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[RP] Le Trésor des Montfort - Part.1

L_aconit


[Par delà les frontières bretonnes, dans le clan Montfort, on fait état d'un Trésor dont la trace s'est perdue en Domaine Royal, voilà des années... Missionné par le Prince de Retz, l'Aconit est envoyé en Alençonnais pour mettre la main sur un précieux document.]



Dans la foule, les traits physiques du jeune homme dénotent avec la populace locale. Sa peau est plus pâle que celle des autres, comme si la morsure du soleil peinait à s'y imprimer. Ses cheveux sont longs, et blonds, et ses yeux très bleus. Nordiques. Comme un tableau à l'aquarelle, aux nuances bien diluées, il inspire immédiatement la gentillesse... Le visage est intensément doux, sans vraies arrêtes, et ses lèvres claires s'étirent en un léger sourire parfois, androgyne. Dix sept ans... N'est-ce pas le bel âge? Regardez-le, le pas svelte, ce vif argent se noyer dans la masse un jour de marché bruyant. On lui cèderait le bon dieu, à cet enfant de personne qui devient partout où il passe ; fils de tout le monde.

Pourtant, la main se faufile l'air de rien, dans les poches voisines. Les yeux disent adieu, étirés d'un sourire quand les doigts disent merci. Aconit porte son nom, chargé sous la fourrure de quelques fioles de poison. Sous la manche brodée , propre et bien ourlée se repose le poinçon. Une éducation militaire aux cotés de son Maître, son Mentor , ce non-Père. Un prince bien exigeant, qu'il protège comme un lion lorsqu'il est dans son giron. L'enfant s'est forgé de toute son éducation, ses guerres, ses amantes, ses travers et ses déraisons. Taliesyn ne lui a pas fait de cadeaux. En atteste sa dernière mésaventure, à récurer les étuves des soldats bretons pour lui défendre de retrouver le goût de l'aventure... Et qui sait aussi, un peu, se moquer de son penchant . Nicolas ne s'en plaindra pas, bienheureux de ne pas avoir été pendu pour ce simple dévoilement. Le prince était dur, mais sans doute aussi un peu, prisonnier de son attachement.

Le breton cherche le regard de son compagnon. La présence qui rassure, et tait toutes ses hésitations. Car l'affaire n'est pas mince, et pour passer les murs l'Aconit n'as pas tous les talents. Si l'autre lui avait appris à chaparder, il n'avait pas encore appris à ouvrir les portes qui ne lui étaient pas réservées.


- Je récapitule. Je fais diversion. Tu ouvres la, ou les portes... Puis.. HO! Doucement !


Un pauvre paysan le bouscule, lui faisant perdre le fil de la conversation.


- Enfin. Je me demande si agir à l'heure du repas est la meilleure chose à faire...


Et les mèches blondes barrant le visage ne cachent en rien sa nervosité. Couper des tendons dans la mêlée, déstabiliser l'ennemi sur un campement de guerre, trouver mille ingéniosités pour se venger de Yulia la Cerbère du Prince, jeune homme savait. Mais cambrioler un bâtiment officiel relevait d'une première, et dieu savait combien les premières fois étaient... Teintées d'incertitudes.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Imbault
Comme à son habitude, Imbault s'était levé très tôt, ce jour-là. L'aube pointait son nez sur les toits irréguliers de la bonne cité d'Alençon et déjà la rumeur des rues boueuses et encombrées parvenait jusqu'aux fenêtres de l'hôtel de Fourchaux. Le jeune prince aimait particulièrement ces matins froids où ne crépitaient plus que quelques rares braises dans l'âtre béant de la cheminée. Ces matins-là avaient l'odeur du possible et le jeune homme se plaisait à penser que tout pouvait arriver, à n'importe quel moment.
Le soir revêtait une toute autre signification pour lui: il était synonyme de fin, coup de marteau sur la vacuité d'une journée de plus sur la terre. Toutefois, Imbault se plaisait à jeter sur la vie un regard las et désabusé, parvenant ainsi à se construire, et se donnant une contenance dont il manquait cruellement.

Ainsi, le jeune prince prit un repas frugal, sur le coin d'un secrétaire: quelques dattes et une épaisse soupe de pois furent avalées rapidement. Déjà, son valet s'était précipité pour le vêtir. L'emploi du temps d'Imbault restait réglé comme du papier à musique, chaque jour était destiné à une occupation particulière, tout au moins les jours réservés à d'exceptionnelles occupations étaient si rares que son valet de chambre n'avait pas besoin d'indications pour lui choisir un habit. Ainsi, ce jour, Imbault porterait un pourpoint cramoisi de coupe simple et des hauts-de-chusses assortis. Comme son rang l'exigeait, il porterait son épée au côté, et, se rendant au château des ducs d'Alençon, il porterait son collier dynaste.

