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[RP ouvert] L'Auberge du Brocélianguedoc

Pepin_lavergne

    [Décembre 1463]


Ils étaient de retour, enfin ! Et pour plus de deux jours ! Et après une matinée de sommeil bien méritée, ils s'étaient tous deux rendus à l'auberge. Celle-ci était complètement terminée. Parfaitement remise en état, elle était presque prête pour accueillir leurs amis, mais aussi gens de passage. Au cœur d'une clairière, la vaste et belle demeure se dressait, toute composée de pierres blanches couvertes de lierre. Les fenêtres aux vitres neuves étaient soigneusement fermées, et disposaient toutes de volets.

A l'intérieur, la vaste salle commune pouvait accueillir une trentaine de convives. Deux grandes tables accompagnées de bancs se tenaient prêtes à être utilisées. Un comptoir flambant neuf, derrière laquelle était suspendue une collection de chopes assez impressionnante - mais après tout, ce n'était pas si incroyable, quand on savait que les propriétaires étaient portés sur la bouteille - serait la place attitrée de Pépin. Une trappe aménagée derrière le comptoir menait à la cave, qui accueillait une belle quantité de fûts. De la clairette de Dié, du vin rouge, du vin blanc, de la bière, du calva, de l'hydromel, et l'incontournable gentiane d'Auvergne, grande préférée de Pépin.

La cheminée était assez vaste pour y faire rôtir un cochon entier. La cuisine quant à elle, était dotée de tous les fourneaux nécessaires. Au grand dam de Pépin, qui se voyait confier la délicate mission de faire à manger, lui qui savait à peine cuire un poulet sans le rendre toxique. Mais il apprendrait ! Il n'était pas du genre à se laisser impressionner, fusse par la confection des repas.

Au premier étage, une série de chambres qui seraient bientôt meublées, pourraient sous peu accueillir les locataires. Serait aménagée en priorité, la chambrée réservée à l'année à Arnauld - et à Actyss aussi désormais. Quant aux autres, viendrait qui le voudrait !
Hélona et Pépin quant à eux, logeraient au second étage. Leur chambre, vaste et aérée, avait été décorée merveilleusement par une rousse inspirée. Le lit était déjà là, et en attendant d'avoir terminé celui, en taille réduite, de Thomas, son berceau ordinairement situé dans la roulotte se balançait légèrement non loin de la couche parentale.

A l'extérieur, derrière l'auberge, la terre avait été retournée sur quelques mètres. Ils y planteraient quelques herbes aromatiques et deux ou trois pieds de légumes. La rivière coulant non loin servirait à approvisionner en eau les baquets des bains qu'ils ne manqueraient pas de prendre.
Comme l'avait demandé Hélona, la roulotte ne se trouvait pas très loin, seulement à une dizaine de mètres de l'auberge, sous le couvert des arbres. Ce serait un abri idéal, leur endroit à eux, où ils pourraient s'isoler loin des autres, seulement ensemble.

Dans quelques jours, à la fin de l'ameublement, ce serait l'ouverture officielle. Et puis il y aurait la préparation de Noël. Une vie plus sédentaire attendait ces irréductibles voyageurs, en attendant leur départ printanier pour la lointaine Alexandrie. C'était peut-être là une nouvelle forme d'aventures, après tout.

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Helona
    Le voyage pour regagner Narbonne avait été... chaotique. J'étais à vrai dire parfaitement incapable de me souvenir de la raison de notre départ. Que voulions-nous voir ? Qu'étions-nous partis visiter ? Devions-nous rendre visite à quelqu'un ? Et je ne savais plus bien pourquoi nous avions fait tous ces détours pour revenir jusqu'ici. J'avais fini par croire, durant un moment, que nous ne remettrions plus jamais les pieds à Narbonne et que je serais condamnée à jamais à payer les taxes d'une auberge vide.

    Mais nous étions enfin rentrés. Seuls, pour le moment, même si Arnauld et Actyss étaient supposés nous rejoindre bientôt. Je ne m'accrochais cependant pas trop à l'idée, trop habituée à présent à ce qu'une fois les chemins déliés, ils mettent un temps infini à se recroiser. Le point positif, puisqu'il y en avait tout de même, était que je possédais donc tout le temps nécessaire à la décoration de l'auberge. Et je m'y étais employée, dès le premier jour.

    Il m'avait fallu, en priorité, m'occuper de la grande salle, destinée à recevoir tout le monde, même les plus parfaits inconnus. Si nous souhaitions organiser, enfin, l'inauguration officielle de l'auberge, cette pièce devait être entièrement finie. J'avais peint le comptoir, en premier lieu, pour y représenter les plantes et les fruits qui composaient nos alcools ou des objets représentatifs pour ceux que je ne savais pas tellement dessiner. Des grappes de raisin rouge et blanc, une chope de bière, quelques pommes, un pot de miel et de la gentiane. Sous chaque dessin, en lettres calligraphiées, était inscrit le nom de la boisson correspondante. Le tout ne prenait qu'une petite partie du comptoir. J'avais, prévoyante, laissé suffisamment de place pour l'apport de nouvelles boissons, qui ne manquerait certainement pas d'arriver.

    Sur la poutre au-dessous du comptoir, j'avais peint des oiseaux. De toutes les couleurs, bien que le blanc ressortait plus que le reste. Sur chaque chaise, j'avais fait disposer des coussins en tissu, tout à fait confortables. La nature jouant pour nous, le lierre avait commencé à dévorer le mur du fond, s'immisçant de l'extérieur entre les interstices des pierres. Il grimpait jusqu'au plafond et donnait à merveille à la taverne l'air de forêt mystérieuse qu'elle devait avoir. Pour le reste, j'avais encore joué du pinceau. Il m'avait fallu deux jours entiers p
    our peindre les immenses arbres qui ceignaient les murs et dont les feuillages léchaient le plafond. Des taches dorées, perdues un peu partout, représentaient de petites lucioles. Ici, un ruisseau scintillant courait entre les troncs. Là, quelques animaux rejoignaient leurs terriers.

    Je n'avais peint aucun dragon, aucune licorne ni aucune fée. Je voulais le lieu empli d'une aura mystérieuse, qui suggère au lieu d'imposer. Ainsi, chacun était parfaitement libre de voir ce qu'il voulait et uniquement cela. Des détails, trouvailles, souvenirs rapportés de voyage, cadeaux, finiraient par s'ajouter au fur et à mesure. Pour l'heure, étaient déjà accrochés la griffe de dragon rapportée par Pépin et le crin de licorne. Au plafond étaient suspendues des cages à oiseaux, vides.

