandonnée ce n'est pas vraiment surprenant mais ça, il fallait encore que les détracteurs le comprennent plutôt que de s'amuser à lui en mettre pleins les dents comme elle avait eu droit. Oui quand ça ne venait pas du Ciel, c'était de la terre, qu'elle prenait des baffes. Charmant destin pour une adolescente qui respirait la joie de vivre quelques années auparavant et qui n'était maintenant plus que l'ombre d'elle même.


Vous ne me devez rien. Je vous ai juste aidé à passer le barrage, c'est tout.

Les montures continuent d'avancer au pas alors que Cira réfléchit à la question pourtant si simple que la Cerbère venait de lui poser. Combien de temps ? Pas beaucoup mais cela semblait pourtant une éternité. Une des mains gantées se porte à son cou et s'empare du petit pendentif suspendu à celui-ci. Les doigts caressent la tête de loup comme s'ils pouvaient y puiser une quelconque force ou bien même communiquer avec le sculpteur.

Depuis quelques jours seulement mais le ciel est capricieux dans le nord du Royaume, il se moque bien de la saison et de l'état des voyageurs pour faire tomber ses larmes glacées.

La main lâche le pendentif qui retourne se cacher sous la chemise épaisse de la jeune fille. Une nouvelle tentative de redressement du dos se fait et se maintient cette fois. Samsa semblait réellement décidé à rester à ses côtés et il était hors de question que le bruit cours que l'enfant d'une des filles de feu l'empereur soit une vraie loque à ne pas savoir se tenir en public.
La langue de la jeune fille passe sur son palais et sur ses dents avant qu'elle ne se racle la gorge pour prendre une voix normale et non celle d'une sauvageonne vivant au fin fond d'une caverne.


Et vous ? D'où venez vous ? Et pourquoi les gardes ne souhaitaient pas vous faire passer tout à l'heure ?
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Samsa
    "D'un mystère dévoilé ;
    La mythique antiquité.
    C'est notre destin :
    Tracer le chemin"
    (La route d'El Dorado - Le chemin)


-Je ne le fais pas par devoir ou reconnaissance pardi.

Et c'était vrai. Si Samsa avait en elle des principes et des valeurs immuables, elle avait également une identité propre. D'aussi loin qu'elle pouvait remonter ses souvenirs, jusqu'à son enfance et adolescence entourée de ses parents, elle avait toujours eu ce trait d'indépendance bien marqué. La Cerbère aimait être libre, faire ce qu'elle le voulait quand elle le voulait, ou presque. Et maintenant, elle voulait être là pour la jeune Cira de Leffe, elle voulait la requinquer. Elle voulait la libérer du joug du destin, de l'injustice, du malheur. Peut-être que la demoiselle ne la laisserait pas faire, qu'elle ne la laisserait pas aller jusqu'au bout, mais Samsa avait cette manie de toujours tenter, quitte à se prendre le mur dans la tête à la fin.
Elle touche un pendentif que les petits yeux sombres regardent rapidement avant de se détourner, pudiques. Ce qui était aux gens, de leur monde, devait le rester. Les regards intrus étaient à bannir, c'était du moins ainsi que pensait la Cerbère. Elle savait bien qu'elle ne pourrait pas faire que de regarder, mais qu'elle aurait plutôt observé, cherché, analysé, afin de comprendre dans quel monde était plongé Cira. Peut-être le ferait-elle, oui; mais plus tard. Pas maintenant. Pas à ce stade.
Samsa hoche la tête à la phrase concernant la météo du nord du Royaume. Elle savait bien cela. Autant Chinon avait ce ciel gris clair parsemé d'éclaircies, autant la Champagne était d'un gris de plomb, attaquée qui plus est par le vent d'Est froid. D'un regard en coin, la Cerbère remarque que sa voisine se redresse, et se tient cette fois. Elle ignore si c'est par fierté ou parce qu'elle a trouvé un regain d'intérêt avec la bordelaise, mais celle-ci esquisse un sourire, quelque part entre la satisfaction et l'apaisement. C'est une nouvelle voix qui se fait entendre et les oreilles aux aguets tintent, en captent les sonorités, début d'une découverte.
Exagérément bercée par le pas lourd de Guerroyant, Samsa lâche une rêne afin de poser sa main sur sa propre cuisse protégée par un cuissot, comme l'autre, affirmant ainsi une position tranquille sinon nonchalante.


