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[RP] Lettres fugitives

L_aconit
[J'ai fait tous les troquets, tous les rades de province, tous
les trous à rats, les endroits branchés.
J'ai crié ton prénom dans les tourbillons de la nuit]*



L'Anjou. Ses rencontres, turbulentes parfois. Silencieuses rarement.

Pincez-moi je rêve. Quels secrets le restent ici bas? Quel avenir si ce n'est le gibet, pour celui qui s'y cache, tout entier, corps et âme. Trainée de poudre, les arcanes Laconiques. Poudre aux yeux, la quiétude de leur repaire. Nicolas sentait pointer l'orage, épais tumulte à venir, dans les regards des autres, coulants sur le capuchon qu'il tentait de dresser entre lui et eux. Dans son attitude taciturne, fuyante lorsque les conversations s'orientaient de trop vers lui. Chaque porte claquée le ramenait à son état de fugitif. Les malentendus s'accumulaient. A trop se taire, on laisse interpréter.

    La main opaline étire un vélin, les yeux le relisent.


Avant hier, Ansoald était emporté par une mauvaise fièvre, brune aux yeux tirés. C'est qu'en mettant un pied en Anjou, il avait omit de préciser à Nicolas que le moindre recoin du duché, la moindre femelle, le moindre mâle arrogant constituait un pan entier de son histoire personnelle. Et de découverte en découverte, le jeune spadassin le sentait lui échapper. Sournoisement. Pour les beaux yeux de l'inachevé.

Hier, il avait été désemparé de devoir se cacher d'Alessia, lorsque sans crier gare elle était apparue au seuil d'une taverne. Moment désagréable, qu'Ansoald alerté par la pression d'une main sur son genoux comme un avertissement, avait saisit.

Puis, plus tard comme une couronne posée sur ces moments d'intense tourment, l'éclat de colère de Maryah, enchevêtrée dans les non dits. Les interprétations. Les ragots. Tous ces mots que l'on dit trop ou pas assez. Maryah. Carapace contre carapace. Elle et sa sensibilité masculine. Lui et sa sensibilité féminine. Il s'était prit d'affection pour cette rencontre, attiré sans doute par ce qui émanait d'elle. Une mélancolie certaine, et des douleurs à faire taire sous la cuirasse. L'Aconit avait ce don merdique d'apprécier les gens qui taisent leurs maux, et les dissimulent sous d'autres formes. La réticence. L'ivresse. L'humour, parfois. Mais le déballage public qu'il avait supporté la veille avait eu raison de son envie de se montrer encore dans de tels lieux, confinés, propices à être tout sauf anonyme. Privilégier Ansoald. Son aura rassurant, quand il ne décidait pas de foutre un coup de pied dedans pour des besoins primitifs mais nécessaires à son épanouissement... Les charmes et l'exhalaison de toutes ces fleurs vénéneuses.

    Da sa main libre, il caresse les mèches brunes du voleur endormi à ses côtés.


Pour sauver sa dignité et mettre un point final à ces situations qui l'exposaient plus qu'il ne le devait, l'Aconit s'était mis à table. Dans l'implosion de ses dix sept ans. Dans la maladresse des phrases qu'il exécrait à dire. Lui, si pudique en public. Acculé, la beste avait envoyé les dents, avant de déguerpir et de regagner sa piaule.

Si la Medicis était dans les parages, à sa recherche, si tout le village connaissait les liens qui l'unissaient au Renard voleur, et si même la plus inatteignable des dures à cuire vrillait sa colère sur lui, c'est qu'il avait dejà trop trainé. Il lui fallait regagner les foules, et arrêter paradoxalement de trop se dissimuler dans des lieux où chacun pouvait l'examiner de trop près. Pour ne pas attirer l'attention. Le meilleur moyen de passer inaperçu n'était-il pas de faire comme si l'on ne redoutait rien?


    Nicolas,


    Lis ce courrier s'il te plait.
    Je sais qu'il y a des moments si compliqués dans la vie ... qu'on aurait envie qu'elle s'arrête.
    Changer de nom, changer de peau, changer d'ville et parfois même changer d'royaume.
    On croit toujours qu'on va toujours tout pouvoir recommencer, comme si on renaissait, comme si on était tout neuf, ... mais le passé toujours nous rattrape.