    La seule autre pièce dont j'avais eu le temps de m'occuper était notre chambre, à Pépin et moi. Au centre, contre le mur du fond, trônait un immense lit à baldaquins. Je n'osais demander à Pépin comment il s'était procuré une merveille pareille. J'avais accroché aux piliers du lit de grands rideaux blancs parfaitement opaques. Aux murs, aux fenêtres, au plafond même, étaient accrochés des voilages de différentes tailles et de différentes couleurs. Dans les tons blancs et orangés. La pièce, selon l'endroit où l'on se situait, n'apparaissait jamais de la même façon.

    Au même étage, restait également une pièce parfaitement vide, qui accueillerait la chambre de Thomas lorsqu'il serait en âge de dormir parfaitement seul. Les autres chambres, à l'étage en-dessous, seraient décorées prochainement, sur des thèmes un peu particuliers...

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Actyss
Le 15 Décembre 1463


J'avais quitté un peu plus tôt le chevet de la vieille Blanche Barsac, et cette visite n'avait rien eu pour me réjouir. La malheureuse n'en avait plus pour bien longtemps. Tout ce que je pouvais faire pour elle, c'était atténuer ses souffrances.
Désireuse de me changer les idées, j'avais pris naturellement le chemin de la forêt. Mon panier dans le creux de mon bras, je l'avais empli des plus grosses pommes de pin que j'avais pu trouver. Un rapide saut dans la boutique du teinturier avait été également nécessaire. De même qu'un arrêt chez le boucher.

Les bras alourdis par mon fardeau, je chemine à petits pas sous la pluie fine qui détrempe le chemin de terre menant au Brocélianguedoc. Parvenue à destination, je pousse la porte du coude, et entre, les cheveux humides. Le bon feu qui m'attend dans la cheminée étire mes lèvres en un sourire ravi. Il fait chaud, ici.
Je pose mon panier au sol, près de la table la plus proche de l'âtre. Avant même de commencer la mission dont je me suis investie, je me hâte vers les cuisines. J'ai un peu honte, parce que je ne paye pas ma chambre. Je crois que c'est Arnauld qui s'en charge. Et j'ai la ferme intention de m'acquitter de ma dette d'une façon où d'une autre.

Je choisis un grand chaudron, et ahanant sous l'effort, je le place au-dessus des flammes de la cheminée de la cuisine. Après une rapide exploration, je trouve tout ce qui m'est nécessaire. Je commence par éplucher et découper en lamelles deux gros oignons jaunes. Je les jette dans le chaudron, de même qu'un gros morceau de beurre. Tout en m'essuyant les yeux, agressés par les oignons, je m'assure que rien ne colle au fond en remuant avec une grande spatule. J'ajoute quelques gouttes de vinaigre, avant de m'occuper de la viande. Je hache finement un reste de gigot de mouton déjà cuit, l'opération me prenant bien une vingtaine de minutes. Je glisse la viande dans le chaudron, ainsi que le bouillon résultant de la cuisson du repas de la veille au soir. Quelques carottes, du romarin, du laurier, et le tout reste à mijoter tranquillement.

Mais déjà je m'active à confectionner des oublies. Je mélange le miel, la farine, les œufs et le beurre, et je fais cuire le tout à la poêle. Du bout des doigts, j'en attrape un pour manger immédiatement, tout en laissant les autres au chaud, dans un panier, sur le manteau de la cheminée.
Je m'empiffre de l'oublie « dérobée » et me faufile de nouveau dans la salle commune. Une fois ma pâtisserie dégustée, je m'empresse de sortir une à une les grosses pommes de pin que j'ai été ramasser. Puisque c'est bientôt Noël, autant donner un air festif au bel endroit où je loge.

Si je ne sais pas dessiner, je sais peindre comme tout le monde. Tremper un pinceau dans la peinture et enduire une surface n'a rien de compliqué à partir du moment où on ne cherche pas à représenter quelque chose. Lorsque j'étais enfant, je dessinais à l'aide de baies écrasées sur des morceaux d'écorce. Mes croquis d'oiseaux et d'insectes étaient d'une simplicité naïve et enfantine. Ce que je m'emploie à faire en cet instant n'a rien d'artistique. Je colore les pommes de pin à l'aide d'un pigment doré, qui rappelle immédiatement que Noël est tout proche.
Je les dispose une à une devant moi. Je n'en ai fait que cinq, il en reste encore une vingtaine. J'ai les doigts tout en or, dirait-on. Même une mèche de mes cheveux a pris une teinte nouvelle. Et je continue mon ouvrage, au son des crépitements de la cheminée, baignant dans les odeurs de la galimafrée qui cuit doucement sur le feu, et le calme parfait d'une fin de matinée.
Helona
24 Décembre, au soir

    Je ne me souvenais plus avec certitude de la dernière fois que j'avais fêté Noël.

    Lorsque je me trouvais encore à Clermont, après la disparition précipitée de mon frère, des fêstivités étaient organisées. Je me souvenais vaguement d'un immense sapin, que chaque habitant était venu parer d'une décoration personnelle. Je m'étais procurée, à l'époque, une étoile de bois, j'en étais presque certaine... Me revenaient également les vagues souvenirs d'un grand jeu organisé par Eryanor, impliquant que chacun se voit attribuer un rôle différent... Mais je n'y avais pas pris part. Que lui avais-je offert, déjà ? Un bracelet de cuir, je crois. Et si je ne lui en avais pas voulu de ne rien m'avoir offert, j'aurais souhaité à l'époque partager ne serait-ce qu'un repas en sa compagnie, pour l'occasion. Mais il n'y avait rien eu.

    En Normandie, nous avons fêté Noël jusqu'à ce que mon père disparaisse. Maman organisait un grand repas, auquel étaient parfois conviés quelques uns de leurs amis. Je me rappelais de l'odeur des châtaignes chaudes et du vin à la cannelle qui remplissait leurs verres. Nous restions éveillés des heures durant, pour assister de nuit à la messe qui précédait Noël. La plupart du temps, je recevais comme présent un souvenir rapporté par mon père d'une contrée trop lointaine pour que les noms me reviennent aujourd'hui. Mais Noël avait pris fin chez nous dès lors que Scott avait cessé de rentrer à la maison. Ma dernière célébration devait donc remonter à plus d'une dizaine d'années en arrière.

    Je n'avais pas cessé d'aimer cette période pour autant. Les pavés des villages qui se couvraient d'un manteau opalin, les guirlandes de verdure qui ornaient les façades des bâtisses ou les chants qui résonnaient devant les églises. J'avais parfois l'impression de passer l'intégralité de l'année dans l'attente de cet évènement et je n'avais pourtant pas hâte d'y être. Car dès lors que les aiguilles de l'horloge affichent 00h01, nous sommes le 26 décembre et tout est terminé. Il faut ôter les décorations, rangés dans des placards fermés les présents reçus et oublier le goût succulent des mets que l'on ne déguste qu'une fois l'an.

    Mais pour l'heure, le drame n'aurait lieu que dans deux jours et cela signifiait que j'avais bien d'autres préoccupations.

