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[RP] Ceci n'est pas une histoire d'amour.

Arnauld
    Il avait bien conscience que, d'un point de vue moral, ce qu'il faisait était on ne peut plus répréhensible.

    Elle lui avait demandé, la veille, s'il agissait ainsi pour se venger. Il n'y avait aucun reproche dans la voix de Cathelyn Lavergne, aucune appréhension ou susceptibilité, seulement la manière d'agir sans détour, avec simplicité et spontanéité, qui semblait être sa marque de fabrique. Arnauld avait nié. En vérité, il lui fallait bien admettre qu'un besoin de vengeance jouait effectivement un rôle dans son attitude, et un rôle pas si secondaire que ça. Se venger de qui, demanderez-vous ? De Cléo, tout d'abord, qu'il aimait tant et qui l'avait fait tant souffrir. De Pépin, ensuite, dont l'amitié lui faisait cruellement défaut quand il en aurait eu un tel besoin, et qui, en guise de soutien, ne lui envoyait que reproches et remarques acerbes. Or quel meilleur moyen pouvait-il trouver pour évacuer cette amertume et cette frustration que la copulation effrénée, sans cesse renouvelée, toujours avide et presque bestiale, avec la petite cousine de cet ami défectueux ?

    Nu comme un ver, Arnauld était étendu sur une botte de foin défaite, au fond d'une écurie. Il fumait la pipe que Pépin lui avait fabriquée – un objet qui, d'ailleurs, inspirait fortement sa cousine. A sa gauche, celle-ci, tout aussi nue que lui, le regardait de ses grands yeux bleus où l'on voyait briller une furieuse envie de rire. Il lui sourit et fit paresseusement quelques ronds de fumée, avant de la laisser lui arracher la pipe des lèvres pour qu'elle puisse elle-même en tirer une longue bouffée. Arnauld, bien que ressentant la fatigue qui suit toujours la jouissance, ne put s'empêcher d'éprouver une nouvelle onde de désir en regardant sa poitrine se soulever tandis qu'elle aspirait la fumée. Car, évidemment, il n'était pas question que de vengeance dans sa relation avec Cathelyn. Il y avait une attirance réelle, un besoin de se perdre dans ses formes et d'y oublier la souffrance qui le torturait en permanence. Le jeune homme, malgré ses efforts pour n'en rien laisser paraître et faire bonne figure, était en réalité dans un état pitoyable ; il se sentait comme un déchet qu'on aurait haineusement piétiné, jusqu'à ce qu'il n'en reste que des miettes que le vent se serait chargé de nettoyer. La rupture définitive avec Cléo et le coup de grâce que lui portait Pépin en lui tournant le dos auraient pu avoir raison de lui s'il n'avait pas retrouvé Cathelyn à Montpellier, deux jours après son mariage avorté. Et ainsi, attiré par ses seins comme un papillon par la lumière, il trouvait dans les étreintes que lui accordait la blonde un réconfort salvateur.

    - C'est tout de même frustrant d'être condamné à te regarder fumer sans rien pouvoir faire en attendant que la pipe se libère.

    Il comprit immédiatement ce qu'elle allait lui suggérer de faire pour passer le temps, et la coupa par un petit rire. La phrase qu'il avait lancée n'était pas anodine, certes ; mais l'idée qu'il avait en tête n'avait rien d'érotique. Il se redressa pour se mettre en position assise, et balaya l'écurie du regard pour localiser sa besace, qui avait échoué un peu plus loin, au milieu de leurs vêtements qui jonchaient chaotiquement le sol. Tournant le dos à Cathelyn, il se leva pour aller la ramasser, puis revint sur leur tas de paille et se mit à fouiller dedans, sans un mot. Enfin, il mit la main sur l'objet qu'il cherchait et le tendit en souriant à la jeune fille.

    - Je t'avais dit que j'en avais deux. Celle-ci a plutôt une longue histoire… Elle vient de Genève, je crois. J'ai réussi à l'obtenir auprès d'une mercenaire, c'était pour l'offrir à Cléo, elle en voulait une. Bon, c'est devenu la sienne, du coup. Mais elle me l'a laissée en partant, alors voilà, maintenant c'est la mienne. Et elle n'en a plus besoin. Tiens, la marque, là… « A. C. », c'est ton abruti de cousin qui a gravé mes initiales, pour qu'elle soit totalement à moi et plus du tout à elle. Mais elle ne me sert plus à rien, puisque j'ai l'autre. T'as qu'à imaginer que ça signifie «  À Cathelyn ».

    En vérité, les deux lettres gravées sur la pipe lui avaient toujours évoqué leurs deux prénoms, « Arnauld & Cléo », mais il garda cela pour lui. L'idée qu'on pouvait aussi bien lire Cathelyn que Cléo ne lui effleura même pas l'esprit.

    - T'imagine pas que je suis très généreux, hein. Elle ne m'avait rien coûté, cette pipe. Et elle te sera plus utile qu'à moi !
Cathelyn


Cathelyn, elle, n’avait conscience de rien du tout.