-Je suis de Bordeaux pardi, en Guyenne té. J'y ai grandi avant de partir té, où j'ai ensuite vécu à Chinon pardi. Et puis je suis repartie à Bordeaux... Et puis j'en suis repartie pardi... Maintenant j'ai une forge à Alençon pardi.
J'étais Secrétaire Royale de Sa Majesté Zelha pardi. J'ai été reprise au service de Sa Majesté Lanfeust de Troy té. Mais... Ce n'est pas un poste connu pardi. Nous ne sommes pas Officiers Royaux pardi, nous ne faisons pas partie d'une Institution té... Nous sommes l'ombre pardi, l'ombre du Roi pardi. J'ai droit de passage comme n'importe quel agent royal pardi, les percepteurs d'impôts, les marchands royaux, les gardes royaux pardi... Mais Secrétaire Royale, personne ne connait, alors souvent, on pense que je mens, et on me refuse le passage pardi.
Vous saviez que ça existait, vous, des Secrétaires Royaux pardi ?


Ça étonnerait bien la Cerbère si la réponse devait être positive. Mais quelle qu'elle soit, Samsa laisse passer un temps de silence avant de reprendre parole, se donnant pour mission de parler, faire un fond sonore qui se veut apaisant.

-Je voyage souvent pardi. Je vais là où ça me tente d'aller té, voir les gens que j'ai envie de voir pardi. Je crois que je le tiens de ma mère pardi, c'était une voyageuse aussi té. Elle était mi-bretonne, mi-normande pardi. Je crois que ces deux sangs forts mêlés, elle me les a transmis aussi pardi. Un sourire gentil, un peu amusé, naît sur les lèvres fines. Mon père élevait des chevaux à Bordeaux pardi. Il savait y faire té. Le sourire s'efface, mais le visage n'est pas forcément triste pour autant. Il a cet air impassible que le temps donne à force de travailler les traits, d'en lisser certains, d'en creuser d'autres. Ils ont été emportés par l'incendie de l'écurie quand j'avais quinze ans pardi. C'est pour ça que je suis partie té. C'était difficile de rester là té.

Les yeux sombres gardent l'horizon pour destination, et finissent par se poser sur la silhouette maigre à ses côtés. Un instant passe, et l'esquisse d'un sourire se dessine, très rapide, lui donnant une impression de rictus.
A l'époque, Samsa avait eu la force de partir, et marcher l'avait aidé à se remettre debout. Elle avait sombré, mais elle avait pu garder la tête hors de l'eau grâce à cela. Avec Zyg, la Cerbère n'en avait eu ni la force ni le courage, et elle était restée dans cette sorte de cage, prisonnière de bon gré d'un espoir destructeur, celui de la folie de croire que les morts ne l'étaient pas, et qu'elle reverrait Zyg un jour.


-Quel âge avez-vous pardi ?

On pourrait croire qu'elle saute du coq à l'âne, empêche la jeune noble de trop réfléchir à ce qu'elle vient de dire. C'est presque vrai. Surtout, elle ne lui retourne pas de question concernant sa vie, car si la demoiselle a des plaies, alors la Cerbère attendra patiemment qu'elle lui en parle d'elle-même, avant d'y aller à tâtons. Elle renvoyait parfois l'image d'une femme impatiente car impulsive, mais, au fond, elle avait ce trait rare de la patience olympienne, couplé à la protection et à la tendresse. Ce curieux mélange qui, avec d'autres soupçons de qualités et de défauts, faisait qu'elle était Cerbère.
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Cira
La jeune fille écoutait tout en notant les tics de langage composaient d'elle ne savait combien de té et de pardi en pourtant si peu de phrases. La Cerbère était au service du Roy, entendu, secrétaire royale, d'accord, même si non, elle ne savait pas ce que c'était, enfin elle n'était pas sotte non plus et se doutait qu'il y avait une histoire de courrier là dedans mais ça ne devait sans doute pas être que ça.

Son cheval continu d'avancer alors que son corps se fait bercer par les mouvements de la monture et que son esprit commence à s'éloigner du flot de paroles qui se déverse à côté d'elle. Voila bien longtemps qu'on ne lui avait pas tenu tel monologue et ses oreilles en avaient perdu l'habitude au point qu'elle dodelinerait presque de la tête, prête à s'endormir sous la voix de Samsa.
Et puis le mot bretonne est prononcé et toute son attention se voit attisée dans une réelle curiosité. La Bretagne, voila bien 10 ans qu'elle n'y avait pas remit les pieds. Cette terre lui manquait mais elle savait qu'elle n'y retournerait plus jamais.
Elle parla de chevaux et sa curiosité continuait d'être présente jusqu'à ce qu' incendie soit prononcé et que les traits de son visage se figent. Sa tête se baissa à nouveau et elle observa la nuque de sa monture qui se balançait d'avant en arrière.