Prestement attifé, le diplomate fît préparer son cheval et quitta l'hôtel de Fourchaux au petit trot. Bien vite, son train fût ralenti, et comme il exécrait de se faire accompagner d'hommes d'arme pour écarter la foule, Imbault fût contraint de se faufiler entre charrettes et chars à bras, se fondant ainsi dans la populace de la capitale alençonnaise. Fort heureusement, il arriva aux portes du castel des ducs fort propre; son cheval en revanche avait les pattes maculées de boue et d'excrément.
Hélant un palefrenier, le prince s'engouffra dans la tour Giroye par une étroite porte se trouvant en hauteur et à laquelle on accédait par un escalier de bois branlant. Le fort des ducs d'Alençon était une forteresse grise et imposante. L'édifice de constitution fort massive concentrait en ses tours et ailes la grande majorité des institutions du duché. Le confort qu'il proposait était rustique et les seules pièces dignes d'un intérêt quelconque étaient le logis du duc, la grand salle et la chapelle. Du sol et des geôles en sous-sol, aérées par de sinistres soupiraux exhalaient de terribles odeurs; et qui s'y penchait, pouvait entendre les râles des prisonniers agonisant ou subissant la question.

Il y avait peu de monde, dans les couloirs de la chancellerie saint-Louis, comme toujours. La diplomatie n'attirait guère, et Imbault lui-même n'avait été que fort peu assidu à ses offices depuis sa nomination. Mais le jeune homme entendait changer la donne, voilà pourquoi qui pénétrerait dans son office, le trouverait penché sur un quelconque rapport, assis à la table de son secrétaire, éclairé par la maigre lueur d'une chandelle de suif et pauvrement réchauffé par le feu naissant de la cheminée.

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Ansoald
Nicolas était devenu impossible. Davantage que lui-même. Pas une poche qui ne résistât à ses tentations de larcin. La moindre interstice voyait les doigts hyalins se glisser furtivement dans l'espace et en tirer quelque butin. Monnaie de singe, sifflet de bois, plume de pie, et autres colifichets composaient son grisbi. Ansoald retrouvait en Nicolas la passion de son année de baptême, quand ces maigres rapines euphorisaient à loisir ces journées. A nouveau, il se laissait tenter par ces petits succès, savoureuses madeleines, et ils rivalisaient parfois, poche droite, poche gauche, canif pour l'un, fourreau pour l'autre. Bien entendu, certains, plus vifs ou plus chanceux, les prenaient la main dans le sac. Conséquence immédiate, à charge pour l'un de bousculer la victime de l'autre ou de trouver la meilleure parade pour qu'ils s'en tirent sans dommage. Et sans états d'âme. A ce jeu, ils connaissaient les règles. Pas de pitié pour la canaille, pour la moindre babiole ils risquaient des horions ou les geôles. La prise de décisions devait être instinctive, la célérité d'action devenait essentielle au succès, la complicité des acolytes se réglait au battement de coeur près.

Seulement, en ce jour gris et venteux de Novembre, autre chose se jouait. Il ne s'agissait plus d'ébouriffer les poches des hères sur le chemin. Le prince de Retz avait décidé de confier à son écuyer une sale besogne de la plus haute importance: cambrioler la Chancellerie Saint-Louis pour y dérober de la paperasse d'une grande valeur. Ce fameux prince qui, quelques semaines auparavant, avait ordonné qu'on exécutât Anso sous les yeux de Nicolas....Et voilà le larron qui marchait en mission pour l'aristocrate breton aux côtés du blondin, les poings fermés au fond des poches, le front décidé et le sourire bien rare. Une seule chose le motivait, autre que de protéger la vie de son spadassin: la perspective de voir Talieslyn lui être redevable. A vrai dire, Ansoald ne savait pas encore ce qu'il exigerait en échange de ces précieux documents. Déjà, les avoir en main ne serait pas une mince affaire. La diplomatie viendrait après le cambriolage de la Chancellerie.

Pour une raison obscure aux yeux d'Ansoald, les comparses disposaient de peu de temps. Nicolas avait jeté à la hâte les bases d'un plan pour le moins bordélique. Ansoald avait imposé une chose, une seule: l'heure du crime. Voyant que le blondin se rongeait les ongles jusqu'au coude, il accola à ses épaules une caresse réconfortante, et ses lèvres chuchotèrent à son oreille:


Comme je te l'ai déjà dit, à midi les gardes ne pensent qu'à faire bombance, car la solde est maigre mais la cuisine fameuse au sein de la forteresse. Or, l'ambassadeur est la sobriété faite homme: il saute toujours le repas de midi pour travailler au calme dans son bureau. A ce moment-là, il sera seul...Et vulnérable.

Il rangea les mèches blondes folles sous le peigne de ses doigts comme on joue d'une harpe. La lenteur de son geste contrastait avec l'agitation qui animait le corps de Nicolas. La diversion auprès des gardes restés en faction exigeait un sang-froid à toute épreuve. Il ajouta, à mots comptés:

Souviens-toi, une fois à l'intérieur, j'ouvrirai la croisée qui se trouve à l'ombre de cet arbre que nous avons repéré. Il faudra que tu t'assures, une fois ton petit numéro terminé, que les gardes te laisseront tranquille pour te balader dans le parc, et que personne, absolument personne ne te voit entrer par là. La suite sera plus facile : qui se méfiera de gens que les gardes de la porte ont laissé entrer?
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L_aconit
Le blond opine, pas vraiment inspiré par la manoeuvre. Au mieux, ils finiront au pilori, au pire, au bûcher. La vie n'est pas tendre avec ceux qui jouent avec le feu. L'Aconit et Ansoald sont de ceux là, deux compères malicieux mais pas toujours bien accordés, l'expérience de l'un ne sauvant pas toujours l'audace de l'autre...