    Tu me fais penser à un jeune garçon que j'ai connu à la cour des miracles. On passait des heures sur les toits à observer les gens. On se détendait. On rigolait. On papotait. On cherchait cette part d'innocence qui nous manquait trop. Qui nous était interdite le jour levé.
    On fuyait, aussi souvent. Pour ne pas être rattrapé par les uns par les autres.

    J'sais pas c'est qui le Monfort. Mais je te promets je ne dirai rien. A aucun de mes compagnons d'armes angevins. Je sais trop ce que c'est.
    Par contre, ce que je peux te dire, c'est que tu pourrais demander à Rose de te protéger. Elle te cacherait dans une de ses armées, et tu serais sauvé. Crois-moi, il y a deux lieux dans lesquels on ne viendra jamais te chercher : l'église et le campement d'une armée. En armure, tu seras méconnaissable.

    Y a un troisième endroit où tu pourras te cacher le temps de ton séjour en Anjou ; ma chambrée à l'auberge des vrais saigneurs. Je te file la clé, tu peux passer par la fenêtre aussi, elle est toujours entrouverte.
    Sache que j'ai grandement apprécié ton courage de ce soir. Et ce que j'ai dit compte dès aujourd'hui. Si tu as besoin, je serai là, aujourd'hui, dans un jour, dans un mois, dans dix ans, ...


    Il ne me reste qu'à te prier de prendre soin de toi,

    Amicalement,


    Maryah


    Un léger sourire étire ses lèvres, la gueule enfarinée du réveil. Il délaisse les crins noirs pour le nécessaire à écriture qui en a vu couler d'autres.


Pour regagner l'état d'insouciance que les rixes et les altercations venaient émousser, il avait décidé de ne plus aller en taverne. La nuit est une sage conseillère. Les rues, les marchés et les champs seraient le terrain de ses jeux et de ses amours interdites, comme au commencement, bravant la menace grondante de se faire rattraper trop vite en lui levant son doigt insolent.

Les Roses, il s'en méfiait, comme de tous ces jolis brins qu'il jugeait de par leur sexe menace à son bonheur discret. L'église? Il la fuyait comme la peste, soucieux de ne pas se faire émasculer dans le tendron. Quant à se cacher dans les rangs, Nicolas ne connaissait que trop la propension du Retz à la guerre, pour redouter de se trouver d'une manière ou d'une autre un jour face à lui, adversaire.


* Saez, Lula.
_________________

    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.)
Ansoald
Il lance le bras sur le côté, ne palpe que le vide. La brume légère de son sommeil s'évapore. Il se retourne et cligne les yeux sur une lumière qui émane du coin de la piaule. Nicolas se tient là, penché sous la chandelle, à table. Il écrit. La rémige frôle la mèche insolente de ses cheveux blonds. Le calame gratte le vélin comme une souris, obstinée, le fromage. Dans les plis des draps, Anso sent la douleur du désir lui tirailler le ventre. Il hésite à se rendormir, le plat de la joue plaqué au coussin. Cet imbécile de Morphée le fuit. Ce salaud de Cupidon le saisit. Il décide de les ignorer tout deux, de se lever, pourfendant l'obscur dans la superbe de ses jeunes années, habillé d'un drap jeté au travers de son épaule.

Il rejoint Nicolas, occupé à écrire. Ne le dérange pas, préférant chiper la lettre qui trône sur le pupitre. Maryah. Jamais ne lui a écrit, celle-là*. A croire que seules les femmes l'intéressaient. Ce n'était pas faux, évidemment. Anso ne comprenait ni la valeur des écus, sinon pour se payer du bon temps, ni la hauteur des sentiments, sinon pour les user à son avantage. Ce qui reste vrai pour l'un ne l'est plus pour l'autre. Désormais se dresse le blond, détonateur de ses certitudes, créateur de ses envies. Anso découvre. L'aiguillon de la jalousie lui perce le coeur. Pourquoi s'intéresse-t-il à l'un, quand elle n'a montré qu'indifférence pour l'autre? Elle le loue, elle l'insulte. Elle le trouve courageux, elle le trouve con. Ce dernier aurait été heureux, pourtant, de lui rendre service, car il devine en elle mille aventures, tout comme l'éclat noir de ses pupilles se pare de charmes innombrables....Attends, vraiment, l'aurait-il été, disponible pour elle? La jalousie est un sentiment torve, qui instille le doute dans la vérité et la vérité dans le doute.

