Antoine..
Citation:
Paris, le 5 du mois de lAnnonciation, 1464.
La fin de lhiver nannonce pas encore les temps tant attendus par les déserteurs entre leurs cinq murs. Des chemins jusquaux portes de la Haute Ville, cette Capitale dont on ne parle quen murmures ; les temps ont gâtés les voyageurs et les arpenteurs qui de leurs efforts quittent la campagne pour rejoindre lenceinte. Une cité qui accueille avec ouverture de bras les aimés espions, troubles, séducteurs, tueurs, traitres, déserteurs dautres Empire qui se cherchent une nouvelle mère à téter de leurs fausses lèvres charnues. Paris, dont la scène aux courants et coulées carmine décore le laurier de la justice, aux épreuves des balistes et des sièges, une nouvelle Constantinople dont les Hauts Nobles ne connaissent ni compassions et ni sourires et encore moins la douleur de la faim. Un tapis de nuage irrégulier prive les petites têtes de leurs aurores malsaines dans les alcôves à tromper leurs maris abusant déjà du siècle dune nouvelle naissance. Une peau grisâtre, blanche, et parfois noire grondant toujours plus fort sous les dèmes annonciateurs de pluies, torrents et tourments. Une langue non parlée, la pluie se laisse abattre sur les toits, une pluie de flèches des cieux, cassante, bruyante et inlassable. Lacharnement sur les ruines que laisse lhiver, les gamins courent dans les rues se prenant pour des Capitaines aux long court, dautre assoiffés sont cambré et à genoux pour gouter leau, la boire, celle ci déjà salie par leur voyage dans les caniveaux. Depuis les vitraux des maisons, les paumes froides se collent contre, les regards brumeux et triste à regarder pour la première fois Paris, lîle cannibale. Les filets deau descende en dépais fils blancs sans fin, percutant le sol et dansé, animé tel un orchestre céleste ; les cuivres rugissements rauques des quidams accompagnés des percussions lourdes et sonnantes la garde appuyant le pas de leur étincelante et éternelles armures de cristal -paraissent elles- chassant les rats et vermines des ruelles de pavés. Ces cordes, les petites gouttelettes échappées qui ne cessent de tomber contre les rebords de fenêtres, contre le bois ou accompagné des plaintes du bois sous le vent qui grogne sourdement. Enfin, le bois lentier mélange des bruits de rues : le marché sous la pluie, les bouffons rouges et verts dansants sous les cliquetis de leurs clochettes, les trompettistes appelant à lécoute lorateur ou la gueulante annonçant le programme des prochains baiseurs de culs. La déchéance de la saison offre de belles occasions de pleurer derrière le miroir de lHumanité, mais ne fait pas le don de morale, elle permet quaux bons et nobles intellects dâme et de cur de naître enfin.
Tard dans la nuit, le ciel qui était dencre bleu mort devint en quelques remous le grisâtre ce que connaîtrait la journée. Depuis les chemins, un homme vêtu de lhabit noir et accompagné de quelques autres marcheurs sapprochaient de la grande herse qui souvrait afin daccueillir le flux logistique quotidien permettant au tableau dIngres quétait Paris, doffrir aux étrangers le mythe dune vie éternelle. Antoine avait quitté la terre des Limougeauds pour ne garder quen vue le chemin quAristote lui permettait encore de voir. Il émanait de lui la maladie, la souffrance silencieuse mais un calme de sage. Il contenait ses manières, des larmes invisibles peignaient ses joues de craie de salines amères. Le Seigneur de Saint Domet, savait se déplacer et maugréer comme les pochtrons, vilains et se laisser camoufler dans le flot quils formaient. Passant le passage, le flux et la mouvance devint plus lente, lourde et blessante pour le Szadig qui de lentonnoir que formaient les haltes régulières des gardes, il put se glisser entre deux carrures germanistes que même le Très Haut noserait leur demander le patronyme. Antoine se sentait non plus libre mais en constante surveillance. Il était vêtu de son habituel chapeau noir comme du jais, un col en fourrure offrant une étreinte chaude et confortable, un mantel noir ceinturé dun cuir sombre. Des braies noirs rentrées dans de belles bottes aux lacets paraissant de lyn. Les vagues inlassables de la pluie venaient entre temps sabattre sur la visière de son couvre-chef, permettant une ombre sur son visage. Un visage qui paraissait mourir.
Antoine navait pas été vu depuis déjà des semaines, et ces absences lui avaient déjà dévoré la vie. Certains détails laissant à voir lappauvrissement de la jeunesse, de lAdonis que certaines femmes avaient pu connaître, sentir le musc sur leurs peaux en lespace dune nuit de miel. Ses joues étaient habillées dune barbe entretenue de fortune, la peau irritée et nuancée de couleur tendant vers le teint livide. Les pattes de cheveux quarboraient ses joues se désertaient par endroit de poils et lorsque le Seigneur penchait du torse lavantage de la discrétion se perdait donnant sur des cernes de folies, rouges et un regard épuisé et maladif. Pourtant sa carrure lui permettait de marcher sans être un de ces morts marcheurs attirant les esprits mauvais. Il fit une halte soudaine, le corps en arrêt, sans tomber. Son museau séleva doucement vers le ciel laissant la pluie couvrir, laver, espérant et croyant aux paroles dune veille avec une certaine Kierkegaard. Il sera bousculé parfois, se rattrapant contre un mur, ou une épaule plus sûre maugréant dune faiblesse ses plates excuses, la cime du dos courbée regardant de nouveau la nappe, à lécart des flux. Ferme ses orbites brûlés estompant le marbre qui sadore, renifle doucement apaisé pour quelques instants, le visage découvert pour lAristote.
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{Amaterasu}
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