Se faisant un sang d'encre, tel le petit chevalier allant au devant d'un dragon qui dort sur un trésor fabuleux, Nicolas s'avance, mains dans les poches jusqu'à l'entrée du palais des ducs d'Alençon, s'attendant à l'armada suspicieuse que l'ont suppose à la garde d'un tel duché et de ses trésors... Mais..

Rien.

    Enfin. Si.


Un garde.

Plutôt vieux, et plutôt somnolent, armé jusqu'aux dents. Seul. L'aubaine. Soudain vaillant comme deux hommes, le blond se met à courir à petites foulées au devant de ce garde peu imposant, comme s'il allait l'affronter. Y mettant tout son talent, il l'apostrophe avec agitation:


L'Aconit: Germain ! Allons ! Avez-vous fait comme le Duc l'a prestement mandé?
L'Ansoald : (arrive derrière, imitant le blond) Oui! Avez-vous fait?!
Le garde reste interdit, surpris de l'arrivée de nulle part de ces deux zigotos.
L'Aconit: ( le saisit au col, visiblement paniqué) Germain enfin! Ne me dites pas que ...?
L'Ansoald : ( voix étranglée) Il n'a point fait!
L'Aconit: ( secouant le pauvre garde comme un beau diable ) Vous n'avez point fait?!
Le garde : ( se dégageant du blond, pestant, quoi qu'un peu affolé ) Je n'ai p... Hé! Je ne suis pas Germain! Je ne connais pas ce Germain! Arrière!
L'Aconit: ( incrédule) Il n'est pas Germain.
L'Ansoald : ( fataliste ) Il ne connait pas Germain.
L'Aconit: ( serrant d'une main nerveuse l'habit du garde sur la poitrine ) Il n'a point fait non plus.
L'Ansoald : ( murmurant assez fort pour que le garde l'entende ) Il va être pendouillé. Et la coquine du duc, qui va arriver d'une minute à l'autre... Maaalheur...
L'Aconit: ( acquiesce puis s'interrompt. Vaguement surpris) Oui la co... quine du Duc, Palsambleu!
Le garde de l'un à l'autre, ne sait plus bien.

L'Ansoald : ( tourne autour d'un obstacle imaginaire, tourmenté ) Imaginez-donc, qu'elle arrive et que rien n'a été préparé.
L'Aconit: ( en fait des caisses, se faisant violence pour masquer son hilarité ) Seigneur, Germain est un homme mort. (pointe le garde de l'index) Et vous aussi ! Mais allons! Ne restez pas là ainsi! ELLE ARRIVE JE VOUS DIS!
Le garde: Mais... Je ne .. Personne ne m'a rien dit !

L'Ansoald : ( voix grave et désabusée ) Alors c'est la fin mon pauvre ami. D'ailleurs, vous n'avez pas d'amis. C'est évident.
L'Aconit: ( fait mine de réfléchir ) Le Germain devait vouloir vous faire du tort, il déteste qu'on mette un autre que lui en devanture. Il ne vous aurait pas fait prévenir sans doute...
L'Ansoald : ( secouant un peu la tête) On m'avait pourtant dit du bien de vous... Mais que vous étiez sourd comme un pot. Peut-être n'avez vous rien entendu de la consigne.
L'Aconit: Si le Germain sait et que vous ne savez pas, mais que nous savons aussi, c'est votre chance, nous arrivons à temps pour vous le faire savoir.
L'Ansoald : C'est qu'on sait quand on a vécu, mais qu'on ne sait jamais quand on va passer l'arme à gauche...
L'Aconit: ( tape l'épaule du brun puis murmure au garde, troublé par le pessimisme d'Ansoald ) Reprenez-vous. Vous devez laisser entrer la jeune invitée du Duc, le Lioncourt. Dès qu'elle se présentera, il a exigé qu'on ne la laisse rejoindre le château que dans une discrétion to-tale! Celui qui détient l'autorité a des vices que celui qui l'exécute n'a pas, vous savez... Tout contrevenant se faisant remarquer aurait la tête tranchée.
L'Ansoald (Imite le bruit d'un couperet en claquant la tranche de sa main sur la paume de l'autre, achevant de convaincre le garde qui se signe et opine vivement.) Tranchée.
L'Aconit: Elle est réputée pour n'aimer rien toucher de ses nobles mains, aussi, tout obstacle doit être anticipé. Les portes fermées par exemple. N'avez-vous donc pris aucune des dispositions nécessaires?
Le garde totalement paniqué secoue le chef, et déglutit.

L'Aconit : ( lui tape virilement dans le dos. ) Triple andouille! Nous allons tous mourir par votre faute!
L'Ansoald : ( lui colle une baffe ) Triple andouille! Nous allons tous mourir par votre faute!
L'Aconit: Restez-là et montez la garde! Savez-vous siffler? ( sans lui laisser le temps de répondre ) Si vous la voyez arriver, sifflez trois coups comme une bergeronnette pour nous prévenir. N'oubliez pas! Ce Duc est incontrôlable et prêt à tout pour assouvir ses passions!
L'Ansoald : Faut tout faire ici!