Il repose la lettre. Sa main ne tremble pas. Sa respiration est maîtrisée. Qu'ils s'écrivent, sinon qu'ils s'aiment. Ansoald, non content d'être jaloux, connaît le baptême des eaux saumâtres de la culpabilité. Ansoald l'apatride possède désormais un territoire, non pas de terre et d'eau, mais de chair et de sang. C'est la pierre sur laquelle il bâtit son église. Son verbe est miel, qu'il le loue ou l'accable. Anso pose le regard sur sa main blessée, dépourvue de bandage pour que respire la cicatrice: la froideur d'un simple regard a causé cela. Mais froideur ô combien justifiée, hélas. Il n'a pas su protéger son fuyard des histoires, des racontars, des calomnies. Ansoald, plongé dans un monde où il a ses habitudes, ses affections, ses haines, l'a laissé à la dérive et, parfois, l'a montré du doigt, pour s'en complaire, insolent, indigne, imbécile.

Alors, il repose la lettre où elle était juchée, et le laisse écrire à sa volonté, sans l'interrompre ou lire par-dessus son épaule. Il s'écarte et plonge la main gauche dans la bassine, pour une ablution rafraîchissante. La droite reste hors de l'eau: on dit qu'elle gâte les blessures. L'amertume, également, lui gâte le coeur, mais à quoi bon s'épancher dans des aveux stupides et incontrôlés? Il lui faut trouver rassurant le fait que Maryah se pose comme un ange-gardien de son blond, au cas où lui-même défaille. Tant pis si ce n'est pas vrai. L'amour est à ce prix, se dit-il en s'allongeant sur la couche, déjà froide. La vie n'attend pas qu'on soit prêts...


*Comprendre: "jamais n'a écrit à Anso"
Maryah
Elle n'attendait pas de réponse. Elle pensait bien qu'Anso était parti le retrouver, et lui avait certainement tout fait oublier sur l'oreiller, comme on disait. Un jour, faudrait quand même qu'elle s'en achète un, d'oreiller qui fait tout oublier ... un jour.
Elle pensait aussi que jamais l'Aconit n'accepterait son aide, alors qu'il lui avait porté un baume, et qu'il prenait presque chaque soir des nouvelles de sa jambe pourrissante.
Que pouvait-elle faire s'il refusait son aide ? pas grand chose ...

Sauf ... sauf se renseigner sur ce fameux Montfort. Alors c'est ce qu'elle avait fait, allant de tavernes en tavernes, posant des questions aux gars des ruelles, pointant même son nez à la mairie. Et elle avait trouvé. Le Prince breton. Celui à qui elle avait fait une mauvaise blague, juste parce qu'il était Prince ....
Elle avait tenté de l'approcher en taverne, d'en savoir un peu plus, mais Eireen ayant passé le seuil, et le silence s'étant fait lourd, elle avait du abandonner cette source d'informations. Ce qui aurait pu être une blague pour briser la glace avec Sean et Eireen, s'était révélée au final un véritable fiasco. Le Prince, quant à lui, ne parlait évidemment pas aux petits gens comme elle ... C'était évident ! Elle se demandait même pourquoi elle l'avait tenté !

Arael avait dit qu'il la suivait, il était temps qu'ils aient une conversation. Il n'était jamais venu la rejoindre, alors elle avait rejoint l'Auberge des Vrais Saigneurs, où elle avait le gîte et le couvert. Arael n'était pas là. Mais il y avait un petit mot.
Se débarrassant de sa ceinture d'armes, et retirant braies et bandage pour laisser respirer sa peau, elle s'installa sur la peau de bête devant la cheminée pour en parcourir le contenu :


Citation:
    J'ai lu, Maryah. Tout d'une traite.

    J'ai la chance d'avoir eu un bon précepteur dans mon enfance bretonne. Mais ça aussi, tu l'avais deviné. Non? Si ta discrétion est l'égale de l'épaisseur de ta cuirasse, je dormirai sur mes deux oreilles. J'apprécie tes solutions, mais je dois les refuser. Pour un millier de raisons. Je suis trop sage pour l'armée, et pas assez pour l'église, et puis je crains d'attirer la jalousie d'Atlande, si je m'invite dans ta piaule. Puis tu as trop mauvais caractère, la cohabitation serait difficile. T'imagines. Il n'existe pas de solutions cousues main, pas vrai?

