Maiwen
« Assez vu. La vision sest rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. - Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans laffection et le bruit neufs ! »
Arthur Rimbaud, Illuminations, « Départ ».
[Entre Lodève et Millau, début janvier 1463]
Prenez 25 personnes : le vicomte Osadus dEirbal, Aude Elisa Casaviecchi, Xavier dAmbroise, Ilaria Larzillière, Heaven du Cougain, sa fille Kalianna, la nourrice de cette dernière, Ally, Arnauld, Maïwen, ainsi que 7 gardes, 4 cuisiniers et 4 palefreniers. Mettez-les en relation, donnez-leur un objectif, et voilà, vous avez la recette idéale pour faire un excellent voyage. Cétait du moins ce que notre avocat national espérait. Les voyages, lui, celui qui si longtemps avait parcouru sans aucun but particulier les routes du royaume, cela le connaissait. Il était allé partout : De Bretagne en Provence, en passant par lArtois, ses pas avaient foulé chaque province ; au diable les guerres, au diable les brigands, rien ne pouvait lempêcher dassouvir sa soif de découverte.
Seulement, la vingtaine passée, Maïwen se rendit compte que sa vie se résumait en fin de compte à bien peu de choses. Comme beaucoup dautres jeunes personnes avant lui, il désira sinstaller dans une ville, pour tenter de devenir Quelquun. Mais lappel de la route était encore trop fort pour lui. A chaque fois quil sinstallait, il était déçu, et finissait par repartir ; Limoges, Bourges, Montpellier. Rien ne le retenait jamais. Lamour ? Limbécile ne savait même pas ce que cétait. Il la confondait avec lamitié, laffection. Il imaginait que ci-tôt quune relation était sulfureuse, explosive, il sagissait damour. De la sorte, il enchaîna les déceptions amoureuses. Certaines se transformèrent en solides amitiés, dautres il ne garda que de mauvais souvenirs.
Aujourdhui, la vie de Maïwen était toujours aussi mouvementée, mais plus de la même manière. Il avait diverses activités, dambassadeur, de bâtonnier et davocat, anciennement de juge, qui le conduisait à ne jamais rester inactif, mais ce nétait plus lactivité physique, quil accomplissait à travers ses voyages, qui lui prenait tout son temps. Pourtant, par moments le jeune brun regrettait quelque peu cette vie passée et révolue. Par moments, il ressentait le besoin de partir à nouveau sur les routes. Alors, vous devinerez sans aucun doute sa satisfaction lorsque les préparatifs dun long voyage furent entamés.
Celui-ci devrait conduire le groupe de voyageur jusquaux terres lointaines de la Normandie. En effet, Xavier dAmbroise et Heaven du Cougain y avaient des affaires à récupérer, pour sinstaller définitivement dans les terres plus accueillantes au moins pour ce qui est de la chaleur - du Languedoc. Un important cortège de voyageurs avait alors été mis en place, pour les aider dans leur entreprise. De plus en plus détapes sétaient par ailleurs rajoutées à ce voyage qui promettrait dêtre long. Limoges, peut-être la Champagne, et au retour, Bergerac, Toulouse, le Béarn. Sans aucun doute, il allait falloir prévenir le livre des records des royaumes, car nos voyageurs vont sans doute accomplir là un des voyages organisés les plus longs de lannée.
Du reste, comment la nouvelle du déménagement de la femme avec qui Maïwen renouait doucement avec les sentiments, au point de la chérir de tout son cur, dans la terres où il résidait, ne pourrait-elle pas le satisfaire ? Il lui suffisait de demander, il la suivrait jusquau bout du monde sans hésiter plus dune seconde. Alors, laccompagner dans le voyage conduisant à son déménagement avaient certainement leffet sur lui, chose unique pour vous ce soir mesdames et messieurs, de provoquer une hésitation négative !
Cétait dune démarche presque sûre que Maïwen chevauchait sa monture, aux côtés de la femme quil aimait, quelques dizaines de mètres derrière le groupe. Ils avaient fait le choix de sisoler tous les deux loin des autres, dans ce périple qui comptait tant de voyageurs. Cétait la première fois ou presque quil remontait en selle depuis son accident, et il nétait clairement pas rassuré. Le cheval nest en effet pas sa grande passion. Sil savait chevaucher, et quil nétait pas un piètre cavalier non plus la peur de tomber nétait plus présente chez lui, mais il ne fallait pas trop compter sur lui pour de longs galops ni pour adopter un air princier. Heaven lui semblait en revanche une vraie déesse sur le cheval blanc qui contrastait tant avec son allure ténébreuse ; tant gracieuse, que Vénus en personne devrait sincliner devant elle si Elles se croisaient le long de cette sinueuse route.