Et le duo d'acolytes d'entrer faisant mine d'être pressé, laissant le pauvre hère tremblant sur ses guiboles tenir la chandelle à la porte.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Ansoald
Tout se passe comme prévu. Cent fois ils ont joué cent scènes. La bonne devait être la cent-unième. Les répliques s'enchaînent, chacun jouant des émotions de l'autre pour composer la sienne. Le planton, cerné par les deux compères, sent la terre se dérober sous ses pieds. Il est essentiel de ne pas lui accorder un instant de répit. Hors de question que le doute frappe à la porte de sa conscience. Quand les mots faiblissent, quand le fil des phrases se rompt, les gestes, les mimiques remplacent le vocable. Dans ses yeux s'allume une étincelle d'esprit: elle est soufflée, immédiatement. Récapituler, répéter, comme un marteau frappe l'enclume, se servir de la crainte de l'ordinaire face à l'extravagant. Noyer le poisson. Le garde fait la carpe. C'est bon signe.

Ansoald admire l'aisance du blondin. Celle d'un homme qui attend de ces subordonnées le niveau absolu d'obéissance qu'il consent à son maître. Il est le bras droit, celui qui frappe, sans se soucier des conséquences. A cela s'ajoute cette morgue aristocratique envers les inférieurs, miroir du comportement de Talieslyn envers ses sujets. Ansoald le pense, et, pour l'avoir subi d'autres nobles, l'envie.

La comédie est terminée. Le succès est total. En pénétrant dans le hall, le voleur s'attendrait aux vivats de la foule, si les souvenirs grisants du théâtre n'appartenaient pas au passé. Le pas léger, le coeur bouffi d'orgueil, il s'engage à la suite du blond dans le dédale des couloirs. Ses mains chatouillent divers objets disposés sur les meubles, comme ce beau chandelier d'argent ou cette pipe en bois, d'une valeur nulle à tout autre qu'aux yeux du larron. La mine réprobatrice de Nicolas le surprend: Ansoald bourre ses côtes d'un coup de poing en lui intimant d'avancer prestement. Ces deux-là ont de drôles de manières. Il en faudrait peu que le brun agresse le blond entre Bourgogne et Champagne pour le dépouiller de ses habits. Or, Nicolas est déterminé à trouver le Maine, c'est important pour lui, donc Ansoald s'abstient. En sa compagnie, il repousse chaque jour les limites du respect.

Peu à peu, l'ivresse retombe. Le bureau du chancelier n'est pas aisé à localiser. Ils s'égarent, se retrouvent à leur grand désarroi dans un couloir déjà emprunté. Heureusement, à l'heure du déjeuner, la chancellerie est déserte. Quelques domestiques profitent de ce calme pour vaquer à leur ménage, indifférents au manége des comparses. Eux gardent une démarche plein d'entrain, optent pour la gauche ou la droite, en donnant l'impression d'aller chaque fois tout droit. Sauf qu'au bout d'un corridor interminable, Ansoald va à dextre et Nicolas senestre. Ils se bousculent. Qui va céder? Ils se défient un instant, avant de tourner la tête, dans une impeccable synchronisation, vers la porte qui leur fait face. Le bureau de l'ambassadeur se trouve là. Ansoald s'exclame:


Et maintenant, entrons!
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--L_aconit.
Nicolas pointe un index androgyne à droite, dans l'angle opposé d'Ansoald.

- Ho! La coquine du Duc!

D'une main plus virile, il le pousse sans ménagement, profitant de l'effet de surprise.


- Moi d'abord.

D'abord hésitant, puis finalement plein d'un courage totalement fallacieux, le breton s'introduit dans l'office et inspecte les lieux. Rien à signaler. Personne à l'horizon. Dites donc, l'heure de la graille ça semble fort sacré en Alençonnais... Finalement arriver jusqu'ici semblait un jeu d'enfant.

En la Tour Giroye qui accueille la Chancellerie Saint-Louis en son sein, le bureau de l'ambassadeur d'Alençon auprès du duché breton ressemble à n'importe quelle étude de clerc. L'on découvre, derrière la lourde porte en bois massif clouté, une pièce propre et rangée.

Éclairée par une étroite fenêtre striée de fer forgé laissant passer la lumière naturelle, la pièce est sobrement décorée par une croix aristotélicienne au mur ouest et deux tentures aux armes de l’Alençon et de la Bretagne au mur nord.
Des documents sont proprement scellés et rangés dans des casiers ainsi qu’une provision conséquente de chandelles de suif assurant au diplomate en poste la possibilité de poursuivre ses lectures et ses rédactions bien après que le soleil se soit couché. Autant dire que celui-ci ne devait pas souvent se fouler ni de jour, ni de nuit, vu le stock quasi intact. Puis entre le DR et la Bretagne, on ne pouvait pas dire non plus que les relations étaient des plus consistantes...

Face à un âtre béant dans lequel flambe un tronc se trouve un secrétaire de bois foncé où sont posés vélins vierges, des missives diplomatiques encore cachetées, copies de traités de ayant cours, une plume d’oie à la pointe fendue et son encrier.

Fort de ces facilités d'accès, le blond laisse trainer ses mains sur les objets, dérobe quelques babioles abandonnées. Un sceau, un buvard replié...
la chancellerie émanait l'ennui le plus épais, bien loin des aventures de trésors vomissant rubis et pièces d'or gardés par des cerbères... Pourtant. L'intuition lui murmurait que si le Retz lui faisait parcourir tant de lieues pour une lettre, c'est que sans doute, elle valait bien son pesant d'or... Restait à annoncer au brun que ledit Trésor n'était qu'un vulgaire vélin scellé aux mots bien ordonnés. Le problème fut bien évidemment repoussé à plus tard. Nicolas souffle donc, comme une vérité absolue:


- Le Trésor se trouve ici, ça ne fait aucun doute...


