Pepin_lavergne
- [Narbonne, le 03 septembre 1463]
Pêcher c'est bien, pêcher c'est bon, pêcher c'est utile, pêcher c'est salutaire. Mais c'est encore mieux quand on a des cannes à pêche. Raisonnement logique qui justifiait que Pépin soit en train de crocheter la serrure d'une cabane miteuse, non loin de la plage. Quelques grognements plus tard, l'Auvergnat ouvrit le battant, et glissa dans sa poche le pic à cheveux, fort pratique quand on perdait ses clés. Ou quand on forçait une porte. Sifflotant un petit air pour se donner l'air naturel, Pépin entra dans la cabane, farfouilla quelques instants dans tout le fourbi, et ressortit, innocent comme un chaton du jour, deux cannes à pêche en main.
- Et les hameçons sont fournis, vieux frère, lança-t-il à Arnauld en lui tendant tout à la fois une canne et un pot d'argile plein de vers de vase.
La soirée de la veille s'était passée à merveille. Ca faisait bien longtemps que Pépin n'avait pas autant ri... et surtout pas autant bu. Rentré ivre mort, l'Auvergnat avait ronflé toute la nuit, sans avoir pris le temps de retirer ses vêtements, mis à part ses bottes. Et au réveil, il avait eu sérieusement mal au crâne. Fort heureusement, mettre la tête dans un seau d'eau froide l'avait aidé à retrouver le nord, et c'était donc au beau milieu de la matinée qu'il avait embarqué Arnauld.
Désormais planté sur la berge, Pépin, en compagnie de son ami observait les alentours, à la recherche d'une barque. Repérant un petit bateau, vide d'occupant, l'Auvergnat s'en approcha en quelques enjambées énergiques.
- Allez, en barque Simone ! Ahah, tu l'as saisi celle-là ? En barque, embarque... Ouais, bon. J'ai rien dit.
L'Auvergnat jeta sa canne dans le fond, poussa la barque pour qu'elle s'éloigne de la rive, et sauta dedans. Une fois Arnauld avec lui, Pépin s'empara des rames, et en quelques mouvements terriblement douloureux qui dénotait d'un certain manque d'expérience dans la pratique de la barque, ils se retrouvèrent assez loin du bord pour penser à sortir les cannes. Et tout en s'efforçant de nouer un hameçon au bout du fil, Pépin releva le nez en regardant autour d'eux. La surface du lac était aussi lisse qu'un miroir. Quelques cygnes blancs nageaient paresseusement. Plus loin, une bande de canard chamailleurs cancanait à qui mieux mieux. Des nuées de moustiques brunissaient l'air à divers endroits. Au loin, les arbres de la forêt se dessinaient, plus sombres dans ce décor magnifique.
Pépin, profitant de ce moment de calme, plongea la main dans sa gibecière, brandissant bientôt une bouteille de vin, en souriant largement.
- Alors, on est pas bien, là ? Toi, moi, et... cette bouteille de vin ?
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