--Mere_maquerelle
La guerre qui couve attire beaucoup de monde dans la capitale, dont Ursula, mère maquerelle de son état, et ses filles. C'est qu'il faut égayer le soldat, lui permettre de monter à l'assaut des cuisses de jouvencelles peu farouches avant que ne vienne l'heure des combats pour laisser la paix aux chastes angevines qui veulent garder intacte leur vertu jusqu'au mariage. Ursula était arrivée un petit matin juchée sur le banc du carrosse qu'elle conduisait d'une main experte. Elle avait croisé les gardes des remparts, les saluant d'un sourire sans équivoque exhibant décolleté plongeant et mettant ses atouts en avant. A ses côtés, un colosse au crâne rasé et muscles saillants donnait l'impression de somnoler. Derrière ses paupières mi-closes, Duncan, car c'était son nom, veillait à ce que sur les routes tout se passe bien pour Ursula et sa précieuse cargaison : ses filles.
Ursula était une femme plantureuse, aux rondeurs généreuses et accueillante, ses cheveux à la couleur indéfinissable étaient passés par de nombreuses teintures. Des yeux noirs de jais sondaient ceux qu'ils dévisageaient en une fraction de seconde, lui permettant d'assouvir les désirs les plus inavouables et les plus inavoués. Elle aimait prendre soin de sa clientèle, satisfaire le moindre des désirs, qu'ils soient formulés ou pas.
Dans la brume de cette aube du mois de mars, Ursula trouva une maison correcte à acheter et où elle pourrait monter son commerce. La demeure, plutôt coquette se trouvait au fond de la rue Cornet, au niveau de celle des Poelliers, non loin d'une taverne nommée « Canard laquais ». Il lui fallu plusieurs jours pour agencer sa maison avec l'aide de ses filles. La porte était masquée par une lourde tenture de velours rouge, le même tissus décorait les fenêtres. Les lourds rideaux de velours avaient deux raisons : masquer ce qui se passait à l'intérieur et susciter la curiosité des passants.
A l'extérieur, une enseigne peinte de jolies lettres et annonçant « Le boudoir de soi » contribuait au mystère de l'établissement. Près de la porte, un parchemin annonçait les menus :
Salade de museaux
Cuisses de poulettes à farcir
Douceurs d'Ursula confites
Liqueurs langoureuses
Le tout à volonté selon vos écus et deniers.
Ursula était plutôt fière de son menu sans équivoque. Une fois que le curieux passait la porte, il se devait de soulever la lourde tenture qui lui masquait la salle, ce geste accomplis, ses yeux devaient s'habituer à la lumière tamisée de l'établissement. Cette ambiance était voulue, elle mettait les gens à l'aise. Le bas était occupé par une unique grande pièce, parsemée dalcôves où ses filles montraient aux clients les prémices de ce qui les attendaient s'ils montaient dans les chambres. Chaque alcôve était masquée par un paravent, donnant plus d'intimité à ceux qui s'y blotissaient.
Un bar courrait le long d'un mur vêtu d'étagères garnies de bouteilles diverses et variées. Entre deux étagères la porte menant à la cuisine où Ursula et ses filles concoctaient de quoi régaler leurs convives, selon l'heure à laquelle vous arriviez, vous pouviez humer les odeurs s'échappant des fourneaux ou de l'âtre. Ursula considérait chaque client comme un invité qu'elle aimait recevoir en grand. Tout dans cette pièce appelait au luxe et à la volupté dans une ambiance feutrée. Le seul détail qui aurait pu choquer était le colosse qui se tenait assis près de la porte. Duncan, avait pour mission de veiller à ce que les clients se comportent correctement avec les filles. Ici pas de violence, juste du plaisir à toutes heures. Ainsi se déroulait la vie « Au boudoir de soi ».