Et d'un geste aussi vague que décontenancé, l'Aconit désigne l'immense secrétaire dans lequel il engage ses fouilles, sans aucune délicatesse, cherchant avec l'impatience d'une souris près du gruyère son graal... Histoire de vite se tirer d'ici. Malicieux, le jeune spadassin n'avait bien évidement rien laissé au hasard, dès fois que l'entreprise foirerait lamentablement ... Dans sa poche arrière, un faux, signé de la prétendue main du Prince de Retz. Après tout ce qu'ils avaient vécus depuis l'Anjou, il pouvait bien se couvrir en faisant chier le Montfort...


D'un timbre on ne peut plus sérieux et concentré, il annonce de but en blanc:

- Le document date de 1454. Il s'agit d'une correspondance officielle entre le grand duc de Bretagne Elfyn de Montfort et l'ambassadeur de l'époque. Commence par le coté là.


Ni l'un, ni l'autre, n'avait remarqué la porte en trompe l'oeil dissimulant une autre pièce attenante. Peut-être des latrines, d'ailleurs?
Nicolas_ansoald
Pendant que le blond s'introduit dans l'office, le noiraud cherche de l'or.
L'empressement de Nicolas ne l'émeut guère, sur le moment. A ses mots soufflés sur un ton engageant, il répond par une tape sur l'écuyer séant. De même, à la vue de son comparse plongé dans les flots de la paperasse, il se contente de sortir un tiroir de son logement et de renverser son contenu sur le bureau, tel Poséïdon malmenant Ulysse aux mille ruses.


Voilà pour t'aider...Je ne suis pas aussi versé que toi dans la siglothérapie. Tu connais les blasons, moi non. Je te laisse chercher le Gryffondor. Moi, Je couvre tes arrières, ne t'inquiète pas.

En guise d'arrières, il vise ce que le blond laisse dans son sillage. Leurs mains volent d'objet en objet. Il ajoute, gouailleur, avec une tape en prime sur une poche déformée par un petit larcin:

Tu n'as pas le goût des robes, mais ce qui se dérobe, en revanche...

Victuailles bonnes à croquer, inaltérables, comme ce coupe-papier en argent ciselé, ou ce porte-plume en or serti de minuscules rubis, ou encore cette tasse en émail transparent dont l'anse sous le fil de son doigt rappelle à Anso le col d'un cygne. Celui-là même qu'il a tordu un jour de faim dans le parc de la Duchesse de....Le souvenir s'arrête là. Sa main aux longs doigts engloutit les bibelots dans les poches intérieures de son mantel, sans savoir s'il s'agit de verre ou de saphir, de bijou ou de camelote. Ardus à duper sont les revendeurs, davantage que les délestés, mais, foi de renard, rien d'impossible sous le ciel gris. D'autant que les acheteurs au final seront, sous réserve d'un habile marchandage, les premières victimes, eux-même paradant parmi les mirliflores de leur entourage. A date de trente abusés, préemption couvre l'abus, bille de verre devient saphir céleste. Tout le monde, content, sauf le Créateur, peut-être?

Cependant, Nicolas galère à tirer des abysses parcheminées le Trésor dont il a fait grand cas à son comparse. L'heure s'écoule, implacable clepsydre. Le soleil passe en revue les pages dégurgitées par les tiroirs béants, et armoires et bureaux cèlent dans leurs entrailles des mines de vélins. Perché en haut de ces fadaises vertigineuses, Ansoald commence à s'inquiéter. N'a-t-il pas prétendu que ces documents vaudraient, au bas mot, trente ducats la ligne, trois cent florins le paragraphe, trois mille pistoles le chapitre? De quoi tirer la langue à ce Prince prétentieux, qu'il fasse ses adieux aux veaux, vaches, cochons et serfs, qu'il vende même sa florentine aux arabes les mieux-disants et jette ses valets aux Enfers. Un papelard qui ferait son gras pour l'hiver avec, de surcroît, la satisfaction éternelle d'avoir humilié ce Nominoë de pacotille. Au cou d'Anso a disparu la cicatrice de la lame du bourreau, mais la colère brûle encore son épiderme. Mais nulle vengeance sera possible si leur mission fait page blanche. Les vins du festin ne réchaufferont pas le sang amer.

Grisé par les promesses de Nicolas, fragiles comme du verre, fausses par-dessus le marché, il se plonge à son tour dans cette marée incunable. Il ramasse en une seule brassée dix documents qu'il produit à la figure du blondin, dans l'attente de son approbation. Jamais il n'approuve. L'Ansoald file une taloche sur l'arrière de la tête de ce ptit con en poussant force grommellements:


Si nous avions pu mettre la main sur ce foutu ambassadeur, nous l'aurions séquestré pour le forcer à dire où ces documents se trouvent. Quelle foutue perte de temps. A ce rythme, nous serons encore là pour la Noël. Alors, dépêche-toi, mettons la main sur ce Trésor et partons! J'espère au moins qu'il rapportera autant que tu le dis....Comment une simple lettre peut-elle valoir si cher? Qu'est ce qui est révélé de si terrible?
Imbault
Toute sa vie, ou presque, Imbault s'était trouvé penché sur des parchemins.

