Actyss
Instants de vie d'un couple, dont la femme est guérisseuse et le mari menuisier.
* Formule réputée magique pour les couples qui désirent vivre heureux, et mourir très vieux main dans la main.
* Formule réputée magique pour les couples qui désirent vivre heureux, et mourir très vieux main dans la main.
Le 11 Septembre 1464
La mi-Septembre est sur le point de sonner, et avec elle, le début de la saison des pluies. Aujourd'hui pourtant, il ne pleut pas. Le ciel est d'un gris uniforme, un peu morne, à peine de-ci de-là quelques taches plus claires pour rompre la monotonie. Il fallait bien s'y attendre, l'automne approche à grands pas. Il est encore trop tôt pour allumer un feu, même si j'ai tanné Arnauld pour qu'il commence à faire une réserve de bois pour l'hiver. Ce qui peut paraître étonnant, vu que je n'ai jamais froid. Ce n'est pas pour moi que je m'inquiète, cependant. Morgane n'a que quelques mois, elle est encore fragile. Et puisqu'on vit dans une maison, autant faire en sorte que tout s'y passe bien.
Maman arrive dans deux jours. J'ai annoncé ça tout à fait tranquillement à Arnauld un peu plus tôt dans la journée. Autant dire qu'il n'a pas pris ça comme une bonne nouvelle. Il pensait aux détails techniques d'un couple qui passe les trois quarts de son temps à s'arracher leurs vêtements. Mais pour Maman, j'étais prête à me faire nonne pendant trois mois. Je fronce le nez à cette pensée, et cesse un instant de déplier le drap que je destine à la chambre de Morgane, qui sera, le temps de leur séjour, celle de Maman et Bernard. Trois mois, ça risque de faire long, d'autant qu'il suffit à Arnauld de passer le pas d'une porte pour que je ressente le désir brusque et immédiat de l'attirer dans un coin tranquille pour qu'il me fasse des choses d'une telle indécence que j'en rougis aussitôt. Oh mon Dieu, songé-je en secouant la tête pour chasser les images de mon mari entièrement nu de mon esprit. Il faut vraiment que je me calme.
Morgane, elle, dormira dans son berceau, juste devant la cheminée de notre chambre. Le plus loin possible du lit. Non pas que je ne supporte pas sa présence, tout au contraire. Mais je suis affreusement gênée de la savoir proche au moment où Arnauld et moi... J'ai même installé des rideaux autour de son petit berceau, comme un lit à baldaquins miniature. Au moins, si ça ne l'empêchait pas d'entendre, j'étais certaine qu'elle ne voyait rien. Je comptais un peu sur Maman pour la prendre avec elle le plus de nuit possible. Du moment que ma fille était dans la même maison que moi, je pouvais supporter un peu d'éloignement. Surtout si c'était pour me rapprocher significativement de son père.
Une fois la chambre prête et le lit arrangé, je sors de la pièce, et me hâte d'aller vérifier que Morgane dort encore. Dès qu'elle sera réveillée, ce sera l'heure de son bain. L'eau est déjà en train de chauffer doucement, au-dessus des flammes d'un brasero. Au jugé, j'estime qu'elle en a encore pour une bonne heure de sommeil. Ce qui me laisse le temps de faire le tour de la maison pour m'assurer que rien ne manque. Nous avons suffisamment de réserve pour nourrir quatre adultes pendant une dizaine de jours, ce qui me rassure grandement. J'ai, dans un coffre, le nécessaire pour soigner les premiers maux de l'automne, qui charriera comme de coutume son lot de rhumes et de toux. Maman sera satisfaite, d'autant que je compte lui faire visiter mon atelier.
Je m'apprête à sortir les huiles pour baigner Morgane quand la porte de la maison que nous louons s'ouvre soudainement. Arnauld rentre, avec ses cheveux en bataille, ses yeux bruns et son sourire irrésistible. Sourire auquel je ne fais même pas mine de résister, d'ailleurs. Un vague coup dil vers la chambre où va dormir Maman et au berceau de Morgane qui s'y trouve encore, achève de me décider. Je m'approche de mon mari, le tire par le col jusqu'au lit, et entreprend de lui ôter chacun des vêtements qu'il s'obstine à porter. Après tout, c'est dimanche, pensé-je plus ou moins en me retrouvant entièrement nue sur le lit. C'est le jour du Seigneur. Et il est largement temps d'aller lui rendre visite par le seul moyen le plus incroyablement et merveilleusement parfait que je connaisse. Arnauld.
Plus tard, bien plus tard, alors que nos jambes sont encore emmêlées et que j'ai la joue posée sur l'épaule d'Arnauld, que mes doigts sont occupés à lui caresser voluptueusement la nuque, et que le silence règne dans la maison, je relève le nez vers lui, les yeux encore brillants et les joues toujours rouges, et je lui souris d'un air si heureux qu'il doit fatalement le remarquer.
« Pour te répondre, à retardement, à une remarque d'hier... Je sais que tu t'interroges là-dessus, mais... Oui, Arnauld. Tu me fais nager dans le bonheur. »
Alors, je dépose un baiser sur son épaule, et me blottis dans ses bras. Visiblement, je n'ai pas exactement l'intention d'en bouger avant un bon moment. Et je décide, en traçant du bout de l'index une ligne partant de son cou à son nombril, que la vie sera comme ça tous les jours.