    Dans un coin de la grande salle trônait le majestueux sapin rapporté par Pépin. Nous l'avions décoré de figurines en bois, sculptées par lui également et peintes par mes soins. De petits animaux, des étoiles ou des lanternes miniatures. Et partout, sur les branches du conifère, j'avais accroché des rubans aux couleurs chaudes comme l'hiver, pour l'harmonie. Des nœuds aux tons bleutés, blancs ou verts s'accrochaient donc aux épines pour égayer le tout.

    Au centre, nous avions déplacé la plus grande table en bois, que j'avais recouverte d'une nappe opaline, tachetée de petits flocons argentés. La table était dressée pour cinq personnes et d'autres couverts étaient prêts en cuisine, au cas où nous recevrions de la visite imprévue. Sur la table trônaient différents pichets, remplis d'hydromel, de gentiane, d'hypocras et différentes sortes de vins. Reposait au centre, dans un grand plat, une oie farcie aux châtaignes. De petits saladiers proposaient des champignons, des lentilles ou encore des pois. Et j'avais déjà disposé les desserts sur la table, parce que je n'étais certainement pas du genre à imposer de les garder pour la fin du repas. Bugnes au miel, nougats, tarte aux pommes et massepain complétaient ce délicieux tableau. Je ne savais pas si Actyss et Arnauld avaient prévu d'amener quelque chose, mais tout cela me paraissait amplement suffisant pour nous tous.

    Pour l'occasion, j'avais revêtu une robe immaculée, que Pépin m'avait offerte quelques mois auparavant. Un bustier rouge enserrait ma poitrine et un large ruban de la même couleur redessinait ma taille. Mes cheveux étaient relevés en un chignon, noué par un autre ruban vermeil, dont s'échappaient quelques mèches récalcitrantes.

    Rien ne manquait plus, sinon les personnes avec lesquelles je souhaitais partager cette soirée.

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Pepin_lavergne

    [24 décembre 1463]


Choisir le sapin et lui trouver une place avait nécessité toutes les connaissances décoratives de l'Auvergnat. Autrement dit, il l'avait collé dans un coin, pas trop près de la cheminée pour qu'il ne s'enflamme pas, si jamais l'envie lui en prenait. Une fois paré de ses plus beaux atours conçus spécialement par Pépin pour satisfaire son épouse, le sapin était resplendissant. Souvent, Pépin se plantait face à l'arbre et faisait jouer son fils avec une étoile ou un renne en bois, s'émerveillant de la mine ravie de son petit garçon.

Le soir du réveillon de Noël, Pépin enfila sa plus belle chemise, une bleue de la couleur de ses yeux. Il troqua ses braies quotidiennes contre d'autres, d'un sombre noir, et cira soigneusement ses bottes. Il tenta bien de se coiffer, mais ça ne servit à rien, ses épis revenaient coûte que coûte. Il passa par-dessus sa chemise son gilet en laine tissée bleu foncé, et se décida à descendre. Hélona comme toujours, était magnifique. De même que la table regorgeant de nourriture. L'estomac de l'Auvergnat se rappela à son bon souvenir, mais fut contraint au silence et à reporter sa manifestation à une date ultérieure : Pépin embrassait son épouse comme s'il ne devait plus jamais la revoir.

Dehors, les cadeaux les plus volumineux attendaient Hélona et Actyss pour être « déballés ». Parce qu'un cheval et un poney, c'était difficile à empaqueter. En attendant, ils étaient confinés dans l'écurie. Le traineau et la luge en revanche, étaient simplement couverts d'un drap, derrière l'auberge. Le reste des cadeaux étaient disposés sous le sapin en une impressionnante pyramide, dans du papier de soie, et soigneusement étiquetés.
Les invités se faisaient attendre, mais Pépin était loin de s'en plaindre. Il avait encore sa femme pour lui tout seul et prenait grand soin de l'embrasser toutes les deux secondes. Leur fils était là, adorable dans sa tunique et sa paire de bas en laine. D'ici quelques minutes, lorsque l'autre couple viendrait à franchir le seuil de l'auberge, tout serait parfait. Plus rien alors ne pourrait venir troubler le bonheur et la joie de cette soirée.

Ca lui rappelait ses Noëls auvergnats. Les tablées immenses, croulant sous le poids des mets, les rires, les discussions animées, les contes au coin du feu, racontés par un Oncle Grégory particulièrement inspiré. Et lorsque les trois frères aînés devenaient trop pénibles, Pépin n'hésitait pas à les ridiculiser en ajoutant des araignées mortes à leur potage, des copeaux de bois à leur part de tarte, ou de la suie à leur bière. Tout ce qui pouvait les faire hurler et tempêter, puis rabrouer par la main lourde du père Lavergne était bon à faire. Aucun Noël de son enfance n'avait été calme et paisible. Etait-ce seulement possible, quand la gentiane coulait à flot ?

Et c'était tout cela qu'il souhaitait que Thomas connaisse. Le boucan, les rires, les jeux, et le bonheur d'être en famille. C'était ce qu'il comptait offrir à sa femme, son fils, et à tous les enfants qu'ils auraient ensuite. Si cela devait commencer un soir, celui-ci, de cette année-là, était précisément le bon.

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Actyss
Même jour, même lieu, même heure.


Seule dans la chambre, j'achève de me préparer. Je porte ma robe jaune, celle avec les soleils brodés sur le devant. Arnauld me l'a offert deux jours plus tôt, et j'ai promis de la porter pour l'occasion. Pour avoir l'air le plus présentable possible, j'ai soigneusement peigné mes cheveux, et après les avoir tressés en trois nattes, je les ai remonté sur ma nuque en un savant et épais chignon. Agrémentées de rubans jaunes, les nattes laissent libres quelques mèches de cheveux sur mes tempes. Je suis chaussée de petits souliers de cuir couvert de satin jaune d'œuf. Quelques gouttes d'huile de fleur d'oranger dans la nuque, sur ma gorge et au creux de mes poignets embaument l'air à chacun de mes pas. Une fois que je me juge parfaite, je quitte la chambre et descends retrouver les amis d'Arnauld.

Hélona est très belle, et les yeux de Pépin ressortent davantage avec cette chemise. Ils sont tous les deux superbes. Dans les escaliers, je reste figée, à les observer. Ils s'embrassent. S'enlacent. Il émane d'eux comme une évidence. Une confiance absolue. Je les regarde maintenant, mais je sais que dans vingt ans, dans trente ans, je verrai la même chose. Le bonheur en vrai, cela leur ressemble. Je souris, et descends les dernières marches. Je me racle timidement la gorge. Trop discrètement peut-être pour qu'ils m'entendent, mais ce n'est pas grave. Je contemple le sapin et ses lanternes lumineuses, émerveillée comme un petit enfant. J'effleure du bout des doigts les décorations de bois. Tout est décidément parfait, ici.