    Soigne ta jambe, et si tu veux me rendre service, fais en sorte que je puisse sortir du duché sans encombre quand j'en aurais besoin. J'ai visiblement du mal à passer inaperçu attifé de mes ch'veux de princesse. J'pensais pourtant que les angevins ne louchaient que sur les roux.

    A te lire.

    l'Aconit.


Soupir. Il avait bel et bien refusé. Sa chambre, elle lui avait proposée, parce qu'elle n'y était jamais. Presque. Les tavernes, le campement de l'armée de la Camarde, et même récemment le bordel, avaient eu sa préférence. Elle y passait pour se changer ou pour profiter d'un feu dans l'âtre, le froid n'étant pas son grand ami. De toute façon, à quoi bon un lit quand le sommeil vous fuyait ?

Elle avait toutefois pris note de l'unique chose qu'elle pourrait faire pour lui, et bien sûr elle le ferait. Retournant la missive, elle lui répondit sans plus s'étendre.


Citation:
    Nicolas,

    Je comprends.
    Je respecte ton choix.

    Quand tu voudras passer, dis-le moi ; j'avais demandé à Rose de faire passer un ami, un blond lui aussi. Je te ferai passer à sa place.

    Je ne sais pas ce qui fait que tu te caches du Prince ; mais sois assuré de mes pires sentiments pour les Nobles. Aussi, tu pourras doublement compter sur moi.

    Mais ... si j'ai bien compris ... tu pourras t'en passer, parce qu'Anso a l'air de tenir à toi. Et je le crois prêt à faire beaucoup de choses, pour te garder en vie.
    Je te remercie encore pour tes confidences d'hier, je vais tâcher de dépasser mon amertume et de lui écrire un mot.

    Maryah



Un mot. Elle avait bien envie de ne lui écrire qu'un mot. Son comportement trouvait toujours à l'énerver à l'extrême limite. Pourquoi ne pouvait-il pas être clair, une fois pour toute ? Pas l'anguille, pas la fouine, pas le renardeau qui cherchait à lui claquer le bec. Juste lui.
Elle l'avait connu à l'Hydre, elle se rappelait de Sion, quand elle avait débarqué avec le bon Arsène.
Et puis, ils avaient du combattre côte à côte plus d'une fois. Il avait été là pour la reprise de Genève, et certainement quand elle avait fait attaquer Saint Claude ... récoltant son bannissement de l'Empire, mais réaffirmant plus que jamais sa foi et sa fidélité à la foi Réformée.
Après tout, c'était un compagnon d'armes. Ni plus, ni moins... Alors pourquoi devaient-ils toujours autant se combattre ?

Elle attrapa une autre missive, et soupirant, trempa la plume dans l'encrier, tentant vainement de renflouer sa colère, de ne pas être trop agressive.


Citation:
    Anso,

    Tu es venu il y a peu me tenir la patte en taverne, et me raconter toutes nos rencontres.
    Je crois que ça aurait été le moment idéal pour me dire ces choses "là".

    J'en suis désolée. Crois-moi.
    Je ne suis pas celle que tu crois. Et je te donnerai mille raisons de me haïr, si tu ne les as déjà.

    Est-ce que je peux faire quelques choses pour effacer tes ... contradictions ... perturbations ... ?
    Je crois qu'on a tout intérêt, toi comme moi, à trouver une sortie heureuse.

    En parlant de sortie, je pourrais vous aider, toi et le blond à franchir les frontières quand vous l'aurez décidé.

    La Bridée



Elle était gênée, très gênée. Elle n'avait pas l'habitude de ça. Qu'on la rejette, qu'on la haïsse, elle savait faire. Pas le reste. D'ailleurs, Arael devait commencer à en comprendre quelque chose !

Nulle un jour, nulle toujours.