Un long silence suivit la dernière question. Peut être que Cira ne l'avait pas entendu ou bien qu'elle faisait le tris dans ses pensées, évitant d'ajouter des souvenirs à la situation déjà compliquée qu'elle vivait. On ne réveille pas les fantômes, on les laisse là où ils sont et on avance. C'est ça qu'elle devait faire sauf qu'elle avait la terrible impression que tout ce qui se passait dans sa vie depuis qu'elle avait 4 ans était dû à la journée où tout avait basculé et qu'elle allait devoir subir encore et encore jusqu'à expier sa faute. Finalement le Très Haut ne lui en voulait peut être pas personnellement, il l'obligeait juste à porter sa croix.


Bientôt 15 ans.

Son regard se porta sur la muraille qu'elle apercevait au loin tendis que le fond de sa gorge redevenait atrocement sec alors que pourtant elle salivait étrangement. Ses doigts se crispèrent autour de la bride et elle cligna des yeux comme pour essayer d'enlever le voile qui venait apparaître dans ses yeux. Par Aristote même si elle ne sentait pas l'envie elle allait devoir manger sinon elle finirait par tomber dans les pommes et la lourdeur de sa tête ne faisait qu'accentuer ce mauvais pressentiment.

Je dois m'arrêter.

Et sans attendre un quelconque accord elle s'approcha du bord de la route et se laissa tomber de son cheval, se rattrapant en vrac et en désordre, son malaise trop présent et ses forces trop faibles pour la maintenir droite et compenser.
Une main proche de la scelle pour pouvoir se retenir, elle boitilla jusqu'à une de ses sacoches et se sortit un morceau de pain sec d'où elle en croqua un bout.

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Samsa
    "Je veux chanter pour ceux
    Qui sont loin de chez eux,
    Et qui ont dans leurs yeux
    Quelque chose qui fait mal, qui fait mal."
    (Michel Berger - Chanter pour ceux)


Quinze ans. Quinze ans, et déjà tant de malheurs dans le regard, un état déjà si pitoyable. Le Très-Haut faisait des ravages dans les vies de plus en plus tôt. A moins qu'Il l'ait toujours fait ? Samsa n'en avait en tout cas jamais croisé. Cira était mal partie, elle le semblait en tout cas à l'instant. N'avait-elle pas de famille ? D'amis ? Une si jeune demoiselle, seule sur les routes, vraiment ? Pas de gardes ? De précepteur ? Sans son nom, Samsa l'aurait aisément cru abandonnée. Mais une noble, qui abandonnait une noble ?
Là en était la Cerbère quand elle est sortie de ses pensées par sa voisine qui déclare un arrêt immédiat. Elle se laisse moitié tomber au sol, et la Cerbère y dirige Guerroyant afin d'attraper les rênes de la monture noble, la tenir. Cira titube jusqu'à trouver pitance, et Samsa, entièrement redressée sur son cheval, observe les alentours, guettant embuscade ou mauvaise rencontre. Les épaules se portent légèrement vers l'avant pour parer à toute éventualité, la main gardant les rênes de Guerroyant est ferme, et les petits yeux sombres prennent un air perçant. Les oreilles, elles, alternent entre l'écoute des alentours et le grignotage de Cira. Cerbère repose enfin ses yeux sur la demoiselle une fois qu'elle eut fini de manger, et passe jambe par dessus de la groupe de son destrier afin de glisser lestement au sol.


-Je vous aide à vous remettre en selle pardi, et on va s'arrêter à Reims jusqu'à demain pardi. Vous pourrez vous reposer et reprendre des forces té. Vous n'arriverez nul part à continuer ainsi té.

Elle lâche les rênes de Guerroyant le temps d'aller se placer près de la monture sombre. Samsa se campe, solide, et place ses mains afin que Cira lui donne sa cheville, la hisser en selle. Elle est tellement maigre, tellement légère, que Samsa pense à raison qu'elle aurait pu la soulever comme une enfant pour la réinstaller. Mais Cira est noble, pour commencer, et la Cerbère sait que cela serait humiliant. Elle ne plaisantait jamais avec la fierté, l'orgueil.
Une fois Cira en selle, Samsa la regarde depuis le sol. Ses yeux ne sont pas inquiets, mais ils se préoccupent d'elle comme d'une compagne de voyage, comme la compagne de voyage qu'elle est, la jeunotte en lambeaux. Cerbère observe les alentours avant de se remettre rapidement à cheval. Nouveau regard circulaire; tout va bien. Elle presse les flancs de sa monture entre ses jambes et Guerroyant repart, la Bordelaise vérifiant le bon suivi de Cira.