C'est la première fois de ma vie que je vais fêter Noël. Dans la forêt, les dates n'ont aucune importance. Maman ne célébrait pas ce jour-là. Je ne peux m'empêcher de songer à tous ces Noël que j'aurais pu passer entre les murs du château paternel. De cette vie toute entière que j'aurais pu passer au sein d'une vraie famille, si seulement Maman avait été moins rancunière. J'aurais pu moi aussi recevoir des cadeaux, danser au son des vièles, rire et plaisanter, sortir dans le jardin pour en revenir crottée. Mais je n'avais pas connu. Et même si l'an prochain, je fêtais Noël avec mes deux parents réunis, cela n'aura jamais la saveur des Noël de l'enfance. Ce ne serait que des célébrations entre adultes. Je ne recevrai pas de jouets ni d'animaux en tissu. Parce que je ne suis plus une petite fille. Et je suppose que toutes ces sortes de choses ne devraient pas hanter mes pensées.

J'essuie du bout des doigts une larme qui commence à rouler sur ma joue. Hors de question de pleurer le soir du réveillon. Je frôle un bonhomme en bois suspendu à une branche, et mes lèvres s'étirent en un sourire sincère. Ce soir tout va bien. Je suis entourée d'amis, Arnauld sera là bientôt, et l'avenir, décidément, s'annonce aussi radieux que le couple Lavergne.
Arnauld
    Arnauld franchit la porte de l'auberge en même temps qu'une rafale de vent glacée. Il la referma sans trop d'élégance, désireux d'empêcher au plus vite de laisser le froid extérieur entamer l'ambiance chaleureuse de la salle.

    Chaleureuse, oui, c'était le mot. Il se mit aussitôt à sourire. Un bon feu de cheminée, un sapin à faire pâmer d'envie n'importe qui, une table suffisamment garnie pour considérer que le paradis, à côté, c'était un truc d'amateurs, ses deux meilleurs amis, son filleul tout gazouillant et adorablement endimanché, et surtout une petite blonde qui, n'en déplaise à Pépin, était aux yeux d'Arnauld la plus belle fille à des lieues et des lieues à la ronde.

    Il se défit de sa cape humide et posa sa besace, avisa du coin de l’œil la pyramide de cadeaux où il reconnut, soigneusement emballés, ceux qui étaient destinés à Pépin, Hélona, Thomas et Actyss et sourit en en apercevant certains qui lui étaient inconnus, et dont il était le destinataire plus que probable. Après s'être excusé d'être le dernier arrivé et complimenté les Lavergne pour la décoration, il rejoint Actyss qu'il prit par la taille, se tenant derrière elle, avant de poser un baiser dans son cou. Il inspira l'odeur de ses cheveux tressés avec un sourire bienheureux. Outre ce petit parfum de violette qui l'accompagnait toujours, il identifia une autre odeur, plus rare sur sa peau : fleur d'oranger. Il était en train de s'en griser, le parfum d'Actyss ayant toujours sur lui un effet qu'on pourrait qualifier d'aphrodisiaque, quand un petit raclement de gorge lui rappela que non seulement ils n'étaient pas seuls, mais qu'ils avaient un réveillon à honorer.

    Il embrassa Actyss, parce que, tout de même, ce serait inhumain de l'en empêcher, puis se dirigea vers la table avec la même tête que ferait un gosse qui croirait encore au Père Noël, et s'extasia sur tout ce qu'il y voyait - l'oie farcie, en particulier, le faisait saliver à un point qu'il en aurait presque taché sa belle chemise bleue. Il se redressa d'un coup, son nez s'étant rapproché de la volaille jusqu'à n'en être séparé que de quelques centimètres, et se tourna vers ses amis.

    - On mange avant ou après avoir déballé les cadeaux ?

    Il fallait de suite faire cesser ce supplice de Tantale - une table garnie de mets aussi exquis qu'il ne pouvait pas encore toucher, et une pyramide de cadeaux qu'il mourait d'envie d'offrir ou qu'il était curieux de déballer... Il fallait commencer, ou bien l'excitation allait le faire succomber ; son cœur qui battait si joyeusement allait s'arrêter, il mourrait sans avoir goûté ces marrons et ce massepain, et il gâcherait la fête avec son cadavre.
    Ce qui serait tout de même dommage, avouons-le.

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Alicina.
      - Le 12 Avril 1464 -


    Puisque j'étais en pleine visite de la ville, je décidai de m'aventurer jusqu'au Brocélianguedoc. Le cadre était magnifique, j'adorais déjà l'endroit. Je nous voyais déjà en train de pique-niquer non loin de l'auberge, tous ensemble, partageant rire et oie rôtie.
    Puisque je soupçonnais fortement Hélona et Pépin de revenir très bientôt, je décidai de faire un brin de ménage, pour qu'ils retrouvent une maison impeccable à leur retour. Il n'y avait malheureusement que peu de clients dans leur auberge, mais ça facilitait mes travaux : je ne gênerai personne avec mon balais et mon seau.

    Je portais une robe simple protégée par un tablier, mes cheveux étaient réunis en deux nattes, eux-mêmes couverts d'un fichu. Un balai en main, je commençai par dépoussiérer le sol, puis le lavai à grandes eaux. Je passai ensuite le chiffon sur chaque table, secouant les nappes, ouvrant les fenêtres, battant les rideaux, lustrant le comptoir. L'opération me prit deux bonnes heures, mais le résultat valait l'effort. Tout était brillant, net et propre. Je ne m'arrêtai pas là, cependant. Je montai à l'étage et fis subir le même sort à la poussière. Les fenêtres furent ouvertes et le bon air de la campagne languedocienne emplit les chambres. Dans celle de Thomas, je déposai sur un coffre un nouveau jouet que j'avais confectionné : il s'agissait d'un dragon en peluche. J'avais choisi un superbe brocart orange - issu d'une vieille robe ayant appartenu à ma mère - et je l'avais bourré de plumes de canard et d'oie. Les yeux étaient deux boutons noirs et la langue, un morceau de feutrine soigneusement taillé.
    Dans la chambre d'Hélona et Pépin, je posai sur le lit un bouquet de lavande séchée, pour donner du parfum à leur drap et oreillers.

    En retournant en bas, je me permis d'emprunter un vase pour y mettre une formidable brassée des premières fleurs sauvages. Je déposai le tout sur le comptoir. À présent plantée au centre de la salle, j'examinai les lieus, me demandant ce que je pourrais faire d'autre. Rien ne me vint sur l'instant, si ce n'est préparer à manger. Mais ignorant la date exacte de leur retour, je n'allais pas me lancer dans la préparation de biscuits qui risquaient bien d'être secs lorsqu'ils arriveraient. Je me promis en revanche de venir leur déposer un chaudron de ragoût le jour de leur retour, pour qu'ainsi, ils puissent se reposer de leur voyage. Satisfaite de mon travail et de mon idée, je refermai chaque fenêtre, puis la porte derrière moi, avant de regagner mon propre logis.