_________________

Bannière réalisée par LJD Pépin_lavergne
L_aconit
    - Ansoald : Et s'ils veulent nous séparer?
    L'aconit : Personne ne nous séparera de nous, que nous. -


[...] Anso a l'air de tenir à toi. Et je le crois prêt à faire beaucoup de choses, pour te garder en vie. [...] Cette petite phrase restait suspendue à son esprit, depuis qu'il l'avait lue des mots de Maryah. Il les avait parcourus sans étonnement, apaisé après le tumulte, prêt à renouer avec la conversation qu'il avait maintenue au strict minimum avec son voleur depuis la veille . Nicolas gardait quelques réflexes d'isolement, lorsque le besoin de réfléchir nécessitait la clairvoyance du calme et de la solitude. Touché sans doute, mais silencieux, de constater que oui. Ansoald était prêt à beaucoup pour lui. Et si le jeune blond craignait toujours de se faire emporter son amant par le sursaut de sa nature originelle, les attentions laissées à son encontre par le Renard venaient inexorablement apaiser ses peurs et renforcer la confiance qu'il avait remit entre ses mains.

Des mains douces, lorsqu'il le touchait. Des mots velours, lorsqu'il les lui murmurait. Et cette propension à s'épancher mieux qu'il ne le ferait jamais lui même... D'un regard, d'un bras se refermant sur son torse glabre, d'une confidence abandonnée au prétexte d'un vin qui étourdit. Il suffisait à Ansoald d'entrer dans une pièce, pour que l'air y deviennent soudain plus respirable. Comme il suffisait à Ansoald d'être inhabituellement silencieux pour que l'air viennent sournoisement à manquer. L'Aconit découvrait que c'était à ce prix que se vivait le premier amour. Le premier amant. A la longueur de ses silences. Au choix de ses réponses. A la ferveur de ses baisers. Le temps se tenait suspendu à l'Autre, de qui venait tous les plaisirs et tous les tourments. Pouvoir absolu cédé sans négociations.

Le corps répondait toujours à l'évocation de cette souveraineté dont il était la victime et le bourreau. D'un geste, Nicolas chassa l'érection naissante sous sa ceinture, terminant de se vêtir sur la couche désertée. Il ramena en arrière ses cheveux clairs, les peignant avec ses doigts. Remonta ses manches sur ses avant bras aux veines bleutées et saillantes. La lettre de la bridée trouva sa place auprès d'une autre, soigneusement pliée sous un Decameron imposant. Les indigos s'arrêterent un instant sur l'ouvrage, chargé de souvenirs. Un prêt d'Alessia, qu'il se désolait d'avoir encore. L'objet évoquait des choses qu'il n'était pas prêt à ressasser... Piqué soudainement de sa condition de fuyard. De lâche. La scène qui s'était jouée à couteaux tirés entre la Medicis et le voleur en taverne quelques jours auparavant lui hérissait encore le poil...

Flashback.

Alessia, tournant son regard vers le jeune brun: - Et votre .. ami ?
Ansoald : - Il est malade...Il a tellement bu et chanté hier soir qu'il a...Une extinction de voix.
Alessia : - Même sans voix je présume qu'il a un prénom. Au moins est-elle renseignée sur le genre.
Alessia plisse à demi les yeux tout en l'observant.
Ansoald : Pourquoi tenez-vous à le savoir? Il ne vous apprendrait rien.
L'Aconit espère une intervention divine, dissimulé sous son capuchon, avachi, comme s'il cuvait un mauvais vin. Ansoald tente de reprendre contenance, en buvant une rasade de vin
Alessia : - Je n'y tenais pas jusqu'à présent. Lui fait un sourire en coin. Mais vous venez d'éveiller ma curiosité.
Ansoald : Il se nomme Pierre.
L'Aconit se sent prisonnier, pas prêt à voir et être vu d'Alessia, suffoque intérieurement.
Alessia N'attendait que ça pour s'approcher. Elle pose donc son breuvage infâme avec délicatesse et se penche vers "Pierre".
Ansoald : - Il ne peut pas parler...Et ne tient pas à être dérangé. Pose la main droite bandée et sale sur elle. Alessia. avise la main avec froideur. Et surtout son odeur. Sans bouger d'un pouce, elle lui jette un regard furieux. Attendant sans un mot qu'il l'enlève. Ansoald soutient son regard, sans ciller, les yeux durs, la mâchoire serrée, ne l'enlève pas. L'Aconit arrête de respirer. Elle s'approche du visage d'Ansoald, tout en plissant les yeux.
- Il faut savoir choisir ses batailles Messer.. "Archibaldo". Surtout celles qui pourraient se finir avec une dague dans le dos.