Aux portes de Reims, elles passent cette fois sur la présentation de Samsa en tant que Secrétaire Royale. Voilà, comme elle avait dit : une fois sur deux. Peut-être que ces gardes-là n'étaient pas plus informés, mais ils la croyaient en tout cas, sans doute parce qu'elle avait également passé le barrage plutôt.
Elles entrent dans la capitale de Champagne, et les traces des assauts sont bien visibles. Certains bâtiments sont effondrés à cause des trébuchets, stigmates également visibles aux remparts, dont une partie s'est effondrée. Des portes ont été enfoncées, le marché est encore pauvre, et des mendiants de tout genre ont fait leur apparition dans les rues. Samsa arrête Guerroyant le temps de donner une pièce à une femme mendiant pitance. Elle esquisse un piteux sourire aux remerciements, et remet son cheval au pas alors que ses yeux sombres se promènent sur les bâtiments, prennent connaissances des dégâts. C'est au centre de la ville qu'elles trouvent une auberge encore bien debout, tant le bâtiment principal que la dépendance qui doit abriter des stalles. Elle se laisse glisser au sol et regarde Cira avant d'attacher les rênes à un anneau dans le mur, assez solidement pour que le premier venu ne puisse les défaire, le temps qu'elles aillent louer abri pour leur monture.


-Vous venez pardi ? Je gage également que la chaleur d'un bon feu ne vous ferait pas de mal pardi.

Elle n'est, en réalité, pas sûre que la jeune noble puisse recevoir quelque chose qui lui ferait plus mal encore. Tout du moins ne semblait-elle pas blessée physiquement, et c'était déjà une petite victoire.
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Cira
Si la Cerbère avait tout ses sens aux aguets, Cira elle, n'en avait strictement rien à faire ! On pouvait bien l'attaquer, elle s'en moquait comme de sa première paire de chausses. Dans son état on pouvait bien l'agresser qu'elle opposerait aucune résistance et pourrait même aider à finir le travail.
Misère, comment avait elle put en arriver là ? Elle avait souvent était au fond du trou mais là c'était le summum, elle était au delà du 36ème dessous et elle creusait encore.

Le pain à moitié mangé et une gorgée d'eau avalée pour faire passer tout ça, elle rangea son outre et le reste de sa pitance dans sa sacoche avant de se tirer jusqu'à sa selle. Son côté livide précédent un évanouissement avait plus ou moins disparut et même si ses lèvres restaient encore un peu mauve, elle n'était plus si pâle qu'avant sa descente à terre.

Du coin de l'oeil elle capta que Samsa s'approchait et crispa ses doigts sur le pommeau de sa selle pour se hisser dessus une fois son pied calé entre les mains du Secrétaire Royal.


Si vous voulez.

Oui voila, c'est tout ce qu'elle trouva à répondre au plan de route. De toute façon elle s'arrêtait dans chaque ville pour que sa monture puisse prendre du repos et manger à sa convenance. Il lui était utile, bien plus utile qu'elle pouvait l'être pour lui. Il la portait, la conduisait d'un point A à un point B et lui tenait chaud quand elle devait passer la nuit à la belle étoile. A l'heure actuelle, son étalon était ce qu'elle avait de plus précieux à ses yeux et elle en prenait soin parce que c'était le dernier être vivant qui lui apportait le réconfort dont elle avait besoin.

Aux portes de Reims elle laissa Samsa s'occuper du passage et continua de suivre docilement sans un réel regard sur ce qui l'entourait. La cité est dans un état pitoyable, comme elle et une décision fut prise dans la jeune tête brune. Hors de question de rester plus d'une journée ici ou d'avoir l'idée de potentiellement séjourner et s'installer. Si elle devait se trouver un havre de paix il devait être tout sauf misérable, froid et désolant.

Leurs pas les conduisirent jusqu'à une auberge à l'allure plutôt stable et c'est avec précaution qu'elle descendit de sa monture pour atterrir dans une flaque de neige fondue et boueuse. De la chaleur oui elle en avait besoin et tout de suite même. Le voyage en cette saison, la pluie qui était tombée et la froid du nord c'était plus que son corps pouvait supporter et il fallait vraiment qu'elle monte en température pour se dérouiller.