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Helona
14 Avril 1464

    Nous étions, enfin, rentrés chez nous. Et c’était d’autant plus étrange que cette fois, nous étions presque certains d’y rester pour un long moment. Le navire pour Alexandrie viendrait nous récupérer ici même, d’ici deux mois environ. Deux mois durant lesquels nous étions censés faire toutes les provisions possibles pour ce grand voyage, et amasser des écus pour pouvoir rapporter des souvenirs de notre périple.

    Et étrangement, l’idée de devoir m’arrêter si longtemps quelque part ne me dérangeait pas. J’avais l’impression que Pépin et moi n’avions toujours fait que courir, depuis notre rencontre. Même ma grossesse et la naissance de Thomas n’avaient suffit à calmer nos ardeurs et nos envies de voyage. Et, finalement, à courir ainsi, nous ne prenions pas le temps de vivre. Je voulais voir grandir Thomas, le voir grandir réellement, lui laisser le temps de se créer des souvenirs, des préférences. J’étais convaincue que Narbonne était l’endroit idéal pour cela. Aussi étais-je transportée de joie à l’idée de retrouver notre maison.

    J’avais été surprise de retrouver une auberge dans un état impeccable, comme si la poussière avait tout bonnement refusé de s’y insinuer. Néanmoins, les quelques détails trouvés dans notre chambre ainsi que celle, encore presque vide, de Thomas, m’avaient rapidement indiqué à qui je devais une telle chance. Avant même que je n’ai eu l’occasion de la retrouver, Alicina s’était déjà employée à nous couvrir d’attentions en tout genre. Cela me remplissait à la fois de joie et de honte, parce que je trouvais souvent mes présents et contreparties bien faibles face à ce qu’elle faisait sans cesse pour nous. Fort heureusement, j’aurais cette fois deux longs mois en sa compagnie pour me rattraper.

    Pépin avait arrêté la roulotte non loin, derrière l’auberge. Elle était seulement dissimulée par quelques arbres, qui se chargeraient de toujours la garder à l’ombre. L’idée étant de nous permettre de nous isoler en tout temps, si l’envie venait à se faire sentir. J’aimais notre maison, mais la nomade qui sommeillait en moi se voyait rassurée d’avoir toujours à portée de pieds une maison sur roues, juste au cas où. Celle-ci avait cependant été vidée de la plupart de ses objets. Toutes nos affaires avaient retrouvé ce qui serait leur place pour les semaines à venir.

    Dans l’immense armoire de notre chambre, confectionnée bien-sûr par mon talentueux époux, j’avais soigneusement rangé l’intégralité de nos vêtements. Ne restaient dans la malle de la roulotte qu’une tenue chacun, que nous portions tous deux assez rarement. Le premier tiroir de la commode avait été rempli de tous mes rubans, dont ceux offerts par Alicina. Le second tiroir, quant à lui, contenait toutes les choses que Pépin s’amusait à détourner de manière particulièrement indécente. Restait encore un troisième tiroir, pour l’heure encore vide. J’étais resté allongée longtemps, sur le grand lit, la fenêtre ouverte en grand, à contempler les voilages orangés agités par le vent. C’était délicieux, finalement, d’être chez soi, lorsque son chez-soi était si splendide.

    Pour ce qui était de la chambre de Thomas, je laissais à Pépin le soin de l’aménager. Il aurait un an à la fin du mois et était bien assez grand pour dormir seul. La roulotte ne nous permettait malheureusement pas de nous isoler ainsi, mais il était à présent hors de question qu’il ait un lit dans la même chambre que nous. J’allais décorer sa chambre, à lui, peindre d’immenses fresques sur les murs pour qu’il s’y sente toujours en sécurité, parfaitement apaisé. Je préférais cependant attendre de voir quels meubles Pépin avait choisi d’y entreposer, et la façon dont il allait les disposer. Je ferais, moi, la décoration en fonction de ces choix-là. Je lui faisais confiance pour assurer le côté pratique, que je ne possédais définitivement pas.

    Je devais aller rendre visite à Alicina, mais refusais catégoriquement de débarquer chez elle les mains vides, aussi décidai-je de délaisser mon logis, déjà, pour me rendre au marché.

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Pepin_lavergne
    [Le 14 avril]


Enfin de retour ! L’insatiable voyageur qu'était Pépin était bien heureux de s'arrêter enfin. Cela faisait près de quatre mois qu'ils arpentaient les chemins du pays, allant de-ci de-là sans quasiment jamais faire de pause, et Pépin était heureux - ce qui l'était beaucoup - à l'idée de pouvoir s'attarder ici, d'autant plus qu'ils étaient là chez eux. Il se rappelait de son enfance auvergnate, et souhaitait offrir le même genre de trésor à Thomas. S'imprégner d'un lieu, pouvoir dire, en y repensant une fois adulte, qu'il avait été « chez lui » à Narbonne, raconter son enfance à sa future épouse - et il avait le temps, n'ayant pas encore tout à fait un an - c'était des trésors qui ne pouvaient ni s'acheter ni se voler, et il était important qu'il en ait, lui aussi.

Sitôt arrivés, après une pinte bien méritée et un ou deux biscuits qu'il leur restait, Pépin se mit au travail. Il fallait monter le nouveau lit de Thomas dans sa chambre, ainsi que deux autres coffres - un pour les jouets, un autre pour ses vêtements - une petite table et quatre chaises, pour qu'il puisse y jouer à sa guise, disposer dans un coin toutes les figurines de bois que Pépin avait confectionné pour le petit garçon, ainsi que le cheval à bascule, un peu plus loin. Le lit fut placé près de la fenêtre. Sur le petit matelas, Pépin étala soigneusement un drap blanc et une couverture bleu sur laquelle des petits animaux en tissu avaient été cousus. Pépin esquissa un sourire en remarquant le dragon en peluche, qu'il posa à côté de l'oreiller de son fils adoré. Il était encore trop petit, mais qu'à cela ne tienne : au mur, Pépin accrocha une épée et un bouclier, pour les jours où il prendrait à Tom l'envie de jouer au chevalier.

Dans la chambre conjugal, Pépin n'eut rien de plus à ajouter que ce qui s'y trouvait déjà - il y monta bien sûr les meubles présents dans la roulotte. Hélona avait déjà tout rangé avec soin, aussi n'avait-il pas à s'occuper de trouver une place à ses chemises et ses braies, ce qui était une bonne chose, l'Auvergnat n'étant pas réputé pour son sens du rangement.
En bas, tout était déjà bien propre. Il n'avait plus qu'à se rendre aux écuries, où il étrilla soigneusement les chevaux. Les fers furent changés par le forgeron, la paille souillée et moisie fut remplacée par de la propre, les auges furent remplies de bonne avoine et l'abreuvoir, d'une eau fraiche et claire. Il s'agissait de prendre bien soin des chevaux qui eux aussi, méritaient quelques vacances.

