[Dijon... Les remparts, le 8... dès potron-minet]
Les champs de batailles se ressemblent tous... Draînant leur cohorte de misère, de détresse et de dérision.
Ceux que j'avais arpentés depuis l'Irlande me laissaient toujours un goût amer... vainqueurs ou vaincus arboraient tous le même visage désabusé.
Je n'échappais pas à cet état d'âme tant la vanité des Hommes me laissait désemparé et, ce matin-là, alors que ma Sirène et moi chevauchions aux abords de Dijon, nous venions de quitter le Campement afin de venir aux nouvelles à Dijon et nous étions partis à l'aube, profitant ainsi de la fraîcheur matinale préludant sans aucun doute à une journée torride, nous n'osions échanger un mot tant le silence au pied des remparts était oppressant.
Un silence de Mort... expression plus exacte que jamais au vu des corps jonchant le théâtre des combats.
Silence ?... Non, pas vraiment... de loin en loin, un gémissement, un appel sourd, douloureux... Des hennissements plaintifs de chevaux blessés.
Quelques silhouette déambulant, courbées... sans doute à le recherche d'un être cher... mort... blessé dans le meilleur des cas... encore que...
Déjà, dans le ciel, quelques sinistres volatiles fossoyeurs - des corbeaux - se délectant à l'avance des charognes qu'ils allaient, tout à l'heure pouvoir fouiller de leurs becs avides.
Azzera me regardait, frissonnante... On a beau être un combattant émérite, le spectacle de cette désolation reste éprouvant une fois que l'ardeur du combat retombe.
Déjà, une odeur faite de relents de sang, de sueur, de cuir et de cendre planait sur les lieux, préludant à celle, plus sinistre encore, des corps en décomposition.
A mesure que nous approchions des remparts, les débris de toute sortes s'accumulaient davantage... Sinistres vestiges d'un combat sans merci... Pièces d'armures dont certaines renfermaient les restes sanguinolents de morceaux humains... çà et là... une tête casquée séparée de son corps gisant à quelques pas... Une main tranchée serrant encore désespérément une bâtarde émoussée... poursuivant sans doute un combat imaginaires sur les rives du Styx...
Je jetais, de temps à autres, un regard à ma Sirène... Lèvres serrées, narines pincées dans un rictus que je ne lui connaissais pas, mais dont je savais la cause.
Très pâle, elle se tenait droite en selle. Brave et courageuse. Je la savais sensible à la détresse humaine, même si elle pouvait s'avérer une combattante redoutable, elle n'en restait pas moins une femme de coeur. Et je savais que ce spectacle, quoi que familier pour elle, ne la laissait pas indifférente, mais attristée.
Dieu que la vanité humaine est chose lamentable qui engendre de telles misères !
Non loin de nous, une femme échevelée en haillons, l'épée à la main, se penchait sur une forme humaine...
Mon sang ne fit qu'un tour... cherchait-elle à achever quelqu'un ?...
Un coup d'oeil à Azzera... tourner bride et, au petit galop, suivi de près de ma Sirène, cherchant à atteindre l'endroit du drame, la main déjà posée sur ma bâtarde.
La femme soudain se précipite sur la porte des remparts en tambourinant furieusement :
- Un médicastre ! Chiens galeux envoyez moi un médicastre..vous lavez laissez crever ici..vous le paierez.
A portée de voix enfin, je hèle :
- Hola...Que se passe-t-il ici ?...
La femme se tourne vers nous... surprise... les yeux brillants, la main déjà posée sur la poignée de sa lame... Prête à vendre chèrement sa misérable carcasse.
Je ne sais qui elle est, ni ce qu'elle fait là... Nous nous regardons furtivement Azz et moi... Dans son regard, je lis la confiance.
Rassuré, je me tourne vers la femme, levant la dextre en un signe apaisant :
- Calmez-vous...Nous ne vous voulons aucun mal... Pourquoi un médicastre ?... Etes-vous blessée ?
Subitement, nouvelle volte-face... Nous percevons un gémissement plus fort provenant de l'endroit où se trouve le corps... La femme se retourne et, sans plus se préoccuper de ,nous, se précipite auprès de la blessée... Doucement, nous la suivons...