Elle aurait pu le démasquer. Elle l'avait sans doute démasqué, sans avoir besoin de découvrir son visage... La Medicis était une femme persuasive et entêtée, particulièrement instinctive... L'Aconit n'aimait pas sa prédiction. La florentine avait souvent raison. Pour chasser la pensée intruse, le jeune homme se mit en lecture du vélin gardé là depuis des jours. Trésor inestimable.

    Nicolas,

    Tu fuis ma présence, tu te montres distant et froid. Voilà deux jours, deux nuits que je ne te vois pas, sinon à travers les perles bleutées de cette blonde au teint de porcelaine. En sa compagnie, tu engloutis le peu de temps que nous avons à vivre et moi, de mon côté, je gaspille mes mots dans des propos superficiels....Alors que nous atteignîmes souvent le sublime, toi et moi.

    Je sais, tout est de ma faute. Je n'avais pu résister à l'envie de te déstabiliser, alors que tu venais de me chavirer comme personne, personne ne l'avait fait. C'était un peu de ma dignité que je regagnais là...Une posture stupide, que tu sais me faire payer, au centuple de mes erreurs. Depuis, je vis dans l'errance, je picole à la première rencontre, je me bats à la première phrase, et mes sentiments se dispersent à la surface de mon coeur comme s'il était de glace...Or il ne l'est pas.

    J'apprécie les femmes. Je t'aime toi. Tu as su me faire conjuguer ce verbe que jamais je n'ai accordé à quiconque. Je suis un voleur, un homme sans pays, sans territoire, sans attaches mais tel que je t'aime, comme je t'aime, au point que je t'aime, mon pays c'est l'envergure de tes bras, mon territoire c'est ton épiderme, mes attaches ce sont tes doigts, tes cheveux, et ta queue. Plus me plaît le séjour que creuse ma langue à ton oreille, que le chichi des femmes au balcon audacieux, plus que leur teint de pêche me plaît ta peau hyaline, et plus que la fureur angevine ton air de mutin.

    Ansoald


Les doigts caressèrent les maux, leurs mots. La souffrance d'un homme, sans fards et sans fierté ne prouve-t-elle pas son attachement? Qu'avait-il encore à redouter, après cela? Gonflant ses poumons d'une inspiration, l'Aconit replia précautionneusement la lettre. S'il était certain qu'il n'avait vécu jusque là que pour servir loyalement son Prince, le jeune homme n'aspirait à plus rien qu'à la liberté ligotée de ses amours interdites... Déraisonnablement, indiscutablement, dangereusement. Il prit le temps de griffonner quelques mots, qu'il laissa sur la couche à l'attention du Renard, avant de sortir.



    Ansoald.

    Ces derniers jours ont été agités... Comme nos nuits. Je me prends à chercher parfois un sommeil de plomb, où je ne chercherai pas à décrypter tes songes lorsque tu t'éloignes de ma peau, guidé par je ne sais quelle empoignade imaginaire.
    Rêves-tu d'elles, parfois, comme de viles succubes tentatrices, tes aventures passées? Lorsque je ne rêve plus, moi, que de l'étreinte de tes mains, empoignant mon col, découvrant mon dos. Cet avenir cédé à la ferveur de ton audace. Voleur tu l'es, je ne trouve plus ma raison lorsque tu déraisonne. Et quand ailleurs tes yeux se perdent, voilà que je frissonne.
    Mon exil ne se résume plus qu'à tes heures absentes, où je refais seul dans ce lit défait, le désordre de nos jeux indiscrets. Si demain, par malheur, l'on vient à me chercher... Sache que je ne serai seul captif que de toi. Tes yeux, ta voix.
    Je veux disparaitre dans tes baisers, là où personne ne saurait me rattraper. Ton épaule, sa vallée, rien n'est trop vaste quand tu te mets à me parler. La vie n'est soudain plus ce vain gaspillage, mon temps c'est de l'or que je veux te céder. Ma fortune c'est la pluie, lorsqu'elle mouille nos blasphème et nous regarde Aimer.
    Aime-les, de tes mains, de tes lèvres si tu veux, dans la moiteur de leurs déhanchés. Mais n'Aime que moi, sans mesure, au secret, moi qui suis ton prisonnier.

    Nicolas

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.)
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