Et tandis que sa merveilleuse épouse se rendait chez sa meilleure amie, Pépin s'occupa de faire venir de nouveaux tonneaux de bière, de vin et d'hydromel, pour les éventuels futurs clients. Il ne fallait négliger aucune source de revenus avant un voyage tel que celui qu'ils entreprendraient dans deux mois, en direction d'Alexandrie. Et l'auberge était un bon moyen de s'enrichir quelque peu, et assez rapidement, malgré les taxes exubérantes.
L'après-midi touchait à sa fin lorsque Pépin termina ses aménagements. Jugeant qu'il avait bien mérité une bonne dose de gentiane, il emplit une chose de son alcool favori, sorti une chaise, l'installa devant l'auberge, et regarda, en sirotant sa boisson, le soleil sombrer derrière les arbres. Goûtant au plaisir d'être chez soi, le chant des grillons lui emplissant les oreilles, un sourire heureux se dessina sur les lèvres de l'Auvergnat. Il avait avec lui sa femme qu'il aimait par-dessus tout et son fils qu'il adorait, une maison-auberge, Arnauld arrivait bientôt, Alicina était là... Tout était bien.

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Alicina.
      - Le 25 Avril 1464 -


    C'était aujourd'hui les un an de Thomas, mon adorable filleul adoré. Et comme il se trouvait que c'était aussi les neuf mois des jumelles, j'avais décidé de ne pas trop travailler aujourd'hui pour passer la majeure partie de la journée au milieu de tous ces joyeux bambins surexcités.
    J'attelai, avant de partir pour le Brocélianguedoc, une petite charrette au dos de Basile, mon petit âne gris. J'y installai les Trois Dragées avant de me mettre en route, avec le mystérieux cadeau que je réservais à Thomas. Nous arrivâmes en chantant, Luna et moi, devant la maison de ma meilleure amie et de sa joyeuse famille. Comme c'était une auberge, je me permis d'entrer sans toquer, malgré l'heure matinale - il n'était que dix heures.

    Luna portait sa plus jolie robe, une petite merveille jaune bouton d'or toute brodée de petites fleurs blanches. Ses cheveux étaient lâches, un ruban lui entourant le crâne comme un serre-tête. Quant aux jumelles, elles arboraient pour Héléna, une liquette bleue ornée d'un mouton, pour Juliette, une liquette verte agrémentée d'un merle noir. Je mis tout mon monde par terre, les fillettes courant et trottant vers Thomas, très beau lui aussi en ce grand jour. Et enfin, je fis mon apparition, cachant comme je le pouvais mon cadeau d'anniversaire. Mais celui-ci était un peu bruyant, et ma surprise ne tarderait pas à être éventée. Je serrai Hélona contre moi et adressai un large sourire à Pépin, avant de m'intéresser au bambin.

    – Joyeux anniversaire Thomas-chéri ! babillai-je devant le petit garçon, avant de déposer un baiser sur ses deux petites joues rondes.

    Je fis un pas de côté pour révéler ma surprise. Il s'agissait d'une barque, taille enfant, avec un mât et une voile en triangle d'un blanc éclatant. L'engin était monté sur roue, ce qui permettrait à Thomas d'y jouer principalement sur la terre ferme, tout en se croyant sur l'eau. À l'intérieur, il y avait une petite canne à pêche, un petit seau, une petite épuisette, et un chapeau de paille. S'y trouvait également une chemise blanche et une paire de braies bleu foncé, adaptées à la taille de Thomas, quoi qu'un peu plus grandes pour qu'il puisse en profiter plus longtemps.

    – J'ai fait faire ça, bien sûr. Je ne l'ai pas construite moi-même, cette barque, expliquai-je aux parents.

    Était-ce assez bien pour mon filleul ? J'espérais que cela conviendrait autant au petit garçon qu'à ses parents.

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Maryah
Poussière, fatiguée de temps de jours de voyage et de quelques rencontres perturbatrices, mais elle était là. Enfin là. Deux semaines entières que Alicina n'avait pas répondu à son courrier, et l'ex Sanguinaire se faisait un sang d'encre ! A l'exception d'une pause de deux jours à Ventadour pour dormir, reprendre des forces, et récupérer un contrat au passage, elle ne s'était pas arrêtée, changeant de monture à chaque relais pour aller plus vite ... toujours plus vite.
On ne toucherait pas un seul cheveux de la si gentille Alicina, tant qu'elle serait en vie, foy de Maryah ! Et le foie aussi d'ailleurs, parce qu'elle n'avait pas pu trop boire, histoire de tenir en selle et d'éviter de s'égarer sur les chemins. De l'Anjou au Languedoc, elle avait cru voler tel un aigle.
On ne touchait pas à ses amis, c'était comme ça.

Quand elle était arrivée, elle avait été rassurée d'entendre que la Maire était en vie. Une gentille femme lui avait conseillé d'aller se restaurer, et lui avait indiqué une bonne auberge. Pas des moindres. La Bridée s'était fendue d'un énorme sourire en entendant le nom de celle ci, suivie de ceux d'Helona et de Pépin.

Voilà, elle y était. Et elle allait retrouver l'Insolent, le copain d'enfance avec qui elle avait commencé à brigander et à mentir, comme elle respirait. Elle allait aussi découvrir le fils de ce couple unique et follement amouraché, et puis elle retrouverait Ali, et allait faire la connaissance de Luna pour qui elle avait lettre et cadeau, et aussi des jumelles, dont la petite Héléna dont elle serait marraine.
La guerre c'était bien, mais avoir des amis ... ça n'avait pas de prix.

Et c'est donc les jambes lourdes, mais le cœur léger qu'elle fit une entrée détonante à la Brocélianguedoc ! Percy aurait ri à la simple évocation de ce nom si bien choisi. Elle ouvrit la porte à la volée, leva le bras bien haut tenant une lame courte, et déclama :


Me voilà !
Faites péter les tonneaux !
C'est ma tournée !


Entrée fracassante et théâtrale ? Nannn ... pensez-vous ...
Passez pour une grande gueule, ça aide à taire les fêlures ; et puis c'est mieux que de passer pour une gueule cassée.
The Show must go on !