L'éducation d'un prince de France n'est que peu faite d'aventures, d'exercice des armes et de folles cavalcades. En cette toute fin de Moyen-âge, l'on éduquait les jeunes du monde de sorte à en faire de bons diplomates et de bons politiciens. Pratiquer les armes était un métier à part, l'on embrassait généralement la voie des armes dès son plus jeune âge et l'on en vivait jusqu'à son trépas, sur un champ de bataille la plupart du temps. Imbault lui, avait du suivre la voie que l'on avait tracé par défaut pour lui: celle des lettres. N'ayant eu personne qui se souciait véritablement de son éducation, le jeune garçon s'était laissé porter. Mais depuis peu, la majorité lui avait apporté une liberté qu'il ne se lassait plus de savourer. Imbault s'était extrait du carcan royal qui l'étreignait et enfin, il ne laissait plus à personne d'autre qu'à lui même le choix de la vie qu'il mènerait.

Ainsi, penché depuis des heures sur son secrétaire, le jeune homme releva brusquement la tête. Il laissa retomber la plume qu'il tenait entre ses doigts sur le vélin noirci. Imbault se leva, les poings appuyés sur le bois du secrétaire, et fût pris d'un violent mal de tête. Que faisait-il ici? Trouvait-il du plaisir à s'abîmer ainsi dans le travail? Le prince fût pris d'une forte envie de se dégourdir un peu les jambes. Se dirigeant vers la croisée, il jeta un regard sur la cour en contrebas, celle-ci était désespérément vide. Pouvait-il blâmer ses collègues ambassadeurs? Lui-même ne montrait que peu de zèle à la tâche. Imbault jeta un regard fugace sur la porte de la forteresse, celle-ci restait fort peu gardée. La vieille écorce sèche qui leur servait de garde montrait un air ahuri, certainement encore marqué par la dernière garce venue vendre ses charmes. Ne prêtant que peu d'attention à ce détail, le prince se prît à faire les cent pas dans son bureau. Nombre de questions l'assaillaient: avait-il bien fait de s'installer en Alençon? S'investirait-il bientôt en politique? Eulalie l'aimait-elle vraiment? La vie d'un jeune prince en exil se révélait être un écueil qui procurait bien des difficultés à Imbault.

Lors qu'il était tout occupé à se torturer l'esprit, Imbault remarqua que la porte qui séparait son bureau de celui de l'ambassadeur de Bretagne était légèrement entrouverte. "Mortecouille, qui a laissé cette satané porte ouverte...", murmura le prince. Sans perdre une seconde, il entreprît d'aller la fermer, ne sachant que trop ce qu'il en coûtait de laisser les portes ouvertes lorsque l'on tentait désespérément de chauffer un bâtiment hélas trop vaste.


"...entre le grand duc de Bretagne Elfyn de Montfort et l'ambassadeur de l'époque. Commence par le coté là. "

Avait-il clairement entendu? Des murmures lui venaient de la pièce attenante.
Alençon ne comptait assurément aucun ambassadeur attaché au grand duché de Bretagne, tout comme la plupart des chancelleries du Royaume. Qui donc pouvait se trouver dans cette pièce? Le cœur d'Imbault se mît à battre à tout rompre lors qu'il passait en revue les personnes pouvant se trouver là. Le duc? Que non, le corps diplomatique aurait été prévenu, et celui-ci aurait été accueilli en grande pompe, forcément. La chancelière? Serait-elle allé dans ce bureau-là sans venir le voir au préalable? De même la voix qu'il avait entendu était une voix d'homme, de jeune homme.
D'autres lambeaux de phrases lui parvinrent, dites sur un ton plus acide cette fois-ci. Assurément il se trouvait plusieurs personnes dans cette pièce, et les esprits s'échauffaient.


Tout se déroula assez vite dans l'esprit du jeune prince.
La salle de la garde était assez éloignée de cette aile-ci, à l'heure du repas il n'y avait pas de ronde et Imbault n'avait croisé personne d'autre. Il était donc seul, avec ceux qui ne pouvaient être autres que d'authentiques larrons. Le jeune homme devait agir vite, mais pas sans s'être préparé. Après de longues minutes d'écoute, il ne distingua que deux sortes d'allures, l'une pesée et précautionneuse, l'autre empressée et peu leste.
Deux individus pouvaient vite être maîtrisés, encore fallait-il s'y prendre avec célérité, en ne laissant rien au hasard. Imbault était de sang royal, prince de France, avait été formé au maniement des armes, un minimum et était courageux. Cependant il n'était pas emporté pour autant, de nature humble il savait que toute situation pouvait être retournée en un clin d’œil. Voilà pourquoi il lui faudrait agir avec calme et précaution.


Doucement il poussa la lourde porte de bois pour voir à qui il aurait affaire. Il vît deux jeunes hommes, à peine plus âgés que lui. L'un était blond comme les blés, tandis que l'autre arborait une tignasse bien plus foncée. Ils ne ressemblaient pas au type même du larron de province, leurs gestes étaient étudiés et tout indiquait chez eux une aisance à évoluer en tous lieux. Le jeune homme jugea ses deux adversaires de deux éspèces possibles: bandits-baladins ou bien voleurs de haut vol; attachés au service d'un nom d'importance. Quoi qu'il en soit ils cherchaient quelque chose de précis. Le blond fouillait minutieusement plusieurs piles de parchemins et dépliait de nombreux rouleaux. Que pouvaient-ils bien faire dans le bureau de l'ambassadeur de Bretagne... Etaient-ils au service de la reine? Du grand-duc?

