Cebenna Petit tour de la ville en prenant le temps, en flânant, le nez au vent. Le soleil joue dans ses yeux qui brillent de joie. Elle les cligne plusieurs fois. Elle est comme ça Cebenna, profitant de chaque petit moment de bonheur que lui offre la vie. Ça lui a joué des tours d'ailleurs, elle y a laissé des écus, et quelques biens, mais tant pis, elle est vivante et elle avance.
Pourtant un pli barre son front, c'est qu'elle a mal dormi cette nuit. Rentrée tard, après une excellente soirée où elle a bien ri, elle a dû dormir dans le taudis. Cela faisait longtemps qu'elle rêvait d'un bon lit, elle n'a eu qu'une pauvre paillasse. Mais tant pis, aujourd'hui, c'est décidé, elle trouvera une petit maison. Quatre murs solides, un toit, et une porte qui ferme bien. Car il y a des brigands lui a-t-on dit, et elle n'a pas envie de se coltiner à eux.
Et la voilà dans Mende, à siffloter en regardant ce qui pourrait faire l'affaire.
Cebenna Faire le tour de Mende lui a pris quelques jours. Elle aime de plus en plus cette ville, même si elle sent bien une certaine méfiance à son égard. En pensant à cela, elle hausse les épaules, on ne peut plaire à tout le monde.
Elle aime rire, n'en déplaise à certaines personnes, et jusqu'à présent, nul n'a réussi à lui enlever cette joie précieuse et naturelle. Face à la mort, lorsque celle- ci se présenterait, au détour d'un chemin sans doute, elle serait capable de lui éclater de rire au visage, de cela, elle n'avait aucun doute.
Seules les fourmis la font pâlir, mais c'était une autre histoire.
Cebenna ne posséde rien. Pourtant, elle a eu des projets, elle s'est même intéressée à un moment à certains domaines, la médecine, la mer. Mais de longues absences chez les surs et la chèreté des études l'avaient un peu rebutée.
Aujourd'hui, c'était le 4e jour dans cette ville languedocienne et le taudis, elle en a marre. D'abord, c'était d'un inconfort abominable, ensuite ce n'était pas sûr pour une jeune fille seule: pas de porte, des murs de planches fragiles, non vraiment, le moins qu'on puisse dire c'était que la sécurité n'était pas optimale.
Elle n'est pas bégueule, ni du genre à se choquer de quoi que ce soit, pourtant, elle déteste le fait de courir un quelconque danger dans son sommeil. Sans compter que des gens fort peu recommandables circulent dans la ville.
Depuis la veille, elle a pris la décision de se construire une cabane, ou plutôt un cabanon de fortune. L'idée, sans doute saugrenue, lui était venue en voyant toutes les pierres dont elle débarrassait les champs qu'elle semait et qui trainaient le long du bord des chemins.
Elle a donc choisi un emplacement, s'assurant qu'il n'appartienne à personne et, la nuit, elle faisait des allers retours, charriant dans un sac de toile de jute, des kilos de pierres.
Elle est percluse de courbatures depuis deux jours, or ce matin là, la douleur est insoutenable et différente. Mais elle n'y prête pas plus attention que ça. Elle n'a jamais eu l'habitude de s'arrêter sur sa petite personne.
Elle regarde son chantier et elle sourit.
Bien sûr il lui faudra cimenter les pierres et ensuite pour le toit, trouver des planches de bois. Pour cela, elle contactera un charpentier.
L'ampleur de la tâche ne lui échappe pas, mais elle est tenace et l'avenir n'appartient-il pas aux audacieux?
S'est-elle posée la question de la réussite assurée de son projet? Absolument pas, car impossible est pour Cebenna, un mot qu'elle n'a pas à son vocabulaire.
Elle y croit tout simplement.
Et elle espére avoir un peu d'aide.
Cebenna Citation:
« Qu'est-ce 'fichez là ? Z'avez mis en terre une bestiole ? Quelqu'un ? Ça s'fait pas au milieu d'nulle part, 'savez ? 'Fin... D'ordinaire, j'entends. »
Toute à son chagrin de ne pouvoir avancer dans son projet, elle n'a pas entendu le bruit annonciateur de l'arrivée de quelqu'un, à cheval de surcroit. aussi sursaute-t-elle et elle s'effraye un peu.
Pourtant, elle se reprend et sourit même à travers ses larmes. Elle renifle, certes, de façon fort peu élégante, mais ça va avec l'image qu'elle offre d'elle à ce moment précis, et qui n'est sans doute pas à son avantage.
Elle secoue la tête et le regarde. Elle le connait, du moins elle l'a déjà croisé, dans une taverne sans doute, mais son nom, elle ne s'en souvient plus. Il est sobrement vêtu, mais ce qu'il porte doit couter cher. C'est un soldat, en témoigne cette épée qu'il porte à son flanc. Il offre à sa vue l'assurance d'un homme que rien n'arrête, du moins, c'est ce qu'elle perçoit. Elle ignore tout de lui, et ne se méfie pas.
Elle poursuit :
- Mais non, je veux me construire un cabanon....
Alors elle se lance dans l'explication de son projet, allant et venant en grandes enjambées pour lui montrer les limites de sa future habitation. Car elle est comme ça Cebenna, jamais bien longtemps effondrée.
Enfin, lui désignant les pierres et le ciment, elle fait la grimace:
- Je croyais, en voyant les murs de certaines masures, que j'arriverais à en faire autant, mais je crois que je ne suis pas bien douée.
Et elle lui demande sans détour:
- Vous pourriez peut-être m'aider?
Cebenna Elle le regarde éclater de rire, et pince la bouche. En quoi est-ce drôle le fait qu'elle veuille fabriquer son cabanon?
- Encore un qui pense avec ses c......et ses muscles, songea-t-elle en affichant un large sourire sur son visage, un peu ironique.
Certes, sa condition de femme pouvait laisser supposer qu'elle n'était point capable d'une telle tâche. Mais à cur vaillant rien d'impossible. Et si ça l'amusait elle d'y croire?
Il cesse de rire pour lui demander:
Citation:« Pardonnez... 'Vouliez construire votre maisonnée ? 'vec vos deux bras, ces caillasses et l'peu d'mortier qu'vous avez ? »
Elle hoche lentement la tête, tandis qu'il poursuit:
Citation:« On n's'invente pas maçon, vous savez ? J'vous aid'rai en vous disant d'prendre un toit dans la cité. Un d'jà debout. Vous s'rez mieux logée qu'sous vos pierres qui branlent. »
Elle pose ses yeux bleus sur l'homme puis jette un oeil sur le tas de pierres. il continue:
Citation:
« Si vous n'vous y connaissez pas tant en caillasses, j'peux vous aider à dégoter un bon toit, à bon prix. J'voyage, 'voyez, j'ai souvent changé d'piaule, j'm'y connais en pierres et en négoce. Ça n'vous coût'ra que quelques écus par jour, l'temps d'mes recherches, hein, évidemment. »
Elle retient un éclat de rire. Voilà qu'il essayait manifestement de lui soutirer quelques écus. Il avait un certain culot quand même.
- Oui, c'est clair que des masures il y en a, en en choisissant une, je serai mieux et vite logée. Mais aucune d'entre elles me plait. J'en veux une différente, une qui me ressemble...
Elle hausse les épaules et soutenant son regard, elle ajoute:
- Perdez pas votre temps, j'ai pas de sous, je suis fauchée. Par contre si vous dites vous y connaitre en caillasses, et en toit... je dois l'orienter comment ma cabane, pour qu'elle puisse avoir le plus de soleil possible?