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Pepin_lavergne
Le départ était pour dans deux semaines, désormais. Le temps filait à toute allure et les bagages étaient encore en cours. Preuve en était les malles en osier qui traînaient un peu partout dans l'auberge-maison du couple Lavergne. Pépin, cette fois, tenait à se montrer particulièrement prévoyant. On ne voyageait pas avec un petit garçon d'un an et une femme enceinte sans prévoir un minimum de trucs importants. Aussi empilait-il les uns par-dessus les autres des vêtements légers et des vêtements plus chauds - savait-on jamais - et des quantités industrielles de nourriture non périssable, en complément de celles déjà prévues par Hélona. Tout devait être parfait et sous contrôle, foi d'Auvergnat !

Aussi était-il en train de choisir ses bouteilles de vin lorsque la porte s'ouvrit à toute volée. Pépin sursauta, surpris d'être dérangé si violemment de ses activités innocentes. Il releva le nez, certain que ça ne pouvait pas être Alicina - jamais elle ne se serait montrée si brutale - et quasiment certain qu'Arnauld n'avait pas ce timbre de voix, même sous l'emprise de l'alcool. Et quelle ne fut pas sa surprise en reconnaissant la Bridée. L'Auvergnat esquissa un sourire en planquant ses bouteilles sous le comptoir - question de prudence, c'était élémentaire.


- Mais qu'est-ce que tu fiches là ? demanda-t-il comme s'il s'était quittés la veille. C'est fermé, ici, ma vieille. Fermé pour cause de propriétaires sur le point de s'en aller vers d'autres paysages.

Et de lui faire signe de s'asseoir à l'une des tables, en sortant une autre bouteille que celles qu'il avait mis de côté pour la route.

- Pose-toi et raconte ton plan.

Il s'y installa lui-même, ainsi que deux godets en bois, et remplit généreusement les bocks de la meilleure gentiane en sa possession.
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Maryah
Il avait dit non, l'ami d'enfance.
Mais Maryah n'avait pas dit son dernier mot. Elle avait réussi à convaincre Arnauld de rejoindre la milice, mais celui ci avait dit " pas toute la nuit, je dois rejoindre ma femme". Qu'Est-ce qu'ils avaient donc tous ces gars à vivre dans les jupons de leur femme ? Rhoooo ... On défend le village et ainsi, on assure la sécurité des siens. C'tait simple non ?!

Du coup, après la taverne, Maryah la manipulatrice, était venue retrouver Pépin qui devait avoir fini les achats au marché. Elle imaginait également en se pointant avant l'heure du repas pouvoir se faire inviter, et se joindre au repas familial. Vrai qu'il venait de lui apprendre qu'Hélona portait de nouveau un enfant d'eux, et Maryah avait hâte de faire la connaissance du petit Thomas, dont Ali lui avait vanté les mérites. Elle disait qu'il avait le même regard de Pépin, aussi malicieux que quand il s'apprêtait à faire des bêtises. Et Maryah avait encore parfois quelques difficultés à assimiler le physique d'homme de Pépin ; elle l'avait tellement apprécié quand il était gamin, que cette apparence la gênait parfois.


- Mais qu'est-ce que tu fiches là ? . C'est fermé, ici, ma vieille. Fermé pour cause de propriétaires sur le point de s'en aller vers d'autres paysages.
- J'viens voir un ami d'enfance ...


Elle lui lança un petit clin d'œil, retira sa cape et s'assit là où il le lui indiquait. C'était étrange de se retrouver là, en compagnie de gens qu'elle avait tant apprécié ... mais que la vie avait mis à distance. Son cœur d'enfant avait toujours envie de blaguer avec Pépin et de faire les cents coups ... mais il paraissait qu'ils étaient adultes maintenant ... et ça la faisait considérablement chier.
Elle avait aimé ces moments d'innocence, d'impulsivité, les blagues tordues dont ils abusaient encore et encore pour plumer un pigeon ... humain ou bête, et humain bête surtout. Elle aimait leur petit jeu de compétition qui les faisait aller toujours plus loin dans l'amusement et le danger ... Oui prendre des risques aux côtés de Pépin, c'était quelque chose qui ne lui faisait pas peur. Et elle comptait bien insister encore pour la milice. Même si la part adulte en elle, lui faisait remarquer qu'il attendait un second enfant, et qu'elle savait que la présence d'un père était très importante. Mais être sérieuse finirait par la tuer un jour ... toutes ses responsabilités, toutes ses réflexions, ses blessures .... merdeeeeeee Pépin c'était son copain d'enfance, celui qui lui avait fait oublier bien des misères, d'un simple sourire, d'une blague, d'une course ou même d'un bout de saucisson auvergnat. Et quand elle croisait ses yeux si bleus, elle se noyait dans leur vie d'enfants !

Et elle comptait bien profiter de ce moment en tête à tête, pour l'attirer dans de nouveaux mauvais plans. Après, quand elle verrait Hélona et Thomas, elle aurait tout le temps d'être sérieuse, protectrice et bienveillante.


-- Pose-toi et raconte ton plan.
- J'ai b'soin d'toi sur les remparts pour assurer mes arrières ... tu sais que j'peux faire plein de mauvaises choses, mais j'ai b'soin de travailler avec des gens que je connais. Et toi j'ai confiance ...
On en a plumé tellement ensemble ! On sait comment on agit, on s'protège en cas de mauvais coups, on connaît les feintes, on a nos p'tits signes pour communiquer sans un mot ... et on sait repérer le moment où faut s'barrer ...
On peut pas laisser Alicina passer pour une mauvaise mairesse. S'il y a des vilains dans l'coin, toi et moi on peut les mater ... sans cogner même, tu prendras pas de risques. On pourra les amadouer ... on était fort à ce jeu là ! Pour mentir aux gens et les laisser comme des couillons ...


Et de boire un coup et de lui lancer un p'tit clin d'œil suivi d'une grimace infantile, avant de reprendre plus légèrement :
Pis j'ai fait une rencontre en Limousin ... une femme qui a une maison icy ... Elle m'a demandé de m'en occuper ... m'a supplié même ... mais elle a malencontreusement oublié de m'en remettre les clés ...

Là c'est du pipeau et Pépin aura eu vite fait de le comprendre, au petit sourire en coin et à la bouille enfarinée de Maryah. Traduisez : j'suis sur un bon coup, faut que je force une maison ... et j'ai besoin de tes talents ...

Du coup, si tu m'aidais à forcer la serrure ... et je sais que tu fais ça très bien ... j'aurai un pied à terre icy et je pourrais enfin me reposer sans envahir personne. Parce que je doute que ta femme apprécierait que je dorme chez vous !

Repérez l'argument-clé pour que Maryah l'incite à forcer la serrure, sans qu'il puisse rechigner. Peste jusqu'au bout, à sautiller sur tous les points faibles. Le Sans Nom n'a pas hésité à lui refiler un paquet de qualités ... de ses qualités.

C't'une pouilleuse de Paris, j'bosse avec le Clan, elle dira rien ... Et pis flute, j'le vaux bien ! Et ce sera comme au bon vieux temps ... moitié moitié de tous les gains trouvés ...