Sa main vient flatter l'encolure de son cheval et pas excès de précaution elle va vérifier l'état du noeud. Satisfaite, elle détacha les sacoches de son cheval et les posa sur son épaule oubliant jusqu'à la présence de Samsa pour se diriger à l'intérieur de l'auberge tout en boitant.
Le froid et l'humidité avaient bien fait leur oeuvre. Ils étaient rentrés jusqu'à l'os et avaient rouillé le mécanisme ne laissant qu'une douleur lancinante dans sa jambe droite et une démarche de pingouin.
Une fois à l'intérieur, elle repoussa sa capuche en arrière, ses longs cheveux brun venant s'abattre alors dans son dos et encadrer son visage émacié tendis qu'elle s'approcha du comptoir et de l'aubergiste accompagnée par Samsa qui l'avait rapidement rejoint, ce qui n'était pas extrêmement compliqué vu sa vitesse de déplacement.


Puisque vous avez décidé de diriger, je vous laisse prendre nos stalles, nos chambres et nous commander à manger.
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Samsa
    "Oh, par où commencer ?
    Par les ruines ou par nos pêchés ?
    Oh, par où commencer ?
    Par les ruines ou par nos pêchés ?"*



Samsa laisse la jeune noble passer devant. Elle avait beau avoir une fierté parfois trop exacerbée, elle avait le sens de la discipline et de la hiérarchie. En bonne Cerbère, elle était rarement à la tête d'hommes, bien plus souvent une presque meneuse qu'on aurait pu comparer à une garde du corps ou une capitaine suivant son général. Cira était cette générale et, veillant sur elle, c'est Samsa qui suivait.
De derrière, elle découvre la longue chevelure brune de la demoiselle, mais aussi sa démarche boitillante. Peut-être avait-elle crié victoire trop tôt, et que Cira était blessée. Il faudrait se renseigner, à la franche cette fois. La Cerbère n'avait rien d'une médicastre mais, habituée des champs de bataille, elle avait déjà dû recoudre, maintenir, amputer, désinfecter, surveiller plaie et infection. Jamais elle ne se séparait de son onguent, en très petite quantité cependant, dans la sacoche de sa ceinture. C'était en cas d'urgence, ça coûtait cher, mais Samsa savait partager, et donner.
Arrivée au comptoir, elle baisse son regard sombre vers Cira et hoche la tête. A ses yeux, elle ne dirigeait pas, ne faisait que prendre les choses en main, mais elle accepta cette tournure de phrase et regarda l'aubergiste, un homme d'une quarantaine d'années sans doute, cheveux anciennement bruns devenus poivre et sel, la barbe mal entretenue.


-Saluté pardi. Il nous faudrait chambres, et stalles pour nos chevaux pardi. Ils attendent dehors té, un bai et un noir pardi. Deux repas également pardi, chauds té, avec de l'eau pardi.

Nouveau regard quelque peu baissé vers la jeunotte pas bien haute, comme dans une fausse concertation qui n'est qu'une réflexion, et Samsa reprend où elle en était avec l'aubergiste.

-Un bouillon pour la demoiselle pardi, un plat du jour pour moi té.
Le tout à mon compte pardi. Je paye la moitié maintenant té, et l'autre moitié demain pardi.


Comme pour la mendiante, un autre écu est sorti de la sacoche, mais celui-ci est doré, provoquant réaction de l'aubergiste qui ne doit guère en apercevoir souvent. La Cerbère esquisse un sourire qui se veut honnête, et elle lui tend. Il en vérifie la qualité en mordant dedans et, satisfait de la trace, hoche la tête et l'empoche. Décidément, s'il avait cru que ce serait son jour de chance... !
Samsa baisse les yeux vers la jeune noble et l'invite d'un regard à aller s'assoir à une table alors qu'elle récupère les clés des chambres, glissées précieusement dans la petite sacoche. La Cerbère la rejoint, suivant du regard un jeune adulte qui quitte le lieu après avoir reçu ordre de s'occuper des chevaux. Un instant encore, les petits yeux sombres aux éclats métalliques s'assurent de la bonne conduite des choses, et se reposent sur Cira.


-J'ai vu que tu boitais pardi. Tu es blessée té ? Tu as besoin de soins pardi ?

"Je sais amputer, si jamais". Oui non ce n'était pas à dire en fait.
La Cerbère, dans l'atmosphère chaude, retire ses gantelets de combat qu'elle pose près d'elle sur la table. Une cicatrice mange le dos et la paume de la main gauche, alors que la droite, connaissant bien l'arme, est quelque peu calleuse. Bien qu'indéniablement féminines, ces mains ont quelque chose de plus, de trop, un trop sans doute de robustesse qui leur retire grâce et finesse.