Sans attendre, Imbault poussa avec fracas la porte qui séparait son bureau du deuxième, et dégaina son épée de parade avec rapidité, causant grand bruit et stoppant net les recherches des deux voleurs. Le prince, qui naturellement imposa un ton lourd et une voix caverneuse, pointa son arme en direction des deux garçons et lâcha sans réfléchir:

Holà marauds!

Le geste était sûr et rien n'indiquait que le prochain geste ne pourfendrait pas de ventrail.

Que faîtes-vous ici et pour qui larronnez-vous?

Le prince fît un pas en avant, plissa les yeux et ajouta:

Répondez prestement ou il vous en cuira.
Je pourrais vous faire bastonner par le guêt. Ou vous rosser ici moi-même.

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L.aconit
[ "Je crois qu'on n'a pas vu une tentative d'esbrouffe aussi vouée à l'échec que celle ci depuis 1421"- Jd Anso ]


***



L'Aconit tire de ses mains habiles, les courriers les plus secrets, et extrait de la masse après bien des déconvenues LE Courrier .Ce courrier que le Prince désirait pour une quête des plus obscures, menant au trésor le plus mystérieux. Le blondin a juste le temps de l'enfouir sous sa chemise, que l'irruption de l'homme le fait sursauter de surprise, et lui arrache une exclamation quasi colérique.


- Doucement ! Maraud ? Que nenni ! Nous sommes envoyés par le Prince de Retz !


Il tire le faux de sa poche, le brandit comme une croix au devant du Sans Nom. Toujours envisager le pire... Être surpris entrain de saccager une pièce dans un tel bâtiment pouvait bien les conduire à la corde. Détaillant l'homme très jeune en question et lançant un regard confiant à Ansoald, il n'en restait pas moins que le jeune breton était à deux doigt de chier dans sa culotte. Gruger les gens restait toujours une manœuvre hasardeusement périlleuse...


- Voyez-vous même ... Ce pli officiel ... Pour vous convier en Bretagne le rencontrer. Il doit vous faire part d'une affaire de la plus haute importance et ce de toute urgence!


Il fit discrètement signe à Ansoald de cacher les menus " emprunts" sur lesquels il avait jeté son dévolu. Si Nicolas avait une chance insolente, il ne tentait pas le diable non plus. Contre sa poitrine tambourinante, la lettre tant recherchée, lui apportait un peu de soutien. Qu'importe la suite des événements il avait son dû... Ne restait qu'à sauver ses attributs en prenant un air des plus attéré .


- De plus, nous avons eu énormément de peine à vous trouver, à cause de ces gardes qui n'espéraient laisser passer que de belles et frivoles jeunes femmes... Il nous a fallu vous attendre ici, et passer le temps. J'ai un penchant très compulsif pour le rangement je l'avoue. Ce désordre ne m'a pas laissé d'autres choix que de classifier vos papelards, par taille, date et couleur. N'est-ce pas là un superbe début de dégradé?


Il désigna le fouillis abstrait dont ils étaient la cause.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) - Recueil
Nicolas_ansoald
Si longue et fastidieuse est cette quête du bon papelard qu'Ansoald en perd sa vigilance. L'arrivée inopinée de l'ambassadeur le surprend en plein travail, les mains dans les poches. Pleines de ces petits objets carottés en flânant.

Impassible n'est pas Ansoald, sauf quand il se met à tricher. Cependant, les élucubrations de son complice le mettent à rude épreuve. Les zygomatiques le travaillent si bien qu'un effort souverain est demandé aux commissures de ses lèvres. Hélas, l'envolée finale du blondin balaye toute sa concentration. Il rit. Un rire clair et percutant. Un superbe début de dégradé? Ce foutoir l'est beaucoup moins que leur présente situation!

Désormais que le rire est tiré, il faut le vivre. Ansoald l'exagère. Il tire les mains des poches pour se taper les cuisses. Il orne les épaules de Nicolas de ses paluches blanches. Il prend l'ambassadeur à témoin.


Ce breton est fol, n'est-il pas? Pourtant, c'est la vérité, l'entière et stricte vérité, nous sommes envoyés par le Prince de Retz, en personne! L'homme le plus puissant de Bretagne! Le descendant d'une lignée illustre des seigneurs qui ont résisté à César, vaincu Charlemagne et tiennent tête encore au Roy de France lui-même! Si vous aviez vu de vos yeux la cour qu'il entretient! Les plus grands artistes lui dressent le portrait, les musiciens les plus illustres chantent des balades en son nom, les astrologues lui prédisent l'avenir d'un dieu! C'est le vin le meilleur qui coule à sa table et chacun, à la fin des somptueux banquets, roulent sous la table. Sauf lui, l'esprit sobre, la mine altière, jetant à poignées sur ces fidèles cet or qu'il dédaigne! Le prince de Retz, mes aïeux, le prince de Retz!