Le départ sétait fait sans aucune accroche. Cétait sous un de ces glaciaux soleils dhiver, sous un ciel dénué de tout nuage, ayant à affronter un mistral plus que glacial, que le groupe prenait la route du nord. Pas de brigands à lhorizon, ni de prévôt, de maréchal ou de douanier sorcier, juste eux, leur groupe qui devrait de toute façon vue sa taille faire fuir nimporte quel mécréant qui en voudrait à leur or où aux marchandises quils possédaient ; en effet, ce voyage était également loccasion pour le jeune avocat de renouer avec le commerce. La dernière fois, il avait gagné plusieurs milliers décus, ainsi que deux procès (gagnés). Cette fois, il lavait promis, il y irait plus doucement. Mais le commerce, la négociation, restait une de ses grandes passions, où il pouvait expérimenter sans fin sa science de léconomie, sans que personne ne puisse y trouver quoi que ce soit à redire.
Nulle appréhension, nul doute ? Ce serait trop beau. Le pire ennemi de Maïwen, larchitecte de tous ses malheurs, le chef dorchestre de sa déchéance, celui qui sans un mot plus haut que lautre, sans même un seul coup physique, lavait laissé plus bas que terre, lui avait appris une chose : Rien nest jamais tout blanc, ni tout noir. Et quand Maïwen avait-il rencontré ce si mauvais homme finalement pas si noir que ça puisque rien ne létait jamais ? Lors dun de ses voyages. Comme par hasard. Un voyage qui avait démarré de la meilleure manière qui soit, et qui se termina de la pire. Pourquoi les choses bonnes finissent-elles toujours par mal tourner ? Tout ce qui peut mal tourner, va mal tourner. « Se quicòm pòt mal anar, irà mal.» Telle était la devise connue aujourdhui sous le nom de loi de Murphy qui simposait de plus en plus à Maïwen comme étant la sienne. Oui, ce voyage pouvait mal tourner. Il était si long. Tout ce quil avait gagné ces dernières semaines pouvait du jour au lendemain disparaître, détruit, envolé. Il avait beau commencer de la meilleure manière qui soit, quest-ce qui disait quil ne finirait pas de la pire ?
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Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. - Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans laffection et le bruit neufs ! »
Arthur Rimbaud, Illuminations, « Départ ».
[Entre Lodève et Millau, début janvier 1463]
Prenez 25 personnes : le vicomte Osadus dEirbal, Aude Elisa Casaviecchi, Xavier dAmbroise, Ilaria Larzillière, Heaven du Cougain, sa fille Kalianna, la nourrice de cette dernière, Ally, Arnauld, Maïwen, ainsi que 7 gardes, 4 cuisiniers et 4 palefreniers. Mettez-les en relation, donnez-leur un objectif, et voilà, vous avez la recette idéale pour faire un excellent voyage. Cétait du moins ce que notre avocat national espérait. Les voyages, lui, celui qui si longtemps avait parcouru sans aucun but particulier les routes du royaume, cela le connaissait. Il était allé partout : De Bretagne en Provence, en passant par lArtois, ses pas avaient foulé chaque province ; au diable les guerres, au diable les brigands, rien ne pouvait lempêcher dassouvir sa soif de découverte.
Seulement, la vingtaine passée, Maïwen se rendit compte que sa vie se résumait en fin de compte à bien peu de choses. Comme beaucoup dautres jeunes personnes avant lui, il désira sinstaller dans une ville, pour tenter de devenir Quelquun. Mais lappel de la route était encore trop fort pour lui. A chaque fois quil sinstallait, il était déçu, et finissait par repartir ; Limoges, Bourges, Montpellier. Rien ne le retenait jamais. Lamour ? Limbécile ne savait même pas ce que cétait. Il la confondait avec lamitié, laffection. Il imaginait que ci-tôt quune relation était sulfureuse, explosive, il sagissait damour. De la sorte, il enchaîna les déceptions amoureuses. Certaines se transformèrent en solides amitiés, dautres il ne garda que de mauvais souvenirs.
Aujourdhui, la vie de Maïwen était toujours aussi mouvementée, mais plus de la même manière. Il avait diverses activités, dambassadeur, de bâtonnier et davocat, anciennement de juge, qui le conduisait à ne jamais rester inactif, mais ce nétait plus lactivité physique, quil accomplissait à travers ses voyages, qui lui prenait tout son temps. Pourtant, par moments le jeune brun regrettait quelque peu cette vie passée et révolue. Par moments, il ressentait le besoin de partir à nouveau sur les routes. Alors, vous devinerez sans aucun doute sa satisfaction lorsque les préparatifs dun long voyage furent entamés.