Le sourire se fait insistant, convaincant. La voix baisse, alors qu'elle a bien vérifié que Hélona n'est pas dans les parages :
Comme au bon vieux temps ? J'peux compter sur toi l'Insolent ?

Bien sûr qu'elle jouait sur la fibre amicale et les souvenirs, le p'tit surnom des débuts ; et s'il disait oui à ça, alors elle pourrait faire LA demande qui était vraiment importante. Et dont elle ne pourrait pas se passer. Parce que s'il était père, elle était mère. Et elle ferait n'importe quoi pour son fils. Tout et n'importe quoi. Notamment demander à Pépin de se mettre en danger encore une autre fois ...
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Helona
2 juin 1464

    C'était aujourd'hui.

    Je n'en revenais pas. Je ne parvenais pas à croire qu'une telle chose était en train de se produire. Et j'étais pourtant convaincue, quelque part, que ce n'était pas réellement en train d'arriver. Toute ma vie durant, j'avais attendu ce moment. Je l'avais espéré avec une force qui n'avait cessé de croître. Chaque soir, lorsqu'il venait nous border, mon père nous contait les récits fabuleux de ses voyages au bout du monde. Et, chaque soir, nous l'implorions de nous parler encore de la cité sur la mer. C'est ainsi qu'il l'appelait. La ville n'était pourtant pas perdue, comme ça, au beau milieu de l'Océan, sans rien autour. Mais, disait-il, lorsque vous y arriviez en bateau, après des mois de voyage, et que vous aperceviez cette immense falaise de laquelle quelques fous s'autorisaient à sauter, c'était ce à quoi elle ressemblait. A une cité, perchée sur la mer.

    Agenouillée à même le sol, je contemplais avec émerveillement un bout de tissu coloré. C'était un foulard, d'une douceur incomparable, parce que je ne l'avais porté que durant un seul été. La saison d'après, mon père n'était pas revenu. Et le foulard n'était plus ressorti de la malle. Je ne l'avais jamais montré à Pépin, ne lui en avait jamais parlé. C'était comme un secret, que je partageais, seule, avec mon père disparu. Le dernier cadeau qu'il m'ait rapporté, venu tout droit d'Alexandrie. Il était, à présent, tout juste posé sur mes genoux. Je n'osais pas le serrer entre mes doigts, de peur qu'il ne se dissolve au contact de ma peau. J'en avais la gorge serrée et l'estomac noué. Et je ne pouvais m'empêcher de conserver l'espoir un peu fou que ce voyage me mènerait tout droit vers celui qui me l'avait offert. Bien-sûr, je n'avais jamais avoué une telle chose à qui que ce soit. Mais je n'en avais plus besoin. Puisque cette fois, nous allions partir pour de bon.

    Finalement, je reposais précautionneusement le foulard dans la malle, déjà pleine à craquer, et la refermais. Elle contenait la quasi-totalité de mes vêtements, du moins ceux dont je pourrais avoir besoin. Elle rejoindrait bientôt, dans l'entrée, la malle contenant les affaires de Thomas et de la Crevette à venir, ainsi que la malle contenant les affaires de Pépin. Pour chacun, des vêtements légers, mais amples et longs pour nous protéger du soleil. Quelques couvertures, également, pour être plus confortablement installés dans ce qui serait notre coin "nuit". Un grand chapeau aux bords larges trônait sur mes cheveux, que j'avais laissé lâches, dans mon dos. Le but étant de ne pas finir avec un visage écarlate après deux jours en mer. Pour la tenue, j'avais revêtu une longue jupe jaune, étincelante comme un soleil d'été. Le tissu était léger et ne risquait pas de me coller à la peau. Un bustier dans les tons fauves enserrait ma poitrine, et mes poignets n'avaient jamais été si encombrés de rubans. Des rouges, des jaunes, des beiges, des blancs, des oranges... Tous dans les mêmes tons rappelant l'été.

    Depuis combien d'années ne m'étais-je plus sentie si légère ? Si infiniment convaincue de faire la seule chose dont j'avais besoin, la seule chose qu'il me fallait réellement ?

    La veille, tout le jour et toute la nuit durant, j'avais laissé chaque fenêtre grande ouverte, ainsi que les volets. La seule exception ayant été dans la chambre de Thomas, car je craignais qu'il n'attrape froid. Mais tout le reste de l'auberge avait été longuement aéré. J'avais secoué les draps, les voilages, battus les tapis, rangé dans les armoires fermées à clé tout ce que nous n'emporterions pas. J'avais fait la poussière, balayé et lessivé le sol et même, nettoyé les fenêtres. L'intégralité des placards avait été vidée, et les vivres restants apportés chez Arnauld et Actyss, afin que rien ne soit perdu.

    La tâche la plus ardue avait certainement été de décider du sort de toute notre ménagerie. Edgar voyagerait avec nous. Un oiseau ne prenait guère de place et il était le seul capable de, peut-être, faire parvenir nos missives à terre. Je décidais également d'emporter Victor, ma grenouille. Parce qu'il ne prendrait pas de place non plus, et que j'avais bon espoir qu'une demoiselle de la cité sur la mer tombe sous son charme, l'embrasse, et le transforme en prince. Ainsi, Victor deviendrait le prince d'Alexandrie, ce serait fabuleux. Alors il venait. Pour le reste, en revanche... J'avais tous du consentir à les laisser derrière-moi.

    Fort heureusement, Solange et son mari Bertrand vivaient non loin de chez nous et possédaient une grande ferme qu'ils étaient très heureux de partager. Ils avaient accepté de prendre soin de toutes nos bêtes, si nous leur rapportions quelques souvenirs de notre voyage. Ce que j'avais promis de faire, bien entendu. Ils avaient également accepté de m'écrire régulièrement, pour me rassurer sur leur état. Notre maison, en somme, n'avait jamais été si vide, et la leur si pleine.

    Les volets et les fenêtres étaient clos, à présent, et l'auberge me parut sereine. Il y régnait une atmosphère apaisante, comme si le lieu semblait savoir qu'il serait voué au calme le plus total pour les mois à venir. Comme si l'auberge elle-même s'apprêtait à entrer en hibernation, juste avant l'été. Et j'avais la certitude, pour une fois, que ce n'était pas un adieu. Que nous reviendrions ici. Que Thomas retrouverait son lit, et nous le notre. Que j'aurais des tas de nouvelles merveilles à accrocher sur les murs, des choses fabuleuses pour remplir mes placards et faire briller les yeux des visiteurs, lorsque l'auberge ouvrirait de nouveau ses portes.

    Et ce fut forte de cette promesse, les yeux brillants d'émotion, que je me relevais tout à fait, saisissant la poignée de la malle qui contenait mes dernières affaires.

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
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