S'approchant à pas comptés d'Imbaut, il peut lui faire croire qu'il se méfie de son épée, visiblement trop lourde pour son frêle poignet. Or, il s'agit plutôt pour éviter de faire "bling-bling" par le choc des larcins dissimulés dans son habit de saison. Il affiche un sourire des plus affables, oeil complice et front serein, et engage l'ambassadeur sur le ton de la conversation

Vous rendre à la cour du Prince, n'est-ce pas une fabuleuse aventure qui vous y attend? Je connais l'ingrate mission qui vous incombe quotidiennement, du moins j'en ai entendu parler, et rien n'est plus injuste que de voir l'ambition mal récompensée. Aussi, vous devriez apprécier, en homme clairvoyant -cela se voit de suite!-, l'heureuse fortune qui vous est faite. Oublions là ce petit incident, cet excès de zèle de mon compagnon de voyage. Il a été très éprouvé récemment, les mainoises, ah les mainoises, oh les mainoises, lui tournent la tête. Alors voilà:
si vous fermez les yeux sur ces...distractions, vous pourrez en retour raconter à tout le monde, gentes dames y compris, que vous avez rossé deux messagers que vous avez pris pour des brigands. Vous pourrez même en faire le récit détaillé à la cour du prince du Retz et nous corroborerons vos dires! Ainsi, tout se passera bien....


Conclut-il avec un reliquat de sourire accroché au museau, une virgule, riche de surprise, propice aux embuscades, une virgule qui peut balancer une phrase, six pieds de concert, six pieds sous terre.
--Imbault.
Fichtre, quelle guigne c'était de n'avoir point froid aux yeux.
Le manque de prudence d'Imbault lui valait à présent cette situation fort cocasse, dans l'un des bureaux de la chancellerie Saint Louis. La menace était lancée, réaction y avait été faite et désormais, tous trois étaient pendus à ses propres lèvres. Par sa réaction il scellerait soit sa propre perte en perdant pied et se faisant percer par l'un de ces mandrins; soit la fin d'un épisode incongru de plus au sein des ambassades. Fichtre était le mot. Toujours était-il que le prince ne pouvait perdre pied, il semblait avoir impressionné, tout du moins surpris les deux larcineurs, et ne devait pas perdre ce menu avantage.

Le premier homme, pris comme un lapin au collet, tenta une justification qui, si elle semblait tirée d'un chapeau, tenait toutefois la route.


Une invitation du prince de Retz à mon adresse?

Imbault avait vaguement entendu parler de ce personnage de la noblesse bretonne. Aux dernières nouvelles il se trouvait en bisbille avec la classe dirigeante du grand duché.
Il n'en fallu pas plus pour attiser la curiosité du jeune homme.


Et quand bien même vos fadaises étaient vraies, que ne vous êtes-vous pas rendus en honnêtes hommes en ma demeure, me trouver, comme tout le monde le fait?

Cette histoire semblait décousue et bien ficelée à la fois. De ce qu'il avait perçu à travers la porte, de son bureau, il savait que ces deux hommes n'étaient pas là pour lui. mais ce jeu commençait à lui plaire. De plus, il s'ennuyait, pourquoi ne se ferait-il pas enquêteur au service de l'Alençon? Enquêteur auto-proclamé, bien sûr. Hin hin.
Ignorant les tentatives désespérées du plus sensé des deux pour justifier le vol de vulgaires coupe-papiers et de vagues encriers, Imbault était tout au spectacle du deuxième homme, qui semblait bien connaître son compère. Ainsi les deux hommes se connaissaient, ils avaient certainement prévu cette entreprise de longue date. Mais quel lien avec ce damné prince breton?

Ecoutant sans mot dire, le visage impassible, l'ambassadeur pointa son épée d'une main assurée, vers le torse du second voleur.


N'approchez pas.

Reprenant subrepticement son souffle, le prince reprît:

Savez-vous à qui vous vous adressez, sieur coquin?
J'ai sans doute connu plus de fastes et entendu plus de ballades que son altesse de Retz.
Je ne suis pas une bonne femme à qui vous espérerez vendre un onguent à la foutre de bouc soignant les verrues, sur le Pont-au-change.
Reprenez-vous, vous vous trouvez devant Imbault Guilhem de Troy, lui même prince français.


D'aucun pourraient penser qu'Imbault n'en pouvait plus d'orgueil, et qu'il prenait de haut les deux hommes simplement car ils se trouvaient de l'autre côté de son épée. Mais non, ce ton était typiquement celui d'un homme de son rang, se sentant attaqué et ne sachant réellement comment réagir, feignant ainsi l'assurance. En réalité, le jeune homme était amusé, et entendait bien pousser cette affaire à son terme.

S'adressant aux deux voleurs, il déclara:


Messires, je vous ai surpris en plein larcinage et de ce fait, vous êtes mes prisonniers.
De part mon titre j'ai droit de justice sur les larrons. Ainsi, si vous êtes réellement hommes du prince de Retz, nous irons par-devant lui ensemble. Vous le dîtes honnête, vous vous conduirez donc en honnêtes prisonniers, et en retour je ne vous contraindrai par aucun lien, lors que nous irons chez lui.

Une fois arrivés, si de Retz est aussi noble que vous le prétendez, il saura quoi faire de vous, et me donner les réponses que j'attends.


Imbault était courageux presque autant qu'il était naïf, de fait il n'avait pas remarqué le document qui avait été subtilisé, de même qu'il n'envisageait certainement pas une seconde le bourbier dans lequel il s'était engagé.
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