* = paroles traduites de Bastille - Pompeii

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Cira
La jeune fille patientait alors que la douce chaleur de l'auberge lui picotait les joues de petites tâches roses. Elle avait faim, elle avait froid et elle avait sommeil mais il fallait attendre et donner le change. Samsa se chargea de tout d'une main de maître et elle se plongea dans ses pensées, du temps où elle faisait la même chose avec son escorte quand ils voyageaient. Un voile d'amertume passa devant ses yeux et elle s'assombrit, préférant balayer ses souvenirs là de son esprit avant que ses yeux n'ouvrent à nouveau les vannes.

Il était enfin temps d'aller s'installer et Cira rejoignit une table prés de l'âtre avant de défaire la broche qui retenait sa cape fermée. Un corps nageant quelque peu dans les vêtements de voyage s'offrit à la vue du Cerbère mais elle n'en avait que faire, peut être ne se rendait elle même pas compte que ce qui se passait dans sa tête ressortait sur son corps.
Le repas arriva et elle entoura son bol de ses mains nues pour se les réchauffer, profitant pleinement de la chaleur accordée.


Pas de soins non. Cela remonte à l'hiver dernier, une mauvaise rencontre sur les chemins. J'ai failli être enterrée vivante, ma fosse était déjà creusée. Heureusement que j'ai respiré et que le fossoyeur a prit peur.

Et elle offrit un petit sourire amusé à son bol, comme si tout ça était normal, comme si la plupart des gens se faisaient balancés dans un fossé avant de manquer se faire enterrer.

La saison et le temps font que cela se voit plus en hiver qu'en été, tout comme sous la pluie plutôt qu'au soleil. C'est comme ça.

Elle haussa légèrement les épaules. Elle savait très bien que ça ne guérirait pas. Elle savait très bien qu'elle ne pourrait plus faire ce qu'elle voulait et elle savait également qu'à moitié infirme sa mère trouverait difficilement un prétendant à sa fille.
Prenant plusieurs cuillères de son bouillon sans pourtant passer pour une morte de faim qui se jette dessus, elle laissa un silence s'installer avant de poser son regard sur la main de la Cerbère puis sur elle.


C'est quoi un secrétaire royal ?
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Samsa
    "Et 1,2,3 Alice est née dans un endroit,
    Un endroit qu'il ne fallait pas.
    Et 1,2,3 Alice au pays des étoiles.
    Il était une fois quelqu'un comme moi,
    Mais si tu me vois, je crois que tu grandiras."
    (Indochine - Alice et June)


Samsa écoute son histoire avec attention, d'abord très sérieuse et attentive comme si elle allait entendre qu'elle avait la gangrène, un peu mais pas trop, qu'il faudrait nettoyer, mais qu'elle sentait encore sa jambe, alors que, peut-être, finalement, celle-ci pourrait être sauvée. Rien de tout cela finalement, une vieille blessure due à une mauvaise rencontre. La Cerbère hoche la tête. Et puis l'explication tombe, et elle laisse échapper un petit rire en souriant, amusée.

-Qu'est-ce qu'on ressent pardi, quand on est prête à se faire enterrer vivante té ? T... Vous avez eu peur pardi ?

Elle s'est bien rendu compte qu'elle est passée au tutoiement, déjà avec sa question précédente. Samsa était Secrétaire Royale, elle connaissait quelque peu les étiquettes, mais son âge et sa liberté l'entrainaient facilement vers le tutoiement des plus jeunes. La plupart n'en prenaient pas ombrage et puis d'autres, droits dans leurs bottes raffinées, rappelaient la Cerbère à l'ordre, et celle-ci se couchait alors. Peut-être Cira l'aiguillerait. Ou pas. Auquel cas Samsa, bien malgré elle, balancerait entre les deux au rythme de son instinct, du contexte.
Elle tend légèrement le menton avec de la curiosité qui pétille doucement dans ses yeux sombres.


-Est-ce que ça fait mal pardi ?

"Attend Cerbère, attend. D'abord, répond, parle."
L'aubergiste arrive avec le plat du jour, de la bouillie d'engrain avec un peu de haricots dedans. L'homme semble confus mais Samsa lui adresse un sourire qui se veut sincère et rassurant, et elle attaque sa nourriture pour une bouchée. Les aliments et plats dits de "pauvres", la Cerbère les connait. C'est un peu son milieu après tout, même si, chez elle, on ne manquait pas forcément de nourriture. Alors elle peut se satisfaire de tout et de rien, surtout de rien. Samsa avale avant de répondre.


