Assassini
Il était des instants dans une vie où l'on ne vivait pas que pour soi et d'autre où au contraire, égoïsme était mon nom.
Cela faisait des années que je survivais dans ce trou à rats que l'on nommait Cour des Miracles. J'en avais fais le tour, tourner et retourner chaque pierre pour y trouver la moindre étincelle d'or et puis j'en étais venu à penser qu'il y avait plus de malandrins que de trésors perdus. Alors ma décision fut rapidement prise. J'irais écumer les palais et belles demeures des contrées éloignées pour mon plus grand plaisir.
Des années que je me promettais de faire cette petite virée et puis j'avais toujours reculé l'inévitable. Comme quoi, on peut être vraiment très con lorsqu'on est attaché à un endroit malgré le fait que cela soit le pire trou à rats qui puisse exister. Mais je n'attendais plus rien de Paris. La capitale étouffait dans sa propre fange et il me fallait vraiment aller respirer ailleurs avant de finir dans le néant.
Carte ouverte devant moi, mon doigt s'était arrêté sur la Bourgogne. J'accueillis la nouvelle avec un grand éclat de rire. L'une des contrées les plus riches à ce que l'on disait, qui faisait même de l'ombre à la royauté tant les ducs de Bourgogne se la jouaient grands seigneurs et bien souvent avec une attitude au-dessus de leur conditions. J'allais leur montrer qu'à trop vouloir, un jour on se casse la gueule.
Donc prêt rapidement, il fallait dire à ma décharge que je n'avais pas grand-chose comme affaires, je prie la direction d'une écurie de la ville, je volais une monture et m'enfuyais rapidement à travers champ afin d'éviter les contrôles des gens d'armes qui auraient pu vouloir ramener la monture à son propriétaire. Bien que j'avais fais attention de ne prendre aucun animal avec des armoiries, certains petits bourgeois étaient pire que les nobles. Enfin mon voyage s'annonçait sous les meilleurs auspices qui soient et franchement j'appréciais la balade à travers les contrées de France. Les gens étaient accueillants, on m'offrait parfois le gîte et le couvert, même la crémière et le soir venu, avant de repartir, j'allégeais certaines proies que j'avais repéré durant la journée. La vie était merveilleuse et m'offrait tout ce dont je pouvais rêver. Et puis au bout de quelques jours enfin, la Bourgogne !
Je fis le tour du propriétaire comme on dit afin de me choisir le coin le plus pénard qui soit pour uvrer. Un rat reste un rat toute sa vie et moi je ne changerais pas, il ne fallait pas y compter. Donc mes oreilles traînaient la journée dans les bouges de la capitale, j'entendais des indiscrétions et des médisances sur certaines petites nobliotes qui m'auraient fait gerber si j'en avais eu à faire mais cela arrangeait bien mes affaires et je pris le parti de me diriger vers l'une d'entre elles. Elle vivait seule à ce qu'on disait, recluse pour mieux déchanter de la vie, c'était parfait !
Durant deux jours, je fis des repérages. Il me fallait savoir qui vivait là, les membres du personnel, les tours de gardes et tout ce qui pourrait venir mettre son grain de sable dans mon petit plan machiavélique. Y'a pas à dire mais nous les voleurs, le menu fretins, on réfléchit avant d'agir. Faut pas croire qu'on se lance comme ça sur un coup de tête. Soit on nous donne des instructions et là, en général, tout est indiqué sur ce que l'on doit piquer, soit on investit les lieux après s'être bien renseigné.
Je n'ai pas envie de tomber sur une cohorte de gardes qui en voudraient à ma peau juste pour quelques babioles que je revendrais quelques centaines d'écus chez un revendeur à Paris. Hors de question que j'y laisse une once de mon sang !
Et puis le soir décisif est arrivé.
Peu de personnel, juste une chambrière, dame de compagnie ou je ne sais quoi qui, soit dit en passant ne représenterait aucun danger, la noble drapée dans une profonde tristesse à ce qu'on disait et qui, somme toute, ne devrait pas se mettre en travers de mon chemin, quelques gardes à l'entrée.
Premiers pas, s'occuper de ceux qui faisaient la ronde.
Pas questions de les assassiner. Si je peux éviter de faire couler le sang c'est toujours ça bien que parfois cela devient nécessaire. Mais cette nuit, la lune est belle et j'estime que ça sera une soirée sans problème !
Donc mes bonhommes se baladent sur le chemin qui entourent le domaine. Petits pas par petits pas, j'en assomme un pendant que le second est attiré par un bruit extérieur. Il me fallait saisir ma chance et je ne l'ai pas laissée passer. Quant au second, le voilà qu'il regarde par-dessus un parapet et hop, je m'en débarrasse ni vu, ni connu. Heureusement pour lui, il n'est pas tombé de très haut. Il s'en sortira sans aucun doute avec une jambe cassée et des hématomes. Rien de bien grave.
Je continue sur ma lancée. D'autres gardes font leur boulot de l'autre côté du château. J'en profite, je me faufile à l'intérieur et telle une ombre, je louvoie entre les pièces à la recherche d'objets qui pourraient se revendre facilement.
Des chandeliers en or, des couverts en argent elle a bon gout la duchesse mais ce ne sont là que des petites broutilles qui ne me rapporteront pas grand-chose. C'est qu'ils deviennent exigeants à Paris, de véritables crevards qui tuent la profession ! c'est malheureux de voir ça ! Donc il me faut d'autres trésors.
Je grimpe l'escalier du bout des arpions, écoute sur le palier si des grincements m'indiqueraient que quelqu'un bouge et puis j'entre dans une première pièce. Un bureau avec des papiers, des plumes, des vélins. Elle doit aimer écrire la donzelle qui vit là mais pas grave, ça ne m'intéresse pas. Un coupe papier serti de pierres me fait de l'il sur le bureau, je le fourre dans ma besace qui se remplit vraiment difficilement. Je cherche la petite chose qui me fera de l'il et puis je trouve une croix en or posée sur un livre sur le bureau. Ma main glisse et fait tomber l'encrier qui vient se fracasser sur le sol. Je retiens ma respiration, me précipite vers ce qui ressemble à une bibliothèque, me colle contre dans la pénombre et attend de voir ce qu'il va se passer tout en jetant entre mes dents un "merde... merde... merde...."
Voler, tout un art à ce qu'il parait !