Etalée sur le flanc gauche, la tignasse dorée piquetée de brins de paille, la jeune Lavergne arborait le sourire béat et un peu stupide de celle qui peine à redescendre du septième ciel où son amant l’a habilement hissée. De son œil malicieux, elle scrutait les lignes harmonieuses de l’homme étendu à ses côtés, le dessin viril des muscles travaillés, la jeunesse éclatante de ce corps d’éphèbe en pleine santé. Par tous les saints, qu’il était désirable. Ce constat avait signé les débuts d’un véritable marathon sexuel que rien ne semblait pouvoir endiguer : ni les matelas pourris, ni les journées à crapahuter par monts et par vaux, ni leur état d’ébriété chronique, ni le quidam trop curieux, ni la possible colère d’un Pépin alerté. Il leur avait fallu peu de temps pour admettre leur attirance mutuelle et la mettre habilement à profit, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, dans les profondeurs d’un lit, les dédales d’une ruelle, ou même dans le foin de l’écurie. La jeune femme ne s’encombrait d’aucune considération morale, libre jusqu’au bout de ses longs tifs filasses, le cœur exempt de tous ces reproches que l’on s’afflige souvent pour avoir cédé à quelques appétences jugées coupables. Elle ne flagellait pas sa chair rosée pour les passions ardentes qui l’habitaient ; au contraire, elle chantait sans pudeur la mélopée de son plaisir dans la beauté exaltante d’un corps comblé.

Elle n’ignorait rien, Cathy, des souffrances de son acolyte de débauche. Si, en l’instant, sa trogne placide aux traits voilés par la douce fumée ne laissait rien montrer de son agitation intérieure, le Cassenac n’en vivait pas moins les jours enténébrés qui succèdent à une séparation violente et non désirée. L’amour qu’il destinait à cette femme sibylline, désormais voguant sur les eaux d’une mer tranquille, ne manquait pas d’interpeller la petite blondine, aussi éblouie qu’horrifiée par ces émois déchirants qui pouvaient supplicier un être aussi bon et charmant. « Jamais moi », s’était-elle promis devant le spectacle de ce grand gâchis, de ce jeune homme à terre qu’elle ne pouvait aider d’aucun mot, d’aucune caresse, impuissante face à sa détresse. Alors oui, il lui arrivait de percevoir, dans la férocité d’un coup de reins ou la vigueur d’une morsure, que ce désir réciproque ne motivait pas seul sa façon de lui faire l’amour avec ce qui semblait parfois l’énergie du désespoir, mais, à vrai dire, l’auvergnate n’en avait cure : quel qu’en fut le mobile, il savait ce qu’il faisait, et Dieu qu’il le faisait bien.

Mais, pour l’heure, la Lavergne ne songeait point à ces sentiments niaiseux auxquels elle se refusait comme une gamine regimbe à avaler sa cuillère d’huile de foie de morue, tout entière perdue dans la contemplation de son amant étendu. Allongeant soudain son bras piqueté de son, elle lui déroba mutinement le - second - objet de ses envies, à savoir la pipe façonnée par son cousin aux multiples talents, qu’elle porta bien vite à ses babines rieuses. Le goût amer du tilleul prit d’assaut son palais, chassant momentanément les saveurs mâles dont la jeune fille se délectait encore, savourant chaque odeur, chaque effluve étalé à sa langue joueuse. Sur elle, le regard du Cassenac, envieux, brûlant comme le rayon d’un soleil estival. Elle aimait qu’il la lorgne ainsi sans vergogne ; elle se sentait alors comme l’entité la plus hautement désirable, objet de convoitise et de gourmandise.
Sans doute sa grivoiserie notoire était-elle prévisible car la réplique qui menaça de fuser en réponse au commentaire insolent de son compère dut être ravalée promptement quand ce dernier se hissa sur ses pieds pour cueillir sa besace au milieu de leur foutoir. Le bibelot qu’il en extirpa était une pipe en buis à la forme délicate, dont le fourneau de bois clair était estampé d’un A. C. évocateur. Son histoire lui fut brièvement contée avant que Cathelyn ne lève le brûlot à la hauteur de son nez, l’œil curieux : ainsi donc ce brûle-gueule élégant avait-il appartenu à la fameuse Corleone, la détestée et l’aimée, le Grand Amour et la Grande Chute, la Première, l’Unique, la Préférée. S’agissait-il d’une volonté d’éloigner de sa vue un souvenir trop prégnant et à n’en pas douter douloureux ou d’une preuve d’un début de détachement prometteur ? Blondie n’aurait pu répondre, alors qu’elle parcourait de l’index les deux lettres habilement tracées.

    - « A. C. » ça peut aussi être, hm…Absinthe & Calvados, Amandes & Confiote, Amitié & Câlinous, Abricot & Cerise, Anis & Clafoutis, Avaler & Cracher, Abeille & Coccinelle…ou Abruti de Civet. Voire Arnauld le Coucheur.

Le trésor aux mille et un noms fut précieusement enfoui dans les méandres de son propre barda avant que la jeune fille ne se redresse lentement pour retrouver la carcasse alanguie du brun avachi.

    - D’accord, c’est noté, tu n’es pas généreux. Il n’empêche que moi j’aime te remercier…

Et la blondine de coincer la pipe allumée entre les quenottes masculines, libérant ainsi sa bouche affamée pour une activité nettement moins sage, bien que désignée par le même qualificatif que l’objet subversif.

* Nous étions jeunes
Nous étions jeunes
Nous étions jeune, ça nous était égal

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