-C'est quelqu'un qui gère le courrier du Roi, ou de la Reine pardi. Le Premier Secrétaire Royal a accès au pigeonnier privé du souverain pardi. Là, c'est moi pardi, comme avec Zelha té. Je prends les courriers, et je les amène au Secrétariat Royal pardi. Ensuite, le Roi ou la Reine nous dit ce qu'on répondre pour chaque missive pardi. On rédige une réponse en bonne et due forme té, il valide ou pas, et ensuite j'envoie pardi.

La Cerbère sourit. Elle aime parler de son travail, parce qu'il lui plait. Il lui donne cette immensité de savoir, et donc ce soupçon de pouvoir. Il nourrit son espoir d'être un jour reconnue, de caresser sa fierté assez pour qu'elle en soit heureuse, juste assez de quoi lui donner l'aura des autres. Pourquoi les efforts et les exploits resteraient-ils dans l'ombre d'où ils étaient nés ? Le combat de Cerbère.

-La reine Zelha était mon amie pardi. Moi, je voulais être dans la Garde Royale pardi, pour la protéger té. Au lieu de quoi elle m'a foutu derrière un bureau avec des oiseaux pardi. J'ai tiré la tronche pardi, mais j'ai finalement adoré très vite pardi.

L'anecdote a été lâchée, comme un retour à celle de Cira. La Cerbère la laisse manger un instant, se remplissant la panse du même temps, et se décide à tenter d'approcher de la bête, comme on tendrait la main vers un chien blessé. Il s'agit de trouver le bon rythme, les endroits où poser réconfort est possible, et en quelle quantité. Un savant mélange que Samsa se prépare à tenter, en espérant éviter non pas les ratés, mais les explosions. Les petites billes sombres se relèvent quelque peu vers la jeune noble. Si elles croisent les yeux clairs, elles ne s'y accrochent pas, refusant de poser trop lourd regard sur si frêle personne. Exprès cette fois, le tutoiement est employé et, glissé sur un ton calme et quelque peu sympathique, il a pour but de ne pas passer pour vulgaire. Le sourire inconscient dû aux coins de ses lèvres qui remontent légèrement aideront peut-être.

-Et toi pardi, qu'est-ce que tu préfères faire pardi ? Les arts ? Les combats pardi ? Les voyages té ?
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Cira
Si j'avais été consciente je n'aurais pas manqué me faire enterrer.

Ben oui, elle aurait crié, gesticulé ou tout simplement elle ne serait pas fait ramasser sur le bas côté comme un vulgaire sac. C'est bien parce qu'elle était dans un état lamentable, blanche comme un linge et qu'elle ne répondait pas qu'elle avait failli mourir enseveli sous un tas de terre.

Évidement que j'ai mal.

Les questions sont stupides aux yeux de la jeune fille. Évidement qu'elle a mal. Elle souffre en continue et peut se plier de douleur à ne pas pouvoir bouger quand chez elle le temps a décidé d'être mauvais. Le petit dragon qui sommeille dans cette carcasse en loque pointerait-il le bout de son nez ? Quoi qu'il en soit la chaleur rend du rose aux joues de Cira qui continue de parler et qui commence même à s'animer.

Certains mots protègent mieux que les armes. Avec de simples mots vous pouvez déclencher une guerre comme obtenir la paix et puis vous évitez de vous faire embrocher ainsi.

Quoi que pour cela elle avait un gros doute vu la tenue de la Cerbère. Pour sûr que rester derrière un bureau ne devait pas être sa seule activité et satisfaction et la jeune fille ne doutait pas un seul instant qu'elle puisse jouer de l'épée si le besoin s'en faisait sentir.

La jeune fille retourne à son bouillon qui la réchauffe divinement de l'intérieur. Le repas est frugal mais cela est loin de la déranger. De toute façon au vu de son alimentation actuelle elle se retrouverait vite la panse remplie et au bord de la nausée si elle mangeait trop copieusement.
Elle profite donc de son repas malgré sa teneur jusqu'à ce qu'une nouvelle question tombe et qu'un silence plus long que les précédents ne suive.
Ce qu'elle préfère ? A une époque elle aurait dit rire, courir, s'amuser, mener la vie dure aux gardes de son oncle tout en lui piquant son majordome pour ses petites affaires. Elle aurait dit faire les ateliers de coutures et remplir encore et encore sa garde robe, piquer des morceaux de tarte ou gâteaux à l'office quand on ne lui en faisait pas exprès. Elle aurait dit faire des batailles de boules de neige l'hiver sur ses terres, rendre fou son escorte qui lui rendait bien, elle aurait dit vivre tout simplement parce que c'est ça qu'elle était. La joie de vivre incarnée, un rayon de soleil, vive, souriante et amusante. Elle était ce qu'elle n'est dorénavant plus.