Celui-ci devrait conduire le groupe de voyageur jusquaux terres lointaines de la Normandie. En effet, Xavier dAmbroise et Heaven du Cougain y avaient des affaires à récupérer, pour sinstaller définitivement dans les terres plus accueillantes au moins pour ce qui est de la chaleur - du Languedoc. Un important cortège de voyageurs avait alors été mis en place, pour les aider dans leur entreprise. De plus en plus détapes sétaient par ailleurs rajoutées à ce voyage qui promettrait dêtre long. Limoges, peut-être la Champagne, et au retour, Bergerac, Toulouse, le Béarn. Sans aucun doute, il allait falloir prévenir le livre des records des royaumes, car nos voyageurs vont sans doute accomplir là un des voyages organisés les plus longs de lannée.
Du reste, comment la nouvelle du déménagement de la femme avec qui Maïwen renouait doucement avec les sentiments, au point de la chérir de tout son cur, dans la terres où il résidait, ne pourrait-elle pas le satisfaire ? Il lui suffisait de demander, il la suivrait jusquau bout du monde sans hésiter plus dune seconde. Alors, laccompagner dans le voyage conduisant à son déménagement avaient certainement leffet sur lui, chose unique pour vous ce soir mesdames et messieurs, de provoquer une hésitation négative !
Cétait dune démarche presque sûre que Maïwen chevauchait sa monture, aux côtés de la femme quil aimait, quelques dizaines de mètres derrière le groupe. Ils avaient fait le choix de sisoler tous les deux loin des autres, dans ce périple qui comptait tant de voyageurs. Cétait la première fois ou presque quil remontait en selle depuis son accident, et il nétait clairement pas rassuré. Le cheval nest en effet pas sa grande passion. Sil savait chevaucher, et quil nétait pas un piètre cavalier non plus la peur de tomber nétait plus présente chez lui, mais il ne fallait pas trop compter sur lui pour de longs galops ni pour adopter un air princier. Heaven lui semblait en revanche une vraie déesse sur le cheval blanc qui contrastait tant avec son allure ténébreuse ; tant gracieuse, que Vénus en personne devrait sincliner devant elle si Elles se croisaient le long de cette sinueuse route.
Le départ sétait fait sans aucune accroche. Cétait sous un de ces glaciaux soleils dhiver, sous un ciel dénué de tout nuage, ayant à affronter un mistral plus que glacial, que le groupe prenait la route du nord. Pas de brigands à lhorizon, ni de prévôt, de maréchal ou de douanier sorcier, juste eux, leur groupe qui devrait de toute façon vue sa taille faire fuir nimporte quel mécréant qui en voudrait à leur or où aux marchandises quils possédaient ; en effet, ce voyage était également loccasion pour le jeune avocat de renouer avec le commerce. La dernière fois, il avait gagné plusieurs milliers décus, ainsi que deux procès (gagnés). Cette fois, il lavait promis, il y irait plus doucement. Mais le commerce, la négociation, restait une de ses grandes passions, où il pouvait expérimenter sans fin sa science de léconomie, sans que personne ne puisse y trouver quoi que ce soit à redire.
Nulle appréhension, nul doute ? Ce serait trop beau. Le pire ennemi de Maïwen, larchitecte de tous ses malheurs, le chef dorchestre de sa déchéance, celui qui sans un mot plus haut que lautre, sans même un seul coup physique, lavait laissé plus bas que terre, lui avait appris une chose : Rien nest jamais tout blanc, ni tout noir. Et quand Maïwen avait-il rencontré ce si mauvais homme finalement pas si noir que ça puisque rien ne létait jamais ? Lors dun de ses voyages. Comme par hasard. Un voyage qui avait démarré de la meilleure manière qui soit, et qui se termina de la pire. Pourquoi les choses bonnes finissent-elles toujours par mal tourner ? Tout ce qui peut mal tourner, va mal tourner. « Se quicòm pòt mal anar, irà mal.» Telle était la devise connue aujourdhui sous le nom de loi de Murphy qui simposait de plus en plus à Maïwen comme étant la sienne. Oui, ce voyage pouvait mal tourner. Il était si long. Tout ce quil avait gagné ces dernières semaines pouvait du jour au lendemain disparaître, détruit, envolé. Il avait beau commencer de la meilleure manière qui soit, quest-ce qui disait quil ne finirait pas de la pire ?
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