Samsa
- "C'est dans les étoiles,
C'est écrit dans les cicatrices de nos curs :
Nous ne sommes pas brisés juste abîmés."*
Encore une fois, Samsa use de silence à la réponse à la culpabilité. Oui, si elles avaient écouté, si elles avaient su, si elles avaient pensé que tout n'arrivait pas qu'aux autres, si elles avaient vu l'inratable... Si elles avaient, elles seraient. Hélas, elles n'eurent pas, et ne sont pas. L'une n'a pas ouvert ses oreilles, l'autre sa bouche, son coeur sans doute. Alors c'était ça, le secret de la vie ? S'ouvrir ? Écouter, obéir, réussir, et suivre plutôt que vivre ?
C'est moche.
Et puis du silence de la Cerbère, il devient celui de la jeune noble. Il dure et Samsa distingue le rabattement de capuche du coin de son oeil sombre fixant jusqu'alors l'horizon. Le visage fait de tout, surtout de contradictions, se tourne vers Cira. Elle a touché un point sensible. Non qu'elle ne s'en doutait pas, elle savait, mais c'est un fait établi. Elle ne voit plus le visage de sa compagne de voyage et de malheurs mais elle entend la voix fragilisée.
Cira finit par la regarder et Samsa constate les larmes de la jeune fille dans ses yeux clairs rougis et sur ses joues maigres. Cerbère aurait pu détourner les yeux car elle n'aimait pas regarder les gens tombés, les gens en difficulté. C'était sa manière de leur porter respect, de leur offrir encore de la dignité et de la force, mais la réplique de Cira est frontale et la bordelaise rentre légèrement le menton à l'interdiction de juger. Elle ne sait pas bien pourquoi, mais cette partie l'a touché. Heurté. Après que Cira ait reposé regard sur route, Samsa l'imite.
-Personne n'a le droit de juger une corde de sauvetage pardi.
La voix est un peu plus grave, profonde, que précédemment. Si, elle sait pourquoi elle s'est sentie mal, en fait; elle ressent de la colère. De la colère à l'idée que l'on puisse juger les personnes comme elles pour des choses terribles et destructrices, de la colère en songeant que certaines jugent ce qui n'est finalement rien de plus qu'un instinct de survie. Bas, laid, primaire, immoral, égoïste, mais instinctif. Samsa avait torturé et tué pour survivre; Cira avait fui.
-On a juste le droit d'essayer de comprendre té.
J'ai fait des choses horribles par rage, haine et vengeance pardi. Vous êtes partie pour conserver un souvenir té. Vous voyez pardi, les deux s'expliquent et peuvent se comprendre pardi. Il n'y a pas de bonne attitude dans ces moments-là pardi, et plus de morale té; il n'y a plus que les siennes pardi.
Samsa repose son regard sur la jeune noble et ses lèvres fines dessinent l'esquisse d'un sourire. Le soleil est haut dans le ciel dégagé d'hiver et Cerbère lève truffe vers astre. Il l'éblouie et ses arcades sourcilières marquées sont loin de pouvoir protéger ses petits yeux sombres qui apparaissent clairement bruns. Les sourcils se froncent, les yeux se plissent et le visage fait une moue pour s'abriter des rayons qui réchauffent doucement la peau bordelaise. Samsa remet sa tête droite et regarde Cira sans avoir perdu son esquisse de sourire. Elle fait se rapprocher Guerroyant de la monture noble et tend doucement la main afin de faire tomber le capuchon noir. La soldate à l'apparence rustre et orgueilleuse accorde geste tendre à l'arrière du crâne, caresse glissant sur les cheveux écorce. Parfois, elle savait exprimer cela, cette tendresse qui lui donnait des airs de faiblesse sans pour autant perdre en sincérité et en bienveillance.
Les yeux redevenus sombres depuis se sont reposés sur la ligne d'horizon, comme souhaitant donner contenance à l'instant précédent, bien que la Cerbère n'en eut pas besoin pour elle-même; elle ne le faisait de toute façon pas pour elle. Ils reviennent finalement avant qu'une autre question ne franchissent les lèvres de la Secrétaire Royale.
-Où allez-vous aller maintenant pardi ?
* = paroles traduites de Pink - Give me a reason
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