Les promenades à cheval.

Voila, c'était sans doute le seul petit plaisir qu'elle avait encore. Celui de se laisser bercer par le mouvement de sa monture, promener à l'air libre, laisser son esprit s'évader dans les plaines qui l'entourait et garder encore ce sentiment de liberté.

Vers quelle ville vous rendez vous ?
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Samsa
    "Je sais que désormais ça va se passer comme ça, je le sais parfaitement.
    Tu connaitras toujours l'enfer avant de grandir.
    Les ennuis ont commencé, les ennuis ont commencé."*



Cerbère hoche la tête aux mots de Cira. Cette petite n'est pas stupide. Non que Samsa en doute car elle savait quelle éducation était donnée aux gens de son rang, mais l'école de la vie ne les gâtait pas toujours de ses apprentissages, bien souvent à la dure. Cira semblait y avoir été admise avec brio. Malheureusement.

-Oui pardi. Les mots peuvent être puissants té, autant en bien qu'en mal pardi.

Elle esquisse un sourire à la jeune noble. Difficile de tirer une signification de celui-ci tant il veut exprimer. Samsa savait en tout cas de quoi elle parlait. Quel meilleur apprentissage du pouvoir des mots que de constater qu'on a pas su dire ceux qu'il fallait pour sauver une vie ? Il aurait peut-être fallu un rien pour sauver Zyg, la retenir dans le monde des vivants. Un "je t'aime", un "ne m'abandonne pas", un "j'ai besoin de toi". La Cerbère n'avait rien su dire, et si c'est bien ce boulet qui l'avait entrainé au fond des abysses, il était aujourd'hui un poids qu'elle continuait de porter, particulièrement en l'évoquant.
Ceux de Samsa envers Cira semblaient commencer à réveiller une personnalité bien marquée, mais encore fragile. Elle garde un temps le silence, et Cerbère l'imite, loin du désir de la brusquer. Elle finit par émettre les promenades à cheval, et Samsa hoche la tête avec son sourire inconscient.


-J'allais vers Alençon pardi. Mais c'est simplement parce que je n'ai nul part où aller té.

Elle laisse passer un nouveau silence, parce qu'elle a bien conscience que la réponse de Cira concernant les balades à cheval est une porte entrouverte qu'il convient de pousser un peu avec précaution. Elle prend le temps de manger un peu sa bouillie, mâchant autant sa nourriture que ses mots, alors que ses yeux sombres éclairés des petites étincelles métalliques se posent de temps à autre sur la jeune noble afin de constater l'évolution quelque peu positive de son état.
Enfin elle se décide, fait tourner l'écuelle dans ses mains doucement, les yeux baissés dessus, comme annonciateurs une confidence à propos d'un sujet qui lui coûte.


-Il y a quelques années pardi... Il m'est arrivé quelque chose de terrible pardi. Et... Quand je n'allais pas bien du tout pardi... Je prenais un cheval, et j'allais aux alentours de Bordeaux pardi. J'en faisais un grand tour té, qui durait souvent des jours pardi. A force, mon cheval connaissait le chemin tout seul pardi, et je pouvais rester là à dépérir, complètement... Détruite pardi. Je pouvais l'être et le rester le temps de ce tour pardi; il avançait pour moi, et je pensais qu'il me donnait l'illusion d'avancer té. Je crois qu'en fait, il me le faisait réellement pardi parce que... Je me laissais couler, et une fois que j'avais touché le fond té, je pouvais prendre appui dessus pour remonter, respirer de nouveau pardi. Jusqu'à la prochaine noyade té.

Samsa fronce aussi brièvement que légèrement les sourcils en fixant sa bouillie qu'elle voit encore comme telle. Elle redresse la tête sans regarder Cira, et rempli les gobelets de l'eau dans la cruche. Elle finit par jeter un regard à la jeune noble avec un sourire en coin relativement court qui a cependant le temps de délivrer son message d'ironie, de trait d'un humour qui se veut présent.

-De toute façon je n'ai jamais été bonne pour nager pardi.



* = paroles traduites de Imagine Dragons - Roots

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