Merance
Et même si on a grandi
on s'est promis de rester des sales gosses
Et même si on a grandi
on porte en nous nos fractures et nos bosses.
Claudio Capeo - Enfants Sauvages -
on s'est promis de rester des sales gosses
Et même si on a grandi
on porte en nous nos fractures et nos bosses.
Claudio Capeo - Enfants Sauvages -
- A plusieurs reprises, les membres du clan avaient, chacun à leur manière, affirmé à la sorcière qu'elle devrait ramener son petit talent aux miracles. Et si au début, elle avait tout bonnement refusé car le faubourg Saint Marcel était le "fief" du père Eusèbe, là où elle et Guylhem avaient tout appris, là où elle était devenue ce qu'elle était aujourd'hui, il fallait bien avouer que de savoir le clan non loin de là la rassurait même si elle était partie faute d'avoir trouvé sa place. Depuis quelques temps, des rumeurs de sévices provenant de l'inquisition la rendaient nerveuse, lui offrant des suées nocturnes qui l'empêchaient vraiment de dormir. Déjà que son sommeil foutait le camp à la moindre occasion, ce n'était pas pour facilité les choses
vraiment.
Donc à son retour à Paris après un petit périple d'été, Mérance avait fait le nécessaire afin de trouver un petit pied-à-terre différent de la maison d'Eusèbe. Et elle laisserait la baraque à Guylhem. Après tout il le méritait bien le gamin enfin gamin tout était relatif maintenant. Déjà il était plus grand que la sorcière, même s'il était plus jeune qu'elle et surtout, il n'avait plus vraiment le corps d'un enfant. A plusieurs reprises Mérance avait vu le "petit" blond torse nu dans la cour de leur refuge et elle avait admiré les lignes qui se dessinaient doucement. En prenait-il conscience de ce changement et du regard des donzelles sur lui se demandait-elle lorsque ces céladons se posaient sur son visage au sourire d'une douceur infinie.
Il ne le savait pas parce que la sorcière n'avait jamais évoqué le sujet avec lui mais il avait été une partie de la fameuse équation qui avait fait qu'elle était encore vivante à ce jour. Elle avait, ancré dans sa mémoire, le regard brillant et doux qui se posait sur elle lorsqu'elle s'éveillait après chaque crise, chaque coup, chaque chute que le père Eusèbe tentait de réparer. Combien y en avait-il eu ? Même elle, elle ne s'en rappelait plus vraiment à chaque retour de Lothaire, à chaque fois qu'il estimait qu'elle avait besoin d'être dressée, à chaque fois qu'elle devait faire son devoir conjugal, à chaque fois qu'elle osait dire non Eusèbe, Guylhem, la Morrighan, Mérance et de ce quatuor, il ne restait plus que les deux petits la petite nichée de meurtriers en herbe car il ne fallait pas se leurrer, si tous les deux avaient appris à sauver des vies grâce aux remèdes qu'on leur avait enseigné, ils étaient quand même beaucoup plus efficace dans la mort. Et Mérance avait pris le parti d'effacer toute émotion quand il s'agissait de tuer. Elle ne regardait jamais en arrière et donnait offrande aux Dieux afin de toujours garder la sagesse qu'ils lui offraient. Pour Guylhem Guylhem était foncièrement bon et sans doute que si la sorcière le gardait à ses côtés c'était surtout pour ne pas sombrer complètement dans le néant. Il était sa planche de salut Pauvre Guylhem devoir être là en permanence afin qu'elle vive un jour elle le délivrerait de ce serment, elle s'en était faite la promesse un jour elle lui rendrait sa liberté
Mais en attendant, Mérance avait donc décidé de laisser la demeure à Guylhem et s'était trouvé un petit local dans une vieille baraque à moitié abandonnée. Ce n'était pas comme si il y avait besoin d'acheter les murs et le fond, la bâtisse semblait à l'abandon et elle avait eu beau se renseigner, on lui avait répondu à chaque fois que la "vieille" à qui ça appartenait n'était plus aussi, selon le principe de tout ce qui est à toi m'appartient Mérance avait donc décidé de s'y installer.
Pas trop loin des Azzurro qui veillerait d'un il, on ne savait jamais qui pouvait vous tomber sur le dos aux miracles et de tristes trahisons avaient eu lieu dernièrement, marquant l'esprit de la sorcière aussi, se méfiait-elle de toutes et de tous, Mérance avait donc donné rendez-vous à Guylhem aux premières lueurs du jour. Elle voulait qu'il voit avec elle la levée du soleil comme lorsqu'ils étaient plus jeunes et que le gamin de l'époque l'aidait à sortir prendre l'air en lui disant que lorsque le soleil réchauffait le visage au petit matin c'était comme naitre à nouveau. Et à chaque fois, c'était devenu leur rituel à eux. Donc la veille, elle avait griffonné quelques mots sur un papier.
Pas besoin de grand discours, lui saurait. Et le gamin des miracles à qui elle avait donné le billet serait en charge d'expliquer à son blondinet où la retrouver. Et maintenant, tandis que la nuit était encore à répandre son manteau sur Paris, Mérance avait trouvé refuge face à la bâtisse lugubre dont le rez-de-chaussée serait parfait pour y recevoir son échoppe aux mystères. Et ce fut là, sur un mur à moitié démoli qu'elle se posa, enveloppée dans une longue cape, capuche remontée sur sa tignasse rousse.
*La Petite Boutique des horreurs (Little Shop of Horrors) est un film musical américain réalisé par Frank Oz, sorti en 1986, adapté de la comédie musicale de Broadway Little Shop of Horrors.
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